Mise au point M ise au point Actualités des médicaments antiarythmiques : la dronédarone Recent advances in antiarrhythmic drugs: dronedarone IP J.M. Davy*, F. Raczka*, M. Ferrière*, T.T. Cung* POINTS FORTS La dronédarone est un antiarythmique développé à partir de la structure de l’amiodarone, mais ne comportant pas de molécule d’iode. Les données expérimentales et cliniques accumulées ces 10 dernières années ont permis de confirmer un profil électrophysiologique et pharmacocinétique favorable : – c’est un médicament antiarythmique agissant sur de nombreux canaux ioniques, comme l’amiodarone, et associant ainsi des effets de classe I, II, III et IV ; – la demi-vie est plus brève que celle de l’amiodarone (48 heures) et le métabolisme d’élimination libère un métabolite d’activité antiarythmique modeste ; – il n’y a pas d’effet thyroïdien, ni d’argument pour une thésaurismose tissulaire ; – il n’y a pas d’effet proarythmique significatif sur les modèles expérimentaux. L’efficacité clinique a été évaluée dans quatre études cliniques, contre placebo, qui ont démontré une efficacité de la dronédarone à la dose de 400 mg 2 fois par jour dans la prévention des récidives de la FA paroxystique et de la FA persistante et dans le contrôle de la fréquence ventriculaire dans la FA permanente : – il n’y a pas eu d’effet proarythmique, et notamment pas de torsades de pointes, dans ces études ; – un doute existe sur la tolérance de la dronédarone en cas d’insuffisance cardiaque sévère ; – une étude de morbimortalité dans la FA à haut risque est actuellement en cours, portant sur plus de 4 600 patients, âgés et hypertendus, et devrait préciser la place de la droné­ darone en présence de cardiopathie. Mots-clés : Amiodarone – Dronédarone – ­Antiarythmique – Fibrillation auriculaire – Intervalle QT. Keywords: Amiodarone – Dronedarone – Antiarrythmic drug – Atrial fibrillation – QT interval. * Département de cardiologie, CHU de Montpellier. 22 LC411-ok.indd 22 L’ amiodarone est actuellement l’antiarythmique le plus utilisé, notamment à l’étage auriculaire. Son efficacité est remarquable, en moyenne 2 fois plus importante que celle des autres antiarythmiques de classe I ou de classe III (1, 2). Sa tolérance cardiaque est particulièrement favorable, car l’amiodarone ne s’accompagne ni d’un risque significatif de torsades de pointes, ni de troubles conductifs intraventriculaires, ni d’effets inotropes négatifs en cas d’insuffisance cardiaque congestive ; mais les effets délétères extracar­diaques de l’amiodarone sont importants, touchant près de 30 % des patients après quelques années d’utilisation, qu’il s’agisse de complications thyroïdiennes, pulmonaires ou hépatiques, et peuvent mettre en jeu le pronostic vital (3, 4). Depuis plusieurs années, des tentatives ont été menées pour développer d’autres antiarythmiques (5-7), notamment un antiarythmique semblable à l’amiodarone mais dépourvu des molécules d’iode qui semblent responsables des effets extracardiaques délétères. Un de ces dérivés, la dronédarone, a été très étudié. Depuis plus de 10 ans, plus de 30 publications ont été consacrées à la dronédarone, avec des données expérimentales mais aussi cliniques permettant de préciser son profil électrophysiologique, antiarythmique et pharmacocinétique, analysé dans plusieurs revues générales (8-13). Les études cliniques randomisées sont plus récentes. Cinq études ont déjà été présentées et sont en cours de publication, seule la première, DAFNE, ayant été publiée (14). Nous évaluerons successivement : – la pharmacologie expérimentale in vitro ; – la pharmacologie expérimentale in vivo ; – la pharmacologie clinique ; – les études cliniques randomisées. La pharmacologie expérimentale in vitro La structure de la dronédarone se rapproche très étroitement de celle de l’amiodarone, les deux atomes d’iode en moins (figure 1). En revanche, comme l’amiodarone, la dronédarone est un bloqueur de multiples canaux ioniques et possède des effets de classe I, II, III et IV (tableau) démontrés par de nombreuses études expérimentales (15-23). La Lettre du Cardiologue - n° 411 - janvier 2008 1/02/08 11:44:02 Mise au point M ise au point A Rat normal o (mV) Figure 1. Structures comparées de l’amiodarone (A) et de la dronédarone (B) [9]. 