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R E V U E D E L’ A G E N C E Q U A L I T É C O N S T R U C T I O N • H O R S S É R I E I N T E R N E T • N O V E M B R E 2 0 1 4 • 2 0 €
16E RENDEZ-VOUS QUALITÉ CONSTRUCTION
IMPACTS DES
INTERFACES
SUR LA
SINISTRALITÉ
ÉDITO
onformément à l’un de ses fondamentaux, l’AQC a organisé, le 5 juin 2014, le
16e Rendez-vous Qualité Construction sur le thème « Impacts des interfaces sur
la sinistralité ». Nous ne sommes pas les premiers à mettre en exergue la problématique des interfaces.
C
Dans le cadre des réflexions des groupes de travail du programme « Objectifs 500 000 »,
le sujet avait déjà été abordé début 2014 sous l’angle de la cohérence réglementaire et
normative. Aujourd’hui en effet, les textes réglementaires concernant la construction sont
répartis dans pas moins d’une dizaine de Codes, qui concernent presque toutes les administrations, tous les professionnels du bâtiment, tous les professionnels de l’immobilier,
les industriels, les assureurs et les particuliers !
Ces groupes de travail ont identifié qu’évaluer les normes et réglementations au regard
du rapport coût/bénéfice attendu imposait la mise en place d’une véritable concertation
entre les différents acteurs de la construction, en s’appuyant sur le résultat d’études qui
évaluent – en coût global – les impacts économiques des décisions prises, ainsi que les
conséquences sur la filière construction mais également sur les textes réglementaires
et normatifs déjà existants.
Impacts des
interfaces sur
la sinistralité :
le 16e Rendezvous Qualité
Construction
Suite aux rapports des groupes de travail, la ministre du Logement a identifié en mars
dernier comme prioritaire la création d’un Conseil supérieur de la construction, qui réunirait de façon transversale les acteurs professionnels et les membres des ministères
impliqués dans la démarche de production réglementaire. L’idée est de rendre plus efficace les règles existantes, mais aussi de changer les méthodes de travail au sein des
pouvoirs publics et ainsi traiter un important problème d’interface entre acteurs.
Le 5 juin, autour de deux tables rondes, le 16e Rendez-vous Qualité Construction a été
l’occasion d’aborder les problèmes d’interface sous deux autres aspects. D’une part, les
interfaces entre matériaux, l’occasion pour des acteurs de terrain de faire part de leurs
expériences et plus particulièrement des méthodes qu’ils ont développées pour pallier
les nombreuses difficultés qui peuvent se poser. D’autre part, les interfaces entre les
multiples acteurs. Car, y compris dans les petites opérations, le simple triptyque maître
d’ouvrage, maître d’œuvre, entreprises n’existe plus. Et les risques de pathologies liées
aux difficultés relevant de la multiplicité des acteurs sont d’autant plus importants que
les techniques sont en forte mutation, tant par faiblesse dans la démarche séquentielle
que par méconnaissance de l’action de l’autre à un moment donné.
Ces deux tables rondes ont pour objectif de faire parler vrai l’ensemble des participants
pour que nous puissions progresser collectivement.
« Il faut rêver très haut pour ne pas réaliser trop bas ». Alfred Capus.
Philippe Estingoy
La revue Qualité Construction est éditée
par l’Agence Qualité Construction.
Celle-ci regroupe toutes les professions
de la construction autour d’une même
mission : améliorer la qualité de la
construction et réduire la sinistralité dans
le bâtiment. Son statut associatif est le
garant de son indépendance.
Agence Qualité Construction
29, rue de Miromesnil, 75008 PARIS
Tél. : 01 44 51 03 51 – Fax : 01 47 42 81 71
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Bimestriel
Hors série novembre 2014
disponible uniquement sur le site Internet
www.qualiteconstruction.com
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
3
SOMMAIRE
HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
ANIMATION
10
Denis Cheissoux Journaliste,
animateur de l’émission CO2
mon amour sur France Inter
OUVERTURE DU 16E RENDEZ-VOUS
QUALITÉ CONSTRUCTION
Signature de la Convention Quinquennale
2015-2019: les points essentiels pour
l’AQC et ses partenaires.
06 •Jacques Jessenne, président de l’AQC.
INTERFACES TECHNIQUES
ET INTERFACES ACTEURS,
QUELLES PROBLÉMATIQUES ?
La sinistralité des interfaces de
la construction, à travers l’Observatoire de
la Qualité de la Construction de l’AQC.
L’évolution du jeu des acteurs depuis 40 ans.
10 •Philippe Estingoy, directeur général de l’AQC.
LA POLITIQUE EUROPÉENNE
D’ORGANISATION DU MARCHÉ
ET DE SURVEILLANCE DE
LA QUALITÉ DES PRODUITS
14 •Arantxa Hernandez Antunez, administrateur
18
principal dans l’Unité «Construction
et Politique industrielle durable» de
la DG Entreprises et Industrie de la
Commission européenne.
COMMENT ANTICIPER
LES DÉSORDRES GÉNÉRÉS PAR
LES INTERFACES TECHNIQUES ?
17 •Dans l’ordre d’intervention :
19 •Guillaume Gauthier, chargé de mission au
pôle Risques et expertise à la SMABTP ;
20 •Milena Karanesheva, architecte/co-gérant
de l’Atelier Karawitz ;
21 •Olivier Henno, responsable Ingénierie
Prévention construction d’Axa France IARD ;
22 •David Morales, administrateur de la Capeb,
président de l’Una Métiers et techniques du
plâtre et de l’isolation ;
24 •Laurent Peinaud, directeur Qualité SDD
de Socotec, membre du comité stratégique
de la Coprec Construction ;
25 •Didier Viaud, directeur marketing de K-line,
membre du Gip.
4
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
EN PRÉSENCE DE
Katy Narcy
Sous-directrice
de la qualité et du
développement durable
à la DHUP (MEDDE-MLET)
LA POLITIQUE EUROPÉENNE
RELATIVE AUX MARCHÉS PUBLICS
ET AU RÔLE DU MAÎTRE D’OUVRAGE
28 •Pierre Deslaux, directeur général adjoint
de la DG Marché intérieur et Services
de la Commission européenne.
LES JEUX D’ACTEUR :
QUELLES INTERFACES ENTRE
LES RÔLES, QUELLES ÉVOLUTIONS
ENVISAGEABLES ?
32
17 •Dans l’ordre d’intervention :
33 •Dominique Baroux, direction des marchés
IARD à la SMABTP ;
34 •Marie-Luce Bousseton, directrice générale
de l’Apij ;
35 •Christian Romon, secrétaire général
de la MIQCP ;
36 •Pascal Chombart de Lauwe, architecte
à l’Agence Tectône, président de
l’Association AMO ;
37 •Éric Perron, directeur Développement
immobilier de Grand Lyon Habitat,
représentant l’USH ;
38 •Aline Castagna, responsable SAV
d’Eiffage Construction, présidente
du groupe de travail SAV d’EGF.BTP ;
39 •Pierre Mit, économiste, président de l’Untec.
CONCLUSION DES TABLES RONDES
45
43 •Katy Narcy, sous-directrice de
la qualité et du développement durable
à la DHUP (MEDDE-MLET).
CLÔTURE
45 •Jacques Jessenne, président de l’AQC.
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
5
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
Ouverture
SIGNATURE DE
LA CONVENTION
QUINQUENNALE
2015-2019
LES POINTS ESSENTIELS POUR L’AQC ET SES PARTENAIRES
INTERVENANTS
•JACQUES JESSENNE, président de l’AQC (Agence qualité construction).
6
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
Jacques Jessenne: Mesdames, Messieurs, je
suis très heureux de vous accueillir à ce 16e Rendez-vous Qualité Construction, un rendez-vous
toujours important pour l’Agence qualité construction (AQC) qui a fêté ses 30 ans l’année dernière.
Comme nous l’avons évoqué lors du 15e RendezVous, l’AQC est devenue incontournable dans le
monde de la construction. Mais s’il est important
de réfléchir à notre avenir, il est indispensable de
conserver nos fondamentaux: l’AQC doit rester un
lieu de dialogue et de concertation qui élabore
dans le consensus des conseils et des alertes, et
qui s’assure de la diffusion de ce savoir. C’est ce qui
a guidé l’élaboration de la troisième Convention
Quinquennale que nous avons signée en fin de matinée et que je vais vous évoquer plus longuement
dans un instant; c’est aussi ce qui a guidé la préparation de ce 16e Rendez-vous Qualité Construction.
Le choix du thème de ce Rendez-vous a fait l’objet
en décembre dernier de débats tant en Bureau
qu’en Conseil d’administration, l’actualité nous
ayant fait évoquer de nombreuses idées:
• réflexion sur la relation coût-conceptionréalisation;
• focus sur l’impact des normes, leurs simplifications, éléments favorables ou pas à la qualité
dans la construction;
• recherche des responsabilités des différents
intervenants sur un chantier (champ des responsabilités des uns et des autres);
• impact des nouvelles technologies numériques
sur la construction;
• organisation et qualité (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et entreprises), coûts et qualité.
Au final, nous avons choisi de revenir à l’un de nos
fondamentaux, à savoir l’exploitation de l’observation, et nous avons retenu le thème: «Observatoire
de la qualité de la construction – Impacts des interfaces sur la sinistralité».
Nous allons ainsi cet après-midi observer et analyser les pathologies liées à une mauvaise gestion
des interfaces. D’une part, les interfaces entre produits (compatibilité des produits, continuité des
fonctions, prise en compte des fonctionnalités des
produits support…); et d’autre part, les interfaces
organisationnelles entre acteurs, avec la multiplication des intervenants et les situations de
mauvaise coordination entre eux.
Préalablement aux deux tables rondes qui aborderont ces thématiques et dont je salue les
participants, Philippe Estingoy, notre directeur
général, fera un point sur la sinistralité des interfaces à travers la dernière exploitation de nos
bases de données Sycodés et REX Bâtiments
performants et une étude pilotée par l’USH (Union
sociale pour l’habitat).
Nous avons aussi le privilège de recevoir deux représentants de la Commission européenne, que je
salue également et qui pourront mettre en perspective nos réflexions.
Comme je l’ai indiqué en introduction, nous avons
signé avec l’ensemble des contributeurs une
nouvelle Convention Quinquennale qui fixe d’une
part les orientations de l’AQC pour les années
JACQUES JESSENNE
Président de l’AQC
(Agence qualité construction)
“S’il est
important de
réfléchir à
notre avenir, il
est indispensable
de conserver nos
fondamentaux:
l’AQC doit
rester un lieu
de dialogue et
de concertation
qui élabore dans
le consensus
des conseils et
des alertes,
et qui s’assure
de la diffusion
de ce savoir”
2015-2019, et d’autre part la dotation financière
correspondante. Comme je l’avais imaginé dans
mon discours en mai 2013, la construction de cette
convention a été l’un des sujets importants portés
par le directeur général depuis un an: diagnostic,
échanges internes et avec les partenaires, travaux
avec le Bureau et le Conseil d’administration…,
pour aboutir au final à un document détaillé qui a
été totalement validé par le Conseil d’administration, puis approuvé et signé ce matin par l’Assemblée
générale, avec un financement qui montre toute la
confiance que nos partenaires ont dans l’AQC. Je
vais ainsi vous donner quelques éléments des
orientations et de la contribution qui assure son
financement.
L’action de l’AQC durant cette convention va s’inscrire dans un contexte où les ruptures seront
nombreuses par rapport aux pratiques antérieures, tant au niveau des organisations et des
métiers qu’au niveau des pratiques professionnelles sur le chantier. Plusieurs éléments de
contexte confortent cette idée : l’évolution des
grandes politiques européennes ayant un impact
sur la construction, l’évolution des politiques
françaises en déclinaison des politiques supranationales et pour répondre à des exigences
sociétales (énergie, production de logements, santé
dans le logement…), l’évolution de la pathologie
telle que l’Observatoire de la Qualité de la Construction de l’AQC peut la qualifier, etc.
L’amélioration de la performance énergétique et
de la qualité environnementale des bâtiments est
à l’origine d’une nouvelle génération de constructions très élaborées, mais dont le fonctionnement
et les équilibres sont plus sensibles que par le
passé. Dans ce contexte de transition, le recours
à des produits et procédés nouveaux se généralise.
Les exigences aussi se renforcent et les acteurs
de la construction sont confrontés à des obligations de résultats. Ceci implique une montée en
compétences, qui se fait par l’expérimentation,
étape naturellement génératrice d’erreurs, de
désordres…
L’AQC est devenue en trente ans un lieu unique,
apprécié par tous, où un travail en commun est
effectué. Si la non-qualité n’a pas disparu, et loin
s’en faut, dans le secteur de la construction, l’AQC,
par ses outils d’observation et ses actions, permet
aux acteurs d’éviter des dérives et de participer aux
progrès collectifs du secteur qui sont maintenant
mis en évidence.
Les grandes orientations fixées par la Convention
Quinquennale 2015-2019 sont les suivantes:
• consolider notre dispositif d’observation afin
d’avoir les outils adéquats non seulement pour
connaître l’évolution des pathologies, mais aussi
pour prévenir des sinistres nouveaux en lien avec
les évolutions réglementaires;
• consolider l’action de la Commission Prévention
Produits mis en œuvre (C2P), de sorte que l’analyse de risque des produits et procédés innovants
continue à être un élément important d’appréciation par les assureurs, et aussi pour éviter les
sinistres sériels;
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
7
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
• piloter le dispositif de rédaction des nouvelles
Règles de l’art (Programme RAGE) en lien avec
les évolutions thermiques réglementaires. Ce
dispositif n’est pas encore confirmé puisqu’il
dépend bien sûr de son financement qui n’est pas
acté à ce jour;
• continuer à développer des outils pédagogiques
pour prévenir les principales causes de pathologie et adapter les typologies d’outils aux usages
actuels et futurs;
• toucher effectivement les principaux acteurs de
la construction au plus près du terrain, via l’expérimentation de trois délégués régionaux;
• mobiliser les réseaux de formation;
• mobiliser les particuliers pour qu’ils améliorent
leurs actions de maître d’ouvrage et de gestionnaire de leur patrimoine;
• tirer les leçons des expériences réussies des
maîtres d’ouvrage professionnels;
• apprendre de nos partenaires européens et
valoriser nos réussites françaises. Des progrès
doivent être faits au niveau européen dans le
partage des informations sur la sinistralité, car
l’AQC reste à ce jour une originalité en Europe.
Le financement est assuré par une contribution
des signataires de la présente Convention qui s’engagent au financement du programme (excepté
l’activité « animation pilotage » du Programme
RAGE), pour un montant de 3 213 000 euros annuels. Celui-ci sera actualisé tous les ans sur la
durée de la Convention. Ces contributions sont
centralisées par la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) et le Groupement des
entreprises mutuelles d’assurances (Gema) qui en
assurent la répartition entre leurs membres.
Au-delà de ce programme déjà très chargé, l’AQC
devra aussi s’adapter à l’actualité et continuer à
montrer sa capacité à se mobiliser avec l’ensemble
des acteurs sur les sujets émergents, en particulier ceux qui pourront être mis en évidence lors
de chaque Rendez-vous Qualité Construction.
Nous allons donc être tous très attentifs aux débats de cet après-midi et je remercie par avance
notre animateur Denis Cheissoux qui saura mettre
en valeur les idées fortes des différents participants. Bon après-midi à tous. ■
“Au-delà de ce programme déjà très chargé, l’AQC devra aussi
s’adapter à l’actualité et continuer à montrer sa capacité à se mobiliser
avec l’ensemble des acteurs sur les sujets émergents, en particulier
ceux qui pourront être mis en évidence lors de chaque Rendez-vous
Qualité Construction”
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QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
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OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
Introduction
INTERFACES
TECHNIQUES ET
INTERFACES ACTEURS
LA SINISTRALITÉ DES INTERFACES DE LA CONSTRUCTION,
À TRAVERS L’OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION DE L’AQC.
L’ÉVOLUTION DU JEU DES ACTEURS DEPUIS 40 ANS.
INTERVENANTS
•PHILIPPE ESTINGOY, directeur général de l’AQC (Agence qualité construction).
10
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
Philippe Estingoy: Les difficultés liées aux interfaces entre objets ne sont pas une spécificité du
bâtiment. Lorsqu’elles n’ont pas été anticipées,
comme l’actualité nous l’a encore signalé il y a peu
de temps, cela peut générer de grosses difficultés
et d’importantes dépenses.
À la fin du XIXe siècle, l’ingénieur des Ponts et Chaussées Freycinet avait traité la difficulté des interfaces
pour les voies navigables en créant un gabarit qui
porte son nom et qui était décliné pour les canaux,
leurs écluses et autres ouvrages, ainsi que pour les
péniches qui pouvaient les emprunter. Plus récemment, pour les chaussées des infrastructures
routières, le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) avait lui aussi formalisé une référence
pour traiter un certain nombre d’interfaces, avec le
catalogue des structures de chaussées. Ceci étant,
la complexité est bien plus importante dans le domaine du bâtiment qui présente de multiples interfaces, et si des démarches de progrès permettent
de prévenir certaines difficultés – au travers entre
autres de l’action de l’AQC –, il subsiste encore de
nombreuses pathologies liées à une mauvaise
– voire à une absence – de gestion des interfaces,
qu’elles soient techniques ou organisationnelles.
Je vais dans un premier temps vous présenter
notre dernière production du Dispositif Sycodés,
Sycodés 2014 – Pathologie, en insistant plus particulièrement sur les pathologies liées à une
mauvaise gestion des interfaces. Puis je mettrai en
avant les problématiques d’interfaces détectées
dans des bâtiments performants, telles qu’elles ont
été identifiées dans notre Rapport REX Bâtiments
performants & Risques et dans une étude équivalente menée à l’initiative de l’USH. Je finirai en
évoquant les Fiches interfaces bâtiment, un outil de
l’AQC en cours de finalisation, et en insistant sur
les enjeux de la phase d’étude dans une opération.
Depuis sa création en 1982, l’AQC fonde son action
sur l’observation. À l’origine, le Dispositif Sycodés
(SYstème de COllecte des DÉSordres) était la ressource unique ; aujourd’hui, il fait partie d’un
dispositif d’observation plus complet qui fait référence autant en France qu’au niveau européen.
Sycodés 2014 – Pathologie (1) remplace cette année le Tableau de bord Sycodés, qui reste la référence
statistique unique en termes d’évaluation des
progrès de la prévention des désordres, publié
jusqu’alors annuellement depuis 2006. Ce dernier,
qui apporte un certain nombre d’autres informations, sera lui aussi actualisé en fin d’année.
Sycodés 2014 – Pathologie traduit notre objectif
permanent d’amélioration de nos outils d’observation et de leurs «inter-relations». Depuis un an,
26000 nouvelles fiches ont été recueillies, portant
à 400000 désordres la base de collecte et d’exploitation de Sycodés. Les désordres expertisés
entrent à 80 % dans le cadre de la DommagesOuvrage (DO), majoritairement à l’issue de
désordres sur travaux neufs. Cette édition 2014
marque le point zéro des pathologies d’ouvrages
traditionnels observées durant près de deux
périodes décennales (1995 à 2013), à l’aube du
nouveau programme de travail quinquennal de
PHILIPPE ESTINGOY
Directeur général de l’AQC
(Agence qualité construction)
(1) Téléchargeable gratuitement sur
www.qualiteconstruction.com,
aux rubriques « L’Observation » puis
« Évaluation et suivi de la prévention ».
(2) Consultables gratuitement sur
www.qualiteconstruction.com, à la
rubrique « Outils pédagogiques ».
l’AQC (2015-2019). Pour simplifier la lecture, les désordres sont présentés uniquement par année
d’apparition.
Le cœur du document est constitué par les 10 éléments d’ouvrage portant les effectifs et les coûts
principaux de la pathologie de la construction. Un
zoom est ensuite réalisé sur les principales causes
techniques de ces désordres, en faisant un lien
d’une part, avec nos Fiches pathologie bâtiment (2)
pour éclairer les diagnostics dans les ouvrages
traditionnels; et d’autre part, avec les constats de
notre Dispositif REX Bâtiments performants. Il est
aussi proposé des dispositions techniques préventives décrites dans les Recommandations professionnelles issues du Programme RAGE.
