ii.404 recours en contestation de validité du contrat

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II.404-1
DSP PROCÉDURE DE PASSATION
v
Benoît Neveu CONTENTIEUX DE LA PASSATION
RECOURS EN CONTESTATION
DE VALIDITÉ DU CONTRAT
II.404
Mots clés .
.
Ce qu’il faut retenir
ANNULATION DU CONTRAT ●
ANNULATION POUR EXCÈS ●
DE POUVOIR DES ACTES
PRÉALABLES DÉTACHABLES
CONCURRENT ÉVINCÉ ●
DROIT DES COCONTRACTANTS ●
INDEMNISATION ●
INTÉRÊT GÉNÉRAL ●
JUGE DU CONTRAT ●
Les litiges relatifs à la validité des
conventions de délégation de service public peuvent être portés par
un concurrent évincé devant le
juge du contrat, lequel exerce à
cette occasion un contrôle de plein
contentieux.
c Le juge apprécie les conséquences des vices constatés et peut soit
prononcer la résiliation du contrat,
soit modifier certaines de ses clauses, soit encore décider de la pourc
suite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de
régularisation par la collectivité
délégante, soit accorder des
indemnisations en réparation des
droits lésés, soit sous réserve de
l’absence d’atteinte excessive à
l’intérêt général ou aux droits des
cocontractants, annuler, totalement ou partiellement, le cas
échéant avec un effet différé, le
contrat.
TEXTES CODIFIÉS
Code de justice administrative
v Art. R. 421-1
TEXTES NON CODIFIÉS
Pas de dispositions non codifiées
LITIGE ●
MESURES DE PUBLICITÉ ●
APPROPRIÉES
RECOURS DE PLEINE ●
JURIDICTION
RÉSILIATION DU CONTRAT ●
SUSPENSION ●
DE L’EXÉCUTION DU CONTRAT
VALIDITÉ DU CONTRAT ●
II.404-1 Généralités
1 | L’arrêt « Tropic »
Au travers de son arrêt d’assemblée du 16 juillet 2007,
« Société Tropic Travaux Signalisation », le Conseil d’État a
ouvert une nouvelle voie de recours aux candidats évincés
d’une procédure de mise en concurrence, et notamment
d’une procédure de délégation de service public.
Cette nouvelle voie de recours, communément appelée
« recours Tropic », leur permet, d’une part, de saisir directement le juge du contrat de conclusions aux fins d’annulation
du contrat, et d’autre part, d’introduire en parallèle un
référé-suspension aux fins d’obtenir, dans l’attente de la
décision au fond du juge administratif, la suspension du
contrat contesté.
JURISPRUDENCE
CE Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545,
publié au recueil Lebon :
« Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d’un
contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de
pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses
clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif
à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis
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– DSP – Décembre 2012
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mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation
dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu’à partir de la conclusion du
contrat, et dès lors qu’il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé
n’est, en revanche, plus recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;
Considérant que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il
appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du
contrat, d’en apprécier les conséquences ; qu’il lui revient, après avoir pris en
considération la nature de l’illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de
décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de
mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d’accorder des
indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si
l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général
ou aux droits des cocontractants, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas
échéant avec un effet différé, le contrat ; que, par ailleurs, une requête contestant la validité d’un contrat peut être accompagnée d’une demande tendant, sur
le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de son exécution […]
Considérant qu’il appartient en principe au juge d’appliquer les règles définies
ci-dessus qui, prises dans leur ensemble, n’apportent pas de limitation au droit
fondamental qu’est le droit au recours ; que toutefois, eu égard à l’impératif de
sécurité juridique tenant à ce qu’il ne soit pas porté une atteinte excessive aux
relations contractuelles en cours et sous réserve des actions en justice ayant le
même objet et déjà engagées avant la date de lecture de la présente décision, le
recours ci-dessus défini ne pourra être exercé qu’à l’encontre des contrats dont
la procédure de passation a été engagée postérieurement à cette date ».