3 x 10-6 mol – 40 1 x 10-5 mol 3 x 10-5 mol Témoin Tableau. Effet “multicanal” de l’amiodarone et de la dronédarone (11). Dronédarone Amiodarone B Courants sortants cobaye (IC50, μmol) IKr (ventricule) 2-3 10 IKs (ventricule) 10 30 IK1 (ventricule) > 30 ≤ 30 IK-Ach (atrial) 0,01 1 − 97 % − 41 % 0,2 10 Rat après infarctus o 1 x 10-5 mol Témoin Courants entrants INa (humain ; 3 μmol) ICa-L (cobaye ; IC50, μmol) 3 x 10-5 mol Effets antiarythmiques de classe I ou bloqueurs sodiques Sur l’oreillette humaine, isolée, la dronédarone bloque le canal sodique de façon croissante aux concentrations comprises entre 0,03 mol/l et 3 mol/l. En comparaison avec l’amiodarone, les concentrations efficaces s’établissent dans un rapport de 1 à 10, mais il n’y a pas plus d’effet de dépendance de la fréquence (“use-dependence”) ni d’effet sur la récupération de l’excitabilité du canal sodique. Effets antiarythmiques de classe II ou action anti- adrénergique Comme l’amiodarone, la dronédarone a un effet inhibiteur sur les bêtarécepteurs, d’une part, et sur les récepteurs de l’adénylcyclase, d’autre part (15). Il semble que ce produit agisse cependant en aval de la chaîne de la signalisation adrénergique, peut-être au niveau de la protéine G, et cet effet est indépendant d’éventuels effets sur la thyroïde et sur les hormones thyroïdiennes (24). Inhibition des courants potassiques et calciques : effets de classe III et de classe IV La dronédarone bloque les courants potassiques à la fois IKr, IKs et IK1 avec 50 % de blocage (“IC50”) de 3 µmol, 10 µmol et 30 µmol respectivement sur les cellules ventriculaires de cobaye ou de chien. Cet effet a aussi été retrouvé par F. Aimond et al. (16) sur les cellules myocardiques du rat, mais il apparaît moindre après infarctus du myocarde (figure 2). Parallèlement, une inhibition du courant calcique de type lent (ICaL) a été démontrée, avec une IC50 à 0,18 µmol. Cet effet a été retrouvé sur les canaux potassiques élémentaires, avec un La Lettre du Cardiologue - n° 411 - janvier 2008 LC411-ok.indd 23 3 x 10-6 mol o (ms) 50 Figure 2. Effets sur le potentiel d’action ventriculaire d’un cœur normal (A) et après infarctus (B) [16]. effet prédominant sur Herg et moins marqué sur KvLQT1, mais on a pu montrer que le site de blocage sur Herg différait du site de blocage habituel des antiarythmiques de type III (23). Enfin, il existe un effet très marqué de la dronédarone sur les canaux potassiques sensibles à l’acétylcholine : il est 100 fois plus marqué que celui de l’amiodarone sur ces mêmes canaux. La dronédarone a ainsi une activité très particulière sur les cellules sinusales isolées de l’oreillette de lapin, et cet effet était indépendant d’un effet sur les récepteurs muscariniques M2, sensibles à l’acétylcholine. Pas d’inhibition de l’échangeur sodium-potassium Alors que l’amiodarone inhibe la pompe sodium-potassium, cette action n’a pas été retrouvée avec la dronédarone, comme A.D. Pitt et al. l’ont démontré sur les cellules ventriculaires de lapin (22). Effets vasodilatateurs Sur le cœur de cobaye isolé et perfusé, les propriétés vasodilatatrices coronaires de l’amiodarone et de la dronédarone ont été évaluées ; leurs effets étaient similaires et apparaissaient pour une concentration comprise entre 0,01 et 10 µmol/l. En revanche, ces effets semblent dépendre de l’activité de la NO synthase pour l’amiodarone alors qu’ils semblent en être indépendants pour 23 1/02/08 