Sycodés 2014 – Pathologie fait apparaître les grands
points suivants:
• toutes destinations confondues, 56 % des dommages sont dus à un défaut d’étanchéité à l’eau
– une problématique d’interface par définition –,
environ 10 % respectivement pour la sécurité
d’utilisation et le défaut de stabilité, les autres
pathologies (majoritairement des défauts esthétiques) totalisant près de 20 %;
• la pathologie en résidentiel, et notamment en
maison individuelle, se concentre principalement
sur:
– les tassements différentiels des fondations superficielles (plus de 20 % du coût de réparation des
désordres touchant les maisons individuelles –
coût moyen de réparation: 34000 euros), mais
aussi les dallages sur terre-plein (un tiers des sinistres sont liés à un sol hétérogène et un autre
tiers à des principes constructifs inadaptés ou des
dimensionnements mal calculés),
– les fissurations ou décollements des revêtements
de sol intérieur carrelés (coût moyen de réparation: 8600 euros), qui pour une majorité sont liés
à une incompatibilité entre produits (encore un
problème d’interface),
– les fuites de canalisations encastrées des réseaux d’eau intérieurs (coût moyen de réparation:
3900 euros),
– les infiltrations aux droits des points singuliers
des couvertures en tuiles de terre cuite (coût
moyen de réparation: 3000 euros),
– les défauts liés à la fissuration des supports d’enduit monocouche sur façade à base de maçonnerie
en blocs de béton (coût moyen de réparation :
4000 euros, toujours un problème d’interface),
– les défauts ponctuels d’étanchéité des murs
enterrés ou de soubassement (coût moyen de
réparation: 4200 euros);
• en logement collectif, la pathologie de fréquence
inclut en plus:
– les infiltrations au droit des jonctions structure/
balcons, qui constituent par nature une interface
extrêmement complexe (coût moyen de réparation: 4200 euros),
– les défauts de pente des réseaux extérieurs au
bâtiment, notamment les réseaux d’eaux usées
(coût moyen de réparation: 6100 euros), qui posent
la problématique de l’interface entre le bâti et
l’existant,
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
11
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
– les défauts de liaisons maçonnerie/structure dans
le lot menuiserie (coût moyen de réparation pour
les menuiseries PVC: 3200 euros);
• en désordre sur l’existant, quelle que soit la destination des constructions sinistrées, les éléments
d’ouvrage sources de désordre sont principalement les éléments cités ci-dessus, auxquels il
faut ajouter les infiltrations au droit des relevés des
toitures-terrasses avec isolant et étanchéité autoprotégée (coût moyen de réparation: 4800 euros,
coût relatif des désordres: 5,3%), là aussi une problématique majeure d’interface.
Notre Rapport REX Bâtiments performants &
Risques (3) a pour vocation première d’éviter l’apparition d’une nouvelle génération de désordres par
l’accompagnement des professionnels, par l’adaptation des Règles de l’art et par une connaissance
qualitative des désordres. Plusieurs centaines d’ouvrage ont été audités par des enquêteurs que nous
avons formés et pilotés, qui ont mis en évidence dix
points de vigilances majeurs, qui pour la plupart
relèvent d’un mauvais traitement des interfaces:
• performance de l’enveloppe;
• étanchéité à l’air (en particulier le traitement des
points singuliers);
• séchage insuffisant en phase chantier;
• sur ou sous-dimensionnement des équipements;
• calorifugeage des réseaux;
• complexité des installations techniques;
• organisation du local technique;
• confort d’été;
• qualité sanitaire;
• pilotage des opérations.
De son côté, le bilan des enseignements réalisé par
l’USH dans le cadre d’un programme d’instrumentation de bâtiments thermiquement performants
est tout aussi intéressant, au-delà des éléments de
satisfaction qu’il comporte, sur les enjeux d’interface.
Par exemple, des dispositifs très techniques, peu
ou mal maîtrisés par les usagers et les exploitants,
12
(3) La version 3 de ce Rapport,
plubié mi-octobre 2014, est
téléchargeable gratuitement sur
www.qualiteconstruction.com,
aux rubriques « L’Observation » puis
« Bâtiments performants & Risques ».
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
pénalisent l’optimisation recherchée. Un travail
avec les industriels serait également bénéfique
pour une meilleure ergonomie et une plus grande
simplicité d’usage. D’autre part, des modalités
constructives devront être précisées pour les nouveaux bâtiments performants passifs (gestion des
ponts thermiques entre rez-de-chaussée et soussol, transmissions phoniques, échange de calories
entre appartements…), pour une cohérence globale
avec les exigences énergétiques et thermiques.
Ces deux constats soulignent les enjeux d’interface
tant entre produits qu’entre acteurs, ce qui permet
à l’USH de tirer trois enseignements directement
liés aux interfaces. Premièrement, nous sommes
sur une génération de bâtiments et d’équipements
très sensibles, pour lesquels un écart ou un défaut
de réglage provoque non seulement des surconsommations systématiques mais également des
dysfonctionnements pouvant mettre en péril l’installation globale (fonctionnement, pérennité des
équipements…). Deuxièmement, la plupart des
produits performants dits «innovants» sont encore
en phase de maturation, et n’atteignent pas toujours les résultats attendus, de par leur conception,
leur mise en pose, leur exploitation (avec des coûts
de maintenance plus élevés) ou l’usage qui en est
fait (voire les quatre cumulés). Troisièmement, nous
sommes encore dans une logique de pose d’équipements aux caractéristiques performantes, mais
considérés de façon isolés et non systémiques, où
chacun des acteurs intervient selon des modes de
faire déjà acquis et inadaptés en ce cas. Or, la
performance globale d’un bâtiment n’est pas égale
à la somme des performances des équipements.
La coordination insuffisante des différentes
entreprises et la dilution de la chaîne de responsabilité doivent amener à changer de paradigme.
Ce qui amène l’USH à poser une question: «Seule
une bonne conception des équipements sur le long
terme permet le maintien des performances dans la
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
durée. Il faudrait faire bénéficier les industriels de ce
retour d’expériences et exigences, mais comment
mettre en place une telle coopération fructueuse dans
le cadre actuel des marchés publics ou affiliés?»
Les acteurs qui interviennent dans la vie d’un ouvrage
sont de plus en plus nombreux: maître d’ouvrage,
architecte, contrôleur technique, contrôleurs divers,
maître d’œuvre et bureaux d’études spécialisés
pour répondre à la complexité croissante des
projets et à la multiplicité des exigences, entrepreneurs, utilisateurs… La réussite d’une opération
de construction repose en partie sur la qualité des
informations échangées entre eux. Un désordre
peut survenir si une information n’a pas été donnée au bon moment ou parce qu’on a oublié un
interlocuteur…
Les premiers retours sur les bâtiments performants ont fait apparaître que les interfaces entre
acteurs sont devenues encore plus sensibles,
donnons comme exemple la préservation du travail
des autres dans le cadre de la perméabilité à l’air.
C’est pourquoi l’AQC, en collaboration avec les organisations professionnelles, a créé les Fiches
interfaces bâtiment (4), qui s’adressent aux maîtres
d’œuvre, maîtres d’ouvrage professionnels, coordinateurs de chantier… Chaque fiche s’attache à un
élément d’ouvrage (chauffe-eau solaire individuel,
toiture-terrasse, isolation par l’extérieur…) et rappelle, en suivant la logique du déroulement d’une
opération depuis sa conception jusqu’à son utilisation, les principales natures d’informations que les
acteurs doivent s’échanger. Ces fiches ne traitent
donc pas de technique, mais bien d’organisation
entre acteurs!
Onze fiches sont actuellement disponibles sur le
site de l’AQC (et d’autres suivront d’ici la fin de l’année) sur les thématiques suivantes:
• «Sols et fondations»;
• «Voies et réseaux divers»;
(4) Téléchargeables gratuitement sur
www.qualiteconstruction.com,
aux rubriques « Outils pédagogiques »
puis « Fiches interfaces bâtiment ».
• «Éléments préfabriqués en béton»;
• «Couvertures en petits éléments»;
• «Couverture en grands éléments»;
• «Toiture-terrasse»;
• « Isolation par l’extérieur + parement enduit
mince»;
• «Plancher Chauffant avec revêtement de sol»;
• «VMC simple flux»;
• «VMC double flux»;
• «Chauffe-eau solaire individuel».
Enfin, je terminerai par un sujet majeur, qui est
l’enjeu des études. Le graphique ci-dessus vous
présente l’impact de chacune des phases sur le
coût réel global d’une construction cumulé sur sa
durée de vie.
La courbe rouge est la courbe du cumul des dépenses directes. La courbe verte correspond au
cumul des dépenses induites par les décisions et
actions prises à un moment donné.
• Phase 1: l’achat du terrain, qui au-delà de son coût
direct, peut générer des dépenses futures induites par le choix du terrain.
• Phase 2 : la passation des marchés de travaux.
Les coûts des études qui permettent la passation
des marchés de travaux sont très faibles au regard des dépenses qu’elles induisent pour les travaux et la vie de l’opération. Conclusion: les impasses sur les études coûtent au final très cher.
• Phase 3: la réception des travaux. Pendant les
travaux, les paiements sont supérieurs aux dépenses induites.
• Phase 4: la fin de vie du bâtiment avec sa démolition. Tout au long de la vie du bâtiment, les
dépenses P ont été induites par les phases antérieures, y compris le coût de la démolition.
En résumé, toutes les impasses faites pendant la
phase études coûtent très cher tout au long de la
vie du bâtiment.
Je vous remercie pour votre attention. ■
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
13
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
Zoom sur…
LA POLITIQUE EUROPÉENNE
D’ORGANISATION DU MARCHÉ
ET DE SURVEILLANCE DE
LA QUALITÉ DES PRODUITS
ANIMATION
DENIS
CHEISSOUX
Journaliste,
animateur
de l’émission
CO2 mon
amour sur
France Inter
14
INTERVENANTS
ARANTXA
HERNANDEZ ANTUNEZ
Administrateur principal
dans l’Unité « Construction
et Politique industrielle
durable » de la DG
Entreprises et Industrie de
la Commission européenne
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
Arantxa Hernandez Antunez: Merci de m’avoir
invitée à participer à cette rencontre annuelle, car
c’est pour la Commission européenne un moment
précieux qui permet de comprendre ce que le secteur de la construction pense et ressent en France.
Je tiens aussi à remercier l’Agence qualité construction pour le travail qu’elle mène qui est fondamental
à mon sens, ce point de vue étant partagé par la
Commission européenne et les institutions européennes en général.
Mon intervention porte sur le sujet de la politique
européenne d’organisation du marché et de surveillance de la qualité des produits. Avant tout, il
faut rappeler que nous essayons actuellement au
niveau européen de sortir d’une récession économique sans précédent et que le secteur de la
construction a été fortement touché par cette crise.
De ce fait, l’Union européenne a travaillé sur une
stratégie ayant pour objectif de parvenir à une croissance intelligente, durable et génératrice d’emplois. Par ailleurs, le secteur de la construction est
stratégique pour l’économie européenne puisqu’il
représente une grande partie du Produit intérieur
brut (PIB). La Commission européenne a donc lancé
aussi une stratégie pour permettre un développement durable et une compétitivité de l’industrie.
Dans ce contexte, la Commission s’est fixé différentes
priorités dans cinq domaines, et je vais évoquer les
domaines les plus pertinents pour le travail de
l’Agence qualité construction.
Le premier domaine concerne le renforcement du
marché intérieur, très lié bien sûr à la libre circulation des produits en Europe, qui est le principe qui
régit le Règlement des constructions et des produits
de construction dont je vais parler tout à l’heure. Dans
cet objectif de renforcement, nous travaillons sur
deux axes très importants: la surveillance efficace
du marché, tâche fondamentale, l’information aux
entreprises, aux citoyens ainsi que l’échange
d’informations, afin d’assurer la libre circulation
des produits et la libre prestation des services.
Concernant les assureurs, il y a dans cette stratégie l’objectif de faciliter l’assurance transfrontalière, la reconnaissance à terme des assurances
conclues dans un État membre pour que les produits et les services puissent circuler. C’est un objectif que vous connaissez bien à travers le projet
Elios, qui est l’un des outils de la Commission focalisés sur le secteur de la construction.
Le deuxième domaine a trait à l’utilisation efficace
des ressources et à la performance environnementale et énergétique, qui est, comme vous le savez
ARANTXA HERNANDEZ ANTUNEZ
Administrateur principal
dans l’Unité « Construction
et Politique industrielle durable »
de la DG Entreprises
et Industrie de la Commission
européenne
bien, un des défis actuels aux niveaux européen et
mondial. Il y a un large soutien au niveau européen
pour permettre le développement de produits innovants en lien avec le développement durable. Différentes pistes sont donc en train d’être dessinées pour
avoir des règles harmonisées, afin de déclarer la performance de ces produits innovants sur le plan du
développement durable, et d’exprimer la performance de la même façon à travers toute l’Europe.
Le troisième volet, que je voudrais mentionner
parce qu’il permet d’améliorer en fin de compte la
qualité des bâtiments, concerne la formation et la
qualification des professionnels. Alors que des
produits peuvent être très bien conçus et réalisés,
leurs performances peuvent être conditionnées
par la manière de les mettre en œuvre qui est essentielle. Nous nous sommes rendus compte à
l’échelle de l’Europe que des professionnels peuvent
ne pas être qualifiés pour mettre en œuvre des
produits, surtout les nouveaux produits innovants.
Cette stratégie est gérée par la Commission européenne, mais elle compte s’appuyer sur le savoir
des industries et des États membres et va les consulter sur la meilleure façon, selon eux, de mettre en
œuvre cette stratégie. C’est pour cette raison que
nous avons des réunions fréquentes avec les États
membres et l’industrie, et nous sommes heureux
de connaître les opinions aux niveaux nationaux et
régionaux, afin d’avoir la meilleure stratégie et les
meilleurs moyens d’atteindre ces objectifs.
J’arrive maintenant au sujet fondamental de la
politique européenne d’organisation du marché.
Je vais me focaliser sur le Règlement des produits
de construction car les autres réglementations sont
moins pertinentes pour la construction. Vous le
savez, ce Règlement a été adopté en 2011 mais n’est
en vigueur que depuis juillet 2013, donc très récemment. Il a pour objectif de faciliter le mouvement
des produits sur le marché intérieur, tout en tenant
compte de la protection des intérêts publics, et le
plus important d’entre eux est la sécurité. Afin d’assurer cette sécurité, le Règlement comprend des
conditions de mise sur le marché des produits de
construction, qui elles-mêmes impliquent des obligations d’informations sur la performance des produits, leurs caractéristiques, mais aussi des obligations d’instructions sur la façon d’utiliser les
produits, sur la sécurité de ces produits…, très
utiles pour les professionnels qui vont réaliser des
calculs de construction, ainsi que pour ceux qui vont
mettre en œuvre ces produits dans les bâtiments.
Il est essentiel que cette information “Le Règlement européen des produits de construction comprend des
conditions de mise sur le marché des produits, qui elles-mêmes
impliquent des obligations d’informations sur la qualité des produits,
leurs caractéristiques, la performance, mais aussi des obligations
d’instructions sur la façon d’utiliser les produits, sur la sécurité de ces
produits…”
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
15
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
“Les paquets législatifs sur la sécurité des produits et la surveillance
des marchés devraient améliorer la traçabilité, la sécurité ainsi que la
surveillance des marchés, qui doivent être coordonnées au niveau
européen”
arrive à son destinataire, qu’elle soit considérée
sérieusement par chacune des personnes, sinon
nous n’arriverons pas à atteindre l’objectif de la
sécurité par l’information.
L’autre élément essentiel du Règlement qu’il est important de mentionner ici est que la performance
des produits est basée sur des normes communes
pour réaliser des essais sur les produits, essais
faits par des organismes accrédités, certifiés, sur
la base des critères communs en Europe. Tout cet
ensemble implique qu’un produit de construction
mis sur le marché et conforme à toutes les exigences de ce Règlement respecte des normes
harmonisées et très strictes sur la façon de réaliser les tests. En fin de compte, c’est aussi une
garantie de fiabilité par rapport aux performances
qui ont été déclarées par le fabricant.
Je veux évoquer deux autres éléments qui me paraissent essentiels et innovants dans ce Règlement, à savoir la clarification des obligations des
acteurs économiques et la surveillance des marchés. Premièrement, pour rappeler ce que j’ai dit
tout à l’heure, ce Règlement établit de manière
beaucoup plus claire les obligations de chaque acteur, du fabricant, du représentant du fabricant, de
l’importateur, du distributeur,etc., afin d’assurer que
l’information arrive à l’utilisateur final. Deuxièmement, la surveillance des marchés est un point
clé du système, comme elle l’est dans toutes les
autres réglementations d’harmonisation sur les
produits en Europe. Sans surveillance – efficace –
du marché, celui-ci n’est pas crédible, et les industries ne sont pas dans un environnement de
compétitivité égal car des acteurs abuseront et
seront malhonnêtes, ce qui jouera évidemment
contre les acteurs qui respectent la réglementation.
Cet élément essentiel est d’ailleurs à l’origine de
la proposition de la Commission d’amender la Directive sur la sécurité des produits et en même
temps la réglementation sur la surveillance des
marchés, puisque ces sujets sont extrêmement
liés (l’information sur la sécurité des produits et la
surveillance du respect des obligations). C’est le
paquet de propositions législatives publiées par la
Commission en 2013, et actuellement en train d’être
discutées au Conseil et au Parlement.
Côté Directive sur la sécurité des produits, ces propositions législatives ont pour objectif de clarifier
les obligations des acteurs économiques, afin d’être
sûrs que chacun sache ce qu’il doit faire et que personne n’abusera du système, et aussi d’améliorer
la traçabilité des produits par des informations sur
l’origine et la qualité des produits. Ceci est lié au
débat sur l’origine nationale des produits en Union
européenne, et permettra donc aux consommateurs
16
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
d’avoir plus de confiance dans l’origine d’un produit, alors qu’aujourd’hui on ne sait plus en fin de
compte d’où vient un produit ayant traversé plusieurs
pays. Mais cela permettra aussi aux autorités de
surveillance des marchés d’exercer leurs fonctions
beaucoup plus facilement en allant directement
au pays dans lequel les produits ont été fabriqués.
Côté réglementation de la surveillance des marchés,
qui est plus dans le champ de compétence de la Direction générale des entreprises et industries, il y
a deux grands progrès dans la proposition de la
Commission. Tout d’abord elle prévoit une simplification législative: actuellement, les réglementations sur la surveillance des marchés sont
contenues dans chacun des textes réglementant
les différents produits, ce qui aboutit parfois à des
incohérences et des manques de coordination.
Nous souhaiterions donc qu’il n’y ait plus qu’un seul
texte réglementaire et un système d’échange d’informations pour tous les produits, ce qui faciliterait le travail et rendrait le système plus cohérent.
La proposition va aussi dans le sens d’une coopération plus étroite entre les autorités de surveillance
des marchés pour pouvoir surveiller mieux et de
manière plus ciblée les frontières extérieures de
l’Union, afin de réagir plus efficacement.
Ces textes sont en train d’être discutés par le Parlement européen qui a déjà pris une position au mois
d’avril, et nous attendons désormais la position du
Conseil pour pouvoir avancer dans les débats. Les
propositions sont assez satisfaisantes pour le
moment, et nous sommes donc sur la bonne voie.
Pour conclure, je voudrais dire que la politique européenne d’organisation des marchés, qui concerne
la libre circulation des biens, est fondée sur la protection de la sécurité et la surveillance des marchés.
Sans un bon fonctionnement, nous n’arriverons pas
à un vrai marché intérieur et une vraie sécurité. J’aimerais également insister sur le fait que le Règlement des produits de construction est un outil très
précieux pour améliorer la sécurité et pour continuer
à améliorer la culture d’utilisation de l’information
à des bonnes fins. De leur côté, les paquets législatifs sur la sécurité des produits et la surveillance
des marchés devraient améliorer la traçabilité, la
sécurité ainsi que la surveillance des marchés, qui
doivent être coordonnées au niveau européen.
