d i re c t i o n g é n é ra l e j e a n - m a r i e b l a n c h a rd fondation subventionnée par la ville de genève b o u l e v a rd d u t h é â t re 1 1 c h 1 2 1 1 g e n è v e 1 1 t+41 22 418 30 00 f+41 22 418 30 01 w w w. g e n e v e o p e ra . c h g ra n d t h é â t re d e g e n è v e o p é ra lady macbeth de mzensk d i m i t r i c h o s t a ko v i t c h Dossier pédagogique L e s j e u n e s a u c œ u r d u G ra n d T h é â t re P ro g ra m m e p é d a g o g i q u e r é a l i s é g r â c e a u s o u t i e n d e l a Fo n d a t i o n Ju l i u s B a e r et du Département de l'instruction publique du Canton de Genève Lady Macbeth de Mzensk Ledi Makbet Mtsenskovo Uyezda Opéra en quatre actes et neuf tableaux (Op.29) Musique de Dimitri Chostakovitch (1906-1975) Livret d’Alexander Preis et Dimitri Chostakovitch d’après la nouvelle de Nikolaï Leskov Lady Macbeth au village (1865) Créé au Théâtre Maly de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg), le 22 janvier 1934 Parce qu’elle s’ennuie à mener la médiocre vie des marchands de province, Katerina Ismaïlova prend un amant. Parce qu’elle ne veut pas d’un mari veule et d’un beau-père tyrannique, Katerina Ismaïlova brasse la mort-aux-rats. Parce qu’elle ne peut supporter de voir son Sergueï se détourner d’elle, Katerina Ismaïlova se jette dans la rivière en entraînant sa rivale. Programme pédagogique du Grand Théâtre de Genéve Dossier réalisé par Christopher Park Décembre 2006 – Janvier 2007 Table des matières Introduction p. 3 La distribution p. 4 L'ESSENTIEL POUR TOUT LE MONDE p. 6 Qu'est-ce qui se passe dans l'opéra? Qui sont les principaux personnages? Quels sont leurs types de voix? p. 6 p. 10 UN PEU PLUS LOIN p. 13 NIVEAU BASIQUE Quelques vignettes autour de Lady Macbeth de Mzensk Connaissances et activités Dimitri Chostakovitch Le bagne en Sibérie La « vraie » Lady Macbeth NIVEAU AVANCÉ Le livret de Lady Macbeth de Mzensk selon Chostakovitch (1934) L’article de la Pravda (1936) Extraits de la nouvelle de Nikolaï Leskov Lady Macbeth au village (1864) Quatre aspects de l'orchestre dans Lady Macbeth de Mzensk ANNEXES CD d’accompagnement : liste du contenu Transcription de textes russes du livret et traduction française Questionnaires d’évaluation pour les élèves et l’enseignant 2 Introduction Ce dossier pédagogique est destiné aux enseignants qui participent au parcours pédagogique de Lady Macbeth de Mzensk, dans le cadre du programme « Les jeunes au cœur du Grand Théâtre ». Son contenu vise le cycle d'orientation et l’enseignement post-obligatoire ; nous avons fait tout notre possible pour que tous puissent en tirer profit, des plus jeunes aux plus âgés. Le dossier est divisé en deux parties: la première présente les aspects essentiels de l'oeuvre à intégrer en amont du parcours pédagogique et du spectacle. Les enseignants qui ne disposent pas de beaucoup de temps pour aborder l'œuvre pourraient trouver avantage à se limiter à cette partie afin de familiariser leurs élèves avec : L'argument Les personnages et les voix Les « moments-clé » musicaux et dramatiques de l'opéra en lien avec ces voix () Une bonne connaissance de ces trois aspects garantira un maximum de profit et de plaisir pour les élèves prenant part aux ateliers et venant au Grand Théâtre pour découvrir l'œuvre lyrique ou chorégraphique choisie. La deuxième partie du dossier permet d'aller un peu plus loin que l'essentiel dans la découverte de l'oeuvre. Elle se divise en deux volets : le premier, de niveau basique, permet d'aborder l'oeuvre par le biais de thématiques culturelles, historiques, géographiques, etc. Le deuxième volet propose des connaissances plus approfondies, des activités et des thèmes de recherche ou de débat destinés aux groupes de niveau plus avancé. Nous encourageons les enseignants à sélectionner ou à adapter le contenu selon leurs besoins. Pour encourager vos élèves à utiliser eux-mêmes le dossier pédagogique, il peut être consulté en ligne (sans la sélection musicale) sur le lien suivant : http://www.geneveopera.ch/dossierpedagogique.php D'avance merci pour votre collaboration et nous vous souhaitons, à vos classes et vous-mêmes, un parcours pédagogique des plus passionnants au coeur du Grand Théâtre ! Les responsables du programme pédagogique « Les jeunes au cœur du Grand Théâtre » Kathereen Abhervé Christopher Park 3 La distribution et les rôles de la production du Grand Théâtre Boris Timofeïevitch Ismaïlov, un marchand Vladimir Matorin, baryton Zinovi Borisovitch Ismaïlov, son fils Gordon Gietz, ténor Katerina Lvovna Ismaïlova, femme de Zinovi Borisovitch Stephanie Friede, soprano Serguei, un ouvrier chez les Ismaïlov Nikolaï Schukoff, ténor Aksinia, une ouvrière chez les Ismaïlov