Point de vue s´eries formelles des nombres p-adiques
Bertin DIARRA
Introduction :
Les nombres p-adiques ont ´et´e introduits par K. Hensel (1897) en analogie avec les s´eries
formelles. En 1975, F. Faltin et al. ont montr´e dans [2], que cette analogie n’´etait pas fortuite. Ils
ont donn´e une contruction des nombres r´eels et p-adiques comme quotient, respectivement d’un
sous-anneau de l’anneau des s´eries formelles de Laurent ZZ((X)) et de ZZ((X)). La construction des
nombres p-adiques ainsi obtenue est un processus de division euclidienne par l’´el´ement irr´eductible
pXde ZZ((X)) et par passage au quotient. De plus, ils montrent que l’anneau ZZ((X)) est un
anneau euclidien. Ce qui ´etait d´ej`a un fait bien connu, voir par exemple les articles [1] et [4] de F.
Dress et P. Samuel. Plus r´ecement, A. Robert indique dans son livre [3]-Chap. I-4.8, que l’anneau
des entiers p-adiques ZZpest un anneau quotient de ZZ[[X]].
Nous reprenons la construction ci-dessus et montrons que pour chaque ´el´ement irr´eductible
bde ZZ((X)) la fonction d’ordre de ZZ((X)) induit sur le corps quotient A(b) une norme qui en
fait un corps norm´e ultram´etrique complet. Nous indiquons dans quels cas un tel corps A(b) est
de caract´eristique p6= 0. Dans les autres cas, on obtient des corps qui sont les corps p-adiques
lQpou leurs extensions. Nous donnons la construction de lQpfaite par Faltin et al. et ensuite des
exemples simples d’extensions de lQp.
I - S´eries formelles de Laurent
Soit Kun anneau commutatif unitaire, d’unit´e 1.
Consid´erons S={a= (an)nZZ KZZ /il existe n(a)ZZ tel que an= 0,n<n(a)}.
On voit facilement que Smuni de l’addition : (an)nZZ + (bn)nZZ = (an+bn)nZZ est un
sous-groupe du groupe additif KZZ.
D´efinissons pour a= (an)nZZ et b= (bn)nZZ ∈ S, le produit a·b=ctel que c= (cn)nZZ, o`u
cn=X
jZZ
ajbnj.
On v´erifie d’une part que la somme donnant cnest finie pour tout nZZ et d’autre part que
cn= 0,n<n(a) + n(b). Ainsi c∈ S.
1
On voit alors que Smuni de l’addition et de la multiplication ci-dessus est un anneau com-
mutatif unitaire d’unit´e 1 = (δ0,n)nZZ, o`u δ0,n est le symbole de Kronecker, δ0,n = 1, si n= 0 et
δ0,n = 0, si n6= 0. Posons X= (δ1,n)nZZ; alors Xn= (δn,m)mZZ.
Soient a= (an)nZZ ∈ S et n(a) le plus petit entier ntel que an6= 0. On peut ´ecrire
formellement a=X
nn(a)
anXn.
On pose alors S=K((X)) et on dit que c’est l’anneau des s´eries formelles de Laurent `a
cœfficients dans K. L’anneau usuel K[[X]] des s´eries formelles a=X
n0
anXnest un sous-anneau
unitaire de K((X)).
Consid´erons donc l’application vX:K((X)) ZZ S{∞} qui `a a=X
nn(a)
anXnassocie
vX(a) = n(a), lorsque a6= 0 et vX(0) = .
Par convention, on pose n+=,nZZ et +=.
Lemme 1 :
L’application vX:K((X)) ZZ S{∞} est telle
(i) vX(a+b)min(vX(a), vX(b)),a, b K((X)).
(ii) vX(a·b)vX(a) + vX(b),a, b K((X)).
Si Kest int`egre, on a
(ii0)vX(a·b) = vX(a) + vX(b),a, b K((X)).
De plus K((X)) est un anneau int`egre .
D´emonstration :
(α) Soient a=X
nn(a)
anXn, b =X
nn(b)
bnXnK((X)), supposons vX(a) = n(a)
vX(b) = n(b), on a a+b=X
nZZ
(an+bn)Xn=X
nn(a)
(an+bn)Xnet vX(a+b)n(a) =
min(vX(a), vX(b)).