11:44:03 la dronédarone ; cela peut signifier que, avec cette molécule, ils traduisent un effet anticalcique direct (25). Pharmacologie in vivo Sur ce sujet aussi, de nombreux travaux ont été publiés (26-38). Modifications du potentiel d’action Comme celui de l’amiodarone, l’effet de la dronédarone varie selon que l’administration est aiguë ou chronique. En administration aiguë, la durée du potentiel d’action n’était pas modifiée aux doses de 3, 10 et 30 µmol, alors que la phase 0 du potentiel d’action était diminuée. Au contraire, après 3 ou 4 semaines d’administration chez le lapin, la durée du potentiel d’action augmentait de 20 à 50 %, pour l’APD50 et l’APD90 respectivement. Effets sur la conduction cardiaque Ils ont été étudiés chez le chien anesthésié. La perfusion de la dronédarone (2,5 mg/kg) s’accompagnait d’un ralentissement de la fréquence cardiaque (– 21 %), d’un allongement de l’intervalle AH et du cycle de Wenckebach respectivement de 24 % et de 44 %, alors que l’intervalle HV était inchangé. Les périodes réfractaires auriculaires et ventriculaires étaient augmentées, respectivement de 17 % et de 15 %. Ces effets persistaient aux fréquences de stimulation élevées, confirmant l’absence d’une dépendance inverse. Effets sur les torsades de pointes et les post-dépolari- sations La dronédarone a été évaluée, en comparaison avec l’amiodarone, sur le modèle de chien en bloc auriculo-ventriculaire chronique. Alors qu’aucune torsade de pointes n’était observée après amiodarone, 4 chiens sur 8 recevant la dronédarone ont présenté des torsades de pointes. Il s’agit cependant d’un modèle particulièrement sensible, et l’administration de dronédarone et d’amiodarone était effectuée en parallèle et non de façon croisée. Au contraire, sur le même modèle de chien, chez qui les torsades de pointes étaient déclenchées par un bloqueur d’IKr, l’almokalant, l’administration de dronédarone par voie veineuse permettait de supprimer la survenue de torsades de pointes (31, 34). Le même effet a été obtenu in vitro sur des cellules de Purkinje canines, dont les post-dépolarisations, déclenchées soit par la dofétilide (post-dépolarisations précoces) soit par l’ouabaïne (post-dépolarisations tardives), étaient supprimées par l’administration de dronédarone ou d’amiodarone avec disparition des activités déclenchées. Effets de la dronédarone sur les arythmies ischémiques Plusieurs modèles d’arythmies ischémiques ont été évalués : ✓ le cœur de rat isolé perfusé, avec une ischémie transitoire de 25 mn suivie d’une reperfusion ; ✓ l’ischémie provoquée par une ligature de l’IVA chez le porc anesthésié ; 24 LC411-ok.indd 24 ✓ l’ischémie par ligature coronaire gauche suivie d’une reperfusion chez le rat anesthésié thoracotomisé. Des arythmies ventriculaires, extrasystoles, tachycardies ventriculaires et fibrillations ventriculaires sont obtenues chez certains animaux aux divers stades de l’ischémie et/ou de la reperfusion. La dronédarone, comme l’amiodarone, a été capable de réduire, voire d’abolir, une partie de ces arythmies ischémiques. L’efficacité de la dronédarone a aussi été évaluée expérimentalement en post-infarctus sur deux modèles. Nous avons développé un modèle comportant des extrasystoles ventriculaires (ESV) chroniques et spontanées (figure 3), survenant au décours d’un infarctus du myocarde obtenu par ligature coronaire chez le rat ; les extrasystoles ventriculaires apparaissaient au fur et à mesure du développement de l’insuffisance cardiaque (16). Le deuxième modèle était celui des arythmies obtenues lors de l’épreuve d’effort, chez le chien, quelques semaines après la constitution d’un infarctus par ligature coronaire. Dans les deux cas, la dronédarone s’est montrée efficace pour réduire, voire faire disparaître, les arythmies ventriculaires spontanées. 