Elena Gabouri, soprano Le Balourd miteux, ouvrier chez les Ismaïlov Alexandre Kravets, ténor Le Pope Alexandre Vassiliev, basse Sonietka, une prisonnière Nora Sourouzian, contralto Le Vieux Prisonnier Feodor Kuznetsov, basse Le Boutiquier Romaric Braun, basse L’Instituteur nihiliste Bisser Terziyski, ténor Le Meunier Nicolas Carré, basse L’Agent de police Harry Draganov, basse Premier Ouvrier Omar Garrido, ténor Le Sergent Aleksandar Chaveev, basse Deuxième Ouvrier Bisser Terziyski, ténor La Sentinelle Dimitri Tikhonov, basse L’Inspecteur de police NN, basse Une Prisonnière Viktoria Martynenko, soprano Ouvriers et ouvrières chez les Ismaïlov, invités de la noce, agents de police, prisonniers et prisonnières en convoi vers le bagne. 4 Choeur d'hommes Orpheus de Sofia Choeur du Grand Théâtre Direction: Ching-lien Wu Dir : Krum Maximov Orchestre de la Suisse romande Direction: Alexander Lazarev Mise en scène : Nicolas Brieger Décors : Mathias Fischer-Dieskau Costumes : Bettina Walter Lumières : Wolfgang Goebbel Reprise de la production originale (septembre-octobre 2001) 5 L'ESSENTIEL POUR TOUT LE MONDE Qu'est-ce qui se passe dans l'opéra? Premier Acte Premier tableau Seule dans sa chambre, Katerina Ismaïlova ne sait comment tuer le temps. Jadis, elle était pauvre mais se sentait libre ; aujourd’hui elle est l’épouse de Zinovi Ismaïlov, riche marchand du district de Mzensk, et elle s'ennuie à mourir. Boris Ismaïlov, son beau-père tyrannique, entre et lui réclame des champignons pour dîner, en lui reprochant de ne pas avoir donné d’enfant à son mari. Zinovi survient à son tour et leur annonce qu’il doit se rendre au moulin où une digue a cédé. Il vient d’engager un ouvrier du nom de Sergueï, qu’il désigne à son père. Boris contraint Katerina à dire au revoir à son mari puis à jurer qu’elle lui restera fidèle. Après le départ de Zinovi, il accable sa belle-fille : elle n’a même pas pleuré en voyant son époux s’en aller. Deuxième tableau La cour des Ismaïlov est remplie d’ouvriers qui ont enfermé la cuisinière Aksinia dans un tonneau et la harcèlent. Mais Katerina les arrête. D’un air bravache, Sergueï lui propose une lutte au corps à corps. Il la renverse au moment où paraît Boris. « J’ai trébuché, Sergueï a voulu me relever », explique Katerina, soutenue par un paysan en haillons qui travaille chez les Ismaïlov, le Balourd miteux. Boris renvoie ses employés et promet de tout rapporter à Zinovi dès son retour. Troisième tableau Dans sa chambre à la nuit tombante, Katerina tarde à se coucher. Après avoir essuyé les reproches de son beau-père, elle reste seule et se plaint de la solitude. Au moment où elle glisse sous les draps, quelqu’un frappe à sa porte. C’est Sergueï, qui vient lui demander un livre, lui faire part de son désoeuvrement, puis lui suggérer de prendre un amant. Elle tente de le repousser, mais il se fait toujours plus pressant et l’embrasse de force. Katerina prévient le jeune homme que les portes seront bientôt fermées... Qu’importe, il repartira par la fenêtre. Katerina s’abandonne à lui. Deuxième acte Quatrième tableau Au cours de la nuit, Boris arpente la cour et peste en apercevant de la lumière dans la chambre de sa belle-fille. S’il était plus jeune, il irait la réchauffer... Mais voici qu’une silhouette s’échappe par la fenêtre. C’est Sergueï. Boris l’attrape par le collet et réveille ses gens. Il appelle aussi Katerina afin qu’elle le voie fouetter son amant. Enfermée dans la maison, la jeune femme insulte son beau-père avant de descendre dans la cour en passant par la gouttière. Fatigué, Boris arrête de fouetter Sergueï, qu’on enferme dans l’entrepôt et tout le monde se disperse. Boris réclame à manger. sa bru lui apporte des champignons sur lesquels elle a versé de la mort-aux-rats. Tandis que le vieil homme s’effondre en réclamant de l’eau, Katerina lui arrache la clef de l’entrepôt et le laisse agoniser. Entre deux râles, Boris réclame un prêtre aux ouvriers qui entrent dans la cour. On fait venir un pope. Katerina gémit et pleure la perte de son beau-père : on meurt parfois d’ingérer trop de champignons... Le pope acquiesce et bénit le mort. 6 Cinquième tableau Katerina est au lit avec Sergueï. Elle le réveille pour qu’il l’embrasse, mais il se plaint du retour prochain de Zinovi : faudra-t-il continuer à se rencontrer dans la clandestinité ? Katerina promet de faire de lui un riche marchand. Alors que Sergueï s’est rendormi, elle voit apparaître le fantôme de Boris qui la maudit. Puis elle entend des bruits de pas. Les chiens n’ayant pas aboyé, c’est certainement son mari ! Sergueï se cache. Zinovi survient en effet et pose des questions sur un ton inquisiteur : pourquoi le lit est-il préparé pour