Dans les mois à venir, nous allons lancer une large
consultation publique pour évaluer l’implémentation et la mise en œuvre du Règlement des produits
de construction. Ce sera très intéressant pour la
Commission de voir comment le secteur de la
construction en France a vécu la mise en place du
Règlement au niveau national.
Merci beaucoup pour votre attention. ■
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OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
1re table ronde
COMMENT ANTICIPER
LES DÉSORDRES GÉNÉRÉS PAR
LES INTERFACES TECHNIQUES
ANIMATION
DENIS
CHEISSOUX
Journaliste,
animateur
de l’émission
CO2 mon
amour sur
France Inter
INTERVENANTS
Dans l’ordre d’intervention :
•GUILLAUME GAUTIER, chargé de mission au pôle Risques et expertise à la SMABTP (Société mutuelle assurances
bâtiment et travaux publics) ;
•MILENA KARANESHEVA, architecte/co-gérant de l’Atelier Karawitz ;
•OLIVIER HENNO, responsable Ingénierie Prévention construction d’Axa France IARD ;
•DAVID MORALES, administrateur de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment),
président de l’Una-MTPI (Métiers et techniques du plâtre et de l’isolation) ;
•LAURENT PEINAUD, directeur Qualité SDD de Socotec, membre du comité stratégique de la Coprec Construction
(Confédération des organismes indépendants de prévention, de contrôle et d’inspection) ;
•DIDIER VIAUD, directeur marketing de K-line, membre du Gip (Groupement industrie promotion).
18
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
Denis Cheissoux: Bonjour à toutes et à tous et
bienvenue au 16e Rendez-vous annuel de l’Agence
qualité construction (AQC). Le thème de la problématique des interfaces qui nous réunit aujourd’hui
a été posé en préambule par Philippe Estingoy, et
nous allons dans une première table ronde nous
attacher aux interfaces techniques et à l’anticipation des désordres qu’elles peuvent créer.
Guillaume Gautier, vous êtes chargé de mission
au pôle Risques et expertise à la SMABTP, donc
spécialiste de l’analyse des risques. Pouvons-nous
commencer par un exemple concret que vous avez
pu observer sur le terrain?
Guillaume Gautier: Tout d’abord, je ne peux que
souscrire à tous les exemples de problématiques
d’interface cités par Philippe Estingoy. Effectivement, j’ai pu observer récemment sur un bâtiment
quelques déboires vis-à-vis de l’étanchéité à l’air,
avec un résultat final qui n’apportait pas la durabilité requise, en raison d’une bande adhésive qui
n’avait pas été prévue pour avoir les mêmes performances avec l’ensemble des matériaux sur
lesquels elle devait adhérer. Cela touche à la question de la qualité et de l’évaluation du produit :
a-t-il bien été choisi pour l’ensemble de ses fonctions de service et pas uniquement vis-à-vis de la
sécurité ? Est-il prévu pour sa durabilité et pas
seulement pour sa qualité de service à la réception ? Il ne faut pas que le cadre permettant
l’ouverture des marchés se limite à garantir la
sécurité de l’usage ou à assurer une qualité de
service à un instant donné, il faut garantir une fonction de façon pérenne. C’est bien cette question
fondamentale de durabilité que nous recherchons
en tant qu’assureurs ou professionnels de l’analyse
des risques.
D.C.: Oui, et j’ai évoqué volontairement cet exemple
pour bien montrer qu’une bande collante pouvait
mettre en péril tout un édifice. Concernant cette
question essentielle, le fait de décliner des normes
est-il suffisant?
G.G.: Les normes prescrivent un certain nombre
de tests, mais qui, encore une fois, ne visent pas forcément la durabilité. Certains produits liés aux
énergies renouvelables répondent à des normes et
à des tests, sont parfaitement en règle avec la normalisation européenne mais pour autant peuvent
visiblement poser quelques soucis au niveau de
leur durabilité. En réalité, les normes peuvent ne
pas répondre dans leur ensemble à toutes nos problématiques. C’est bien pour cette raison qu’avec
la FFSA nous favorisons au niveau national des évaluations complémentaires et un examen de
l’assurabilité des produits au sein de l’AQC. Nous
recherchons la meilleure qualité de service de ces
produits et pas seulement le respect d’une norme
«sécurité».
GUILLAUME GAUTIER
G.G.: C’est effectivement un sujet délicat, car certains produits sur le marché, aujourd’hui en Europe,
répondent a priori à l’ensemble des normes européennes, et pour autant la qualité de service n’est
pas au rendez-vous. En effet, nous constatons une
durabilité de seulement 3 ans au lieu de 10, 15, 20
ou 25 ans. Et ce sont bien les assureurs qui sont
confrontés au problème en bout de chaîne. Et sans
assureurs, pas de développement de marché.
D.C.: Merci. Milena Karanesheva, vous êtes archi-
Chargé de mission au pôle
Risques et expertise à
la SMABTP (Société mutuelle
assurances bâtiment et
travaux publics)
“Il ne faut pas
que le cadre
permettant
l’ouverture
des marchés
se limite à
garantir la
sécurité de
l’usage ou à
assurer une
qualité de
service à un
instant donné,
il faut garantir
une fonction de
façon pérenne”
tecte et co-gérante de l’Atelier Karawitz. Selon
vous, la science du bâtiment a-t-elle les outils
nécessaires pour appréhender la complexité
grandissante des bâtiments que nous vivons?
Milena Karanesheva: J’ai envie de dire oui. Le
développement des outils informatiques de ces
deux dernières décennies a permis d’échanger et
de cumuler énormément de connaissances au niveau du bâtiment et de la société, et parallèlement
le développement des matériaux et des systèmes
est indéniable.
D.C.: Des matériaux ou des systèmes?
M.K. : C’est justement la question. Il y a deux
décennies, on parlait de mur en parpaing avec
enduit, etc. Aujourd’hui, les fabricants et gros industriels parlent plus de systèmes de matériaux.
Un mur n’est plus seulement un mur mais tout un
complexe comprenant une partie constructive, une
partie isolante, une partie qui gère l’hygrométrie avec
des freins vapeur, et de part et d’autre des produits
de parement. Autre exemple, les industriels qui
proposaient autrefois des isolants affichent aujourd’hui toute la gamme liée à cette isolation: les
membranes adéquates, les produits pour l’étanchéité… La branche des produits pour l’étanchéité
à l’air s’est, en particulier, énormément développée
ces derniers temps.
D.C.: Vous concevez essentiellement des maisons
passives, voire à énergie positive, donc à technologie avancée. Pour vous, connaître à la fois les
matériaux et leurs interfaces techniques avec
l’environnement est-il essentiel?
M.K.: C’est absolument essentiel, faute de quoi le
résultat n’est pas au rendez-vous, et on le constate
très rapidement. Aujourd’hui, nous avons à disposition une gamme de produits immense, donc il
nous faut avant tout les connaître, ce qui n’est pas
évident et suppose de lire beaucoup de fiches techniques, etc. Par ailleurs, si je reprends l’exemple de
l’étanchéité à l’air évoqué tout à l’heure, nous avons
affaire à des supports très différents: bois, béton,
métal. Or les bandes adhésives ne sont pas interchangeables, celles appropriées au bois ne collent
pas sur le béton et inversement. Il faut donc le savoir et choisir le bon produit.
D.C.: Le domaine des panneaux photovoltaïques,
que vous connaissez bien, reflète-t-il cette problématique?
D.C.: Le concepteur connaît-il effectivement les
matériaux qu’il utilise?
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
19
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
M.K.: C’est différent pour chaque concepteur. Dans
notre agence, nous effectuons d’importantes recherches en termes de documentation, mais nous
travaillons aussi beaucoup en direct avec les fabricants, les entreprises et les ingénieurs pour avoir
des retours d’expérience et différents points de vue.
Car il n’y a pas que le produit en lui-même qui compte,
mais bien évidemment la mise en œuvre, la logistique du chantier et la façon dont celui-ci va se
dérouler. Il faut par exemple se demander si le
produit que nous avons choisi peut être intégré dans
le planning chantier sans perturber les autres corps
d’état. L’étanchéité à l’air par enduit, à ce titre, a des
conséquences sur le planning. Le bâtiment devient
en fait de plus en plus complexe et cette démarche
nous semble incontournable.
D.C.: Cela signifie que votre métier d’architecte est
en train d’évoluer assez vite. N’est-ce pas le thermicien qui va prendre la main? Vous, vous êtes également ingénieur donc vous connaissez la physique?
M.K.: Absolument. Après, cela dépend des architectes et de leur école. Il est vrai que le bâtiment
est un objet physique, donc nous essayons de
comprendre comment la physique du bâtiment
fonctionne car c’est bien de là que viennent les
problèmes, par exemple les sinistres liés à la
condensation. Quant au niveau auquel la physique
doit être connue, je pense que l’idéal est ce travail
d’équipe. Étant donné que la performance énergétique est calculée essentiellement par les
thermiciens (quelques architectes le font), il peut
arriver que certaines prescriptions ou lignes directives soient données par eux.
MILENA KARANESHEVA
Architecte/co-gérant de
l'Atelier Karawitz
“Chacun, nous
y compris,
doit faire part
de ses propres
contraintes ou
de ses propres
idées, et doit
écouter celles
des autres”
D.C.: En somme, il faut tendre vers un équilibre
qui résulte des différentes compétences des
acteurs, afin de ne pas aboutir à des boîtes à
20
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
chaussures « monstrueuses » parfaitement étanches… Si l’on prend l’exemple des ponts thermiques, un sujet qui a beaucoup évolué, quelle est
votre approche de travail pour éviter des sinistres
ultérieurs?
M.K.: Il y a différentes approches. Nous, nous travaillons depuis très longtemps avec l’isolation par
l’extérieur. Le passage entre l’extérieur et l’intérieur
est assez délicat car c’est là notamment que se situent
les ponts thermiques. Cette problématique des
ponts thermiques se traite au niveau du détail de l’enveloppe. Et l’enveloppe est du ressort de l’architecte,
car ce même détail a des conséquences techniques
mais aussi esthétiques. En effet, une bavette sur un
appui de fenêtre n’aura pas le même rendu selon la
façon dont elle a été réalisée. Cela signifie pour
nous architectes, qu’il est important de traiter ce point
et surtout de le traiter dans son ensemble, c’est-àdire dans ses interactivités avec l’ouvrage.
D.C. : Comment faites-vous justement pour le
traiter dans toutes ses interactivités avec son
environnement?
M.K. : Notre agence travaille avec le thermicien
depuis l’esquisse, et très en amont aussi avec
l’ingénieur structure puisqu’il intervient notamment sur les façades. Chacun, nous y compris,
doit faire part de ses propres contraintes ou de
ses propres idées, et doit écouter celles des autres.
Nous, architectes, devons essayer de jouer le rôle
d’intermédiaire car le thermicien ne voit pas toujours les contraintes de l’ingénieur structure, et
vice-versa. Cela nécessite parfois quelques explications, mais se passe très bien dès lors qu’on
travaille en équipe. C’est très enrichissant de
travailler en équipe car on apprend, on comprend
mieux certaines logiques, et c’est aussi plus
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
efficace puisqu’on n’est pas obligés de revenir
sur certaines choses qui n’auraient justement pas
été vues sans discussion. Mais tout cela n’est bien
sûr possible que si chacun respecte les intérêts
et contraintes des autres et la façon dont ils
fonctionnent.
OLIVIER HENNO
quatre-vingt-dix on a perdu un peu de vigueur dans
ces dispositifs d’autocontrôle pour des raisons
économiques, de délais, etc. Mais aujourd’hui la
notion d’autocontrôle redevient indispensable :
elle va notamment permettre d’assurer une bonne
liaison entre les différents acteurs, étant donné
qu’aujourd’hui plus on intervient tard dans une opération de construction, plus on est responsable de
ce qui a été fait et donc plus on est susceptible d’accumuler les problèmes.
D.C.: Merci. Olivier Henno, vous êtes chez Axa à
la tête du service qui assure le lien entre ceux qui
font les contrats et ceux qui indemnisent, vous
vous intéressez donc beaucoup à la sinistralité.
Quel est votre constat en matière de sinistralité
liée aux interfaces techniques?
Olivier Henno: Dans l’analyse que nous faisons
des sinistres construction, je confirme totalement
le fait qu’il y a aujourd’hui beaucoup de problèmes
d’interfaces entre les différents métiers du bâtiment.
Concernant les raisons, je rejoins les propos de
Guillaume Gautier sur les référentiels techniques.
Les normes donnent des spécifications sur des
produits, mais il ne faut pas oublier la mise en
œuvre. Par exemple, est-ce que les caractéristiques
et spécifications des panneaux photovoltaïques
dans les normes européennes répondent bien à ce
qu’on demande à un panneau intégré au bâti, qui
est le mode de mise en œuvre qu’a privilégié la
France à l’inverse de la surimposition choisie par
les autres pays européens? Nous avons quelques
retours qui nous font penser que ce n’est pas tout
à fait le cas. Il nous faut donc d’autres référentiels
nous permettant d’encadrer cette mise en œuvre.
Nous assureurs, sommes très attachés à un référentiel technique qui est le Document Technique
Unifié (DTU). Pour autant, le DTU ne résout pas
tout non plus, en l’occurrence le sujet des interfaces entre métiers du bâtiment n’est pas toujours
bien décrit.
D.C.: C’est-à-dire qu’un DTU va porter sur une
technique d’un métier sans forcément prendre
en compte celle d’un autre?
O.H.: Exactement, le DTU ne va pas forcément décrire par exemple l’interface entre le métier du
couvreur et le métier du charpentier. Or la gestion
des interfaces est aujourd’hui indispensable avec
l’avènement de la RT 2012. En plus d’une meilleure
description des interfaces, l’une des clés, selon
moi, serait de revenir à la notion d’autocontrôle des
entreprises.
D.C.: Ce qui nous fait quelque peu revenir vers
les années 80-90?
O.H.: Effectivement, même si à partir des années
Responsable Ingénierie
Prévention construction
d’Axa France IARD
D.C.: Madame Hernandez Antunez a tout à l’heure
parlé d’améliorations à venir sur la traçabilité
des produits. Est-ce aussi pour vous un aspect
essentiel?
O.H.: En tant qu’assureur d’une entreprise, c’est
effectivement important pour nous de connaître son
cadre d’intervention exact, car cela permet de circonscrire sa responsabilité et de pouvoir mieux la
défendre en situation de sinistre. Cela passe bien
sûr par une traçabilité de l’ensemble des éléments
qui constituent l’intervention de ladite entreprise. En
situation de réparation d’un ouvrage et donc d’indemnisation, nous pouvons ainsi circonscrire cette réparation et proposer une indemnisation au juste prix.
Nous ne sommes pas spécialement partisans de la
solution démolition-reconstruction, à condition bien
sûr d’obtenir le même niveau de performance final
et de satisfaction du lésé. Mais effectivement, pour
pouvoir mener à bien notre mission, nous devons
avoir une traçabilité des conditions d’intervention.
Prenons l’exemple des résines de sol coulées, un
domaine d’activité très spécifique qui nous a valu des
sinistres importants il y a quelques années, car pouvant engendrer, au-delà des seuls désordres sur
le sol, des dommages immatériels extrêmement
coûteux quand l’activité doit être stoppée (dans les
locaux agroalimentaires notamment). Pour que l’activité soit maintenue, il est indispensable de pouvoir
circonscrire le désordre, donc de savoir ce qui s’est
passé et ce qu’a fait l’entreprise, ce qui permettra
de faciliter le travail de l’expert et du maître d’œuvre
en réparation, et par conséquent de réparer une
partie seulement des revêtements de sol coulés si
d’autres parties sont satisfaisantes, plutôt que de
refaire l’intégralité de la surface.
D.C.: À une autre échelle, avez-vous constaté une
incompatibilité technique, donc un problème
d’interfaces, entre les différentes réglementations
actuelles, la RT 2012, le parasismique, l’accessibilité, etc.?
“Aujourd’hui, la notion d’autocontrôle redevient indispensable: elle va
notamment permettre d’assurer une bonne liaison entre les différents
acteurs, étant donné qu’aujourd’hui plus on intervient tard dans une
opération de construction, plus on est responsable de ce qui a été fait et
donc plus on est susceptible d’accumuler les problèmes”
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
21
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
O.H.: Tout à fait, je citerai spontanément le rupteur
de pont thermique, un exemple que beaucoup
connaissent bien. Il est favorisé par la réglementation thermique pour des raisons évidentes de
performance, puisqu’il assure la continuité intérieure de l’isolation thermique sur toute la hauteur
du bâtiment. Sauf que cela devient beaucoup plus
compliqué de satisfaire dans le même temps la réglementation parasismique parce qu’il y a des enjeux
de structure; sans entrer dans le détail, les fonctions tirant-buton et de diaphragme au niveau du
plancher ne seront pas aussi efficaces en présence
de rupteurs de pont thermique. Bien évidemment,
il ne s’agit pas de s’affranchir des rupteurs, mais
en revanche il faut une collaboration et une concertation étroites entre le bureau d’études thermiques
et le bureau d’études de structure pour obtenir le
meilleur compromis de conception.
Guillaume Gautier : À propos des ponts thermiques, je voudrais juste souligner qu’André Poujet
(N.D.L.R.: du bureau d’études thermiques André
Pouget) a réagi cette semaine dans Le Moniteur sur
l’obligation de traiter le pont thermique mur-dalle
qui pourrait être supprimée par le ministère. Pour
le coup, nous serions servis en termes de générations de moisissures et de condensation…
D.C.: Merci. David Morales, vous êtes administrateur de la Capeb, président de l’Union nationale
des artisans pour les métiers et techniques du
plâtre et de l’isolation (Una–MPTI), et vous-même
plaquiste, donc quotidiennement au cœur d’interfaces de matériaux, notamment avec l’électricité.
Comment s’articule votre travail de chaînage entre
différents corps d’état?
David Morales: Pour travailler ensemble, je crois
que le premier point essentiel est de connaître les
autres et de discuter avec eux. Si nous n’expliquons
pas les raisons pour lesquelles nous créons une
étanchéité à l’air, et si nous n’essayons pas de
comprendre comment un autre artisan amène
l’électricité dans les pièces, nous aurons du mal à
travailler ensemble. Lors de la première réunion de
chantier, tous les corps d’état sont normalement là
justement pour échanger les uns avec les autres
et expliquer ce que chacun va faire. Il faut savoir
écouter et aussi savoir être humble pour arriver à
déterminer ensemble les points où chacun risque
de faire une erreur. C’est aussi le rôle de l’architecte
quand il est présent, mais s’il n’est pas là ou s’il n’y
en a pas – ce qui est le cas d’une grande majorité
des chantiers –, nous devons le faire nous-mêmes.
Je vais donner quelques exemples. De par ma
fonction à la Capeb, je suis amené à travailler sur
les DTU. L’année dernière, en nous penchant sur le
DTU des plaques de plâtre, nous nous sommes demandés, concernant le sujet de l’étanchéité à l’air,
si les murs en maçonnerie livrés aux plaquistes
par les maçons étaient étanches ou pas. Ceux-ci
nous ont répondu par l’affirmative, mais ont été
obligés au final de réaliser des tests car aucune
preuve n’existait. Personne, jusqu’à maintenant,
22
DAVID MORALES
Administrateur de la Capeb
(Confédération de l’artisanat et
des petites entreprises du
bâtiment), président de l’UnaMTPI (Métiers et techniques du
plâtre et de l’isolation)
“Lors de la
première
réunion de
chantier,
tous les corps
d’état sont
normalement
là justement
pour échanger
les uns avec
les autres et
expliquer ce
que chacun va
faire. Il faut
savoir écouter
et aussi savoir
être humble
pour arriver
à déterminer
ensemble
les points où
chacun risque
de faire une
erreur”
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
n’avait en fait pensé à la question de l’étanchéité à
l’air des murs en briques ou en blocs parpaings.