2 | Système contentieux antérieur
à l’arrêt « Tropic »
La création prétorienne d’un recours en contestation de validité du contrat a permis de simplifier la tâche des concurrents évincés souhaitant contester, par un recours au fond, la
légalité d’une procédure de passation d’un contrat public.
Le système antérieur reposait sur l’idée qu’un tiers à un
contrat administratif ne peut valablement saisir le juge du
contrat afin d’obtenir son annulation.
Mise à part l’hypothèse du recours en annulation de clauses
réglementaires ou du contrat d’engagement d’un agent
public, la seule solution consistait à contester par la voie du
recours en excès de pouvoir la légalité d’un acte détachable
du contrat, tel que la décision de passer le contrat, la décision de rejet de son offre ou encore la décision de signer le
marché.
Le requérant pouvait alors assortir sa requête de conclusions
tendant à obtenir du juge qu’il enjoigne à l’administration, si
celle-ci ne pouvait obtenir la résolution amiable du contrat,
de saisir le juge du contrat qui pouvait seul, et dans ce cadre
uniquement, prononcer l’annulation de la convention.
Cette complexité excessive aboutissait le plus souvent à
priver de réelle efficacité le recours du concurrent évincé, le
contrat étant le plus souvent, au jour où le juge du contrat
était enfin amené à statuer, entièrement exécuté.
3 | Caractère exclusif du recours
« Tropic »
Dès lors qu’il dispose de la possibilité d’introduire un
recours « Tropic », le candidat évincé n’est désormais plus
recevable à introduire un recours en excès de pouvoir contre
les actes détachables du contrat : « qu’à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu’il dispose du recours ci-dessus
défini, le concurrent évincé n’est, en revanche, plus recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des
actes préalables qui en sont détachables ».
Ainsi, le recours en excès de pouvoir introduit avant la
signature du contrat devient sans objet et celui introduit
après n’est plus recevable.
Il faut par ailleurs relever que pour que la fin de nonrecevoir tirée de l’existence du recours « Tropic » puisse lui
être opposée, d’une part, le requérant doit nécessairement
avoir la qualité de « concurrent évincé », et d’autre part, le
contrat contesté doit avoir été signé.
Cette irrecevabilité est naturellement acquise quand bien
même le recours en excès de pouvoir aurait été introduit
antérieurement à la date de publication de l’avis d’attribution et que le requérant n’a eu connaissance de la signature
que par le mémoire en défense de l’administration.
Il peut en effet dans cette dernière hypothèse, sous réserve
de la recevabilité ratione temporis de telles conclusions, saisir
le juge du contrat d’un recours « Tropic ».
À noter à cet égard une intéressante décision de la cour
administrative d’appel de Lyon qui, à l’instar du mécanisme
mis en œuvre par l’arrêt de section du Conseil d’État
« Société Citécable Est » permettant au requérant d’invoquer pour la première fois en appel, à la suite de l’annulation
de son contrat par un tribunal administratif, la responsabilité délictuelle de l’administration, semble admettre que
l’appelant forme pour la première fois en appel des conclusions aux fins d’annulation du contrat :
« Considérant que, si la société Portelinha, qui, n’ayant été
informée que par le mémoire en défense présenté au cours
de l’instance d’appel de ce que le contrat avait été signé,
aurait été de ce fait recevable à former pour la première fois
devant la cour le recours de pleine juridiction dont, ainsi que
dit ci-dessus, elle disposait après cette signature, elle s’en est
abstenue ; que, dans ces conditions, ses conclusions, qui
tendent seulement à l’annulation d’un acte détachable du
contrat, ne peuvent qu’être déclarées sans objet ».
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De la même façon, le requérant semble pouvoir être admis à
modifier le fondement juridique de sa requête en sollicitant
non plus l’annulation d’un acte détachable, mais l’annulation du contrat :
« Considérant que tout concurrent évincé de la conclusion
d’un contrat administratif dont la procédure de passation a
été engagée postérieurement au 16 juillet 2007, est recevable
à former un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses ; que, néanmoins, rien ne s’oppose à ce qu’il soit recevable à présenter
un recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes
détachables du contrat si, à la date d’enregistrement du
recours, le contrat n’a pas été conclu ; que, dans cette hypothèse, ledit recours perdra son objet si le contrat est signé en
cours d’instance, le demandeur devant alors diriger ses
conclusions contre le contrat lui-même ».
