particulier pour connaître les personnes ayant rejoint l’île récemment, la situation familiale, le niveau de
formation, la connaissance de la langue, l’activité professionnelle, le type de logement, le confort et
l’équipement du logement, etc.
Dans l’attente de ces résultats, il est déjà possible de tirer un enseignement majeur du recensement, non souligné
par l’INSEE à ce jour : l’île connaît un solde migratoire négatif important, l’émigration y est supérieure à
l’immigration. Manifestement beaucoup de Mahorais votent avec leur pied.
Ce constat rejoint celui qu’on pouvait déjà tirer du recensement de 2007. Avant donc de tenter de « faire parler »
les rares chiffres connus du recensement de 2012, il est utile de revenir sur les résultats du recensement de 2007.
Entre 2002 et 2007, le solde naturel (les naissances moins les décès) a été de 33100 : 37250 naissances (soit 7450
naissances en moyenne par an) et 4150 décès (830 décès en moyenne par an)1. Sans l’effet des migrations, la
population serait passée de 160265 personnes en 2002 à 193365. Or la population recensée étant de 186452 en
2007, le solde migratoire a pu être estimé par l’INSEE à -7000, soit environ un solde migratoire de - 0.9 % par
an. Si un tel niveau s’appliquait à la France entière, cela signifierait que, chaque année, la France perd environ
550000 habitants du seul fait des mouvements migratoires (alors que le solde migratoire y est positif, plutôt
proche de + 100000).
Grâce aux questionnaires du recensement, les personnes non présentes à Mayotte en 2002 mais présentes en
2007 – c’est-à-dire ayant migré à Mayotte – sont connues. Elles étaient 15358 personnes en 2007, soit 8,2 % de
la population de 2007 (9,6 % rapporté à celle de 2002). 3,5 % venaient d’autres parties du territoire français, 3,8
% des Comores et 1% d’autres pays (dont la moitié environ de Madagascar).
De ces résultats on peut déduire que le nombre de personnes sur l’île en 2002 et l’ayant quitté en 2007 (sans y
décéder) s’élève à environ 22000 personnes (15000 + 7000), soit 13,7 % de la population. Même si on ne tient
pas compte des métropolitains présents en 2002 et partis en 2007, et qu’on peut estimer à environ un cinquième
du total, les chiffres du recensement de 2007 permettent de conclure que plus d’un habitant sur dix a quitté l’île
entre 2002 et 2007. Un niveau énorme et qui ne semble pas s’être tari depuis.
Avec le recensement de 2012, nous disposons à ce jour uniquement du nombre d’habitants (212645). La
population s’est accrue de 26193 personnes depuis le recensement de 2007. L’état civil et le service statistique
disposent des données concernant les naissances et les décès mais ils n’ont pas été rendus publics avec précision.
Selon le ministère de la santé, le nombre de naissances de 2007 à 2012 s’élève à environ 38600 à Mayotte. Le
nombre de décès ne nous est pas connu. Nous l’estimons sur la base des taux de mortalité connus (pour l’année
2007) et obtenons une estimation de 950 décès en moyenne par an, soit 4750 entre 2007 et 2012. Le solde
naturel peut donc être estimé à environ 34000 (38600 naissances moins 4750 décès). La population s’étant
accrue de 26000 personnes et non de 34000, on peut en déduire que le solde migratoire est de l’ordre de -8000,
soit un niveau du même ordre de grandeur qu’entre 2002 et 2007. L’INSEE n’ayant pas encore publié les
résultats précis et détaillés, en particulier sur l’immigration (les personnes non présentes en 2007 mais présentes
au recensement de 2012), il n’est pas possible à ce jour d’en déduire l’ampleur de l’émigration. Mais, compte
tenu du niveau du solde migratoire, il est probable que l’émigration massive hors de l’île s’est poursuivie.
Cet exode, qu’il s’agisse de jeunes diplômés mahorais partis étudier et qui ne reviennent pas, ou de familles
mahoraises allant chercher une vie meilleure, traduit un fort malaise auquel aucune réponse n’est réellement
apportée. Pour beaucoup, l’espoir réside dans un départ vers la Réunion ou la métropole. En votant avec leurs
pieds, ces personnes expriment leur manque de confiance dans les promesses faites par les décideurs politiques
locaux et nationaux. Et pour cause. Le développement économique partagé, l’égalité des droits avec la métropole
et les autres DOM et l’amélioration des conditions de vie de la majorité de la population ne font pas partie des
priorités.
1 Ces données sont connues à travers les données d’état civil. Si les données des naissances semblent fiables, en
revanche les données de l’Etat civil rendues publiques semblent fortement sous-estimer les décès. Les décès
enregistrés par l’Etat civil entre 2002 et 2007 sont de l’ordre de 3000 (513 en 2004, 596 en 2006, 619 en 2006,
587 en 2007 selon diverses publications) alors que l’INSEE estime le nombre de décès à 4150 (soit 830 en
moyenne par an). Un décès sur trois ou sur quatre ne serait donc pas enregistré. Le taux de mortalité « affiché »
dans les publications, de l’ordre de 3 pour mille, serait en réalité de l’ordre 4,8 pour mille en moyenne entre 2002
et 2007.