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385 entrées
233 auteurs
Parution le 23 septembre 2015
Dossier de presse
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COMITÉ SCIENTIFIQUE
Christian Arnsperger • Loïc Blondiaux • Paul-Marie Boulanger • Denis Chartier
Éric Duchemin • Gérald Hess • Catherine Larrère • Edwin Zaccaï
SOUS LA DIRECTION DE
DOMINIQUE BOURG ET ALAIN PAPAUX
Avec 233 auteurs issus de toute la francophonie et 385 entrées qui embrassent
les notions fondamentales, les livres marquants et les auteurs de prestige qui
ont pensé l’écologie, ce premier dictionnaire de la pensée écologique se
présente comme une initiative sans précédent ni équivalent.
À l’heure où Paris se prépare à accueillir la COP 21, ce dictionnaire s’inscrit dans
le cadre d’une mission de transmission des savoirs et de compréhension d’un
enjeu crucial que représente l’avenir de la planète.
Dominique Bourg, philosophe, est professeur à la Faculté des
géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne.
Il est membre du conseil scientifique de la revue VertigO et vice-
président de la Fondation Nicolas Hulot. Il est notamment l’auteur
avec Augustin Fragnière de La pensée écologique. Une anthologie
(Puf, 2014).
Alain Papaux, juriste et philosophe, est professeur de philosophie
du droit à la Faculté de Droit et à la Faculté des géosciences et
de l’environnement de l’Université de Lausanne, et professeur invité
à l’Université d’Aix-Marseille.
Tous deux dirigent aux Puf la collection « L’écologie en questions ».
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La pensée écologique embrasse « une échelle nouvelle et menaçante de perturbations
infligées au milieu, réinterrogeant (ainsi) la place de l’homme au sein de la nature1 ». Un dictionnaire
de la pensée écologique aurait paru totalement incongru dans le champ culturel français il y a ne
serait-ce qu’une vingtaine d’années. À l’époque, l’écologie faisait figure de champ d’activistes hors
pensée. Pour preuve, durant les dernières décennies du XXe siècle, aucune des grandes maisons
d’édition française ne disposait de collection dédiée à l’écologie, si ce n’est de façon marginale et
éphémère. Or, depuis lors, la « crise écologique » a érodé notre adhésion à la modernité. Mais de
crise il n’est en vérité pas question. Le temps de l’écologie n’est pas en effet celui d’une crise. La
crise évoque le temps court de la rupture, le moment charnière de passage d’une normalité à une
autre. Nous entrons au rebours dans le temps long et épais des soubresauts de la biosphère, dans
une modification au long cours des conditions d’habitabilité de la Terre. Comment cela
n’affecterait-il pas profondément la pensée et le pensable ?
Partant, ce dictionnaire ne pouvait se limiter à un simple état des lieux. Laccumulation de
difficultés écologiques contraint la pensée d’une part à réinvestir des questions tradition-nelles et
d’autre part à affronter d’inédites interrogations. Outre la synthèse des premiers sédiments2 de la
pensée écologique, les entrées comportent des aspects critiques et parfois prospectifs. Raison
pour laquelle le dictionnaire se déploie selon un pluralisme revendiqué de doctrines ayant trait
aux défis écologiques qui constituent désormais autant de menaces pour l’aventure humaine.
Certaines entrées, sous des appellations légèrement différentes, donnent lieu à des
développements aux angles divers, pouvant aller jusqu’à la contradiction, en passant par des
modes de pensée contrastés, bien que relatifs à un même champ disciplinaire. Toutes les
disciplines des sciences sociales et humaines ont contribué à ce dictionnaire. Compte tenu du
socle scientifique, au sens classique des sciences de la nature, et au sens de l’hybridation des
domaines naturels et sociaux propre à la pensée écologique, certaines entrées ont été élaborées
par des scientifiques. La quasi-totalité des auteurs, à l’exception de quelques grands noms anglo-
saxons, relèvent de la francophonie, au regret de navoir pu compter toutes ses régions.
Les entrées concernent soit des notions, tantôt techniques et circonscrites, tantôt larges et
réflexives, soit des auteurs, soit des livres marquants. Le pluralisme caractérise tout autant la
provenance institutionnelle des contributeurs à ce dictionnaire, de la sphère académique, de
l’action, du monde des arts et de la haute fonction publique, à celle du journalisme, des ONG et
de l’entreprise. Pluriels encore les âges de ces contributeurs. Avec trois cent cinquante-sept
entrées, nous avons essayé de circonscrire un champ très mouvant et somme toute récent du
savoir et de la réflexion. Nous espérons qu’en dépit de ses imperfections, ce dictionnaire
constituera un guide utile à qui souhaite découvrir la pensée écologique ou s’y repérer.