Cette approche a au demeurant déjà été admise par le
Conseil d’État, s’agissant d’une requête en référé précontractuel, transformé en cours d’instance en référé contractuel.
JURISPRUDENCE
– CE Sect. 20 octobre 2000, Société Cité-Câble Est, req. n° 196553 ; Rec. CE
2000, p. 457.
– TA Caen 9 juillet 2009, Société Foncière d’investissements immobiliers, req.
n° 0800458.
– CE 10 novembre 2010, Société AGRIMER, req. n° 340944.
– CAA Paris 1er février 2011, Société Vedalab, req. n° 09PA01746.
– CAA Lyon 7 avril 2011, SARL Ambulances du Livradois Forez, req.
n° 09LY01896.
– CAA Marseille 4 juin 2012, Société Azur Fêtes, req. n° 09MA01929.
– CAA Lyon 5 janvier 2012, Société Portelinha, req. n° 10LY02248.
– CAA Lyon 12 janvier 2012, Société Portelinha, req. n° 10LY02249.
– CAA Lyon 2 février 2012, S. A.R. L. Lapied, req. n° 10LY02198.
– CAA Bordeaux 5 juillet 2012, Cabinet d’assurances AXA A, req. n° 11BX00962.
II.404-2 Conditions de recevabilité
1 | Un recours introduit à l’encontre
d’un contrat dont la procédure
de passation a été engagée
postérieurement au 16 juillet 2007
● Principe. — Le recours « Tropic » ne peut être exercé qu’à
l’encontre des contrats « dont la procédure de passation a été
engagée postérieurement » à la date de lecture de l’arrêt du
Conseil d’Etat.
Une procédure de consultation est considérée comme
engagée au jour de publication de l’avis d’appel public à la
concurrence.
JURISPRUDENCE
– CAA Douai 27 avril 2010, Cabinet MPC Avocats, req. n° 08DA01633.
– CAA Paris 1er février 2011, Société Vedalab, req. n° 09PA01746.
– CAA Douai 8 mars 2011, Société Soreve, req. n° 09DA00875.
● Exception. — Sont néanmoins recevables les conclusions
tendant à obtenir l’annulation d’un contrat administratif
dont la procédure de passation est antérieure au 16 juillet
2007, dès lors qu’elles ont été introduites devant le juge
administratif antérieurement à cette date.
La jurisprudence se montre à cet égard rigoureuse en refusant de requalifier les conclusions en annulation d’acte détachable en conclusions en annulation du contrat. Elle considère que : « un recours en annulation d’un acte détachable
du contrat ne saurait s’analyser comme une action en justice
ayant le même objet que le recours contestant la validité du
contrat ouvert par la jurisprudence [« Tropic »], quand bien
même la finalité poursuivie par le requérant, soit la résiliation ou l’annulation du contrat, serait la même dans les deux
cas ».
JURISPRUDENCE
– CE 22 décembre 2008, Société Berri Développement, req. n° 313677.
– CAA Bordeaux 4 mars 2010, Société Nicollin, req. n° 08BX02366.
– CAA Bordeaux 20 octobre 2011, Département de la Martinique, req.
n° 10BX01145.
2 | Un recours introduit à l’encontre
d’un contrat administratif
Le recours « Tropic » ne peut être exercé qu’à l’encontre
d’un « contrat administratif ».
● Critères de qualification. — Un contrat doit être regardé
comme administratif dès lors que, sauf dispositif législative
expresse, celui-ci comporte une clause exorbitante de droit
commun ou fait participer le cocontractant de l’administration à l’exécution du service public.
Une délégation de service public est donc par définition un
contrat administratif puisqu’elle a pour objet de permettre à
une personne morale de droit public de confier la gestion
d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé (CGCT, art. L. 1411-1).