deux personnes ? Et à qui appartient la ceinture qui traîne par terre ? Zinovi s’en empare et commence à battre sa femme en la traitant de putain. Sergueï sort aussitôt de sa cachette et se jette sur Zinovi. Katerina l’étrangle avant que Sergueï ne lui porte un coup fatal. Les deux amants cachent le cadavre dans la cave et tombent dans les bras l’un de l’autre. Troisième acte Sixième tableau C’est jour de noces chez les Ismaïlov. Katerina, rongée par la culpabilité, regarde fixement la porte de la cave. Mais Sergueï l’entraîne au dehors, afin que leurs invités ne se doutent de quelque chose. Complètement ivre, le Balourd miteux survient alors, en quête de bonnes bouteilles. Malgré la puanteur, il entre dans la cave. Septième tableau Au commissariat, les policiers oisifs se plaignent d’être mal payés et clament que « si l’on veut gagner sa vie, il faut pêcher en eau trouble ». Un sergent amène un instituteur nihiliste qu’on accuse de ne pas croire en l’existence de Dieu. On l’arrête. Entre alors le Balourd miteux, qui déclare avoir trouvé un cadavre dans la cave des Ismaïlov. Les policiers se réjouissent d’avoir enfin un prétexte pour rejoindre une fête à laquelle ils n’ont pas été invités. Huitième tableau Dans le jardin des Ismaïlov, au milieu des convives gagnés par l’ivresse, Katerina s’aperçoit que la serrure du cellier a été forcée. Il faut s’enfuir. Une fois les invités assoupis, Sergueï court chercher son argent dans la maison, mais il est trop tard. La police pénètre dans le domaine. Katerina se rend sans opposer de résistance. Puis elle se précipite pour défendre Sergueï. En vain. On les emmène. Quatrième acte Neuvième tableau Sur le chemin de la Sibérie, un groupe de bagnards fait halte pour la nuit. Les femmes sont séparées des hommes. Mais l’une d’entre elles soudoie un garde pour se faufiler jusqu’à son mari. C’est Katerina. Sergueï l’accable de reproches : il a gâché sa vie pour elle. Mais elle le supplie de lui pardonner. Sergueï soudoie à son tour un garde avec l’argent de sa femme et se rend près d’une autre prisonnière, Sonietka. Cette dernière veut bien se donner à lui, mais elle exige des bas en échange. Sergueï retourne donc vers sa femme pour lui annoncer qu’ils doivent se séparer, car ses pieds le font souffrir ; on doit l’emmener à l’hôpital. Désespérée, Katerina est prête à tout pour le garder près d’elle. Il lui demande ses bas de laine qui, seuls, pourraient lui permettre de continuer la route. Puis il s’empresse de les 7 remettre à Sonietka. Katerina a tout vu. La bagnards la retiennent et la raillent. Lorsque Sonietka revient au bras de Sergueï et qu’elle adresse des remerciements ironiques à Katerina, celle-ci se précipite sur Sonietka, la pousse dans la rivière et se jette à sa suite. Emportées par le courant, toutes deux disparaissent dans les flots. Les bagnards reprennent leur route. Les bagnards au bord du fleuve Lady Macbeth de Mzensk, acte 2, neuvième tableau Production du Grand Théâtre (2001) 8 Qui sont les principaux personnages? Quels sont leurs types de voix? LES QUATRE RÔLES PRINCIPAUX Katerina Katerina Lvovna Ismailova est le personnage principal de l’opéra. Elle a épousé l’héritier d’une famille de riches marchands de province, dans le district de Mzensk, une région administrative située très près des frontières actuelles de la Russie, de l’Ukraine et du Belarus. Sa vie de femme mariée la déçoit : son mari ne peut (ou ne veut ?) pas lui faire d’enfants, son beau-père est un tyran brutal, et elle s’ennuie profondément dans sa maison. Ecoutez comment elle se plaint d'être délaissée par son mari ( CD piste 1, texte russe en annexe). Voici ce que dit Dimitri Chostakovitch au sujet de ce personnage : " Katerina Lvovna est un personnage positif, digne de la sympathie du spectateur. (...) C’est une femme intelligente, talentueuse et intéressante ; mais suite aux conditions pénibles, cauchemardesques dans lesquelles elle doit vivre, suite à son enfermement dans un milieu marchand cruel, avide et mesquin, sa vie devient triste, inintéressante, morne. (...) Elle commet une série de crimes pour s’attacher Sergueï et en faire son mari. (...) Ivre d’amour, Katerina Lvovna se sacrifie toute entière à Sergueï." Le rôle de Katerina est tenu par une soprano dramatique. La voix de la chanteuse doit être suffisamment puissante pour s’affirmer comme instrument à part entière par-dessus un orchestre symphonique d’au moins 80 instruments. Selon Chostakovitch : « Sa langue musicale, la musique qui la décrit, part tout entière de l’idée qu’elle doit éveiller chez l’auditeur la sympathie sous toutes ses formes. (...) On pourrait dire d’elle qu’elle est un « rayon de soleil dans les ténèbres. » Boris Boris