NOMBRES PREMIERS ET CHAOS QUANTIQUE 31
Peut-on estimer l’ordre de grandeur de l’erreur de Gauss ? Apr`es un rapide
coup d’oeil `a la table ci-dessus, nous voyons que le nombre de chiffres de l’erreur
est environ la moiti´e de celui du nombre de nombres premiers, c’est-`a-dire de
l’ordre de sa racine carr´ee. En d’autres termes, on peut ´emettre la conjecture
que
x
2
dt
log t−cardinal de l’ensemble des nombres premiers inf´erieurs `ax
est born´esup´erieurement par une fonction comme √x. Une autre ca-
ract´eristique surprenante de ces donn´ees est que l’erreur est toujours positive,
indiquant que, au moins dans les donn´ees calcul´ees jusqu’`apr´esent, l’estimation
de Gauss est trop grande. Ceci peut nous amener `a penser qu’en introduisant
un terme suppl´ementaire, on pourrait obtenir une estimation plus pr´ecise. Or
ce n’est pas le cas : l’erreur change de signe une infinit´e de fois, comme l’a
montr´e Littlewood en 1914.
Trouver le moment o`u l’erreur devient n´egative pour la premi`ere fois n’est
pas chose ais´ee. La premi`ere borne concernant un tel x(appelons-le x0)fut
donn´ee en 1933 par Skewes,
x0<10101034
.
Pendant longtemps, ce nombre ´etait consid´er´e, selon plusieurs sources,
comme le plus grand nombre connu ayant une propri´et´e distinctive. Cette
borne a ´et´er´eduite petit `apetit`ax0<1,39822 ×10316, et on peut trouver
dans [1] des arguments convaincants indiquant qu’il s’agit l`a`apeupr`es de la
bonne valeur de x0! (Pour plus de d´etails, voir mon article `aparaˆıtre [8]).
On peut facilement modifier l’´enonc´e de Gauss et obtenir un mod`ele proba-
biliste pour les nombres premiers, comme le fit Cram´er en 1936 [4] : soit X3,
X4, ... une suite de variables al´eatoires ind´ependantes telles que
P[Xn=1]= 1
log net P[Xn=0]=1−1
log n.
On peut consid´erer comme ´el´ement «typique »de cet espace de probabilit´ela
suite π3,π4,etc.,o`uπn= 1 si et seulement si nest premier, et s’il est possible
de faire un ´enonc´e dans cet espace dont la probabilit´e soit 1, alors on peut
s’attendre `a ce qu’il soit vrai pour les nombres premiers (c’est-`a-dire pour la
suite π3,π4, ...). Certainement,
nx
Xn∼x
2
dt
ln tquand x→+∞avec une probabilit´e´egale `a1;
en d’autres termes, la valeur attendue pour le d´enombrement des nombres
premiers par le mod`ele de Gauss-Cram´er est conforme `alar´ealit´e. De plus,
dans de petits intervalles (ce qui correspond mieux `a ce que Gauss regardait)
x<nx+y
Xn∼x+y
x
dt
ln tquand x→+∞, avec probabilit´e1,
o`uyest une petite puissance fix´ee de x.