Nous tenons ici à remercier toutes celles et tous ceux qui ont accepté d’y contribuer, prenant
le risque d’un regard statique sur une réalité dynamique. Nous remercions nos collègues du comité
scientifique pour leur soutien sans faille et leur travail de relecture critique des articles : Christian
Arnsperger, Loïc Blondiaux, Paul-Marie Boulanger, Denis Chartier, Éric Duchemin, Gérald Hess,
Catherine Larrère et Edwin Zaccaï. Notre reconnaissance va aussi à nos assistantes éditoriales,
Barbara Pellaton, Tatoun Rogenmoser, Leila Chakroun, Veronica Frigerio et Clélia Schneiter pour
leur collabo-ration endurante et précieuse. Nous remercions aussi Céline Telliez pour les
traductions de l’anglais. Ce dictionnaire neut pas été possible sans le soutien généreux de la
Caisse des dépôts et consignations, de la Faculté des géosciences et de l’environnement et de la
Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique de l’université de Lausanne.
Dominique BOURG et Alain PAPAUX
AVANT-PROPOS
1. Voir entrée « Pensée écologique ».
2. À cet égard nous renvoyons le lecteur à Dominique Bourg et Augustin Fragnière, La Pensée écologique.
Une anthologie, Paris, Puf, 2014.
Tous deux dirigent aux Puf la collection « L’écologie en questions ».
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EXTRAITS
APOCALYPSE
La référence à l’apocalypse et au thème
de la fin du monde imprègne le discours
écologique, tel qu’il s’est développé
notamment sur le vieux continent dans la
seconde moitié du XXe siècle, sous une forme
simplement allusive (à travers l’idée d’une
tendance continue à la dégradation globale
de l’environnement naturel et social ; à
travers l’idée d’une temporalité conçue
comme compte à rebours ou comme course
contre la montre ; à travers le langage de la
catastrophe ou de l’effondrement des
sociétés industrielles en cas d’échec
politique de l’écologisme), et parfois sous
une forme tout à fait explicite chez un
certain nombre d’auteurs (parmi lesquels
Hans Jonas, Rudolph Bahro, Edgar Morin et
Jean-Pierre Dupuy). Cette référence
fonctionne au reste dans les deux sens
puisqu’il apparaît que les visions
apocalyptiques contenues dans le Nouveau
et dans l’Ancien Testaments faisaient déjà
mention d’un certain nombre de désastres
environnementaux au titre de signes avant-
coureurs de la catastrophe finale.
L’interprétation écologique de l’apocalypse
peut ainsi se comprendre aussi bien comme
une interprétation de l’Apocalypse en termes
des problèmes environnementaux que
comme une interprétation des problèmes
environnementaux en termes apocalyptiques.
Mais la possibilité même d’un tel
rapprochement pose problème dans la
mesure où elle suggère que le discours
écologique relèverait du même genre que le
discours que tenaient les prophètes
bibliques, à savoir un discours
fondamentalement moral, voire moralisateur,
pour lequel la science climatique et le
réchauffement de la planète ne seraient
jamais qu’un alibi pour mieux jouer avec nos
peurs et s’assurer par là même une forme de
domination.
Synopse de l’apocalypse chrétienne et
de la catastrophe écologique
Il est regrettable toutefois que la
disqualification du discours écologique, sous
la forme qu’il revêt dans le militantisme et
dans des élaborations théoriques de certains
penseurs de l’environnement, au motif de
son affinité avec le discours apocalyptique,
ne s’accompagne que très rarement d’un
examen de la fonction qu’assume le recours
à l’apocalyptique dans le cadre de la pensée
écologique. Car une analyse comparative des
deux discours, visant à les décomposer l’un
et l’autre en leurs éléments discursifs
constituants, et à mettre au jour des schèmes
discursifs analogues ou des composantes
intertextuelles, permettrait de mieux
comprendre, dans une perspective
généalogique, la façon dont le discours
écologique se construit, les hypothèses sur
lesquelles il repose, les concepts qu’il
mobilise, les métaphores qu’il développe et
les expériences de pensée qu’il privilégie. Le
rapprochement entre ces deux discours
pourrait ainsi être l’occasion d’élucider
l’outillage mental dont nous nous servons
ordinairement pour penser la crise de
l’environnement.
Clairette Karakash (1995, 1996, 1998,
1999) est l’une des rares auteures à avoir pris
au pied de la lettre la pensée apocalyptique
du point de vue de ses topiques et de leur
articulation, en vue de mettre au jour des
phénomènes d’intertextualité. Distinguant
entre la forme, la fonction, les
caractéristiques prédicatives, l’acteur et les
destinataires des prophéties apocalyptiques,
d’une part, et des scénarios de catastrophes
écologiques, d’autre part, l’auteure attire
l’attention sur le grand nombre d’analogies
qu’ils partagent.
La pseudonymie ne se rencontre pas
dans les écrits de vulgarisation écologique,
mais la stratégie consistant à faire rérence
à une parole autorisée (celle des experts)
pour rendre légitime les scénarios de
catastrophe (pas toujours assortis d’ailleurs
du conditionnel d’usage en science) est la
même. Si l’on n’y trouve pas non plus à
proprement parler de prédictions ex eventu,
les données du passé servent à paramétrer les
modèles de simulation dont les résultats
fournissent la matière des prédictions.