JURISPRUDENCE
– CE Sect. 20 avril 1956, Époux Bertin ; Rec. CE, p. 167.
– CE 8 octobre 2010, Société d’HLM un toit pour tous, req. n° 316723.
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– CE 31 juillet 1912, Sté des granits porphyroïdes des Vosges ; Rec. CE, p. 909,
concl. L. Blum.
● Contrats administratifs non soumis à obligation de publicité et de mise en concurrence. — Se pose la question de
savoir si le champ d’application de la jurisprudence « Tropic
Travaux Signalisation » s’applique aux seuls contrats soumis
expressément par un texte à une obligation de publicité
et/ou de mise en concurrence, ou si au-delà le concurrent
évincé d’une mise en concurrence librement organisée par
une personne publique serait également fondé à se prévaloir
de cette jurisprudence pour contester la validité du contrat
concerné. Cette question revêt un intérêt notamment en ce
qui concerne les conventions d’occupation du domaine
public qui ne sont pas soumises à une obligation de mise en
concurrence (voir CE 3 décembre 2010, Ville de Paris et
Association Paris Jean Bouin, req. nos 338272 et 338527),
mais qui en pratique en font fréquemment l’objet. Le juge
administratif ne s’est pas encore véritablement prononcé sur
cette question. On peut toutefois observer que compte tenu
des termes très généraux de l’arrêt « Société Tropic Travaux
Signalisation », qui se réfère à « tout concurrent évincé de la
conclusion d’un contrat administratif », rien ne devrait
s’opposer à ce qu’un recours « Tropic » soit engagé à
l’encontre de contrats administratifs pour lesquels aucune
procédure de passation n’est requise.
Il devrait en aller de même de recours dirigés à l’encontre
d’avenants pour la conclusion desquels le requérant soutient
qu’ils constituent en réalité de nouveaux contrats, pour lesquels une nouvelle procédure de mise en concurrence aurait
dû être engagée.
3 | Un recours introduit par un concurrent
évincé
Le recours « Tropic » n’est ouvert qu’aux « concurrents
évincés ».
Le Conseil d’État exigeait initialement dans sa décision
« Tropic » que le requérant ait présenté sa candidature à
l’attribution du contrat. Il a ensuite admis que le requérant
non candidat, fasse état d’éléments justifiant qu’il aurait pu
être candidat.
La qualité de concurrent évincé est désormais reconnue à
tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat,
alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il
n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait
présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable.
Le titulaire du contrat n’a en revanche pas qualité à agir.
JURISPRUDENCE
– CE Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545,
publié au recueil Lebon.
– CE 16 novembre 2009, Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité
nationale et du Développement solidaire, req. n° 328826.
– CAA Lyon 22 mars 2012, Société Gimaex, req. n° 11LY01317.
– CE Avis 11 avril 2012, Société Gouelle, req. n° 355446.
4 | Délai de saisine et mesures
de publicités appropriées
Le recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté
est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à
compter de l’accomplissement « des mesures de publicité
appropriées ».
Le Conseil d’État a indiqué dans l’arrêt « Tropic » que ces
mesures de publicité appropriées pouvaient consister en la
publication d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du
contrat et les modalités de sa consultation dans le respect
des secrets protégés par la loi.
Plusieurs arrêts de cours administratives d’appel ont exigé
expressément que la mesure de publicité mentionne les
modalités de consultation du contrat.
Par ailleurs cette publicité doit concerner la conclusion du
contrat en elle-même de telle sorte que la notification du
rejet d’une offre ne peut être regardée comme suffisante.
En outre, il a été jugé que le degré de publicité de la signature du contrat doit correspondre à celui exigé pour sa passation. Ainsi, ne peut constituer une mesure de publicité
appropriée la publication d’un avis d’attribution dans un
journal local, alors que le montant du contrat imposait la
publication d’un avis d’appel public à la concurrence au
Bulletin officiel des annonces des marchés publics.