2 400 1 800 ESV/h Mise au point M ise au point p = 0,07 p = 0,04 1 200 600 0 J4 C J7 J15 J22 J30 Figure 3. Extrasystoles ventriculaires chroniques du rat conscient en télémétrie après un infarctus : diminution des ESV pendant l’administration de la dronédarone aux 4e et 7e jours (J4 et J7), et réapparition sur 15 jours au décours (J15, J22 et J30) [16]. Pharmacologie clinique de la dronédarone Les caractères pharmacocinétiques ont été analysés (39-40). Pharmacocinétique En administration orale, l’état stable est obtenu avec la dronédarone au bout de 5 à 7 jours, et la demi-vie d’élimination est évaluée chez l’homme à 24 heures en moyenne. L’absorption est dépendante de l’apport alimentaire, et la prise de la dronédarone simultanément avec les repas peut augmenter le taux sanguin d’un rapport de 2 à 3. Il existe un effet de premier passage hépatique important, avec un métabolisme mettant en jeu les cytochromes P450 3A4 et P2D6. Au total, la biodisponibilité de la dronédarone est faible, entre 15 et 40 %. Enfin, il existe un métabolite, le butyl-dronédarone, qui >>> La Lettre du Cardiologue - n° 411 - janvier 2008 1/02/08 11:44:04 Mise au point M ise au point >>> A 520 480 440 Intervalle QTc, ms Intervalle QT, ms 480 440 400 400 360 360 320 320 0 3 6 9 12 15 18 21 24 0 3 6 Heure de la journée 9 12 15 18 21 24 Heure de la journée Placebo 1 600 mg/j 3 200 mg/j B RR 16 12 8 4 0 16 12 8 4 0 Pente = 38 x 10–4 –4 0 800 1 600 2 400 Dose (mg/j) 3 200 –8 12 8 4 0 Pente = 65 x 10–4 –4 R = 0,90 QTc 20 Variation du QTc (%) 16 –8 QT 20 Variation du QT (%) Variation de l’intervalle RR (%) 20 0 800 1 600 2 400 Dose (mg/j) Pente = 45 x 10–4 R = 0,96 –4 R = 0,96 3 200 –8 0 800 1 600 2 400 Dose (mg/j) 3 200 Figure 4. Effets de la dronédarone sur l’ECG de volontaires sains, sur le holter de 24 heures (A) et corrélations, en fonction de la posologie, des allongements de RR, QT et QTc (B) [40]. ne semble pas pourvu d’effet électrophysiologique significatif. Ces caractéristiques distinguent la dronédarone de l’amiodarone, dont la cinétique est beaucoup plus lente (état stable nécessitant 2 à 3 semaines de traitement malgré une dose de charge, et demi-vie d’élimination de 1 à 2 mois). Les effets sur l’intervalle QT et le cycle RR de sujets sains sont dose-dépendants (figure 4). Effets indésirables cardiaques et extracardiaques Les effets indésirables cardiaques et extracardiaques de la dronédarone commencent à être connus. La Lettre du Cardiologue - n° 411 - janvier 2008 LC411-ok.indd 27 – Les effets cardiaques ne semblent pas comporter de risque significatif de torsades de pointes. En revanche, il existe un doute sur un effet inotrope négatif, en rapport avec les effets bêtabloqueurs et anticalciques de la dronédarone, même si les résultats d’ANDROMEDA semblent résulter plutôt de l’arrêt de l’IEC ou des ARA II chez certains patients, en raison des modifications du taux de créatinine (cf infra). – Les effets extracardiaques comportent avant tout des troubles digestifs, qui ont limité la prescription de dronédarone à plus fortes doses (1 200 ou 1 600 mg/j, comme dans l’étude DAFNE). 27 1/02/08 11:44:09 Mise au point M ise au point Il n’y a pas d’arguments en revanche pour des effets thyroïdiens, hépatiques ou pulmonaires de la dronédarone. Les études cliniques avec la dronédarone Cinq études cliniques ont été réalisées, comportant un total de 2 000 patients. Quatre ont évalué l’efficacité et la tolérance de la dronédarone dans la FA (41-45). La cinquième (ANDROMEDA) a évalué l’efficacité de la dronédarone sur la morbimortalité dans l’insuffisance cardiaque sévère (46). Une sixième étude (ATHENA), portant sur plus de 4 500 patients, analyse l’efficacité de la dronédarone dans la morbimortalité de la FA à haut risque ; elle est toujours en cours. En revanche, il n’y a toujours pas d’études comparant, dans la prévention des récidives de FA, la dronédarone