Timofeïevitch Ismailov est un homme âgé, de condition sociale assez aisée. Il est koulak, c'est-à-dire paysan suffisamment riche pour faire du commerce. Il possède des exploitations agricoles (dont un moulin) et commande à un nombre important de domestiques et d’ouvriers. Malgré son âge, il a de l’énergie à revendre. Voici ce qu'il chante en pensant à sa bru ( CD piste 2, texte russe en annexe) : "Eh! Si j'étais plus jeune, ne serait-ce que d'une dizaine d'années... Alors, je la réchaufferais, pardieu! Elle est tellement bien portante, et elle n'a pas d'homme. Une femme s'ennuie sans homme. Je vais la voir, allons!". Du rôle de Boris, tenu par un baryton, voix qui évoque la virilité, voire la brutalité du personnage, Chostakovitch disait: "Boris Timofeïevitch – le beau-père de Katerina – est un solide et sain vieillard, un vrai maître koulak, qui ne s'arrête devant rien pour atteindre ses objectifs. Cet homme sévère est irritable et haineux: il ne parle à Katerina Lvovna qu'en criant." 9 Zinovi Zinovi Borisovitch Ismailov, le mari de Katerina, est l'héritier du domaine des Ismailov et il est, en théorie, le maître de la place. En réalité, il est encore soumis à l'autorité de son père et ne fait qu'exécuter ses ordres. En tant que mari de Katerina, il est encore plus inefficace à imposer son autorité. Avant de la quitter pour s'occuper du moulin familial, c'est Boris et non Zinovi qui exige de Katerina un serment de fidélité sur les saintes icônes. On pourrait même croire que Zinovi est impuissant, bien que Boris affirme que si le couple n'a pas d'enfants, c'est de la faute de Katerina qui n'éprouve pas assez de désir pour Zinovi. La voix aiguë de ténor est d'habitude réservée aux jeunes héros romantiques: princes, héros et amants. Ici, elle sert un anti-héros et un anti-amant : Zinovi est écrasé par l'autorité de son père et Chostakovitch nous montre, avec sa musique, que le couple soprano-ténor Katerina-Zinovi est profondément dysfonctionnel. Quand Zinovi fait irruption dans la chambre, à la recherche du moindre indice pouvant prouver que Katerina l'a trompé, sa voix, à la limite de l'hystérie, soutenue par un air de polka accentuant l'aspect ridicule du personnage, au lieu de s'imposer par-dessus celle de sa femme, finit en un dialogue de sourds et une scène de violence conjugale. ( CD piste 3, texte russe en annexe). Selon Chostakotvitch : "La musique fait apparaître Zinovi Borisovitch comme un homme qui voudrait régner et commander mais qui, à cet égard, ne peut rivaliser avec son père. Il lui arrive souvent de commencer à parler avec énergie, comme s'il voulait prouver qu'il est le maître chez lui; mais la musique le démasque et nous le fait apparaître comme un petit marchand dégénéré, pitoyable." Serguei Serguei est un ouvrier qui vient de se faire virer d’une ferme voisine pour avoir pris trop de libertés avec la patronne. En arrivant chez les Ismailov, il ne perd pas de temps à séduire la femme de son patron qui lui tombe entre les mains comme un fruit mûr. "C’est un gredin de basse espèce, flatté que l’épouse d’un marchand – une jeune dame inexpérimentée – tourne vers lui son attention. C’est à cause de lui seulement que Katerina tue son beau-père et son mari. Mais quand la riche marchande est déchue au rang de simple bagnarde, il n’hésite pas à la laisser tomber, ayant trouvé un autre « objet » plus intéressant à ses yeux – la bagnarde Sonietka. C’est un commis qui a déjà un mince vernis de « culture » ; il lit des livres et s’exprime dans une langue recherchée – mais il voit tout à travers le prisme de la « servilité » ; sa conception du monde est celle d’un commis. " Le "héros" romantique de l’opéra, c’est Serguei, c’est lui qui formera le duo amoureux "classique" soprano-ténor avec Katerina et Chostakovitch fait chanter Serguei comme un véritable ténor lyrique. À ceci près que Chostakovitch fait tout pour que l’accompagnement musical sonne faux contre les envolées amoureuses du personnage. À témoin, sa déclaration d’amour pour Katerina ( CD piste 4) : "La musique met Serguei à nu. En tant que compositeur, je me dois aussi de révéler l’essence de mes héros. Le lyrisme de Serguei est dissimulé, livresque, théâtral ; sa souffrance est affectée ; son air vénérable et ses manières galantes trahissent le futur koulak ; et, s’il n’avait pas échoué au bagne, il 10 serait devenu un marchand, exploitant son prochain. (...) Ce n’est même pas un petit Don Juan de l’époque, mais bien un criminel ignoble, cruel, qui tire habilement parti de sa beauté physique et enjôle Katerina Lvovna par ses « charmes ». S’il ne devient pas un riche marchand, mais finit au bagne, c’est que le crime est découvert. Mais même au bagne, il reste un