Donc, si nous voulons que les DTU du plâtrier
puissent suivre les DTU des maçons, nous devons
commencer à travailler ensemble. Autre exemple,
nous nous sommes également aperçus que les tolérances d’une maçonnerie étaient incompatibles
avec les tolérances d’une menuiserie: c’est-à-dire
que l’addition des tolérances peut dépasser 8 mm,
alors qu’un cordon d’étanchéité ne doit pas faire plus
de 8 mm… Nous travaillons donc sur ce sujet.
Je suis aussi président du Groupe spécialisé (GS)
qui délivre les Avis Techniques (ATec) sur les plafonds, cloisons et doublages. Vous savez qu’on pose
généralement une isolation dans les plafonds. Si
nous voulons prendre en compte l’interface entre
les plafonds et l’isolation, nous devons donc forcément travailler avec le GS qui se préoccupe de
l’isolation, ce que nous sommes en train de faire.
Les ATec circulent maintenant d’un GS à un autre
par rapport à ces questions d’interfaces.
D.C.: Pouvez-vous nous expliquer la problématique
importante d’interface entre la plâtrerie et les chapes
liquides, que vous rencontrez assez souvent?
D.M.: Dans le bâtiment, nous sommes passés de
la plâtrerie humide (du plâtre appliqué sur les murs
et laissé à sécher) à la plâtrerie sèche, à savoir des
plaques de plâtre préfabriquées posées en plafonds, cloisons ou doublages. Mais si cette plâtrerie
est sèche, elle n’aime pas l’eau pour autant. Or le
chapiste, qui intervient après le plaquiste, est amené
de plus en plus à mettre en œuvre des chapes liquides, qui offrent certes beaucoup d’avantages
mais ne sont constituées quasiment que d’eau…
Donc évidemment, avec des bâtiments qui deviennent de plus en plus étanches, nous nous
sommes rendus compte que la pose de cette chape
liquide sur un chantier où les cloisons, plafonds et
doublages sont déjà en place, entraînait immanquablement des désordres de différentes sortes: les
plafonds peuvent se voûter à cause de l’humidité,
l’accumulation de condensation sur les vitres peut
aboutir à un écoulement d’eau le long de ces vitres,
venant humidifier les plaques en partie basse et
occasionnant des moisissures…
Pourtant, les chapistes posent leur chape liquide
selon les Règles de l’art, puisque celles-ci préconisent
de ne surtout pas ventiler dans les 72 premières
heures. Alors que vis-à-vis des plaques de plâtre,
il faudrait au contraire ventiler très vite pour évacuer toute l’humidité. C’est cependant un exemple
de problématique que peut difficilement relever
l’AQC au travers de Sycodés, d’une part car cela se
passe pendant le chantier, et d’autre part parce
que, en cas de détériorations le jour de la réception,
nous faisons le nécessaire sur place pour y remédier. Tout cela pour dire que le GS responsable des
chapes liquides aurait dû consulter le GS en charge
des plaques de plâtre, car le traitement des interfaces commence bel et bien à ce stade.
Je pense que les interfaces sur chantier sont plus
simples à gérer à partir du moment où l’on travaille
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
ensemble. Tout à l’heure Milena Karanesheva évoquait le rapprochement avec les thermiciens, les
ingénieurs, mais je sais aussi qu’elle a des liens avec
des entreprises et des artisans, ce qui est tout aussi
important car nous avons également notre mot
à dire. Les problématiques d’interfaces sont à tous
les niveaux de la chaîne, tous les acteurs doivent
être en connexion, les uns à côté des
autres et pas empilés les uns sur les autres.
Guillaume Gautier: Je précise que l’AQC a bien
repéré cette problématique d’interface sur les
chapes liquides à travers son travail de terrain
sur les retours d’expériences des bâtiments
performants.
D.C. : Milena Karanesheva, le sujet des tolérances que vient d’évoquer David Morales est,
j’imagine, essentiel à votre niveau ?
Milena Karanesheva : Nous travaillons beaucoup dans la construction bois et la construction
préfabriquée qui exigent une précision très élevée,
ce qui nous épargne des problématiques de tolérance et donc d’interfaces. Par rapport à l’exemple
cité sur les tolérances entre la maçonnerie et la
menuiserie, il est clair qu’il est indispensable de
connaître ces différences, d’être le plus précis
possible sur le chantier et de prévoir tous les produits et accessoires nécessaires pour arriver au
résultat escompté, notamment sur le sujet de l’étanchéité à l’air.
Les bâtiments deviennent de plus en plus performants et de plus en plus qualitatifs. Pour arriver à
un résultat de performance énergétique, il faut
pouvoir passer le test d’étanchéité à l’air, et cette
étanchéité ne se résume pas à des bandes adhésives. La première règle de base sur un chantier est
la précision, puis l’utilisation d’accessoires adéquats (pour le passage des câbles, pour assurer la
jonction entre les différents éléments, la charpente,
la maçonnerie, les menuiseries…). Mais c’est avant
tout la qualité qui est à la base de tout. Nous voyons
émerger aujourd’hui un cumul de compétences, un
cumul de possibilités de mise en œuvre et un changement d’habitudes. Tout cela est en train de se mettre
en place doucement, mais d’ores et déjà nous constatons des différences par rapport à il y a cinq ans.
Pour rebondir sur l’intervention de David Morales,
j’ai évoqué tout à l’heure essentiellement les ingénieurs parce que je parlais de la première phase du
chantier, la conception, qui se joue essentiellement
entre l’architecte, les ingénieurs et le maître d’ouvrage, un acteur essentiel. Mais concernant la
réalisation, il faut effectivement que tous se retrouvent autour d’une table pour que nous puissions
expliquer les enjeux du projet aux niveaux esthétique, fonctionnel, technique et thermique, et que
nous relevions ensemble les éventuels points névralgiques qui peuvent poser des problèmes. Pas
seulement des points techniques d’ailleurs, mais
aussi des aspects liés à la gestion du chantier, du
planning. Par exemple, les murs en maçonnerie
évoqués par David Morales ne seront étanches
qu’après une couche d’enduit interne. Mais cela
implique que l’enduit soit réalisé avant tout le reste,
notamment avant de poser les bâtis-support. Ce sont
tous ces multiples éléments et étapes qui doivent
entrer dans la gestion du planning.
D.C.: Votre message ouvrant pour un travail en
équipe entre ingénieurs, architectes, industriels
et entreprises pour une meilleure qualité globale
n’est pas forcément le discours habituel de tous
les architectes, même si les choses bougent…?
M.K. : Je ne connais pas tous les architectes et
leurs manières de travailler. Mais le problème que
vous soulevez n’est pas que le fait des architectes.
Nous étions récemment plusieurs spécialistes
autour d’une table – architectes, différents bureaux
d’études… Nous avons demandé à ces NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
23
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
derniers de nous donner leurs besoins, mais ils ne
nous ont pas répondu et nous avons dû reposer
notre question. Donc eux aussi étaient très étonnés et ne comprenaient peut-être pas que nous
leur demandions de nous donner leurs contraintes.
LAURENT PEINAUD
D.C. : Nous sommes bien là dans des questions
de rapports humains. Merci. Laurent Peinaud, vous
êtes le directeur qualité-sécurité-développement
durable de Socotec, et membre du comité stratégique de la délégation Construction de la Coprec.
Pouvez-vous nous donner votre vision?
Laurent Peinaud: On parle beaucoup d’interfaces techniques en se concentrant sur les matériaux.
Je pense que la première interface technique est
entre l’homme qui met en œuvre et le matériau, et
que le véritable travail à faire est à ce niveau. Aujourd’hui, il existe énormément de matériaux et de
produits, et je crois que c’est le niveau de connaissance et de compétence du professionnel qui
constitue la première mise en relation entre le
produit brut et le même produit mis en œuvre.
D.C.: Comment harmoniser cette libre circulation des produits et cette libre circulation des
compétences très diversifiées?
L.P.: Je ne travaille pas à la Commission européenne mais on remarque, au fil des ans, que des
actions concernant la libre circulation des produits
et la clarification des performances se sont beaucoup développées. Cela est positif à mon sens même
s’il faut, comme il a été dit tout à l’heure, ajouter
des éléments de performance complémentaires
sur les produits ainsi que sur la facilité de mise en
œuvre. Il faut probablement connecter cela à un
schéma plus homogène de qualification d’acteurs,
car je crois qu’on est dans ce domaine face à une
très grande diversité au niveau européen, chaque
pays ayant conçu son propre système. Certains sont
extrêmement sélectifs, d’autres moins, cela dépend
de la culture et des pratiques des différents pays.
Je pense qu’il y a effectivement un progrès à faire
pour arriver enfin à une libre circulation des services apportés par les produits. On fait aux
contrôleurs techniques le procès assez récurrent
de ne pas aimer ce qui est nouveau, européen, etc.
Je réponds très clairement que lorsqu’on fait de
l’analyse technique, on intègre bien deux dimensions:
le produit et sa mise et en œuvre. Il y a certains produits dont je sais qu’ils sont produits dans tel pays,
qu’ils sont régulièrement utilisés et qu’ils ont des
vertus et une bonne qualité intrinsèque. Néanmoins,
si les acteurs qui les mettent en œuvre dans un autre
pays n’ont pas la bonne pratique, cela peut être
catastrophique. Un exemple très classique est celui des toitures à faible pente avec une étanchéité
supplémentaire, que l’on trouve en Espagne: les
Espagnols ont ce savoir-faire, mais je ne suis pas
sûr que les acteurs d’autres pays l’aient. C’est un
chantier à venir dans le temps, mais je sais qu’il y
a d’ores et déjà sur ce sujet des initiatives au niveau
de différents pays comme au niveau européen.
24
Directeur Qualité SDD de
Socotec, membre du comité
stratégique de la Coprec
Construction (Confédération
des organismes indépendants
de prévention, de contrôle et
d’inspection)
“La difficulté
majeure
aujourd’hui
est de passer
d’un bâtiment
physique à
un bâtiment
performant. Là
où les équipes
se mobilisaient
autour de
l’œuvre
(je parle bien
de l’œuvre en
tant qu’objet
physique
qui restera
toujours),
je crois qu’il y a
une grande
difficulté à
se mobiliser
autour de la
performance”
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
D.C.: Je crois que vous avez un exemple intéressant de nos amis Anglais à nous relater?
L.P.: Oui, quelques expérimentations soutenues
par le gouvernement ont été réalisées, notamment
sur la mise en œuvre de parois séparatives entre
maisons qui devaient atteindre un certain nombre
de performances: acoustiques, thermiques, etc.
Différents prototypes ont donc été imaginés avec des
industriels, puis mis en œuvre sur des chantiers tests
et vérifiés par différentes mesures. Ils se sont ainsi
aperçus qu’un certain nombre de dispositifs étaient
assez faciles à mettre en œuvre et plutôt fiables
dans le résultat. C’est là à mon sens une piste intéressante sur un domaine d’interface complexe
qu’est la paroi. C’est typiquement une démarche qui
s’inscrit bien dans une culture de management des
risques. La difficulté majeure aujourd’hui est de
passer d’un bâtiment physique à un bâtiment performant. Là où les équipes se mobilisaient autour
de l’œuvre (je parle bien de l’œuvre en tant qu’objet
physique qui restera toujours), je crois qu’il y a
une grande difficulté à se mobiliser autour de la
performance. Je salue au passage les propos de
David Morales sur la notion de travail d’équipe et
de compréhension des enjeux. Réussir aujourd’hui
la performance d’un bâtiment, c’est maîtriser les
risques. Le travailler ensemble ne se décrète pas,
il s’organise, il s’anime, il est sponsorisé. De même
je pense que les objectifs doivent être partagés: le
partage d’objectifs sur une performance est propre
à mobiliser les acteurs pour comprendre en quoi
ils sont contributaires de cette performance.
D.C.: Cela signifie-t-il que la démarche séquentielle est à jeter à la poubelle?
L.P: Cela ne me paraît réaliste tout de suite, mais
je pense effectivement que les changements sont
majeurs à ce niveau-là. La vision séquentielle de
considérer qu’un problème est un ensemble de
sous-problèmes est une vision très déterministe,
et qui date pour la France du siècle des Lumières.
Nous avons un peu de mal à changer pour une vision plus probabiliste, dans laquelle finalement un
fonctionnement en équipe peut permettre de jouer
la substitution. En effet, dans un système séquentiel, une entreprise peut parfois se sentir obligée
d’aller au bout de son contrat même si à un moment
donné elle se sent dépassée en termes de compétences. J’ai d’ailleurs le souvenir d’un cas de cette
nature, sur un ouvrage très exceptionnel pour lequel
le bureau d’études avait eu l’honnêteté de reconnaître ses limites de compétences, ce qui était
complètement compréhensible puisqu’en Europe
il n’y avait que trois experts capables d’appréhender cet ouvrage… L’essentiel est de le dire et de faire
en sorte qu’un changement d’organisation à un
moment, parce qu’on atteint une limite de compétences, n’entraîne pas une pénalisation par rapport
au programme pré-établi.
Pour revenir sur mon propos ayant trait aux compétences et aux notions de barrières à l’entrée, je
vais prendre un exemple simple et vécu. Je fais
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
actuellement des travaux dans une grange, ce qui
n’est donc pas très compliqué. Mais quand j’ai demandé à mon couvreur local, qui fait au demeurant
du très bon travail, de refaire la toiture en ardoise
en rajoutant un complexe isolant, il a fait une drôle
de tête interrogative… Voulant lui donner l’opportunité d’aller vers l’innovation, je lui ai donné un peu
de temps pour se plonger dans le sujet. Il m’a finalement envoyé une documentation commerciale
d’un produit qui lui semblait adéquat, mais qui
malheureusement était quasiment le seul à ne pas
être sous Avis Technique. La même semaine je suis
allé à Batimat en essayant de me mettre à sa place,
et je crois sincèrement qu’il se serait certainement
dit que tous les industriels avaient inventé une multitude de nouveaux produits pendant la nuit…! Au
final, dans la mesure où je sentais bien que ma
demande le propulsait vers un univers totalement
nouveau, j’ai réalisé ma propre analyse de risques
et je lui ai confié la réalisation classique de la couverture en prenant un autre professionnel pour la
partie isolation, ce qui bien sûr me coûte plus cher.
Je n’émets pas une critique quand je parle de sélection, je pense simplement qu’il faut éviter que
des acteurs aillent au-delà de leurs compétences.
Le gros danger est de croire que le produit en luimême, parce qu’il a une valeur intrinsèque, va
permettre à tout le monde de le poser. J’invite à
prendre en compte cette faisabilité en lien avec de
véritables qualifications. Je le dis de manière un peu
provocatrice, mais je ne pense pas que nous soyons
dans un système où les qualifications sont extrêmement discriminantes ou fiables. Mon maçon me
disait justement, pas plus tard qu’hier, qu’il regrettait que les qualifications qu’il avait passées ne
soient pas assez discriminantes, parce qu’au final
tout le monde obtient l’examen. Je crois que nous
avons intérêt à bien dissocier les acteurs, les compétences, de façon à ce que tout le monde travaille bien.
N’oublions pas qu’au final nous devons développer
la confiance du consommateur, donc lui offrir une
bonne lisibilité, ce qu’on peut obtenir en maîtrisant
les risques, et la gestion des qualifications est un
des éléments de cette maîtrise.
DIDIER VIAUD
Directeur marketing de K-line,
membre du Gip (Groupement
industrie promotion)
“Prendre en
considération
une problématique que
nous ignorions
nous permet
aussi de faire
évoluer nos
propres
produits”
D.C.: Merci. Didier Viaud, vous êtes directeur marketing des fenêtres K-Line, mais vous êtes aussi
membre du Groupement industrie promotion
(Gip), une association au service de l’amélioration
de la qualité de la construction. Vous êtes constitués de 46 industriels, 2 bureaux de contrôle
technique et 2 fournisseurs d’énergie, dont EDF.
Le but de votre association rejoint-il notre problématique de matériaux et d’interfaces?
Didier Viaud: Pour reprendre les propos de David
Morales, la raison d’être du Gip est d’échanger entre
industriels, car chaque industriel possède sa propre
solution technique. Nous voulons aussi favoriser le
dialogue avec les maîtres d’ouvrage et tous les acteurs, architectes, ingénieurs, économistes… Il est
très important de rapprocher tous ces acteurs pour
essayer d’obtenir les meilleures interfaces possibles, qu’elles soient techniques ou humaines.
C’est la raison d’être du Gip.
D.C.: Vous travaillez sur différents sujets, l’usage,
l’air intérieur, etc. Je voudrais que vous nous
évoquiez le sujet des balcons, qui pose de gros
soucis d’interface.
D.V.: Nous procédons à des interviews de maîtres
d’ouvrage, car nous sommes notamment partenaires
de la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers)
qui nous aide à identifier les problématiques récurrentes. Effectivement, le sujet des balcons est revenu
à plusieurs reprises. Dans la construction d’un logement collectif, il s’agit d’un ouvrage extrêmement
complexe qui fait intervenir de nombreux corps
d’état, parce qu’il relève de la réglementation, comporte
des aspects sécuritaires, structurels, des interfaces
avec l’étanchéité à l’air, la menuiserie, l’isolation par
l’extérieur… Toute la richesse du Gip est de réunir
les industriels concernés et de se rapprocher des
maîtres d’ouvrage pour discuter ensemble. Tout à
l’heure, Olivier Henno disait que les DTU manquaient
peut-être de «tuilage», c’est tout l’objet de notre
travail de découvrir et prendre conscience des
difficultés vécues et exprimées, et de réfléchir de
concert pour apporter des solutions globales.
Prendre en considération une problématique que
nous ignorions nous permet aussi de faire évoluer
nos propres produits.
D.C.: Merci. Parlons un peu maintenant du BIM
(Bâtiment et informations modélisés) sous l’aspect des produits, même si nous l’évoquerons plus
longuement dans la deuxième table ronde. David
Morales, sur les 120000 artisans adhérents de la
Capeb, tous ne sont sûrement pas au même niveau
d’informatique. Pensez-vous que le BIM est une
bonne solution d’harmonisation?
David Morales.: Je pense que oui, mais pas tout
de suite car nous en sommes aux balbutiements.
Pour reprendre une image, nous commençons à poser les rails, et lorsque la locomotive sera lancée,
nous accrocherons tous les wagons derrière. C’est
bien sûr un outil extraordinaire mais NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
25
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
“Le BIM offre beaucoup d’avantages, mais cela va être difficile car on
voit bien aujourd’hui que la complexité ne se situe pas que sur les
matériaux ou sur leur assemblage, mais aussi sur le partage d’une
vision et des problématiques, notamment en termes de performances”
encore très complexe. Un négociant me présentait
il y a quelques jours un nouveau système informatique avec lequel il pouvait, en appuyant simplement
sur un bouton, afficher toutes les fiches techniques
de l’ensemble des produits que j’avais achetés dans
le mois. Sauf que ça posait problème parce que
tous les industriels n’ont pas le même système
informatique. Il va donc falloir d’abord définir les produits que tout le monde va utiliser pour pouvoir les
intégrer à cette maquette numérique. Nous, artisans, avons acheté des ordinateurs quand il a fallu
acheter des ordinateurs, puis nous avons acheté des
tablettes quand il a fallu acheter des tablettes.
Aujourd’hui nous attendons que les architectes élaborent les plans et que les industriels y intègrent
toute la liste des matériaux qu’il nous faut pour
pouvoir faire un devis. À ce moment-là, nous serons
prêts.
D.C.: Laurent Peinaud, dans le monde du bâtiment
qui, il faut l’avouer, est un peu formaliste à certains
égards et en même temps complètement dans
l’action, le BIM est-il inévitable?
Laurent Peinaud: J’ai tendance à dire que c’est
inévitable puisque le BIM offre beaucoup d’avantages,
mais cela va être difficile car on voit bien aujourd’hui
que la complexité ne se situe pas que sur les matériaux ou sur leur assemblage, mais aussi sur le
partage d’une vision et des problématiques, notamment en termes de performances. Je pense
que le BIM est forcément une avancée parce que la
rupture dont je parlais par rapport à une démarche
séquentielle nécessite un suivi et une traçabilité minimaux afin que tout le monde s’y retrouve. Il faudra
donc des repères, et le BIM en cela est un outil formidable. C’est aussi le moyen de se connecter à la
diversité des produits. La difficulté réside dans ces
changements de comportement majeurs. Le bâtiment a la culture de l’action, du produit, moins de
l’écrit et moins encore de la description de processus. Les rôles des acteurs aussi vont devoir évoluer.