à l’amiodarone, dont l’efficacité est remarquable parmi les antiarythmiques (1, 2). L’étude DAFNE : choix de la dose dans la FA persistante (14) Cette étude de phase II a porté sur 270 patients, divisés en quatre groupes : un groupe témoin et trois groupes recevant la dronédarone, à la posologie de 400 mg 2 fois par jour, 600 mg 2 fois par jour et 800 mg 2 fois par jour respectivement. Les patients étaient en FA persistante et bénéficiaient d’une cardioversion électrique après 5 à 7 jours si la cardioversion n’était pas obtenue sous dronédarone. Les patients étaient ensuite suivis pendant 6 mois, et le critère d’évaluation était le temps de survenue de la première récidive de FA. Sous dronédarone 800 mg (400 mg x 2/j), le temps de survenue de la FA augmentait de façon significative, jusqu’à une médiane de 60 jours, versus 5,3 jours dans le groupe placebo (p = 0,001). En revanche, les posologies supérieures, de 1 200 à 1 600 mg de dronédarone, ne se sont pas révélées plus efficaces et ne montraient pas de différences par rapport au groupe témoin (figure 5). Le 1,0 Placebo 800 mg 1 200 mg 1 600 mg Survie sans récidive de FA 0,8 0,6 0,4 0,2 0,0 0 30 60 90 120 150 180 Jours Figure 5. Étude DAFNE : effets-doses sur la prévention de la FA. D’après (14). 28 LC411-ok.indd 28 taux de cardioversion médicamenteuse était faible et concernait 5,8 % à 14,8 % des patients selon les doses, mais la différence était significative versus le groupe témoin (p = 0,026). Il n’y a pas eu d’effet proarythmique et notamment pas de torsades de pointes. L’augmentation de l’intervalle QT n’a été démontrée qu’avec la posologie de 1 600 mg/jour. Parmi les effets indésirables, les troubles digestifs ont été importants dans le groupe traité avec la dose forte de dronédarone (1 600 mg) et ont entraîné son arrêt chez 23 % des patients versus 4 % dans le groupe recevant 400 mg 2 fois par jour. Au décours de cette étude, la dose de 800 mg par jour administrée en deux prises a donc été retenue pour les études ultérieures avec la dronédarone. Les études EURIDIS et ADONIS : prévention de la FA, paroxystique et persistante (41-42) Les deux études sont identiques, portant chacune sur plus de 600 patients, selon un protocole semblable, EURIDIS étant une étude européenne (612 patients), et ADONIS une étude américaine (625 patients). En tout, 1 237 patients ont donc été étudiés. Ils ont reçu la dronédarone (400 mg x 2/j) ou un placebo selon une randomisation 2 pour 1. Était inclus tout patient ayant présenté au moins un épisode de FA paroxystique ou persistante documenté par un ECG dans les 3 mois précédents. Le critère d’efficacité était le délai de survenue du premier épisode de récidive de FA, sur un suivi d’un an. Ces épisodes étaient rigoureusement dépistés, grâce à l’utilisation d’un boîtier de transmission transtéléphonique de l’ECG, lors de l’apparition de tout symptôme et systématiquement à intervalles réguliers. Un tracé ECG (12 dérivations ou transtéléphonique) était recueilli 15 fois pendant 1 an : 6 fois pendant le premier mois, puis tous les mois pendant les 6 mois suivants ; enfin, tous les 2 mois jusqu’à 1 an. La récidive était définie par un épisode durant plus de 10 mn, grâce à deux tracés consécutifs. La population étudiée était relativement jeune (âge moyen de 62 ans pour EURIDIS et 64 ans pour ADONIS). Seuls 10 % (EURIDIS) et 17 % (ADONIS) des patients avaient plus de 75 ans, et 30 % étaient des femmes. La FA était paroxystique pour la majorité des patients (63 % pour EURIDIS et 78 % pour ADONIS). Même si la fraction d’éjection ventriculaire gauche était en moyenne normale (59 %), la majorité des patients étaient porteurs d’une cardiopathie – cardiopathie hypertensive pour plus de la moitié d’entre eux (58 à 62 %), mais aussi ischémique, valvulaire ou idiopathique. Ainsi, la majorité des patients recevait