être médiocre et grossier. " LES RÔLES SECONDAIRES Dans Lady Macbeth de Mzensk, des rôles importants sont joués par les personnages secondaires, tels qu’Aksinia, le Pope, le Balourd miteux et Sonietka. Leurs interventions sur scène ne durent que peu de temps, mais l’interprétation de ces rôles est difficile et ardue, notamment parce qu’ils exigent des interprètes d’excellentes qualités dramatiques, en plus de voix capables de se détacher de l’ensemble instrumental et vocal. Aksinia Aksinia est la cuisinière chez les Ismailov, elle est l’unique confidente de Katerina et elle l’avertit dès la première scène de l’opéra (CD piste 5) de se méfier du bellâtre Serguei. Katerina viendra d’ailleurs au secours d’Aksinia, que les ouvriers ont immobilisée pour la soumettre à leurs sévices sexuels Le rôle d’Aksinia est tenu par une soprano, ce qui crée une certaine résonance avec le rôle de Katerina. Aksinia sera d’ailleurs le premier objet des avances sexuelles de Serguei chez les Ismailov dans la scène de harcèlement du deuxième tableau au premier acte. Cette scène où une voix de femme crie son impuissance devant la brutalité quotidienne de la maison Ismailov préfigure celle du deuxième acte, quatrième tableau où Serguei se fait fouetter par Boris sous les yeux horrifiés de Katerina. Le Balourd miteux Le nom russe de ce personnage évoque un paysan grossier en vêtements déchirés et couverts de boue. Il traîne dans la cour des Ismailov, à la recherche de petits boulots. Il a beau être ivre la plupart du temps, il est toujours à l’affût de ce qui pourrait servir à améliorer sa piètre condition. Chostakovitch disait de lui qu’il était "l’exemple même de l’ivrogne russe invétéré, dénué de tout principe moral. Tantôt il prend le parti de Katerina Lvovna, tantôt il se retourne contre elle." Le rôle du Balourd miteux est confié à un ténor. Tout comme Aksinia est le pendant vocal de Katerina dans le monde des domestiques des Ismaïlov, le Balourd est la caricature musicale de Zinovi, venant à la défense de Katerina, tout en la soupçonnant et finissant par la dénoncer quand il découvre le cadavre du fils Ismailov dans le cellier. Ce moment de l’opéra permet à Chostakovitch d’illustrer le personnage du Balourd avec une mélodie au rythme endiablé et des accents de beuverie villageoise. (CD piste 6, texte russe en annexe) 11 Le Pope Dans le jeu des correspondances musicales et dramatiques entre les personnages de la maison des Ismailov et le petit peuple, il est tout naturel qu’à la figure de l’autorité paternelle incarnée par Boris Timofeïevitch fasse écho la figure du prêtre qui apparaît deux fois dans l’opéra, la première fois pour confesser Boris mourant, et la deuxième pour marier Katerina et Serguei. Comme Boris, le rôle du Pope est tenu par une basse. Dans la tradition musicale de l’Eglise orthodoxe russe, ceux qui entonnent les chants d’église ont souvent des voix très graves, pour rappeler aux fidèles le sérieux de leurs propos et de leur fonction ! Tout comme Boris, le Pope n’est pas non plus insensible aux charmes de Katerina, comme on le voit dans le toast qu’il lui porte pendant le banquet de noces, en dialogue avec le choeur des invités (CD piste 7, texte russe en annexe). Sonietka Sonietka est une condamnée, dans le même convoi de prisonniers que Katerina et Serguei, en route vers le bagne, quelque part en Sibérie. Elle a tapé dans l’oeil de Serguei qui ne supporte plus la compagnie de Katerina, à cause de laquelle il a été condamné aux travaux forcés. Mais elle ne se laissera pas avoir si facilement : le prix de son étreinte sera une paire de bas de laine, que Serguei, grâce à un chantage mensonger, obtiendra sans peine de Katerina. Les remerciements ironiques de Sonietka à l’égard de sa « généreuse bienfaitrice » feront sa perte (CD piste 8, texte russe en annexe).: ivre de rage jalouse, Katerina poussera Sonietka dans le fleuve et la suivra dans la mort. Il est intéressant de noter que Chostakovitch a voulu que le rôle de Sonietka soit chanté par une contralto, la plus grave des voix de femmes. Les rôles de contralto ne sont pas fréquents dans les opéras et sont en général réservés à des personnages de femmes d’un certain âge, sorcières, nourrices ou grand-mères, pas à des séductrices. Mais Sonietka est sans doute « prématurément vieillie » par sa condition de prisonnière, et le ton grave d’une voix de femme n’est pas sans un certain sex-appeal ! LES CHOEURS Dimitri Chostakovitch : « Dans l’opéra, un rôle important est dévolu au choeur. Contrairement à ce qui se passe dans un nombre d’opéras, les choristes ne sont nullement des figurants, loin s’en faut : ils jouent un rôle actif. Les artistes du choeur doivent savoir bien chanter, bien