Mais je pense que le monde du bâtiment en est capable, et plus il prend conscience de l’intérêt à
travailler ensemble, plus il sera moteur dans cette
démarche.
D.C.: Comment concilier les exigences accrues
d’aujourd’hui avec le manque d’argent ? Est-ce
que cela n’oblige pas parfois à réduire les délais
des uns et des autres, à raboter les études?
Milena Karanesheva: C’est très important, au début d’un projet, qu’il y ait aussi le maître d’ouvrage
autour de la table avec l’équipe des ingénieurs et
26
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
architectes pour que les repères soient posés avant
même la programmation et notre intervention. Car
on définit, on influence les coûts essentiellement
au début d’un projet. Il faut donc au début d’un projet comprendre les priorités, les enjeux, et définir
la façon de mener tout cela à bien en équilibre avec
les coûts. Le graphique de Philippe Estingoy est
très éloquent sur le sujet: plus on bâcle les études,
plus on a des coûts de maintenance élevés, voire
des coûts de gestion de sinistres élevés. Il n’y a pas
de bonne qualité, et pas de bâtiments performants,
à un coût bas de gamme.
D.C.: Merci. Des personnes dans le public souhaitent-elles intervenir?
Intervention n° 1 dans la salle: Bonjour, je suis
Alain Merlot de la fédération Cobaty. Vous avez
évoqué les interfaces techniques et celles entre
l’humain et la technique, mais je pense qu’il faudrait également parler des interfaces entre les
fonctionnalités. Je pense notamment à l’étanchéité
à l’air que la RT 2012 vient renforcer, en interface
directe avec le renouvellement de l’air. Les renouvellements d’air n’ont pas été modifiés depuis les
arrêtés de 1969 me semble-t-il. Est-ce suffisant?
Car on a certainement là un risque de désordres
sur l’humain peut-être plus que sur la technique.
Laurent Peinaud: Je suis totalement d’accord.
Il y a effectivement des équilibres qui changent,
compte tenu des performances qui augmentent, et
qui doivent être pris en compte. Les retours d’expérience que nous menons tous doivent permettre
de nous faire progresser dans ces domaines-là, de
la même manière que nous avons déjà progressé
sur la qualité de l’air intérieur.
D.C.: D’autres réactions?
Intervention n° 2 dans la salle: Bonjour, je suis
Pierre Mit, président de l’Untec (Union nationale
des économistes de la construction). Concernant
l’interrogation de David Morales sur les documentations de produits, je voudrais simplement signaler
qu’une commission dénommée PPBIM présidée
par l’AIMCC travaille actuellement au sein du Cos
Construction de l’Afnor pour que toutes les informations des industriels puissent être classées d’une
bonne façon et que les professionnels en aval
puissent aller chercher l’information au bon endroit.
D.C.: Un grand merci à vous tous pour ce premier
débat. ■
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OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
Zoom sur…
LA POLITIQUE
EUROPÉENNE RELATIVE
AUX MARCHÉS PUBLICS ET
AU RÔLE DU MAÎTRE D’OUVRAGE
ANIMATION
DENIS
CHEISSOUX
Journaliste,
animateur
de l’émission
CO2 mon
amour sur
France Inter
28
INTERVENANTS
PIERRE
DELSAUX
Directeur général
adjoint de la DG
Marché intérieur
et Services de
la Commission
européenne
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
Pierre Delsaux: Bonjour et merci beaucoup pour
votre invitation. Je vais évoquer la réforme des
marchés publics en Europe. Le sujet peut paraître
relativement lointain par rapport aux échanges qui
ont eu lieu jusqu’à maintenant, mais il présente
tout de même des liens extrêmement importants.
Tout d’abord, pourquoi une réforme des marchés
publics en Europe? Ces marchés représentent 19 %
du produit intérieur brut, soit 2300 milliards d’euros, ce qui est un chiffre énorme. Dès lors, lorsqu’on
est en temps de crise et qu’on veut réaliser des économies, parvenir à un peu d’efficacité sur ce sujet
représenterait des économies substantielles pour
tous les pays, et donc indirectement pour tous les
citoyens. Lorsqu’on est à la recherche de vecteurs
de croissance et d’efficacité en Europe, les marchés
publics sont un domaine d’action extrêmement
important, et il importe que chacun devienne
meilleur dans leur utilisation. C’est ce que nous
nous sommes efforcés de faire au niveau communautaire. Un texte a d’ores et déjà été adopté, il est
entré en vigueur mais doit être encore transposé
par les États membres qui ont deux ans pour le faire,
c’est-à-dire d’ici 2016.
Évoquons maintenant les grands principes de ce
texte. Premièrement, nous avons voulu faciliter la
vie des pouvoirs adjudicateurs en simplifiant un
certain nombre de règles extrêmement complexes
qui, parfois, créaient surtout de la lourdeur bureaucratique… Nous avons par exemple simplifié les
conditions de négociation. Autre exemple concernant la documentation à fournir en tant qu’adjudicataire: les participants à un appel d’offres auront
désormais à fournir ces documents uniquement s’ils
remportent l’appel d’offres, ce qui représente une
économie substantielle. Dans le même esprit, nous
allons mettre en place pour tous ceux qui opèrent
sur une base transfrontalière un système de reconnaissance des documents et des certificats propres
à un pays dans d’autres pays, ce qui évitera de devoir fournir à chaque fois ces documents. Dernier
exemple de simplification: les possibilités de modification de contrat, qui, nous le savons, sont dans
la réalité un vrai problème et qui seront encadrées
de manière justement à faciliter dans certaines
conditions – mais sans permettre les excès – ces
modifications de contrat.
Deuxièmement, étant donné la masse financière qui
est générée par les marchés publics, il nous paraissait important que d’autres considérations que la
seule efficacité économique soient prises en compte
par les pouvoir publics. Nous permettons ainsi dorénavant aux pouvoirs publics – sans l’imposer – de
prendre beaucoup plus en compte des considérations environnementales (par exemple, la durée de
vie d’un produit pourra être prise en compte pour
attribuer un marché à quelqu’un). J’entends
quelqu’un dans la salle dire «enfin!» et effectivement, cet élément nous paraît fondamental. De
même que l’aspect social est aussi très important:
je n’ai pas l’intention de faire un cours sur le dumping social (ou ce que l’on prétend être le dumping
social), mais cela existe dans la réalité, et nous
nous sommes efforcés de l’encadrer à travers cette
PIERRE DELSAUX
Directeur général adjoint de la
DG Marché intérieur et Services
de la Commission européenne
“Nous estimons
que la passation
de procédures
de marchés
par voie
électronique
doit être
encouragée
au niveau
européen, et
de fait elle sera
obligatoire
à partir de
2018, car elle
favorise la
transparence,
l’efficacité et
l’uniformité
du côté des
pouvoirs
adjudicateurs”
Directive. Notre objectif est de permettre aux pouvoirs publics, par le biais des marchés publics, de
poursuivre d’autres politiques.
Troisièmement, la coopération entre autorités publiques sera favorisée, ce qui n’est peut-être pas
un point totalement favorable pour vous parce que
plus de coopération signifie moins de travail pour
vous. Il faut néanmoins le prendre en considération.
Quatrièmement, le texte veut favoriser les PME
dans le cadre de l’attribution des marchés publics,
à travers une série de mesures. J’ai déjà évoqué la
simplification administrative à travers la documentation qu’il n’est plus obligatoire de fournir au stade
de la participation à un appel d’offres, mais il y a
d’autres mesures, comme par exemple les limitations en termes de chiffre d’affaires qui seront modifiées, ou encore l’obligation de justification en cas
de marchés publics qui ne sont pas passés en lot.
Je suis conscient que cette simplification dont je
parle peut ne pas sauter aux yeux dans le texte très
complexe de cette Directive, mais je vous promets
qu’elle existe et qu’elle sera là sur le terrain.
Je vais maintenant me focaliser sur les points qui
vous intéressent le plus, car ils vont sans doute amener des changements pratiques du côté du maître
d’ouvrage et donc indirectement pour vous tous, en
raison de l’interface qui le lie naturellement avec
les acteurs missionnés.
Le premier point extrêmement important, qui va
peut-être vous surprendre de prime abord, concerne
la passation de procédures de marchés par voie électronique. Nous estimons que ce mode doit être
encouragé au niveau européen, et de fait il sera
obligatoire à partir de 2018, car il favorise la transparence, l’efficacité et l’uniformité du côté des pouvoirs adjudicateurs. Vous pensez peut-être que
c’est le point de vue de bureaucrates de Bruxelles
déconnectés de la réalité. Savez-vous quel est le
pays le plus avancé en termes de marchés publics
électroniques? J’entends régulièrement répondre
l’Allemagne parce qu’ils sont riches, l’Estonie parce
qu’ils sont très avancés au niveau électronique, ou
encore l’Angleterre parce qu’ils sont très innovants.
En réalité, il s’agit du Portugal, qui n’est pourtant
pas le pays européen le plus riche. Les Portugais
se sont rendus compte que la voie électronique
leur apportait non seulement plus d’efficacité du
côté des pouvoirs adjudicateurs, mais aussi une
meilleure concurrence pour les entreprises. Si l’on
extrapole à l’échelle de l’Europe les économies réalisées au Portugal en passant les marchés publics
par voie électronique, on s’aperçoit que les économies annuelles seraient d’environ 100 milliards
d’euros… Ces chiffres sont certes impressionnants,
mais absolument basés sur l’expérience du Portugal. J’en profite d’ailleurs pour ouvrir là une parenthèse concernant le BIM (Bâtiment et informations
modélisés), qui a été évoqué lors de la première
table ronde. Si le BIM en tant que tel n’est évidemment pas mentionné dans la Directive, rien
n’empêche un État membre dans le futur de l’imposer. Mais aussi longtemps que le BIM ne sera pas
devenu la norme commune, l’État membre qui
l’imposerait devrait accepter d’autres NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
29
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
systèmes alternatifs. Ceci étant, un groupe de travail a été créé au niveau de la Commission européenne sur le sujet du BIM, et nous avons par ailleurs également d’ores et déjà entamé une réflexion
avec les autorités publiques de 14 États membres,
dont la France, pour réfléchir sur la façon de faire
évoluer ce système.
Deuxième point, nous allons favoriser dans la Directive toute une série de facteurs qui permettront
aux pouvoirs publics d’obtenir des conseils avant
de définir les termes du contrat de marché public.
En d’autres termes, nous allons favoriser la consultation en amont, pour faire en sorte que les clauses
techniques finales qui feront partie du cahier des
charges aient été élaborées avec une certaine efficacité. Car, soyons clairs et ce n’est pas une critique, tous les pouvoirs publics ne sont pas nécessairement capables de rédiger un cahier des charges
de manière efficace. Cela signifie que nous allons
autoriser et favoriser les centrales d’achat, mais
aussi leur permettre de conseiller le pouvoir adjudicateur pour l’établissement du cahier des charges
technique. Mais nous allons permettre également
au pouvoir adjudicateur de consulter le secteur
privé. Bien entendu, un certain nombre de règles
visant à éviter les distorsions de concurrence sont
prévues. Il ne faut évidemment pas, par exemple,
que le fait que vous aidiez le pouvoir adjudicateur
à définir ses spécifications techniques aboutisse au
final à ce que votre produit soit choisi.
Un troisième point très important est d’avoir introduit une nouvelle procédure en vue de favoriser l’innovation. Le problème là aussi est que les pouvoirs
publics maîtres d’ouvrage ne sont pas toujours
ceux qui connaissent le mieux le marché (au sens
des spécifications techniques) et ce qui existe sur
le marché. Ou alors, s’ils ont consciences du problème qu’ils ont, ils ne connaissent pas forcément
la solution adéquate. Cette procédure que nous appelons «Sol’innovation» visera à permettre le dialogue et le développement de solutions innovantes,
qui seront alors incorporées dans le cahier des
charges, et donc bien entendu ouvertes à tous les
professionnels qui peuvent y répondre.
Je souhaite évoquer en plus toute une série de dispositions qui seront présentes dans la Directive
sur la question des conflits d’intérêts et de corruption. Ce sujet est malheureusement une réalité dans
tous les pays européens, certains plus que d’autres.
Il importe donc d’avoir une définition claire de ce
que l’on entend par «conflit d’intérêts», et de définir les problèmes et les limites que cela pose. C’est
un travail que nous voulons mener là aussi au niveau européen car il est fondamental que la professionnalisation des pouvoirs publics ait lieu dans
tous les pays. Bien sûr, ce n’est pas réaliste de
penser qu’une PME d’Auvergne va nécessairement
participer à un appel d’offres estonien, mais il n’en
reste pas moins que nous devons créer un grand
marché intérieur si nous voulons retrouver la croissance en Europe. Et nous devons donner pour cela
la possibilité à toutes nos entreprises de participer
à des marchés publics partout en Europe.
En synthèse, nous voulons professionnaliser
30
“Nous voulons
professionnaliser
l’ensemble
des marchés
publics en
Europe, et pour
cela mettre
en place des
procédures plus
transparentes,
plus efficaces,
qui permettent
l’innovation
technique et le
développement,
et qui permettent
aussi aux
entreprises de
tous les États
membres
de participer
à des marchés
publics, donc
d’accéder à
des marchés
auxquels elles
n’avaient pas
forcément
accès jusqu’à
maintenant”
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
l’ensemble des marchés publics en Europe, et pour
cela mettre en place des procédures plus transparentes, plus efficaces, qui permettent l’innovation
technique et le développement, et qui permettent
aussi aux entreprises de tous les États membres
de participer à des marchés publics, donc d’accéder à des marchés auxquels elles n’avaient pas
forcément accès jusqu’à maintenant. Ce travail extrêmement important aboutira, nous l’espérons, à
un changement réel sur le terrain. Comme je vous
l’ai dit, ce texte a été adopté, est entré en vigueur,
mais il faut attendre maintenant deux ans avant sa
transposition au niveau national. Nous voulons utiliser cette période de deux ans pour continuer à travailler à la fois avec les autorités publiques, mais
aussi avec tous les professionnels concernés, c’està-dire vous, pour définir la façon de mettre en
œuvre sur le terrain ces dispositions. En d’autres
termes, nous voulons créer un processus d’accompagnement pour que la transposition soit la plus efficace possible bien sûr, mais surtout qu’elle ne
conduise pas à des disparités trop grandes. Et puis,
vous savez bien qu’un texte juridique peut parfois être
sujet à plusieurs interprétations, donc en mettant
tous les acteurs autour de la table, nous voulons
aussi essayer dans la mesure du possible d’arriver
à la même interprétation partout.
De fait, le message que j’aimerais partager aujourd’hui avec vous serait de ne pas penser que tout
ce qui se passe à Bruxelles est loin de vos réalités
ou préoccupations, mais de réaliser que cela aura
un impact dans votre activité future. Donc si vous
ne voulez pas que cela impacte votre futur de manière trop négative, c’est maintenant qu’il faut venir nous trouver et dialoguer.
Pour conclure sur un dernier point, nous avons
adopté une nouvelle version d’un texte antérieur
sur les qualifications professionnelles et sur la
reconnaissance de celles-ci. C’est une question
compliquée et nous avons eu des difficultés car,
bien sûr, il n’y avait pas d’harmonisation entre tous
les textes nationaux (par exemple, le nombre d’années d’études en Irlande pour un diplôme de médecin étant de quatre ans, la question était de
savoir si un médecin irlandais pouvait directement
venir pratiquer en France où les études sont plus
longues). Ce texte a donc été adopté au niveau
communautaire et vise à favoriser la mobilité des
professionnels, ce qui à notre avis est extrêmement important. Nous allons maintenant mettre
en place une «carte» professionnelle électronique
qui vous permettra de faire faire connaître et valoir
vos qualifications dans un autre État de manière
beaucoup plus simple. Ce système sera difficile à
mettre en place, et nous avons besoin de vous pour
faire en sorte qu’il ne soit pas seulement une invention bureaucratique de Bruxelles mais une action utile sur le terrain.
Je vous remercie pour votre attention. ■
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OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
2e table ronde
LES JEUX D’ACTEURS:
QUELLES INTERFACES
ENTRE LES RÔLES, QUELLES
ÉVOLUTIONS ENVISAGEABLES?
ANIMATION
Denis
Cheissoux
Journaliste,
animateur
de l’émission
CO2 mon
amour
sur France
Inter
32
INTERVENANTS
Dans l’ordre d’intervention :
•DOMINIQUE BAROUX, direction des marchés IARD à la SMABTP (Société mutuelle assurances bâtiment et travaux publics);
•MARIE-LUCE BOUSSETON, directrice générale de l’Apij (Agence publique pour l’immobilier de la justice) ;
•CHRISTIAN ROMON, secrétaire général de la MIQCP (Mission interministérielle pour la qualité des constructions
publiques) ;
•PASCAL CHOMBART DE LAUWE, architecte à l’Agence Tectône, président de l’Association AMO (Architecture et maîtres
d’ouvrage) ;
•ÉRIC PERRON, directeur Développement immobilier de Grand Lyon Habitat, représentant l’USH (Union sociale pour l’habitat);
•ALINE CASTAGNA, responsable SAV d’Eiffage Construction, présidente du groupe de travail SAV d’EGF.BTP (Entreprises
générales de France BTP) ;
•PIERRE MIT, économiste, président de l’Untec (Union nationale des économistes de la construction).
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
Denis Cheissoux: Cette seconde table ronde va
maintenant se focaliser sur les interfaces entre
acteurs, autres sources de risques, et sur les évolutions envisageables dans les relations entre ces
derniers. Dominique Baroux, vous êtes à la Direction des marchés IARD à la SMABTP. On pense
toujours, quand on consulte l’assureur, qu’il va
résoudre tous les problèmes. Qu’en est-il?
Dominique Baroux: Dans le processus que nous
avons vu, et je trouve que la table ronde précédente
était tout à fait illustrative à ce propos, l’assureur
vient en fait en fin de processus. En effet, en général,
l’entreprise a une politique d’assurance en abonnement, ce qui veut dire que par définition l’assureur
ne voit pas la succession des chantiers qui vont être
réalisés. En revanche, avec les polices de chantiers
– je pense bien évidemment par exemple à l’assurance Dommages-Ouvrage –, il est possible d’avoir
une vision d’ensemble de chantiers d’une certaine
taille. Pour autant, dans ces cas-là, nous arrivons
en fin de processus, à un moment où l’ensemble des
marchés a déjà été défini: je pense au périmètre
de la maîtrise d’œuvre, au type de contrôle technique,
à la mission du géotechnicien s’il y en a un, etc. Ce
qui fait que nous arrivons en bout de course.
D.C. : Quand les choses sont à peu près pliées…
D.B. : Tout à fait. À partir de là, il y a deux attitudes:
une première est d’apprécier le risque tel qu’il nous
est présenté et d’en tirer les conséquences, la seconde est de considérer que l’appréciation du risque
est insuffisante, et dans ce cas-là d’assujettir les
offres qui seront faites en respect des conditions de
souscription «ad’hoc» que nous estimons nécessaires pour garantir ce risque.
DOMINIQUE BAROUX
informations modélisés) sera un support qui permettra d’échanger davantage et d’unir l’ensemble
des acteurs.
D.C. : À quoi vous conduisent inévitablement
les nouvelles exigences réglementaires et notamment la RT 2012? À travailler dès maintenant
main dans la main?
D.B. : En réalité, il y a derrière votre question le
Direction des marchés IARD
à la SMABTP (Société
mutuelle assurances bâtiment
et travaux publics)
“Nousvoyonsdes
incompatibilités,
non seulement
de matériaux,
mais aussi de
mise en œuvre
de certaines
réglementations”
sujet de l’empilage et la succession des réglementations qui s’imposent aujourd’hui dans le monde
de la construction. Nous voyons des incompatibilités,
non seulement de matériaux, mais aussi de mise
en œuvre de certaines réglementations. Faisons
confiance au bon sens. L’expérience et l’apprentissage vont très certainement permettre d’apporter
progressivement des réponses à ces situations.