L’amplitude spatiale et temporelle des
catastrophes annoncées (qui sont parfois les
mêmes que celles que contiennent les
apocalypses : inondations, augmentation de
l’intensité des ouragans, glissements de
terrain, avalanches, crues subites, etc.) leur
APOCALYPSE
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confère un caractère de menace globale,
incluant terre et ciel. La relecture pessimiste
de l’histoire et sa périodisation,
l’accélération de la succession des époques
conduisant à un rythme de plus en plus
rapide à la catastrophe, la parénèse qui en
découle (sous la forme d’une exhortation à
changer de mode de vie au plus vite, par
exemple en passant d’une économie de la
croissance à une économie de la rareté), y
sont des procédés également très récurrents.
Le dualisme caractéristique de l’apo-
calyptique s’y donne lui aussi à voir :
l’opposition n’est plus celle des forces du
mal et des forces du bien, mais celle de
l’homme et de la nature, le mal venant du
rapport de domination que l’homme
entretient avec la nature, ou d’une sorte de
rébellion de l’homme contre sa propre
nature, lui qui a voulu croire qu’il était un
« empire dans un empire ». La perspective
sotériologique qui s’y dessine est en partie la
me : certains comportements sont censés
conduire au salut, d’autres sont censés mener
à la perdition, et il est urgent de savoir
discriminer entre eux car la catastrophe est
imminente. Le futur catastrophique résultant
d’une faute imputable à l’être humain, le
salut ne peut passer que par un changement
de mentalité et de comportement. Le
jugement final équivaut ici enfin strictement
à la catastrophe en ce sens où l’homme, qui a
cru pouvoir maîtriser la nature, voit son
hybris sanctionnée par la révolte de la
nature.
Les analogies discursives
Mais au-delà de ces caractéristiques
communes assez frappantes, qui autorisent à
tenir les scénarios de catastrophe écologique
stricto sensu pour des apocalypses profanes,
il existe d’autres équivalences discursives
décisives, lesquelles peuvent être relevées,
non plus dans la littérature de vulgarisation
scientifique, mais dans les théories élaborées
par les philosophes de l’environnement. Il
s’agit, tout d’abord, du procédé de
totalisation du monde et de l’humanité (au
moyen du recours à l’hypothèse annihilatoire
développée par les scolastiques), ensuite, de
l’imagination du pire (au moyen de la
prophétie de malheur), et ensuite de la
configuration politique et morale d’un
monde à la hauteur de ces enjeux ultimes (au
moyen d’un système d’attentes et de
projections prospectives).
Pour ne prendre qu’un seul exemple, il
est remarquable qu’Edgar Morin (1984),
après avoir déclaré que la nouveauté
introduite par la crise environnementale
(pensée conjointement avec la menace
nucléaire) tient à « l’émergence planétaire de
l’humanité – ou à l’émergence de l’humanité
planétaire » qui devient pour elle-même un
tout du fait d’être menacée en totalité dans sa
survie, reprenne jusque dans son détail le
schéma tripartite selon lequel s’articule toute
apocalypse pour indiquer de quelle manière
il sera possible de sortir de cette « impasse ».
Ainsi aux trois temps selon lesquels se
déroule l’apocalypse le temps de
l’oppression, qui doit aller s’amplifiant
jusqu’à l’extrême limite de l’aliénation et de
la souffrance ; le temps de la résistance, du
refus héroïque et rare, des solitudes et de
l’écœurement devant la débauche, au cours
duquel il convient de choisir son camp et de
se préparer à la fin du monde ; le temps de la
libération, celui de la résurrection première,
de la chute de Babylone et de la
reconstruction de Jérusalem , il fait
correspondre l’ouverture au cours du
XXe siècle d’une ère de « méga-mort »
portant à leurs limites les possibilités de
destruction de l’humanité, puis la nécessité
de « résister au Néant », aux formidables
forces de régression et de mort, résistance
passant par une « Révolution », et enfin
l’espoir d’une « nouvelle naissance », qui
serait liée à la naissance « de l’encore
inexistante et potentielle humanité ».
L’intérêt de ces analyses comparatives
que l’on pourrait aisément multiplier tient à
ce que, en révélant des équivalences
discursives plus nombreuses qu’on ne
pourrait le croire, elles mettent au jour un
continuum discursif multiséculaire qu’il
importe d’élucider précisément afin de
savoir si les problèmes écologiques, dont il
est possible de montrer que leur élaboration
théorique repose sur la reprise d’un tel
héritage, disposent du cadre adéquat pour
pouvoir être pensés et, par la suite,
éventuellement résolus.
AFEISSA H.-S., La Fin du monde et de
l’humanité. Essai de néalogie du discours
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