jouer, bien évoluer sur scène, car ils prennent une part importante à l’action. » Deux scènes illustrent les exigences très différentes que Chostakovitch va poser aux choristes de son opéra. D’abord, la scène des adieux ironiques des employés des Ismailov à leur « cher maître », Zinovi qui part réparer la brèche du moulin familial (CD 9, texte russe en annexe). Le choeur des ouvriers est utilisé dans un style comique : la "tristesse" (en fait une joie débridée) de voir le maître s'en aller est un commentaire acerbe sur la condition du petit peuple russe, soumis corps et âme à ses maîtres et seigneurs. Les 12 répliques, lancées entre les hommes et les femmes, et l’accompagnement orchestral évoquent à la fois le folklore russe et une valse de bal populaire. Le chant des bagnards au dernier acte est un bon exemple de l’utilisation d’un choeur aux dimensions tragiques (CD 10, texte russe en annexe). Ces grandes scènes chorales populaires sont fréquentes non seulement dans les opéras, mais aussi dans le cinéma russes. On pense notamment aux scènes de procession avec des milliers de figurants dans les films de Serge Eisenstein Alexandre Nevski ou Ivan le Terrible, sur la musique de choeurs écrits par Serge Prokoviev, où le peuple des paysans russes vient au secours de la patrie en danger. Ici, les condamnés reprennent leur marche interminable vers la Sibérie, avec un chant aussi lent et solennel qu’un hymne processionnel de l’église orthodoxe russe. Pozegnanie Europy (Adieu à l’Europe) Dans ce tableau du Polonais Aleksander Sochakzewski (1843-1923), le convoi de bagnards fait une halte à la borne qui marque la limite entre l’Europe et l’Asie, dans les monts Oural. Dès le milieu du XIXe siècle, les ressortissants nationalistes de parties de l’Empire Russe aujourd’hui indépendantes (p.ex. Pologne, Lithuanie, Estonie, Finlande, etc.) étaient envoyés à la katorga. Pour des peuples très attachés à leur identité européene (notamment à cause de leur religion luthérienne ou catholique), le moment où ils « quittaient » l’Europe pour se perdre dans les steppes asiatiques de la Sibérie était certainement chargé d’une profonde tristesse. 13 UN PEU PLUS LOIN NIVEAU BASIQUE Quelques vignettes autour de Lady Macbeth de Mzensk Connaissances et activités Dimitri Chostakovitch Le bagne en Sibérie La « vraie » Lady Macbeth 14 Dimitri Chostakovitch Dmitri Dmitrievitch Chostakovitch né le 25 septembre 1906 à Saint-Pétersbourg mort le 9 août 1975 à Moscou Dimitri Chostakovitch était un compositeur russe de la période soviétique. Malgré d’importantes difficultés avec les autorités soviétiques (dont deux dénonciations officielles et plusieurs interdictions d’interpréter sa musique) il a été le compositeur le plus populaire de sa génération en Union soviétique et sans doute le compositeur le plus connu de musique classique du milieu du XXe siècle. LA VIE DE CHOSTAKOVITCH Né dans une famille politiquement libérale et tolérante, le jeune Dimitri était un enfant prodige, autant comme pianiste que comme compositeur. A 13 ans, il entre au conservatoire de sa ville natale et souffre déjà de problèmes avec les autorités : on lui reproche son manque d’intérêt politique et en 1926, il rate son examen de méthodologie marxiste, tout en dirigeant la même année, comme travail de diplôme du conservatoire, sa Première Symphonie. Après le conservatoire, Chostakovitch commence une double carrière de pianiste de concert et de compositeur. Il obtient en 1927 une « mention honorable » au concours international de piano de Varsovie, où il rencontre le grand chef d’orchestre Bruno Walter, qui fut si impressionné par la première symphonie du jeune soviétique qu’il en dirigea la première à Berlin la même année. Après cette rencontre, Chostakovitch fera de la composition sa principale activité, terminant sa Deuxième Symphonie « dédiée à (la Révolution d’) Octobre et son premier opéra, Le Nez, d’après la nouvelle de Gogol. 15 C’est avec Le Nez que ses problèmes politiques vont vraiment commencer. L’année avant sa création, une association politique de musiciens staliniens reproche à l’oeuvre son « formalisme », en d’autres termes, que la musique du compositeur ne serait pas accessible au peuple. La création du Nez, en 1930, a donc connu un succès assez mitigé. En 1932, Chostakovitch épouse Nina Varzar, un mariage souvent houleux, secoué par les infidélités des deux côtés du couple. Pendant cette période, Chostakovitch travaille dans un théâtre de la jeunesse ouvrière, ce qui le protège un peu des critiques politiques. C’est aussi à cette époque qu’il commence la composition de Lady Macbeth de Mzensk. En 1934, Lady Macbeth de Mzensk est créé à Leningrad (l’actuelle SaintPétersbourg), à