Mais il est vrai qu’aujourd’hui chacun devient le
spécialiste de sa propre «tête d’épingle», et que la
vision globale est oubliée. Le photovoltaïque, évoqué
dans la première table ronde, est une illustration
parfaite où la norme, tout européenne soit-elle,
peut être pertinente, mais si elle ne vise qu’un élément de l’installation globale – alors qu’il faut
viser l’ensemble des éléments qui la composent –,
l’installation globale risque fortement de ne pas
être suffisamment pertinente et pérenne pour répondre aux exigences.
D.C. : Merci. Marie-Luce Bousseton, vous êtes la
directrice générale de l’Apij (Agence publique pour
l’immobilier de la justice). Vous avez la mission de
construire des palais de justice et des prisons et
vous gérez depuis 3-4 ans un très important
programme de construction. Comment vous y
prenez-vous pour maîtriser techniquement et financièrement toutes ces opérations?
D.C. : Tout dépend cependant du stade d’avancement des travaux…
D.B. : En général, les travaux n’ont pas encore
débuté. Mais contractuellement l’ensemble des
marchés est déjà pratiquement défini.
D.C. : Pouvez-vous évoquer cet exemple intéressant d’un hôpital que vous avez assuré, reflétant
une absence flagrante de coordination entre les
acteurs?
D.B. : C’est effectivement une illustration assez
représentative de la non-communication entre différents acteurs. En l’occurrence, les exigences du
maître d’ouvrage ont été insuffisamment prises en
compte, ce qui a donné lieu après coup à des ajustements, des incompatibilités de supports ou
d’utilisation entre fluides. Or on imagine bien que
les fluides sont essentiels au fonctionnement d’un
centre hospitalier… Au final, on aboutit à un sinistre
indubitablement coûteux, alors que l’opération ne
présentait pas sur le plan technique de difficultés
majeures et aurait pu se dérouler parfaitement s’il
y avait eu, en amont, de la réflexion, du dialogue, de
l’échange. On peut espérer que le BIM (Bâtiment et
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
33
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
Marie-Luce Bousseton: Effectivement, le ministère de la Justice conduit actuellement des
investissements immobiliers très importants sur
les programmes pénitentiaires et judiciaires. Nous
avons ainsi un portefeuille d’opérations en études
ou en travaux de plus de 2 milliards d’euros d’investissement, avec des livraisons qui s’échelonnent
sur un délai assez court, puisque quasiment tout
ce qui est aujourd’hui en cours devra être livré
entre 2015 et 2018. Bien évidemment, mes tutelles
et donc mes commanditaires demandent à ce que
nous travaillons sur la maîtrise des risques dans la
conduite de nos opérations: risques de calendrier
car il y a des impératifs et des attentes très fortes
en matière de production de places de détention,
mais aussi risques financiers sur le budget de l’État;
il s’agit de maîtriser les coûts des opérations que
nous annonçons très en amont des commandes de
projet qui nous sont confiées par le ministère de la
Justice, grâce à tous les dispositifs de contrôle de
gestion que nous avons développés. Nous employons le terme de maîtrise de risques plutôt que
de gestion d’interfaces, mais de fait, nous avons
effectivement beaucoup travaillé sur les interfaces
entre acteurs, depuis la maîtrise d’ouvrage jusqu’à
l’entreprise et la livraison.
D.C.: Pratiquez-vous tous les types de commande
publique?
M-L.B. : Nous pratiquons tous les types de
commande publique à parité d’investissement, soit
un tiers de loi Mop, un tiers de conception-réalisation et un tiers de PPP (Partenariat public-privé) si
je traduis cela en montant d’investissement. Cela
va peut-être vous étonner, mais nous avons tiré des
enseignements intéressants de la conceptionréalisation et des PPP, même s’ils sont souvent
beaucoup critiqués. Avec ce mode de fonctionnement,
la maîtrise d’œuvre et l’entreprise constituent un
bloc, alors qu’à l’inverse il y a une césure assez
forte entre eux en loi Mop, à cause de l’appel d’offres
des travaux en marché public qui a tendance à fortement segmenter ces deux parties. Nous avions
dans les années antérieures beaucoup de désordres
et de désagréments, et si nous les avions perçus
plus tôt et fait remonter plus en amont des études,
nous aurions évité quelques difficultés. Je trouve
bien dommage de traiter encore au XXIe siècle, sur
un palais de justice, des problèmes d’étanchéité
non réglés depuis 7-8 ans, et qui manifestement ne
le seront jamais compte tenu des défauts de conception et des problèmes d’interfaces au départ.
D.C. : Vous avez en fait souhaité créer des liens et
faire collaborer architectes et entreprises?
M-L.B.: Oui, nous avons un peu «tordu» les règles
de la loi Mop en proposant aux architectes de lancer
des appels d’offres sur la phase APD (avant-projet)
et pas sur le projet, donc en ne définissant pas tous les
dispositifs constructifs, de façon que la phase projet
soit une phase collaborative entre l’architecte et
l’entreprise retenue à la suite de l’appel d’offres.
34
MARIE-LUCE BOUSSETON
D.C. : Le pari est un peu de remettre un prix alors
que tout n’est pas défini?
M-L.B. : C’est effectivement le pari de remettre un
Directrice générale de l’Apij
(Agence publique pour
l’immobilier de la justice)
“Nous avons
un peu tordu
les règles de
la loi Mop
en proposant
aux architectes
de lancer des
appels d’offres
sur la phase
APD (avantprojet) et pas
sur le projet,
donc en ne
définissant pas
tous les
dispositifs
constructifs,
de façon que
la phase projet
soit une phase
collaborative
entre
l’architecte
et l’entreprise
retenue à
la suite de
l’appel d’offres”
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
prix sur un projet qui n’est pas complètement dessiné. Nous avons cependant introduit une disposition
contractuelle pour ne pas être «piégés», avec une
tranche ferme pour l’entreprise sur la phase études
et une tranche conditionnelle pour lancer les travaux. Nous ne notifierons les travaux à l’entreprise
que si elle est d’accord à l’issue de la phase d’études
collaborative, et si elle confirme qu’elle avait bien
prévu dans son prix tout ce que nous lui demandons.
Et, c’est important, l’architecte est toujours responsable de son projet. Si je peux vous en parler
aujourd’hui, c’est parce que les phases «projet»
sont finalisées et que nous sommes actuellement
en mise en chantier; quand bien même certains
architectes ont parfois eu quelques réticences, nous
les avons convaincus et je peux vous dire que ces
phases de collaboration ont fonctionné. Elles ont
servi à réaliser des prototypes très en amont, à
régler des points de conception singuliers un peu
complexes, l’architecte et l’entreprise définissant
par exemple la façon de régler telle accroche, notamment sur des questions de façades et d’étanchéité
qui sont souvent en cause. Pour être tout à fait
complète, je dois ajouter que nous avons introduit
aussi la notion de schéma directeur qualité. C’està-dire que nous avons demandé très en amont aux
maîtres d’œuvre d’identifier ce qui était important
et sensible dans leur projet d’architecture: qu’estce qui est compliqué sur cette façade, qu’est-ce qui
peut occasionner des défauts d’étanchéité, qu’estce qui va être difficile à mettre en œuvre? Nous leur
demandons ainsi de concevoir les points de vérification, les points d’arrêt dans le chantier, les points
de contrôle, les tests, les prototypes qu’il faudra
concevoir avant de donner le feu vert. Je me suis
d’ailleurs beaucoup retrouvée dans les propos de
Milena Karanesheva de la première table ronde.
D.C. : Vous m’avez raconté par exemple que, devant couler de nombreux poteaux pour un palais
de justice, vous aviez dans cet esprit réalisé des
tests après en avoir coulé un ou deux, pour valider le process?
M-L.B.: Effectivement, il s’agissait en l’occurrence
d’un bâtiment très pur d’un point de vue architectural, où tout se jouait sur la réussite de la file de
poteaux en béton brut entourant les façades. Donc
avant de lancer la production de plusieurs centaines
de poteaux, il fallait évidemment réaliser un prototype et vérifier la couleur, la texture, la façon dont
ils étaient vibrés, etc. J’ai aussi un autre exemple
de décroché de façade assez complexe qui posait
des problèmes d’étanchéité. Le projet a permis
de mettre au point un accord entre l’architecte et
l’entreprise sur la façon de le réaliser. Nous avons
donc voulu être une maîtrise d’ouvrage un peu
intrusive sur la phase chantier, parce que in fine,
c’est nous qui récupérons la bonne ou mauvaise
construction.
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
D.C. : Quelles bonnes pratiques peut-on tirer du
CHRISTIAN ROMON
PPP?
M-L.B. : Il faut une maîtrise d’ouvrage assez solide en conception-réalisation ou en PPP parce que
vous êtes un acteur contre les deux autres – entreprises et architecte – qui constituent un bloc. Le
schéma directeur qualité est de fait important, nous
le contractualisons en amont pour pouvoir imposer aussi nos propres vigilances et nos points
d’arrêt, au-delà des autocontrôles ou des tests
imposés par les textes de référence. Nous avons par
exemple souvent imposé dans nos chantiers un
délai contractuel intermédiaire à la fin du closcouvert, pour avoir fréquemment constaté que les
entreprises de gros œuvre prenaient les délais qui
leur convenaient mais compressaient les corps
d’état secondaires pour tenir le délai global, ce qui
n’est évidemment pas bon pour la qualité. Nous
réfléchissons donc à tout ce qui peut aider contractuellement à ce que les bonnes pratiques ne soient
pas que des vœux pieux, mais se mettent réellement
en œuvre à notre service. Ce que nous trouvons
intéressant en PPP et en conception-réalisation,
mais que nous ne savons pas réinjecter dans la loi
Mop, c’est le dialogue compétitif en amont de la
signature du contrat. Il y a vraiment une possibilité
de dialogue avant tout contrat sur l’adéquation
entre nos intentions, nos besoins et le projet.
D.C. : La Directive européenne ne va-t-elle pas
vous en empêcher?
M-L.B. : En processus Mop, avec le Code des marchés publics, on ne peut pas. Nous avons, dans une
loi pénitentiaire de 2011, fait introduire un amendement qui nous permet de systématiser le dialogue
compétitif pour tous les bâtiments pénitentiaires,
qu’ils soient neufs ou en réhabilitation. En mode de
conception-réalisation, nous le pratiquons maintenant systématiquement, c’est une vraie richesse et
je vois vraiment évoluer les projets. Une prison est
très complexe à concevoir, et nous voyons les plans
masse et les projets se transformer au fil du dialogue pour obtenir in fine des projets extrêmement
intéressants. Cela permet véritablement de donner
de l’audace aux architectes car on a tendance à
penser, concernant une prison, qu’il vaut mieux
coller au programme faute de quoi l’administration
pénitentiaire ne voudra pas du projet. Mais si vous
pouvez dialoguer pendant quelque temps, alors
vous pouvez apporter vos idées, amener d’autres
choses auxquelles nous n’avions pas forcément
pensé, sans forcément perdre le concours ou l’appel
d’offres. C’est vraiment une richesse intéressante,
mais que la loi Mop ne permet pas aujourd’hui.
C’est l’interface amont entre le maître d’ouvrage et
son concepteur.
D.C. : Merci. Christian Romon, vous êtes le secrétaire général de la MIQCP (Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques),
créée par un décret de 1977. Vous êtes aujourd’hui
rattachés au ministère de la Culture et, pour faire
simple, vous êtes un peu le rempart des professions
d’architectes. Que pensez-vous des propos de
Marie-Luce Bousseton concernant l’évolution de
la loi Mop, et de cette manière de l’utiliser autrement?
Christian Romon: Ce qu’il faut déjà dire, c’est que
Secrétaire général de la MIQCP
(Mission interministérielle
pour la qualité des
constructions publiques)
“Nous avons
avec l’Apij
un maître
d’ouvrage
extrêmement
professionnel.
On peut donc
à ce stade se
permettre
d’expérimenter”
nous avons en la personne de Marie-Luce Bousseton
un maître d’ouvrage extrêmement professionnel.
On peut donc à ce stade se permettre d’expérimenter. Ce témoignage montre d’ailleurs que la loi
Mop n’est pas un cadre figé, rigide, mais quelque
chose de souple qui permet d’innover, d’expérimenter un certain nombre de choses. Nous sommes
nous aussi assez convaincus des vertus du dialogue
compétitif. Il a d’ailleurs été introduit en procédure
de conception-réalisation pour les réhabilitations.
Nous allons cependant avoir l’opportunité de réécrire les textes de la commande publique et nous
sommes intéressés par le point de vue tout à fait
positif et favorable de cette procédure du dialogue
compétitif en conception-réalisation.
D.C. : Merci. Pascal Chombard de Lauwe, vous
êtes architecte urbaniste à l’agence Tectône, ainsi
que président d’honneur de l’association AMO
(Architecture et maîtres d’ouvrage). Pouvez-vous
nous parler des rapports entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre?
Pascal Chombart de Lauwe : En préambule,
puisque l’on parle ici de sinistralité, il est évident que
la première sinistralité consiste en des bâtiments
qui ne s’adaptent pas ou ne sont pas adaptés aux
besoins de l’homme. Lorsque vous voyez des bâtiments rasés 30 ou 40 ans après leur construction,
avec le coût et l’investissement que cela représente
et sans parler des impacts environnementaux
catastrophiques, cela pose un véritable problème…
Ensuite, parmi les éléments de sinistralité, les
questions de ventilation ont par exemple été évoquées précédemment: effectivement, une ventilation
Hygro B est quelque chose de catastrophique qui
devrait être, je l’espère, prochainement interdit dans
la mesure où un enfant dans une chambre ne produit pas assez d’humidité pour que le renouvellement
d’air lui permette d’avoir un air assez sain, ce qui
va donc l’amener immanquablement à respirer allègrement les formaldéhydes et autres COV. Ce
préambule me paraît fondamental.
Pour parler maintenant des rapports maître d’ouvrage-architecte, il faut intégrer un certain nombre
d’acteurs. L’acteur principal est, comme je viens de
l’évoquer, l’homme donc l’habitant, malheureusement
très peu pris en compte aujourd’hui par l’ensemble
de la maîtrise d’ouvrage. Je ne dirais pas que c’est
le cas de Marie-Luce Bousseton puisque vous avez
des équipes qui réfléchissent sur le sujet au niveau
de la direction des établissements pénitentiaires,
ce qui n’est pas forcément le cas de la maîtrise
d’ouvrage dans le contexte actuel. Dans un ouvrage
que j’ai écrit avec Frédéric Viallet et intitulé Un
nouvel environnement pour le logement, nous avons
interrogé des maîtres d’ouvrage et des architectes
en leur demandant ce qu’ils attendaient NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
35
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
les uns des autres. Évidemment, le maître d’ouvrage
attend de l’architecte qu’il soit compétent et inventif, et réciproquement l’architecte demande au maître
d’ouvrage de lui faire confiance. J’aurais tendance
personnellement à inverser les deux: j’aimerais
bien voir plus de compétences et d’inventivité côté
maîtrise d’ouvrage, etc. Les rapports entre maître
d’ouvrage et architecte montrent un certain nombre
de difficultés. Les rémunérations des missions
confiées aux architectes ont été divisées environ
par deux en 30 ans, et cela continue à s’effondrer.
D’après les chiffres du Sénat, seulement 38 % de
ce qui se construit aujourd’hui en France est conçu
par des architectes. Mon propos n’est pas de plaindre
ou pleurer les architectes, ce qui m’intéresse est
l’architecture, mais sans architectes, on peut se
demander si on aura de l’architecture. La notion du
temps est aussi un autre point fondamental: aujourd’hui chaque maître d’ouvrage privé, y compris
un certain nombre de maîtres d’ouvrage que je
qualifierai de «para-publics», des SA-HLM…, fonctionne de plus en plus avec des contrats qui n’ont
plus rien à voir avec la Mop ou avec les bases de
rémunération des documents de la MIQCP par
exemple, mais ont leur propre système avec un
principe forfaitaire. À ce titre, on entend souvent
aujourd’hui revenir le chiffre de 6,5 %. À mon
époque, avec des conceptions beaucoup moins
compliquées, on était couramment autour de 9,5 ou
10 % pour le même type de mission. Or il est évident
qu’il y a aujourd’hui beaucoup plus de choses à
faire. La notion du forfait est complètement
ridicule. Que j’ai un petit ou un grand bâtiment, le
temps est quasiment le même alors que les rémunérations sont totalement différentes. Et même
les lois européennes m’inquiètent beaucoup sur
cette question du dumping pour les architectes. Il
y a 5-6 ans, les appels d’offres recherchaient la
compétence des architectes, les honoraires
consistant en une enveloppe qui était ouverte à la
fin quand le résultat du concours était donné. Aujourd’hui, la majorité des appels d’offres nous
demande de fournir un pourcentage d’honoraires,
qui conduit immanquablement à un dumping. Les
architectes sont bien sûr les premiers responsables
d’accepter ce dumping alors que leur code déontologique l’interdit. C’est d’ailleurs intéressant de
souligner qu’en l’acceptant, ils sont à la fois conformes
à la loi européenne et contraire à leur ordre… Pour
faire une comparaison rapide, lorsqu’on me demande de donner un pourcentage à partir des
quelques lignes qui décrivent un projet, c’est comme
si j’allais voir un chirurgien en lui disant « J’ai
besoin que vous m’opériez. – Oui, de quoi? – Quel est
votre tarif? – Mais pour vous opérer de quoi? – Ditesmoi le coût et je vous dirai ce que j’ai». Tout architecte
donnant un pourcentage sans avoir les éléments
complets sur un projet est irresponsable. Je ne suis
néanmoins pas là pour les accabler, leur situation
est assez dramatique aujourd’hui puisque plus de
50 % des architectes gagnent moins que le Smic.
Mais une fois de plus, c’est dans l’intérêt de l’architecture en France qu’il faut absolument revenir
là-dessus.
36
PASCAL CHOMBART DE LAUWE
Architecte à l’Agence Tectône,
président de l’Association AMO
(Architecture et maîtres
d’ouvrage)
“Il faut
qu’architectes
et maîtres
d’ouvrage
continuent à
se mettre
autour de
la table”
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
Il faut qu’architectes et maîtres d’ouvrage continuent
à se mettre autour de la table. Cela fait quelques
années que nous essayons de changer cela au niveau
de l’association AMO et ça avance tout doucement.
Nos discussions avec les maîtres d’ouvrage montrent
que leur problématique principale est de faire face
au prix du foncier. Pour y parvenir, ils jouent sur les
leviers possibles. Peu sur leur marge bénéficiaire,
puisque n’oublions pas qu’il y a un investisseur derrière la maîtrise d’ouvrage qui saura rappeler qu’il
ne participera pas à l’opération en dessous de telle
marge. Que reste-t-il alors? Le coût de construction, qui aboutit à prendre le moins-disant au lieu
du mieux-disant avec les sinistralités à venir. Et
bien sûr le levier des architectes, qui vont être mis
en concurrence par la maîtrise d’ouvrage de manière à pouvoir obtenir un taux le plus bas possible
et pouvoir faire une proposition la plus élevée possible sur le foncier. Il existe un logiciel de la MIQCP,
consultable sur Internet, qui donne le montant des
honoraires une fois tous les éléments intégrés: il
n’y a pas de discussion sur le projet, le montant est
donné un point c’est tout. Ainsi, les maîtres d’ouvrage pourront travailler cette fois-ci main dans la main
beaucoup plus facilement avec les architectes, et se
baseront sur d’autres critères qui seront plus qualitatifs que financiers pour pouvoir proposer un terrain.
Pour terminer, je souhaiterais dire très clairement
que nous construisons aujourd’hui de belles boîtes
à chaussures avec un beau lacet d’emballage. Un
de mes professeurs d’architecture, qui s’appelait
Bernard Huet, disait une chose très simple: «Il faut
essayer de ne pas faire moins bien qu’auparavant.»