JURISPRUDENCE
– CE Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545,
publié au recueil Lebon.
– CAA Marseille 15 octobre 2009, Société X, req. n° 07MA03259.
– CAA Lyon 5 mai 2011, Société SMTP, req. n° 10LY00134.
– CAA Lyon 22 mars 2012, Société Gimaex, req. n° 11LY01317.
5 | Obligation de joindre la décision
attaquée
L’article R. 421-1 du code de justice administrative dispose
que :
« Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut
être saisie que par voie de recours formé contre une déci-
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sion, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou
de la publication de la décision attaquée ».
Le recours « Tropic » est un recours de pleine juridiction
contestant la validité d’un contrat ou de certaines de ses
clauses, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires.
Ce recours a donc à la fois pour objet de contester la légalité
d’un contrat et de solliciter l’indemnisation du préjudice en
résultant.
L’application de l’article R. 421-1 du code de justice administrative suppose donc que le recours soit accompagné,
sauf en matière de travaux publics, de la copie du contrat,
ou à tout le moins de l’accusé réception du courrier en sollicitant la communication, ainsi que de la décision explicite
ou implicite de rejet des demandes indemnitaires.
En revanche, la demande indemnitaire préalable n’a pas à
être adressée à l’administration dans les deux mois de la réalisation des « mesures de publicité appropriées », pas plus
que les conclusions indemnitaires, nécessairement motivées
et chiffrées, accompagnant les conclusions aux fins d’annulation du contrat.
JURISPRUDENCE
– CAA Marseille 15 octobre 2009, Société X, req. n° 07MA03259.
– CAA Douai 27 avril 2010, Cabinet MPC Avocats, req. n° 08DA01633.
– CAA Douai 8 mars 2011, Société Soreve, req. n° 09DA00875.
– CE Avis 11 mai 2011, Société Rebillon Schmit Prevot, req. n° 347002.
– CE 4 juillet 2012, Ministre de la Défense et des anciens Combattants, req.
n° 352714.
constance que les vices auxquels ces moyens se rapportent
aient été susceptibles de léser le requérant.
JURISPRUDENCE
– CE Sect. 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, req. n° 305420, RFDA 2008, p. 1128,
concl. B. Dacosta.
– CAA Marseille 10 octobre 2011, Département de la Corse du Sud, req.
n° 09MA04637.
– CAA Bordeaux 20 octobre 2011, Département de la Martinique, req.
n° 10BX01145.
– CE Avis 11 avril 2012, Société Gouelle, req. n° 355446.
2 | Typologie des moyens invocables
Les moyens susceptibles d’être invoqués à l’appui d’un
recours Tropic sont multiples :
a) Moyens tirés des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence de l’autorité délégante
– absence d’avis de publicité ou publicité insuffisante ;
– insuffisance des capacités techniques, professionnelles et
financières de l’attributaire ou au contraire capacités suffisante d’un candidat évincé pour ce motif ;
– erreur manifeste d’appréciation ;
– offre non conforme aux prescriptions impératives du règlement de la consultation ;
– non-respect des règles encadrant la négociation ;
– application d’un critère non mentionné dans le dossier de
consultation des entreprises ;
– non-respect de la pondération des critères ;
II.404-3 Moyens invocables
1 | Inopposabilité de la jurisprudence
SMIRGEOMES
Le Conseil d’État considère qu’il appartient au juge des
référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le
saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée
et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont
susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de
façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
Cette exigence n’a pas été étendue au recours « Tropic », le
requérant pouvant, à l’appui de son recours en contestation
de la validité du contrat, mais aussi de ses conclusions
indemnitaires présentées à titre accessoire ou complémentaire invoquer tout moyen.
Il ne résulte en effet d’aucun texte ni principe que le caractère opérant des moyens soulevés soit subordonné à la cir-
– insuffisance du délai de mise en concurrence et absence de
garantie du secret des offres ;
– erreur dans l’analyse des offres, qui compte tenu de la
faible différence entre les deux premières offres, aurait pu
conduire l’autorité délégante à lui donner la possibilité de
négocier.