Moscou puis dès l’année suivante dans de nombreuses villes du monde entier. C’est un succès retentissant, tant au niveau populaire que critique et politique : « un opéra comme seul peut l’écrire un compositeur soviétique élevé dans la meilleure tradition culturelle soviétique. » Mais en 1936, le dirigeant soviétique lui-même, Joseph Staline assiste à une représentation de Lady Macbeth. Le lendemain, un article anonyme intitulé « Le Chaos remplace la Musique » est publié dans le journal du parti communiste soviétique, Pravda, attaquant violemment le compositeur et le taxant à nouveau de « formalisme ». L’oeuvre est retirée de l’affiche et Chostakovitch connait une période de graves diffiucltés financières et personnelles. C’est l’époque de la « Grande Terreur » des purges staliniennes, et de nombreux amis et parents du compositeur sont emprisonnés ou exécutés. Seule consolation pendant ces années noires, la naissance de sa fille Galina en 1936 et son fils Maxim en 1938. La composition de la Cinquième Symphonie, au style musical plus conservateur et au contenu moins politique, permet à Chostakovitch de faire amende honorable et d’être nommé professeur au Conservatoire de Leningrad. Mais la guerre entre l’Allemagne et l’URSS éclate en 1941 et Leningrad est assiégée. Pendant les premiers mois du siège, Chostakovitch compose les trois premiers mouvements de sa Septième Symphonie (dite « Leningrad »), symbolisant la résistance du peuple soviétique à l’invasion nazie, puis il est évacué avec sa famille à Samara, loin du front. Les problèmes politiques du compositeur recommencent en 1948, avec une nouvelle accusation de « formalisme » dans le Rapport Jdanov. Ses oeuvres sont à nouveau interdites, il doit faire une auto-critique publique et on retire ses privilèges à sa famille. A cette époque, un ami de la famille raconte que « Chostakovitch passait la nuit sur le palier à coté de l’ascenseur à attendre qu’on vienne l’arrêter, comme ça au moins sa famille ne serait pas dérangée. » Le compositeur paye son loyer en écrivant de la musique de film, des oeuvres « officielles » pour se faire réhabiliter et des oeuvres « sérieuses », réservées « au tiroir du bureau ». Parmi ces oeuvres secrètes, écrites pour son propre plaisir, le Concerto pour violon no. 1 et les Vingt-quatre préludes et fugues pour piano. La mort de Staline en 1953 atténue les effets du Rapport Jdanov. Déjà le compositeur était revenu en état de grâce, participant à une délégation de notables 16 soviétiques aux Etats-Unis en 1949. La Dixième Symphonie brosse d’ailleurs un portrait musical de Staline dans son deuxième mouvement, féroce et sauvage. Les oeuvres du « tiroir du bureau » sont créées les unes après les autres. Nina Varzar meurt en 1954. Chostakovitch se remarie avec Margarita Kainova, mais le mariage finira en divorce trois ans plus tard. En 1960, pour des motifs encore obscurs (conviction personnelle ? pression politique ? manque de courage ?) , il devient membre du Parti communiste soviétique. En 1962, il épouse sa troisième femme, Irina Supinskaya. En 1963, une version remaniée de Lady Macbeth est créée à Moscou sous le titre Katerina Ismailova. La santé de Chostakovitch se dégrade fortement. Sa préoccupation au sujet de sa propre mortalité est présente dans ses oeuvres tardives, dont la Quinzième Symphonie (1969). Il meurt d’un cancer du poumon en 1975, à Moscou. La nécrologie officielle n’apparaît dans Pravda que trois jours après son décès, apparemment parce que le texte devait être approuvé au plus haut niveau par Brejnev et le reste du Politburo. LA MUSIQUE DE CHOSTAKOVICH Pressé par les exigences contradictoires de l’appareil politique, la souffrance généralisée de ses compatriotes, et ses propres idéaux humanitaires et de service public, (Chostakovitch) a réussi à forger un langage musical d’une puissance d’émotions colossale. David Fanning, Grove Dictionary of Music (1980) Après avoir fait d’abord partie de l’avant-garde, Chostakovitch a principalement écrit de la musique de style romantique, fortement influencée par Gustav Mahler, en y intégrant toutefois la musique atonale et parfois même sérielle. Sa musique utilise souvent des effets de contrastes abrupts et de grotesque. Parmi ses chefs-d’oeuvre : ses symphonies, ses quatuors pour cordes, six concertos, des opéras, dont Lady Macbeth de Mzensk, et de nombreuses musiques de film. La musique de Chostakovitch révèle l’influence des compositeurs qu’il admirait le plus : les fugues et les passacailles de Jean-Sébastien Bach, les quatuors tardifs de Ludwig van Beethoven, les symphonies de Gustav Mahler... Parmi les compositeurs russes, il admirait surtout Modeste Moussorgsy, dont le style de composition