Si nous sommes d’accord sur le fait que les bâtiments
des années soixante et avant étaient catastrophiques
du point de vue urbain – ce n’est pas par hasard si
certains ont été rasés –, comparez la qualité des
logements et des parties communes de ces immeubles à ce qui se construit aujourd’hui. Lorsque
je rentre dans n’importe quel immeuble jusqu’aux
années soixante, je n’ai pas besoin d’allumer la lumière électrique pour aller jusqu’aux logements. Ces
derniers, à partir d’une certaine taille, sont toujours
traversants et bien ventilés. Il y a une fenêtre dans
la cuisine, et la majorité du temps, également dans
la salle de bain. Aujourd’hui on parle de «produit»,
le produit étant bien entendu le logement, c’est
révélateur en termes de vocabulaire… J’ai eu l’occasion de travailler pour différentes communes ou
collectivités afin de mettre en place des chartes
pour le logement. L’objectif étant de ne pas concevoir d’immeubles d’habitation sans lumière naturelle
sur une partie commune, ni de logement d’au moins
trois pièces qui ne soit pas à double orientation, et bien
sûr de ne jamais avoir de studios et deux-pièces
mono-orientés au nord, etc. D’ailleurs, je rappellerai qu’un article – le R.111-17 du Code de
l’urbanisme – interdisait à une certaine époque de
faire des logements mono-orientés au nord, quelle
que soit la taille. On en a pourtant fait des milliers.
C’est dommage, quand on a de bonnes lois, de ne
pas savoir les appliquer… J’aimerais d’ailleurs
comprendre pourquoi cet article a été supprimé. Aujourd’hui, on prétend que ce n’est pas grave de
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
continuer à construire des studios mono-orientés
au nord. Seulement, la réalité est que les studios
en deuxième couronne sont majoritairement habités par des personnes âgées. La personne âgée, qui
reste le plus longtemps dans la journée dans le logement et possède le moins de moyens financiers,
va pourtant payer le plus d’énergie parce qu’elle
n’aura pas d’apport solaire gratuit…! C’est aberrant.
D.C. : Merci Pascal Chombart de Lauwe pour
cet avenir radieux que vous nous présentez.
Éric Perron, vous êtes directeur du Développement
immobilier de Grand Lyon Habitat, un très grand
bailleur social qui gère 25 000 logements. Vous
construisez en moyenne 600 logements par an et
vous avez anticipé le BBC depuis longtemps. Je
crois que vous souhaitez témoigner sur la difficulté d’avoir des retours d’informations de la part
des acteurs.
Éric Perron: Nous construisons effectivement
du BBC depuis 2006, ce qui nous a permis de réinventer le bon sens dont Pascal Chombart de Lauwe
vient de parler précédemment. Mais nous nous
rendons compte que, même en développant des
missions très claires pour chacun, nous avons effectivement beaucoup de difficultés à faire remonter
l’information. Par exemple, dans le cadre d’un
projet développé avec l’association des bailleurs
sociaux du Rhône, l’Ademe, la Région et le CEA
(Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies
alternatives), nous avons mis en place la gestion d’un
logiciel permettant de mesurer la performance des
bâtiments, et nous nous sommes ainsi retrouvés
dans une chaufferie avec l’architecte, le bureau
d’études thermiques, l’installateur, l’exploitant, et
le chargé d’exploitation. Nous avons passé une
ÉRIC PERRON
Directeur Développement
immobilier de Grand Lyon
Habitat, représentant l’USH
(Union sociale pour l’habitat)
après-midi à regarder des schémas d’installation
qui avaient circulé pendant quinze jours entre les
différents prestataires pour installer des compteurs
de mesure: tout était faux. Chacun avait interprété
de manière différente les plans, chacun, parlant du
même produit, n’avait pas agi au bon endroit, parce
que chacun était persuadé de pouvoir apporter
son petit plus, la chose qui permettrait de mieux
fonctionner. En fait, l’ensemble des acteurs, qui
ont pourtant l’habitude de travailler ensemble,
ont montré leur difficulté à communiquer sur les
mêmes thèmes.
D.C. : Vous essayez néanmoins d’intégrer l’exploitant en amont de la réception?
E.P. : C’est incontournable aujourd’hui d’intégrer
l’exploitant avant réception. Nous lui faisons visiter
le chantier trois mois avant la livraison et nous le
mettons en rapport avec l’installateur pour qu’il
puisse, le cas échéant, faire part de ses préconisations, et pour nous permettre à nous, maîtres
d’ouvrage, de réceptionner en bonne connaissance
l’installation qui a été faite. Mais nous nous rendons
compte que, même si l’exploitant vient et formule
des remarques, il sera le premier à dire après la
réception qu’il ne fallait pas faire comme ça. Nous
sommes toujours dans une situation de jeux de
rôles que nous n’arrivons pas à évacuer. “En fait, l’ensemble des acteurs, qui ont
pourtant l’habitude de travailler ensemble,
ont montré leur difficulté à communiquer
sur les mêmes thèmes”
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
37
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
Aujourd’hui nous essayons d’aller plus loin en «mariant», dans nos consultations, l’exploitant à l’installateur. Un installateur n’est pas un exploitant, donc
l’idée est de «marier de force» deux compétences
différentes en leur disant qu’ils prendront leurs
responsabilités le cas échéant. Je pense que nous
n’avons pas encore trouvé la solution, nous tentons
des approches mais nous avons encore beaucoup
de chemin à faire pour pouvoir avancer sur ces sujets.
ALINE CASTAGNA
sa part d’une maîtrise d’ouvrage intrusive, vous
voulez arriver à ce qu’on appelle une intuition
éduquée. En quoi cela consiste-t-il ?
D.C. : À vous, bailleurs, de reprendre le pouvoir?
E.P. : Complètement, c’est pour nous une question
de maîtrise. À un moment donné, on ne peut confier
à quelqu’un que ce que l’on maîtrise. Le fait d’avoir,
comme beaucoup de bailleurs sociaux, anticipé les
problématiques environnementales nous a déjà
permis d’avoir un retour d’expérience sur ces bâtiments et leur fonctionnement. Mais nous nous
rendons compte aujourd’hui que la réactivité que
nous avons face aux dysfonctionnements et réclamations de la part des usagers sur les bâtiments
performants n’est pas à la hauteur du bâtiment, et
que les contrats et missions que nous confions aux
exploitants ne sont pas du tout à la hauteur de la
réactivité que nous voudrions mettre en œuvre.
Donc nous devons effectivement redéfinir avec nos
exploitants et entreprises les manières d’intervenir, et la façon de maîtriser l’exploitation.
D.C. : Comment? Beaucoup de bailleurs sociaux
sont trop petits pour avoir une maîtrise d’ouvrage
professionnelle. C’est une question d’ultracompétence?
E.P. : Si on creuse un peu, on se rend compte que
tout existe. Les carnets de détails existent pour les
points singuliers sur un bâtiment, et normalement
le maître d’œuvre les produit avant consultation. Les
prototypes sont aussi prévus. Il faut juste remettre
tous ces éléments dans le bon ordre et se donner
la possibilité, le pouvoir, le droit, le devoir de les
exiger. Ce n’est peut-être pas évident, il nous faut
peut-être passer par la phase réinvention pour
pouvoir retrouver de l’intérêt dans ce qui pouvait se
faire auparavant, mais ce sont des points cruciaux
qu’il faut développer.
Responsable SAV d’Eiffage
Construction, présidente
du groupe de travail SAV
d’EGF.BTP (Entreprises
générales de France – BTP)
“Le premier
problème que
l’on rencontre
porte sur
l’interface, plus
précisément
l’interface entre
les différents
matériaux et
l’interface entre
les différents
intervenants”
D.C. : Est-ce que l’on colle aujourd’hui aux désirs
du locataire?
E.P. : Non, clairement pas. On se berce d’idées très
intéressantes que l’on doit, je pense, creuser, car
effectivement les enjeux environnementaux sont
primordiaux. L’aspect maîtrise et baisse des charges
est nécessaire et évident mais ce n’est pas l’intérêt
premier du locataire social. Lui, avant tout, veut pouvoir boucler son mois. Donc venir coller un objectif
environnemental à son logement ne fonctionnera
a priori pas. Nous devons arriver à lui donner la possibilité d’atteindre cet objectif sans qu’il soit contraint.
Il faut que ce soit générateur de confort pour lui:
s’il y a inconfort, il y aura non-fonctionnement ou
dysfonctionnement, et sinistralité par la suite.
38
D.C. : Marie-Luce Bousseton nous parlait pour
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
E.P. : C’est presque revenir à dire que tout existe
mais doit être remis en place. Je viens de livrer, il
y a une dizaine de jours, le premier bâtiment collectif passif du Grand Lyon. Cela a été un travail
collectif de deux ans de très longue haleine, et il nous
a fallu répartir les confiances entre les différents
intervenants. Personne ne peut tout savoir mais en
revanche il faut se donner les moyens, comme en
mode projet, de pouvoir répartir les compétences
au bon endroit et d’avancer ensemble.
D.C. : Merci. Aline Castagna, vous êtes responsable SAV d’Eiffage Construction et présidente
du groupe de travail SAV d’EGF.BTP. Vous intervenez donc après réception. Quel est votre constat?
Aline Castagna : Si l’on met de côté les petits
problèmes malheureusement classiques et humains, le premier problème que l’on rencontre
porte sur l’interface, plus précisément l’interface
entre les différents matériaux et l’interface entre
les différents intervenants. Je vais évoquer un
exemple qui me tient à cœur depuis un an.
À la base du problème il y a la multiplicité des réglementations qui évoluent: la RT 2012, les règles
parasismiques, l’accessibilité, mais aussi l’étanchéité
des balcons et terrasses. Avec un mix de tout cela,
nous aboutissons à 50 % de logements sinistrés
sur un bâtiment en comptant soixante, juste pour
un détail constructif de l’étanchéité dont la surface
n’est pas plus grande qu’une feuille A5, mais répété
sur six angles du bâtiment ! Cela fait maintenant
un an que nous sommes en recherche d’explications,
et la cause principale – et même quasi unique –
serait l’absence de gestion de l’interface entre 9 intervenants et 6 types de matériaux différents. Je
m’explique. Au départ, le coordonnateur SPS a
voulu que la terrasse accessible aux occupants soit
différente d’un point de vue esthétique de la
terrasse non accessible. Pour permettre cette dissociation, la maîtrise d’œuvre a prescrit deux
matériaux magnifiques qui fonctionnent très bien
individuellement. Entre les deux a été posé un petit
relevé béton permettant de faire un relevé d’étanchéité d’un côté et le support de la couverture zinc
de l’autre. Rajoutons par-dessus une ITE pour satisfaire la RT 2012, une menuiserie à proximité, un
garde-corps dont les fixations sont cachées par les
couvertines afin de ne pas être visible, et vous avez
au total 9 intervenants. Aujourd’hui, le sinistre coûte
plusieurs milliers d’euros et nous ne savons pas qui
va payer.
D.C.: Sachant ce qu’il ne faut plus faire et sachant
qu’il faut se coordonner, comment procéder ?
A.C. : La coordination et la synthèse en chantier
collectif, sur des ouvrages fonctionnels comme les
hôpitaux, les écoles, etc., se font globalement; nous
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
n’avons malgré tout pas trop de soucis et les ouvrages,
d’après ce que je constate, ne pâtissent après
quasiment d’aucun dysfonctionnement. En revanche,
ce n’est pas le cas des opérations dites classiques
ou simples de logements, pour lesquelles un
logement égale en général un problème, et ce
pendant 10 ans. C’est donc là que la synthèse prend
toute son importance. En particulier sur le domaine
de l’enveloppe, car le constat est que l’eau rentre
encore trop souvent dans les logements.
D.C. : Est-ce à dire qu’il faudrait une personne
chargée de la synthèse pour les petites et moyennes
opérations?
A.C. : Je ne parlerais pas en termes de petites et
moyennes opérations, mais en termes d’opérations
techniquement plus classiques comme le logement.
C’est peut-être un point qu’on a oublié ou perdu par
habitude.
D.C. : Merci. Pierre Mit, vous êtes économiste et
président de l’Untec. Nous allons évoquer avec
vous le BIM, pour « Bâtiment et informations
modélisés». Qu’est-ce que le BIM va changer et
surtout, apporter au monde du bâtiment?
Pierre Mit: Je tiens d’abord à préciser que le BIM
n’est pas là pour remplacer les acteurs, qui restent
maîtres de leurs compétences et de leur savoir. Il
faut considérer le BIM ou maquette numérique
comme un outil qui va faciliter les échanges, mais
qui ne va pas changer la capacité de la personne
en face de l’écran. J’entends trop dire aujourd’hui
dans certaines présentations qu’une seule et
unique personne pourrait tout faire fonctionner
sur cette maquette numérique. Simplement,
nous vivons aujourd’hui une évolution des modes
d’échange entre les acteurs. Les Égyptiens,
lorsqu’ils ont construit les pyramides, se sont
échangés des papyrus. D’autres se sont échangés
plus tard des parchemins, puis on a inventé la
pâte à papier, et enfin nous sommes passés à
l’informatique qui nous a permis dans notre secteur de faire des dessins, et d’échanger des traits
vectoriels, mais sans intelligence. La révolution
du BIM est de ne plus être dans des échanges de
traits vectoriels, mais dans un échange d’objets qui
ont de l’intelligence et auxquels on peut donner des
caractéristiques.
D.C. : Le BIM est-il réservé aux grandes opérations?
P.M. : Non. Lorsque les métiers de la maîtrise
d’œuvre se sont informatisés, la question ne s’est
pas posée. Et souvent, ce sont des petites agences
qui se sont équipées en premier; il est vrai que la
chaîne de décision entre celui qui décidait d’acheter et celui qui utilisait l’outil était très courte.
Aujourd’hui, on va d’ailleurs retrouver ce même
type de problématique concernant la mise en
œuvre du BIM : la chaîne peut parfois être très
longue entre celui qui prend la décision et celui qui
va utiliser et mettre en œuvre l’outil.
PIERRE MIT
D.C. : Est-ce un nouveau métier, y aura-il un
«BIM Manager»?
P.M. : Non, ce n’est pas un nouveau métier, c’est
Économiste, président
de l’Untec (Union nationale
des économistes de
la construction)
“Le BIM n’est
pas là pour
remplacer les
acteurs, qui
restent maîtres
de leurs
compétences
et de leur
savoir. Il faut
considérer
le BIM ou
maquette
numérique
comme un outil
qui va faciliter
les échanges,
mais qui ne va
pas changer la
capacité de la
personne en
face de l’écran”
une fonction. Je pense que cette fonction a toujours
existé – le fait de se demander si le plan de l’architecte était bien en cohérence avec le plan du BET
structure, si le BET structure avait tracé ses gaines
avec le bon plan du BET fluide… –, mais elle était
sans doute compliquée à gérer de façon manuelle.
Aujourd’hui avec le BIM et le format d’échanges
IFC, c’est d’autant plus facile de pouvoir analyser
ces contraintes.
D.C. : Le BIM ne change donc pas le rôle des
acteurs mais va leur permettre de mieux se
connaître?
P.M. : Tout à fait. Prenons l’exemple des bureaux
d’études, à qui l’on donne plus souvent des contraintes
qu’on ne leur demande les leurs. Un bureau d’études
doit passer plusieurs jours à modéliser en 3D un
bâtiment pour réaliser une simulation thermodynamique. S’il y a des modifications, il faut alors
recommencer. C’est pareil pour la structure, l’acoustique, etc. Avec ces nouveaux outils, le bureau
d’études pourra travailler en amont avec l’architecte
et sera beaucoup plus réactif, parce qu’il pourra
déjà tester et donner des réponses sur tel ou tel axe
avec simplement ce qu’aura dessiné l’architecte à
partir de la maquette.
D.C. : Merci. Christian Romon, quelles sont les
évolutions possibles de la loi Mop?
Christian Romon: Je trouve que la loi Mop, qui a
maintenant une trentaine d’années derrière elle, a
bien vécu. Elle comprend plusieurs chapitres qu’on
ne connaît pas tous forcément très bien. Le premier
chapitre traite de la maîtrise d’ouvrage, de ses responsabilités, de ses obligations, de ses devoirs.
Cela reste toujours d’une parfaite et pleine actualité, un certain nombre d’intervenants ont d’ailleurs
évoqué la nécessité d’établir un programme en
amont d’une opération, d’établir un chiffrage prévisionnel de cette opération cohérent avec le
programme. Ce sont des éléments fondamentaux.
La loi Mop traite aussi de la maîtrise d’œuvre. Elle
pose le principe selon lequel la maîtrise d’œuvre est
indépendante des entreprises. Il y a une logique et
une légitimité à cela: il n’y a pas que des maîtres
d’ouvrage forts et professionnels, donc un maître
d’œuvre à leurs côtés constitue un véritable partenaire plus qu’un prestataire. Il ne faut pas oublier
la multiplicité des petits maîtres d’ouvrage occasionnels, qui sont bien renforcés par le dispositif prévu
par la loi Mop. La loi Mop a prévu une dérogation
pour les schémas de conception-réalisation dans
un contexte où des nécessités d’ordre technique
justifiaient l’association de l’entreprise aux études.
Ce cas de dérogation a d’ailleurs fait l’objet d’un ajout
en 2010 pour pouvoir intégrer la possibilité, en cas
de rénovation énergétique, de passer des contrats
de performance énergétique, avec enga- NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
39
OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
“L’une des vertus du processus prévu par la loi Mop avec un maître
d’œuvre qui réalise des missions successives est justement l’approche
progressive du projet, la possibilité d’itérer entre le programme et le
projet. Tout cela, on le retrouve très difficilement dans des processus
plus brutaux avec une seule consultation…”
gement sur les résultats. Pourquoi vouloir généraliser ce schéma de la conception-réalisation? Assez
souvent les maîtres d’ouvrage mettent en avant le
fait que cela va permettre d’aller plus vite. Aller
plus vite n’est pas nécessairement pour moi un
gage de qualité. Nous sommes là aujourd’hui pour
parler qualité. L’une des vertus du processus prévu
par la loi Mop avec un maître d’œuvre qui réalise
des missions successives est justement l’approche
progressive du projet, la possibilité d’itérer entre le
programme et le projet. Tout cela, on le retrouve très
difficilement dans des processus plus brutaux avec
une seule consultation…
D.C. : Et en réhabilitation?
C.R. : Il n’y a pas l’obligation de concours en réhabilitation, donc on peut essayer d’introduire, dans
les procédures de consultation, des pratiques qui
donnent la place au dialogue et à l’échange. On a
évoqué tout à l’heure le dialogue compétitif. Ce sont
des processus que la MIQCP souhaite encourager.
D.C. : Que pensez-vous des évolutions futures de
cette loi?
J’en profite pour ajouter quelques mots sur l’exploitation-maintenance que j’ai passée sous silence.
Nous misons, sur ce sujet-là également, sur l’architecte: dans les contrats de maîtrise d’œuvre que
nous signons, nous lui confions une mission d’exploitation-maintenance tout au long de la phase
d’études – ce qui nous permet de discuter des équipements et des choix d’exploitation –, ainsi qu’un
suivi pour nous accompagner et nous conseiller
après la livraison du bâtiment. Nous lui demandons, bien sûr, de toujours réussir à optimiser la
performance énergétique du bâtiment. Cette mission après livraison nous ramène à la question des
usages. Je ne suis en effet pas convaincue que le
respect des réglementations et notamment de la
température de consigne à 19 °C dans les bureaux
soit en phase avec les attentes des utilisateurs
(magistrats, greffiers…) en termes de confort
d’usage; le risque est finalement que les usages
détournent complètement les économies d’énergie
escomptées. Nous avons donc décidé avec l’architecte de faire des mesures, de voir ce qui fonctionne
et ce qui ne fonctionne pas, en somme d’accompagner les utilisateurs. Nous construisons ainsi notre
retour d’expérience. De fait, nous avons cette interface supplémentaire qui est l’utilisateur.
C.R. : Sur la loi elle-même, à ma connaissance, il
n’y a pas de projets consistant à la faire évoluer. La
loi se décline. Il y a un décret, et ce décret est décliné dans un arrêté. On peut toujours toiletter,
mettre au goût du jour la description précise des
missions de maîtrise d’œuvre.