JURISPRUDENCE
– CAA Marseille 15 octobre 2009, Société X, req. n° 07MA03259.
– CE 16 novembre 2009, Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité
nationale et du Développement solidaire, req. n° 328826.
– CAA Nantes 16 décembre 2010, Commune d’Epron, req. n° 09NT02195.
– CAA Lyon 5 mai 2011, Société SMTP, req. n° 10LY00134.
– CAA Marseille 10 octobre 2011, Département de la Corse du Sud, req.
n° 09MA04637.
– CAA Marseille 21 octobre 2011, Société SCAM TP, req. n° 08MA04768.
– CAA Lyon 24 novembre 2011, Société Crystal, req. n° 10LY02005.
– CAA Paris 20 mars 2012, CNAVTS, req. n° 11PA02323.
– CAA Lyon 22 mars 2012, Régie départementale des transports de l’Ain, req.
n° 11LY01323.
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– CAA Lyon 22 mars 2012, Société Gimaex, req. n° 11LY01317.
– CAA Marseille 4 juin 2012, Société Azur Fêtes, req. n° 09MA01928.
– CE 4 juillet 2012, Ministre de la Défense et des anciens Combattants, req.
n° 352714.
b) Moyens tirés de la méconnaissance d’une disposition
législative ou réglementaire relative à l’objet et l’étendue du
contrat.
JURISPRUDENCE
CE 16 novembre 2009, Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité
nationale et du Développement solidaire, req. n° 328826.
c) Moyens tirés de l’insuffisance d’information sur les motifs
de rejets d’une offre et sur le délai que s’impose l’autorité
délégante avec de signer le contrat.
JURISPRUDENCE
CAA Bordeaux 5 juillet 2012, Cabinet d’assurances AXA A, req. n° 11BX00962.
3 | Cause juridique des moyens
Le juge administratif considère traditionnellement que le
requérant n’est pas fondé à soulever, après l’expiration du
délai de recours ou du délai d’appel ou de pourvoi, un
moyen (sauf d’ordre public) tenant à une cause juridique
distincte de celles soulevées dans ce délai.
La jurisprudence distingue ainsi en excès de pouvoir les
moyens se rattachant à la légalité interne de la décision de
ceux relatifs à sa légalité externe.
Il existe en plein contentieux autant de causes juridiques que
de fondements de responsabilité (responsabilité contractuelle, responsabilité extracontractuelle pour faute, responsabilité sans faute, responsabilité quasi-contractuelle).
Le recours « Tropic » étant un recours de plein contentieux
totalement autonome, il est difficile d’identifier les différentes causes juridiques susceptibles d’être identifiées par le
juge administratif.
Il a simplement été jugé que tous les moyens relatifs aux
« fautes », c’est-à-dire aux irrégularités commises par l’administration lors de la passation du contrat se rattachent à une
cause juridique identique.
JURISPRUDENCE
– CE Sect. 20 février 1953, Sté Intercopie ; Rec. CE 1953, p. 88.
– CE Ass. 15 juillet 1954, Sté des aciéries et forges de Saint-François ; Rec. CE,
p. 482 ; AJDA 1954, p. 205, concl. P. Laurent.
– CAA Marseille 15 octobre 2009, Société X, req. n° 07MA03259.
II.404-4 Pouvoirs du juge
1 | Diversité des sanctions
● Principe. — Le recours « Tropic », en sa qualité de recours
de pleine juridiction, confère une importante marge de
manœuvre au juge administratif, qui, constatant l’existence
d’un vice doit prendre en considération ses conséquences
pour décider de prononcer ou non son annulation.
Il peut ainsi, en considération de l’illégalité commise :
– soit prononcer la résiliation du contrat ou modifier certaines de ses clauses ;
– soit décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante ;
– soit accorder des indemnisations en réparation des droits
lésés ;
– soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne
porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux
droits des cocontractants, annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.
● Origine de la solution.