Comme a·b=X
nZZ
cnXn, avec cn=X
jZZ
ajbnj, on a cn= 0,n < n(a) + n(b) et cn(a)+n(b)=
an(a)bn(b). Ainsi vX(a+b)vX(a) + vX(b).
(β) Si Kest int`egre, par d´efinition de n(a), on a n(a)6=, lorsque a6= 0. Alors si aet b
sont deux ´el´ements non nuls de K((X)), on a an(a)bn(b)6= 0 et vX(a·b) = vX(a) + vX(b).
Si l’un des ´el´ements aou best nul, on a a·b= 0 et vX(a·b) = vX(0) = . Do`u (ii0).
Alors, pour aet bK((X)), non nuls, vX(a·b) = vX(a) + vX(b)6=. Ainsi a·b6= 0 et
K((X)) est int`egre. tu
2
Consid´erons un nombre r´eel ρfix´e, 0 < ρ < 1, et posons pour aK((X)),|a|=ρvX(a), si
a6= 0 et |0|= 0. Alors |a|= 0 a= 0 et on a |X|=ρ.
On d´eduit du Lemme 1 que l’on a :
(1) |a+b| ≤ max(|a|,|b|),a, b K((X)).
(2) |a·b| ≤ |a||b|,a, b K((X)).
(20)|a·b|=|a||b|,a, b K((X)), lorsque Kest int`egre.
Posons pour aet bK((X)), d(a, b) = |ab|. On d´efinit ainsi sur K((X)) une distance et
cette distance est ultram´etrique, c’est-`a-dire
(3) d(a, c)max(d(a, b), d(b, c)),a, b, c K((X)).
D’autre part, puisque |a·b| ≤ |a||b|, on voit aussitˆot que K((X)) est un anneau topologique. Il
suffit de v´erifier que la multiplication K((X)) ×K((X)) K((X)) : (a, b)a·best continue.
Ce qui d´ecoule de l’identit´e : a·ba0·b0=a(bb0)+(aa0)b0.
N.B. 1 :
(i) aK[[X]] ⇒ |a| ≤ 1.
(ii) K((X)) = [
n0
XnK[[X]].
Lemme 2 :
L’anneau K((X)), muni de la distance : d(ab) = |ab|est un anneau topologique complet.
De plus la suite d´ecroissante des id´eaux (XnK[[X]])n0de K[[X]] est un syst`eme fondamental
de voisinages de 0 pour la topologie induite par d, appel´ee la topologie X-adique .
D´emonstration :
(1) (XnK[[X]])n0est un syst`eme fondamental de voisinages de 0.
En effet, d’une part XnK[[X]] = {aK((X)) /|a| ≤ |X|n=ρn}.
D’autre part, consid´erant 0 < ε < 1, il existe un entier n0, tel que ρn+1 < ε ρn. Alors
Xn+1K[[X]] = {aK((X)) /|a| ≤ |X|n+1 =ρn+1 } ⊂ { aK((X)) /|a|< ε }.
(2)
-(i)- V´erifions que (K((X)), d) est complet.
Soit (a(j))j0une suite de Cauchy dans K((X)). Pour tout ε > 0, il existe un entier jεtel
que pour tous j, k jε, on a |a(j)a(k)|< ε.
En particulier, pour tout entier s0, il existe jstel que pour j, k js, on a
|a(j)a(k)| ≤ ρs+1 =|X|s+1.
Pour s= 0, on a |a(j)a(j0)| ≤ |X|,jj0. Ainsi, on a |a(j)| ≤ max(|a(j0)|,|X|),jj0
et |a(j)| ≤ max(|X|,|a(j0)|,· · · ,|a(0)|) = |X|q,j0.
D’o`u |Xqa(j)| ≤ 1 et b(j) = Xqa(j)K[[X]],j0, avec |b(j)b(k)|=|Xq||a(j)a(k)|.
3
Il vient que (b(j))j0est une suite de Cauchy dans K[[X]] et il suffit de montrer que K[[X]]
est complet.
-(ii)- Soit donc (a(j))j0une suite de Cauchy dans K[[X]], a(j) = X
n0
an(j)Xn.
Pour tout entier s0,|a(j)a(k)| ≤ ρs+1 =|X|s+1,j, k jssi et seulement si
a(j)a(k)Xs+1K[[X]],j, k js, ou encore si et seulement si
an(j) = an(k),j, k js,0ns.