Christian Romon: Je voudrais juste faire un petit
commentaire sur l’obligation de concours: elle n’a
rien à voir avec la loi Mop. Il s’agit d’une disposition
de la commande publique, du Code des marchés
publics. La loi Mop n’y est vraiment pour rien.
D.C.: Marie-Luce Bousseton, que reprochez-vous
à la loi Mop aujourd’hui?
D.C. : Merci. Y a-t-il des questions dans le public?
Intervention n° 1 dans la salle: Bonjour, je
Marie-Luce Bousseton: De ne pas pouvoir corriger le concours anonyme. Sur un concours pour
lequel j’ai par exemple quatre projets, je vais passer mon contrat avec l’un de ces projets sans avoir
jamais pu dialoguer et échanger en amont sur le
programme et le projet pour éventuellement les
faire évoluer… Je suis sûre qu’on perd des choses
en fonctionnant ainsi. Je ne vais pas faire plaisir à
la maîtrise d’œuvre, mais je pense que l’un des palais de justice les plus réussis architecturalement
que nous sommes en train de réaliser (sans parler
de celui de Paris) et qui fera les unes des magazines
d’architecture, est dévolu en PPP. Il y a vraiment eu
un concours d’architecture à travers le PPP. Nous
avions exigé deux projets par candidat, et en dialoguant, échangeant et travaillant, nous avons pu
obtenir le meilleur projet d’un point de vue architectural et fonctionnel, qui n’était pas le plus cher.
40
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
suis François Pélegrin, architecte et président du
Cos Construction. Je crois qu’on pourrait faire jouer
également à la maquette numérique le rôle de superviseur de contraintes. C’est un outil merveilleux
pour faire de l’autocontrôle partagé. Et ce serait
pour l’AQC par exemple une belle occasion de donner
une nouvelle vie à tous ses supports pédagogiques
et de les valoriser pleinement en les embarquant
dans un outil qui sera un vrai outil d’échanges et de
partages entre la maîtrise d’œuvre et les entreprises.
Tous les carnets de chantier, les détails techniques,
les bons gestes… peuvent être embarqués sur la
maquette numérique qui joue alors un rôle pédagogique au fil de la conception et de réalisation.
Intervention n° 2 dans la salle: Bonjour, je suis
responsable d’un service après-vente en maisons
individuelles. Le bon fonctionnement des appa-
IMPACTS DES INTERFACES SUR LA SINISTRALITÉ
reillages qui deviennent de plus en plus sophistiqués (ventilation, processus de réfrigération, etc.)
nécessite des entretiens ou un savoir-faire, donc une
culture à apporter au maître d’ouvrage privé pour
qu’il fasse fonctionner au mieux l’ouvrage. Nous
envisageons ainsi dans mon entreprise de mettre sur
pied un rendez-vous au bout d’un an, un an et demi
chez chaque maître d’ouvrage pour lui faire un rappel.
Intervention n° 3 dans la salle: Bonjour, je suis
Éric Lobet de LonMark France, et je voudrais aborder la question de la formation, à la fois des actuels
et futurs intervenants dans le bâtiment. Que ce soit
pour les technologies BIM ou pour tout autre chose,
y compris d’ailleurs les problématiques d’interfaces
et les méthodologies dont vous avez parlé, je ne
vois pas comment les choses pourront avancer
si des moyens ne sont pas mis en place pour permettre aux entreprises de se former.
Pierre Mit: Nous y réfléchissons, c’est exact que
la mise en place du BIM ne pourra se faire sans accompagnement de ceux qui vont sortir des écoles,
mais aussi des acteurs déjà sur le terrain.
Intervention n° 4 dans la salle: Bonjour, je suis
Stéphane Taisne, directeur technique de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Je m’interroge
sur le terme «intrusif» qui a été employé plusieurs
fois. Est-ce que ce n’est pas le rôle, finalement, du
maître d’ouvrage de coordonner l’ensemble des
acteurs, et est-ce que toute la discussion ne revient
pas à dire que le métier du maître d’ouvrage doit
évoluer et être avant tout de coordonner les différents spécialistes. Donc est-ce vraiment être intrusif,
ou simplement bien faire son métier?
Intervention n° 5 dans la salle: Bonjour, je suis
Jean-Marc Mouton Dubosc de Dekra Industrial, et je
voulais également parler justement de la maîtrise
d’ouvrage intrusive. Sur une prison à Tahiti, on nous
demande, en tant que contrôleurs techniques, de
valider des visas «bon pour exécution» sur tous les
plans, et des visas de commande de matériaux. Or
la loi Spinetta nous interdit cette action. Puisque vous
avez écorné la loi Mop, allez-vous aussi écorner la
loi Spinetta?
Marie-Luce Bousseton: Je crois que je suis en
Polynésie dans quinze jours pour aller voir le chantier, nous aurons sûrement un cadre mieux adapté
pour examiner ce dossier ensemble et je vous invite à être présent ou à me donner le nom de votre
intervenant sur place. Il n’y a aucune difficulté pour
que l’on regarde cela. Je parle d’une maîtrise d’ouvrage intrusive parce que je considère qu’effectivement la qualité des travaux qui me sont livrés me
concerne, et que je n’abandonne pas cela ni au
maître d’œuvre ni aux entreprises. De fait, énormément d’entreprises et de PME ont trouvé très intéressant que je sois intrusive sur leurs chantiers
parce que je les ai aidées quand elles étaient en
difficulté sur la synthèse, sur leurs calendriers… Je
leur ai certes donné des alertes, mais j’ai aussi su
saluer les efforts qui avaient été faits, sans systématiquement pénaliser les fins de chantiers qui
avaient parfois pris des délais. Je pense donc que
tout le monde a apprécié le maître d’ouvrage intrusif qui était parfois tout aussi présent que le maître
d’œuvre.
D.C.: Merci à tous pour votre partage de retours
d’expériences. ■
D.C.: Absolument. Ce mot est un peu provocateur, mais c’est une excellente remarque, bien sûr.
La montée en professionnalisation va concerner
aussi le maître d’ouvrage.
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
41
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CONCLUSION DES
TABLES RONDES
PAR KATY NARCY
GESTION DES INTERFACES
UN ENJEU MAJEUR
POUR LA QUALITÉ
DANS LE BÂTIMENT
erci beaucoup à l’AQC de m’avoir confié
la lourde tâche de conclure cette
journée que j’ai trouvée extrêmement
intéressante par la richesse de ses
débats. Avant d’en venir au sujet du
jour, je tiens à saluer l’AQC pour son travail remarquable et reconnu par l’ensemble des acteurs, et
rappeler l’importance que les deux ministères de
l’Écologie et du Logement attachent à la montée
en compétence des professionnels, et plus généralement à la qualité des bâtiments. Qualité
intrinsèque du bâtiment bien sûr, mais aussi baisse
des coûts de la non-qualité, qui permet de gagner
sur le coût global.
M
Je voudrais illustrer ce sujet par quelques exemples
récents d’actions collectives que nous avons pu
mener dans le cadre du Plan de rénovation énergétique de l’habitat. Je citerai bien sûr les formations
FEEBat, la mention «RGE» (Reconnu Grenelle Environnement), le Programme RAGE, etc., que tout
le monde connaît. Je pense aussi à la démarche
«Objectif 500000» où les acteurs ont, à juste titre,
redonné un coup de zoom sur ces questions de
montée en compétence avec les volets classiques
de formation et de qualification, mais aussi sur
tout ce qui a trait à l’innovation organisationnelle,
ce qui est plus rare, mais nous en avons vu cette
après-midi une belle illustration. De même, les
Journées d’informations régionales (1) que nous
organisons avec l’AQC sur la qualité réglementaire
sont aussi un bon exemple, car elles permettent
Katy Narcy, sous-directrice
de la qualité et du
développement durable
à la DHUP (Direction de
l’habitat, de l’urbanisme et
des paysages).
aussi, par le fil directeur de la réglementation, de
tirer la qualité globale vers le haut, et les sujets
d’interface en font partie.
Pour revenir au sujet du jour et à la question des
interfaces, je note un consensus général sur le
diagnostic: tout le monde s’accorde à dire que la
question des interfaces est une des clés, si ce n’est
la clé, de la qualité dans les bâtiments. Philippe
Estingoy l’a montré à travers l’analyse de toutes les
remontées de Sycodés, et c’est parallèlement intéressant d’avoir des cas précis et de terrain comme
ceux révélés par les deux tables rondes. Cette problématique des interfaces tient en partie à la
spécificité du bâtiment et son côté systémique,
beaucoup l’ont rappelé, et à la complexité croissante
amenée par l’exigence de performance sociétale,
notamment sur les sujets environnementaux. J’ai
trouvé aussi un consensus global sur trois points
de lignes de force et d’outils qui peuvent permettre
d’améliorer cet état de fait.
Premièrement, l’idée du «tous ensemble», qui passe
par le dialogue et l’échange afin de se comprendre.
Cela peut paraître très basique mais peut faire
parfois beaucoup avancer les choses. Le (1) Voir le programme de ces journées
d’information sur www.qualiteconstruction.com,
rubriques « Manifestations »
puis « Journées d’informations AQC ».
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
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OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
travail doit de manière générale être collaboratif,
itératif, et non plus séquentiel. Cela est revenu
dans la bouche de quasiment tous les intervenants.
Ce changement de mode de travail peut peut-être
aller jusqu’à faire évoluer les rôles des acteurs et
peut-être les textes, du moins faire un peu bouger
les lignes sur l’organisation traditionnelle et le «qui
fait quoi?» traditionnel.
La deuxième ligne de force que j’ai relevée est la
question du temps et surtout du travail en amont.
Notamment l’idée d’appuyer le travail de conception en étude, de prendre le temps nécessaire au
début, même si on veut toujours tous collectivement
aller trop vite. Plus généralement, la question de
l’anticipation des sujets qui se poseront à l’étape
suivante apparaît très importante, à la fois pour
anticiper les risques, la performance et optimiser
la conception.
La troisième ligne de force est la question de la vision globale de la construction et de l’usage derrière, puisque si le relais ne se fait pas, le bâtiment
ne sera pas aussi performant qu’on le souhaite ou
pas utilisé comme il était prévu. Derrière cette
question de vision globale, nous avons aussi celle
de la durabilité dans le temps, fondamentale et
qu’on oublie malheureusement parfois. L’une des
clés de cette vision globale est, à mon sens, l’aspect pragmatique et passif pour l’usager, c’est-àdire que tout doit pouvoir fonctionner tout seul sans
que l’usager ait besoin d’un bac +5 en bâtiment…
Concernant les outils permettant d’aider les acteurs
à résoudre ces problématiques d’interfaces, le premier a trait bien sûr à la formation et la connaissance: une meilleure connaissance des produits
pour les entreprises de pose, mais aussi une
meilleure connaissance des usagers par ceux qui
construisent le bâtiment. On peut imaginer constituer des plateformes de formation qui traitent des
interfaces et forment plusieurs corps de métiers.
Des démarches de ce type se font aussi directement
sur les chantiers, ce qui a l’avantage de ne pas faire
perdre une journée de travail.
“La question
des interfaces
est un enjeu
majeur pour
la qualité dans
le bâtiment,
et le travail
collaboratif
en est
certainement
la première
clé. C’est
une voie
d’amélioration
essentielle
pour les
acteurs du
bâtiment qui
permettra
à la fois de
tirer la qualité
du bâtiment
vers le haut,
mais aussi de
faire baisser
les coûts de
construction”
Le deuxième outil est bien évidemment la maquette
numérique, sujet ressorti comme une des grandes
priorités par les acteurs de la démarche «Objectif
500000». Comme cela a été dit aujourd’hui, un outil ne remplacera jamais l’intelligence des acteurs,
et l’ordinateur n’a d’ailleurs pas cette vocation, il
n’améliore ni n’affaiblit l’intelligence. En revanche, il
permet certaines choses, et peut même servir d’aiguillon. Par exemple, l’objectif du test d’étanchéité
imposé par la RT 2012 était à l’origine uniquement
de pouvoir vérifier cette bonne étanchéité. Mais
nous nous sommes rendus compte, par les retours
d’expériences de terrain, qu’il a apporté beaucoup
plus en réalité parce qu’il a obligé les acteurs à se
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QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
parler sur le chantier. De fait, forts de ces enseignements, ceux-ci se sont mis à travailler ensemble plus en amont sur les chantiers suivants.
Nous sommes convaincus que la maquette numérique, outre ses atouts intrinsèques, peut nous aider collectivement à aller vers ces processus collaboratifs. Ce sera bien sûr long et compliqué, mais
pour nous c’est une évidence de passer à cette maquette numérique, au même titre que c’était une évidence de passer de la planche à dessin à l’ordinateur. Après tout, quand les Français vont acheter
aujourd’hui leur cuisine équipée dans un grand
magasin, ils utilisent sur place une maquette numérique 3D, et tous ont l’air de s’y mettre sans aucun problème. En revanche, il faut bien sûr développer les outils adéquats pour chaque acteur, pour
chaque chantier, avec tous les problèmes techniques
de compatibilité qu’il y a à régler.
Le troisième et dernier outil évoqué aujourd’hui, et
j’en suis particulièrement ravie, concerne la démarche qualité, notamment les questions d’autocontrôle: l’étanchéité à l’air est un exemple bien
connu, mais des contrôles beaucoup plus simples
et basiques peuvent déjà faire repérer un certain
nombre de choses, et la démarche de la «pige» qui
a été citée est assez exemplaire du schéma directeur de la qualité avec les notions de points d’arrêt
et points de contrôle, démarche certes classique
mais pas si souvent utilisée. Sans concevoir une
usine à gaz et en restant sur des idées simples, je
pense qu’il y aurait beaucoup à gagner à réinjecter
ces démarches dans le bâtiment.
Si le travail à mener sur les interfaces a été évoqué
aujourd’hui dans l’objectif d’éviter des désordres,
je pense qu’il constitue aussi une chance pour faire
avancer les choses et tirer vers le haut le secteur
de la construction, que ce soit par la baisse des coûts
de non-qualité, mais aussi plus généralement parce
que cela peut être un terreau pour l’innovation. Plus
de travail collaboratif sur l’ensemble de la chaîne
des acteurs, industriels y compris, pourra peut-être
faire émerger des innovations, par exemple des
procédés constructifs mixtes.
En conclusion, je retiens de cette journée que la
question des interfaces est un enjeu majeur pour
la qualité dans le bâtiment, et le travail collaboratif en est certainement la première clé. C’est une
voie d’amélioration essentielle pour les acteurs du
bâtiment qui permettra à la fois de tirer la qualité
du bâtiment vers le haut, mais aussi de faire baisser
les coûts de construction – un enjeu particulièrement fort en ce moment –, ne serait-ce que par
le gain sur les coûts de non-qualité. Je pense que
ce consensus est établi, et étant donné qu’il s’agit
de changements culturels de longue haleine, nous
devons nous y mettre tous ensemble. ■
CLÔTURE
PAR JACQUES JESSENNE
AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DANS LE BÂTIMENT
UN ENGAGEMENT
ESSENTIEL DE
TOUS LES ACTEURS
e souhaite tout d’abord tous vous remercier pour votre présence cet après-midi,
en espérant que ces débats auront fait
avancer votre réflexion et vous apporteront matière à progresser sur le chemin
de la qualité. Je voudrais remercier tout particulièrement tous ceux qui ont participé à son
organisation et à son animation : les conférenciers, l’animateur et les techniciens, les membres
de l’Agence qualité construction (AQC) et toute
l’équipe.
J
L’AQC est de plus en plus sollicitée pour participer
aux réflexions, animer des groupes de travail,
proposer des orientations pour les grandes politiques de la construction. Elle est mobilisée
pour être le lieu de rencontre et de débat entre
professionnels, avec l’administration. C’est une
reconnaissance du rôle et de la place de l’AQC qui
grandit chaque année. Cet après-midi en a été
encore un exemple réussi.
Le thème que nous avons choisi, «Observatoire de
la qualité de la construction – Impacts des interfaces sur la sinistralité», est comme nous l’avons
vu d’une actualité d’autant plus importante que les
exigences techniques sont de plus en plus fortes
et que le succès d’une opération de construction
repose en grande partie sur les informations échangées, sur la qualité des études impliquant les
différents intervenants et sur l’action coordonnée
des différents corps d’état.
Jacques Jessenne,
président de l’Agence
qualité construction (AQC).
Dans les débats de cet après-midi, les différentes
interventions sont venues conforter le principe que
la qualité d’un ouvrage est un tout, un assemblage
délicat où non seulement tous les objets, tous les
intervenants doivent être de qualité pour obtenir
le résultat souhaité, mais doivent être aussi
« compatibles» entre eux.
Les actions de l’AQC sur les procédés et les
bonnes pratiques ne porteront leurs fruits que
par l’engagement de tous. Et au-delà de la conclusion des tables rondes faite par Katy Narcy (1)
que je remercie pour son soutien constant à l’action de l’AQC, je voudrais évoquer quelques pistes
sur lesquelles je souhaite que l’Agence qualité
construction s’investisse dans le cadre de ses partenariats habituels, en complément des actions
déjà prévues dans la Convention Quinquennale
2015-2019 (2):
• les conditions de développement du BIM (Building information modeling) dans les petites
structures: en effet, si le BIM est un outil qui permet de formaliser de bonnes pratiques pour la
qualité, la prise en main de cet outil (1) Sous-directrice de la qualité et du
développement durable à la DHUP.
(2) Consultez le communiqué de presse
sur www.qualiteconstruction.com, rubriques
« Actualités & Presse » puis « Presse ».
NOVEMBRE 2014 • HORS SÉRIE INTERNET • QUALITÉ CONSTRUCTION
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OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE LA CONSTRUCTION
nécessite un investissement particulier dans les
petites structures et il est indispensable de leur
faciliter cette transition;
• la conception d’outils BIM AQC : la Convention
Quinquennale prévoit une numérisation de l’ensemble de nos productions, il faut aller plus loin
en créant des outils BIM qui puissent être exploités de façon encore plus immédiate;
• une réflexion sur les possibilités d’évolution des
relations entre acteurs: comme cela a été évoqué
à plusieurs reprises, l’entrée en scène séquentielle des acteurs ne peut plus être la référence
unique, et pour permettre des échanges dépassionnés, l’AQC peut être un lieu de réflexion entre
tous les acteurs;
• un focus sur les apports du commissioning dans
le bâtiment, pratique permettant de traiter les
interfaces entre acteurs depuis l’origine de l’opération jusqu’à la prise de possession par les
utilisateurs et gestionnaires.
Pour autant, ces évolutions porteuses d’une forte
amélioration de la qualité dans la construction ne
pourront avoir un effet que si des Règles de l’art
adaptées pour des gains environnementaux sont
formalisées, et nous pouvons tous formuler notre
forte attente d’un acte II du Programme d’accompagnement des professionnels RAGE (3).
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“Ces évolutions
porteuses
d’une forte
amélioration
de la qualité
dans la
construction
ne pourront
avoir un effet
que si des
Règles de l’art
adaptées pour
des gains
environnementaux sont
formalisées”
QUALITÉ CONSTRUCTION • HORS SÉRIE INTERNET • NOVEMBRE 2014
J’espère que cette journée aura permis à chacun
de progresser et d’y voir plus clair dans cette
problématique essentielle des interfaces. J’espère
que les outils que l’AQC met déjà ou mettra bientôt à votre disposition vous aideront à y voir clair.
Je vous donne rendez-vous l’année prochaine
le 28 mai 2015 pour le 17e Rendez-vous Qualité
Construction et en attendant, je vous invite à
rejoindre le buffet en passant devant notre traditionnelle exposition de photos de désordres, qui
présente les 15 photographies distinguées par
notre 9e Concours Photo (4). ■
(3) Pour en savoir plus sur le Programme RAGE,
rendez-vous sur le site www.ragebatiment.fr.
(4) Les photos primées et distinguées de toutes
les éditions du Concours Photo sont
consultables sur www.qualiteconstruction.com,
aux rubriques « Manifestations » puis
« Concours Photo de l’AQC ».
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