— Ce large pouvoir d’appréciation
conféré au juge administratif, propre à l’office du juge du
plein contentieux, n’est pas une nouveauté en contentieux
administratif.
Ainsi, le juge de l’exécution, saisi par un tiers avant la création du recours « Tropic », pour qu’il enjoigne à une partie
au contrat de saisir le juge compétent afin d’en constater la
nullité, à la suite de l’annulation par le juge de l’excès de
pouvoir d’un acte détachable, devait-il prendre en compte la
nature de l’acte annulé ainsi que le vice dont il était entaché
et vérifier que la nullité du contrat ne porterait pas une
atteinte excessive à l’intérêt général.
JURISPRUDENCE
CE 10 décembre 2003, Institut de recherche pour le développement, req.
n° 248950.
2 | Typologie des vices et des sanctions
attachées
Il a pu être jugé que justifiaient l’annulation du contrat :
– l’insuffisant degré de publicité de l’avis d’appel à la
concurrence ;
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CONTENTIEUX DE LA PASSATION
– son attribution à un soumissionnaire ayant présenté une
offre non-conforme aux exigences du règlement de consultation et au projet de contrat ;
eaux usées. Dans une autre affaire, le juge s’est limité à une
résiliation avec effet différé d’une délégation de service
public de transport terrestre de voyageurs.
– l’irrégularité de nature à modifier le choix de l’attributaire
telle que la modification de la pondération des critères ou
des erreurs matérielles ;
JURISPRUDENCE
– CAA Marseille 21 octobre 2011, Société SCAM TP, req. n° 08MA04768.
– CAA Lyon 22 mars 2012, Régie départementale des transports de l’Ain, req.
n° 11LY01323.
– l’insuffisance du délai de mise en concurrence et l’absence
de garantie du secret des offres.
JURISPRUDENCE
– TA Caen 9 juillet 2009, Société Foncière d’investissements immobiliers et
FONCIM, req. n° 0800458.
– CAA Marseille 10 octobre 2011, Département de la Corse du Sud, req.
n° 09MA04637.
– CAA Marseille 21 octobre 2011, Société SCAM TP, req. n° 08MA04768.
– CAA Lyon 24 novembre 2011, Société Crystal, req. n° 10LY02005.
– CAA Paris 20 mars 2012, CNAVTS, req. n° 11PA02323.
– CAA Lyon 22 mars 2012, Société Gimaex, req. n° 11LY01317.
– CAA Bordeaux 5 juillet 2012, Cabinet d’assurances AXA A, req. n° 11BX00962.
3 | Atteinte excessive à l’intérêt général
Le juge administratif se montre relativement rigoureux dans
l’appréciation de l’atteinte excessive portée à l’intérêt
général, et l’écarte souvent sans justifier réellement sa décision.
Il a, à plusieurs fois récemment précisé que l’annulation de
contrats entièrement exécutés ne porte pas une atteinte
excessive à l’intérêt général même si celle-ci peut être de
nature à priver le maître d’ouvrage des garanties postcontractuelles qui y sont attachées.
JURISPRUDENCE
– CAA Nantes 16 décembre 2010, Commune d’Epron, req. n° 09NT02195.
– CAA Marseille 21 octobre 2011, Société SCAM TP, req. n° 08MA04768.
– CAA Lyon 24 novembre 2011, Société Crystal, req. n° 10LY02005.
– CAA Paris 20 mars 2012, CNAVTS, req. n° 11PA02323.
– CAA Lyon 22 mars 2012, Société Gimaex, req. n° 11LY01317.
– CAA Marseille 4 juin 2012, Société Azur Fêtes, req. n° 09MA01928.
– CAA Bordeaux 5 juillet 2012, Cabinet d’assurances AXA A, req. n° 11BX00962.
Le juge se réfère le plus souvent à l’objet du contrat pour
juger de l’atteinte excessive portée ou non à l’intérêt général.