bêtabloquants, digitaliques ou antagonistes du calcium bradycardisants, respectivement chez 60 %, 22 % et 10 % des patients EURIDIS, et chez 51 %, 39 % et 29 % des patients ADONIS. La dronédarone a permis une prévention des récidives de la FA paroxystique ou persistante, avec un délai médian de récurrence passant de 59 à 158 jours dans ADONIS et de 41 à 96 jours dans EURIDIS (figure 6). Le bénéfice relatif était donc de 28 % et de 22 % respectivement (0,001 < p < 0,01). Le bénéfice était tout aussi significatif sur la FA symptomatique (p = 0,02 et 0,005 respectivement). Deux autres critères d’efficacité secondaire ont été mis en évidence dans ces études : – une diminution de la fréquence ventriculaire lors des récidives de FA, la fréquence moyenne passant de 116 à 104 ­battements/­mn La Lettre du Cardiologue - n° 411 - janvier 2008 1/02/08 11:44:10 ADONIS 0,8 0,8 0,6 0,6 Récidive de FA Récidive de FA EURIDIS Mise au point M ise au point 0,4 0,2 0,4 0,2 p = 0,0138 p = 0,0017 0,0 0,0 0 60 120 180 240 300 360 0 60 Temps (jours) 120 180 240 300 360 Temps (jours) Placebo Dronédarone 400 mg x 2/j Figure 6. Études EURIDIS et ADONIS : prévention des récidives de FA sur une cohorte de 1 200 patients (41, 42). dans ADONIS et de 117 à 102 battements/mn dans EURIDIS (p < 0,001) ; – une diminution de la morbi-mortalité pour les patients sous dronédarone, avec un risque relatif de 0,73 (p = 0,01) sur 1 an de suivi. La tolérance, enfin, a été satisfaisante, sans différence par rapport au groupe placebo, qu’il s’agisse des effets indésirables sévères (14 % versus 15 %) ou de tout effet indésirable (67 % versus 63 %). En particulier, aucun effet proarythmique ni aucune torsade de pointe n’ont été observés. L’étude ERATO : contrôle de la fréquence ventriculaire dans la FA permanente (45, 46) Cette étude, que nous avons rapportée en 2005, a porté sur 174 patients présentant une FA permanente symptomatique et dont la fréquence ventriculaire évaluée sur un tracé ECG d’au moins 6 secondes était supérieure à 80/mn. La durée de traitement était de 6 mois, et les patients ont reçu soit un placebo soit de la dronédarone à la dose de 400 mg 2 fois par jour. Ce traitement était administré en association avec les médicaments bradycardisants déjà prescrits aux patients, qui recevaient aussi des bêtabloquants (54 %), des digitaliques (40 %) ou des antagonistes du calcium bradycardisants (29 %), seuls ou en association. Les patients étaient pour la plupart porteurs d’une hypertension artérielle (49 %), d’une cardiopathie (39 %) ou d’une insuffisance cardiaque de classe I ou II (40 %), et la majorité d’entre eux était d’âge supérieur à 65 ans. Les critères principaux d’efficacité étaient la fréquence ventriculaire moyenne évaluée sur un holter de 24 heures. Au quatorLa Lettre du Cardiologue - n° 411 - janvier 2008 LC411-ok.indd 29 zième jour de traitement, celle-ci diminuait de 11 battements/mn en moyenne ; cette efficacité était maintenue au sixième mois (moins de 10 battements/mn) et était retrouvée sur l’épreuve d’effort, avec une diminution de 24 battements/mn de la fréquence ventriculaire maximale. Enfin, la durée de l’épreuve d’effort n’était pas modifiée (9 mn dans le groupe dronédarone comme dans le groupe placebo). L’étude ERATO confirme, pour la FA permanente, les résultats obtenus dans les études EURIDIS et ADONIS dans la FA paroxystique ou persistante. La dronédarone permet donc un ralentissement de la fréquence ventriculaire en présence d’une arythmie complète. L’étude ANDROMEDA (47) Il s’agissait d’une étude ambitieuse portant sur le bénéfice de la dronédarone dans la morbimortalité chez les patients avec une insuffisance cardiaque sévère, en stade II, III ou IV de la NYHA et ayant présenté une décompensation aiguë (stade III ou IV) dans le mois précédant l’inclusion. Cette étude a été arrêtée prématurément