En particulier : an(j) = an(js),jjs,0ns.
Posons qs= max
0nsjn. Pour 0 mns, comme qsqnjn,jqs,
on a an(j) = am(j) = an(jn).
Consid´erons a=X
n0
an(jn)Xn.
Comme pour jqs= max
0nsjn, on a an(j) = an(jn),0ns, on obtient
a(j)a=X
ns+1
(an(j)an(jn))Xn, c’est-`a-dire |a(j)a| ≤ |X|s+1 =ρs+1. D’o`u l’on d´eduit
aussitˆot que lim
j+|a(j)a|= 0 et lim
j+a(j) = aK[[X]]. Il vient que K[[X]] est complet.
N.B. 2 :
(i) On a l’identification K[[X]] = KIN. Dire que K[[X]] est complet ´equivaut `a dire que
KIN est complet, comme espace produit de l’espace complet Kmuni de la distance triviale
δ(a, a) = 0, δ(a, b) = 1, lorsque a, b K, a 6=b. La distance sur KIN est alors donn´ee pour
a= (an)n0et b= (bn)n0par δρ(a, b) = X
n0
ρnδ(an, bn). De plus, |ab| ≤ δρ(a, b)|ab|
1ρ.
(ii) L’anneau des polynˆomes K[X] ( resp. des polynˆomes de Laurent K[X, X1] ) est
dense dans K[[X]] ( resp. K((X)) ) .
Remarque 1 :
(i) La (pseudo-)valeur absolue | | sur K((X)) ´etant ultram´etrique, une s´erie X
j0
a(j)converge
dans K((X)) si et seulement lim
j+a(j) = 0.
(ii) Soit a=X
nn(a)
anXnK((X)), vX(a) = n(a). Alors aest inversible dans K((X)) si et
seulement si an(a)est inversible dans K. En particulier K((X)) est un corps si et seulement
si Kest un corps.
D´emonstration :
On va v´erifier (ii).
4
Il est clair que pour tout entier nZZ, Xnest inversible dans K((X)).
Ainsi a=X
nn(a)
anXnK((X)) est inversible si et seulement si α=Xn(a)aest inversible.
Posons α=X
n0
αnXn, o`u αn=an+n(a).
Si αest inversible, il existe β=X
n0
βnXnK[[X]] tel que αβ =X
n0
(X
i+j=n
αiβj)Xn= 1.
Ainsi α0β0= 1 et an(a)=α0est inversible dans K.
R´eciproquement, supposons α0=an(a)inversible dans K. Consid´erons γ=α1
0α= 1 +
X
n1
γnXn= 1 + g. On a |g| ≤ |X|=ρ < 1 et pour tout entier `1,|g`| ≤ ρ`. Ainsi lim
`+g`= 0.
Il vient que γ= 1 + gest inversible, d’inverse (1 + g)1=X
`0
(1)`g`. On en d´eduit que αest
inversible, d’inverse α1=α1
0γ1et a est inversible, d’inverse a1=Xn(a)α1.
II - L’anneau ZZ((X)) et les corps des nombres p-adiques lQp
II - 1 Division euclidienne dans l’anneau ZZ((X))
Le groupe des unit´es ( = des ´el´ements inversibles) de l’anneau ZZ((X)) est form´e des s´eries de
Laurent a=X
nn(a)
anXnZZ((X)) telles que an(a)=±1.
Posons pour a=X
nn(a)
anXnZZ((X)), a 6= 0, ω(a) = |an(a)|1,| |´etant la valeur
absolue usuelle et ω(0) = 0. On a pour aet bnon nuls, ω(ab) = ω(a)ω(b)ω(a).
Lemme 3 : Soient a=X
nn(a)
anXnet b=X
nn(b)
bnXnZZ((X)), b 6= 0.
Il existe q, r ZZ((X)), tels que :
a=bq +r, avec 0ω(r)ω(b)1 .
D´emonstration :
-(i)- Consid´erons a=X
n0
anXnet b=X
n0
bnXnZZ((X)) tels que vX(a)=0=vX(b).
Alors a0et b0ZZ sont non nuls et ω(b) = |b0|1.
Par division euclidienne dans ZZ, il existe q0et r0ZZ, uniques tels que a0=b0q0+r0, et
0r0≤ |b0|1.
5
1 / 16 100%