En matière de délégation de service public, il ne fait pas de
doute que l’atteinte à la continuité du service public puisse
notamment constituer un motif légitime avancé par l’autorité délégante, motif qui ne sera toutefois pas forcément
retenu par le juge. Ainsi, saisi de tels arguments, le juge
administratif n’a pourtant pas hésité à annuler une convention d’affermage du service public de l’assainissement des
Si l’on se réfère par ailleurs à la jurisprudence relative à
l’annulation d’un acte détachable, il faut considérer que
l’atteinte excessive à l’intérêt général ne peut être déduite du
seul fait que le responsable du contrat exerce des missions
de service public, mais peut en revanche tenir au degré
d’avancement de son exécution ou de conséquences financières importantes résultant de sa nullité.
Le juge administratif considère également dans un certain
nombre de cas que la continuité du service public peut être
assurée en régie ou par la conclusion d’un contrat temporaire.
JURISPRUDENCE
– CE 10 décembre 2003, Institut de recherche pour le développement, req.
n° 248950.
– CE 19 décembre 2007, Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable
du Confolentais, req. n° 291487.
– CAA Marseille 16 octobre 2008, Communauté d’agglomération de Montpellier, req. n° 08MA01375.
– CAA LYON 5 novembre 2009, Société Véolia Propreté, req. n° 07LY02662.
– CAA Lyon 7 janvier 2010, Société Ophrys, req. n° 09LY02174.
– CAA Lyon 10 juin 2010, SEEDR, req. n° 09LY01098.
– CAA Bordeaux 1er juillet 2010, Sydec, req. n° 08BX01968.
– CAA Bordeaux 7 juin 2011, Association Collectif des Citoyens du BreuilCoiffault, req. n° 09BX02775.
– CAA Bordeaux 31 janvier 2012, STSR, req. n° 10BX02851.
4 | Substitution de motif
● Principe. — Le juge administratif considère que l’administration peut, en première instance comme en appel, faire
valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision
dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par
un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement
indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la
date de cette décision.
Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur
du recours de présenter ses observations sur la substitution
ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à
fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de
l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif.
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Il peut dans l’affirmative procéder à la substitution
demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le
requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué.
● Application au recours « Tropic ». — La cour administrative d’appel de Marseille semble avoir implicitement admis
qu’une telle substitution de motif soit sollicitée du juge de la
validité du contrat.
JURISPRUDENCE
– CE Sect. 6 février 2004, Mme Hallal, req. n° 240560.
– CAA Marseille 15 octobre 2009, Société X, req. n° 07MA03259.
5 | Indemnisation accordée en réparation
des droits lésés
● Combinaison des sanctions. — En apparence, le considérant de principe de l’arrêt « Tropic » semble imposer de
façon alternative au juge de la validité du contrat, soit
d’accorder des indemnisations en réparation des droits lésés,
soit de faire application d’une des autres sanctions qui lui
sont ouvertes.
Une telle lecture de cette jurisprudence paraît toutefois restrictive, le Conseil d’État ayant depuis précisé qu’en vue
d’obtenir réparation de ses droits lésés, le concurrent évincé
a la possibilité soit de présenter devant le juge du contrat des
conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fin de résiliation ou d’annulation du
contrat, soit d’engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préju-
dice subi à raison de l’illégalité de la conclusion du contrat
dont il a été évincé.
JURISPRUDENCE
CE Avis 11 mai 2011, Société Rebillon Schmit Prevot, req. n° 347002.
● Application des règles indemnitaires classiques. — Le
juge administratif considère que lorsqu’un candidat
demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter
le marché.
Dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité.
Dans la négative, elle a en revanche droit en principe au
remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter
son offre.
Il lui appartient ensuite de rechercher si l’entreprise avait des
chances sérieuses d’emporter le marché et le cas échéant, de
l’indemniser de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de
présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf
stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique.
Ces principes sont appliqués par le juge de la validité du
contrat.
JURISPRUDENCE
– CE 18 juin 2003, Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe, req.
n° 249630.
– CAA Lyon 24 novembre 2011, Société Crystal, req. n° 10LY02005.
– CAA Lyon 5 mai 2011, Société SMTP, req. n° 10LY00134.
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