en janvier 2003, après avoir inclus 627 patients, en raison d’une tendance non significative (p = 0,12) à la surmortalité sous dronédarone (53 décès versus 40 décès sous placebo). Les patients inclus étaient porteurs d’une insuffisance cardiaque sévère en classe II (41 %), III (57 %) ou IV (2 %) ; l’âge moyen était de 69 ans. L’analyse secondaire des données a mis en évidence deux phénomènes : – un arrêt plus fréquent des IEC ou des sartans chez ces patients insuffisants cardiaques lorsqu’ils recevaient de la dronédarone (13 % versus 6 % sous placebo) ; 29 1/02/08 11:44:11 Mise au point M ise au point – une surmortalité sous dronédarone uniquement dans le sousgroupe des patients ayant arrêté les IEC ou les sartans ou n’en ayant jamais bénéficié, alors qu’aucune mortalité n’apparaissait dans le sous-groupe des patients qui avaient conservé le traitement par IEC ou par sartans. Une augmentation mal expliquée de la créatinine sous dronédarone a déjà été décrite et semble en rapport avec un effet spécifique sur la filtration glomérulaire de la créatinine. En conclusion, même si aucune torsade de pointes ni aucun effet délétère extracardiaque n’ont été retrouvés dans cette étude, un effet inotrope négatif délétère de la dronédarone paraît probable chez les patients en insuffisance cardiaque sévère et ne recevant ni IEC ni ARA II. L’étude ATHÉNA Il s’agit d’une étude toujours en cours portant sur la morbimortalité dans la FA à haut risque. La population étudiée est très importante (4 630 patients) et s’apparente à celle de l’étude AFFIRM (4 100 patients). Il s’agit de patients présentant de la FA paroxystique ou persistante, âgés d’au moins 70 ans et ayant un facteur de risque supplémentaire : hypertension (au moins sous bithérapie), diabète, antécédents d’AIT ou d’AVC, dilatation auriculaire gauche (> 50 mm) ou FE ventriculaire gauche abaissée (< 40 %) à l’échocardiographie. Le critère principal est celui de la morbimortalité cardiovasculaire : décès ou hospitalisation pour une affection cardiovasculaire après un suivi minimum de 12 mois (12 à 30 mois). 3. The Antiarrhythmics Versus Implantable Defibrillators (AVID) Investigators. A comparison of antiarrhythmic-drug therapy with implantable defibrillators in patients resuscitated from near-fatal ventricular arrhythmias. N Engl J Med 1997;337(22):1576-83. 4. Bardy GH, Lee KL, Mark DB et al.; Sudden Cardiac Death in Heart Failure Trial (SCD-HeFT) Investigators. Amiodarone or an implantable cardioverterdefibrillator for congestive heart failure. N Engl J Med 2005;352:225-37. 5. Nattel S, Khairy P, Roy D et al. New approaches to atrial fibrillation management: a critical review of a rapidly evolving field. Drugs 2002;62:2377-97. 6. Naccarelli GV, Wolbrette DL, Khan M et al. 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La place exacte de la dronédarone en présence d’une cardiopathie ou d’une insuffisance cardiaque doit être mieux précisée, notamment par rapport à l’amiodarone : l’insuffisance cardiaque sévère semble être actuellement une contre-indication. En revanche, la dronédarone pourrait être tout à fait intéressante dans la FA à haut risque, comme chez les patients âgés, avec ou sans hypertension artérielle. ■ Dronedarone for prevention of atrial fibrillation: a dose-ranging study. Eur Heart J 2003;24:1481-7. 15. Chatelain P, Meysmans L, Matteazzi JR, Beaufort P, Clinet M. Interaction of the antiarrhythmic agents SR 33589 and amiodarone with the β2-adrenoceptor and adenylate cyclase in the rat heart. Br J Pharmacol 1995;116:1949-56. 16. Aimond F, Beck L, Gautier P et al. Cellular and in vivo electrophysiological effects of dronedarone in normal and postmyocardial infarcted rats. J Pharmacol Exp Ther 2000;292:415-24. 17. Altomare C, Barbuti A, Viscomi C, Baruscotti M, DiFrancesco D. 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