se fait entendre dans les dernières scènes de Lady Macbeth. Chostakovitch nourissait une certaine ambivalence à l’égard de son grand contemporain, Igor Stravinsky : « Je vénère Stravinsky en tant que compositeur, mais en tant que penseur, je le méprise. » Leur rencontre en 1962 ne fut pas un succès, malgré la version piano de la Symphonie des psaumes que Chostakovitch avait réalisée en hommage à son collègue. L’année 1936 (celle de la condamnation de Lady Macbeth par Staline) est une sorte de ligne de partage des eaux dans l’oeuvre de Chostakovitch. Avant 1936 ses 17 oeuvres (Le Nez, Lady Macbeth, la Quatrième Symphonie) sont plus avantgardistes et expérimentales, après cette date, elles sont plus conservatrices et « officielles ». Ce n’est que dans ses oeuvres de musique de chambre ou vocales que le compositeur se sentait libre de composer sans entraves politiques et d’exprimer le côté sombre et mélancolique que l’ésthétique officielle désapprouvait. On a parfois reproché à Chostakovitch que ses oeuvres, surtout les symphonies, sont peu originales, vides de contenu, voire recyclées. Le compositeur contemporain français Pierre Boulez disait « Pour moi, Chostakovitch n’est que la deuxième ou troisième pression de Mahler. » Un contemporain soviétique le qualifiait d’« écrivassier en délire ». De Lady Macbeth, Stravinsky disait que c’était un « martèlement brutal et monotone ». Et la critique la plus dévastatrice fut certainement celle de Lady Macbeth dans la Pravda : « Tout cela est grossier, primitif, vulgaire. La musique glousse, vrombit, halète et souffle. » Il est vrai que Chostakovitch ne s’est pas gêné pour emprunter au contenu et aux styles de compositeurs qui l’ont précédé, ainsi qu’à la musique populaire et au jazz. Sans doute a-t-il été influencé sa vie durant par ses jeunes années au sein de l’avant-garde soviétique, pour qui le pastiche, la citation et le goût pour les musiques populaires, voire de « bas étage », faisaient partie intégrante de l’esthétique musicale. Le kaleïdoscope des styles qu’on entend dans Lady Macbeth, depuis les grandes scènes chorales de l’opéra classique russe, aux rythmes de polka ou de tango qui soulignent les déclamations des chanteurs, le recours à l’ironie (les ouvriers qui déclarent à leur patron « Sans maître, la vie est ennuyeuse, triste, sans joie ! »), l’insolence de ce compositeur qui fut le premier au monde à représenter une relation sexuelle dans un opéra, sont peut-être les traces indélébiles de l’avantgarde soviétique des années de formation de Chostakovitch, pour qui l’éclectisme et la provocation étaient les valeurs essentielles de l’art du futur. Des valeurs qui ont accompagné le compositeur tout au long de sa vie, et qui lui ont tant coûté au niveau politique, social et personnel. 18 Le bagne en Sibérie Fouille d’un bagnard sibérien par un garde en 1953. Le prisonnier qui se fait fouiller est l’écrivain et futur Prix Nobel de littérature Alexandre Soljénytsine. La Sibérie, vaste région s’étendant depuis les Monts Oural jusqu’à l’Océan pacifique, a été colonisée par l’Empire russe dès le début du XVIIe siècle. Le climat rigoureux et l’isolement des centres de population ont fait que le nombre de colons disposés à s’établir en Sibérie de leur propre volonté a toujours été très faible. C’est pourquoi le gouvernement impérial russe (aussi appelé tsariste) a très vite eu recours, pour coloniser la Sibérie, à un système de servitude pénale, où les criminels de droit commun, au lieu de servir leurs peines en prison, étaient condamnés à se rendre en Sibérie dans des sortes de fermes-prison, véritables camps de travaux forcés. Cela permettait aussi de réaliser d’importantes économies sur l’administration des prisons, puisque le travail des bagnards servait aussi la colonisation et l’exploitation du territoire. Du XVIIe siècle jusqu’à la Révolution russe de 1917, les bagnes sibériens étaient connus, en Russie, sous le nom de katorga, du mot grec katergon, « galère ». Quand les communistes bolchéviques ont pris le gouvernement de la Russie en main en 1917, le bagne sibérien passa sous l’administration soviétique et acquit le nom 19 tristement célèbre de goulag, mot qui est passé dans le langage courant pour désigner les camps de travaux forcés en général, quels que soient l’époque et le lieu. Le mot goulag est en fait l’acronyme de Glavnoye OUpravlenyie Ispravitelnotrudovikh LAGerei i kolonii, « Direction administrative principale des camps et colonies de travail de correction pénale ». Le terme se refère donc à l’origine à l’entité administrative qui supervise les colonies pénitentiaires, et par la suite, sert à désigner les bagnes eux-mêmes : camps de travail, camps de punition, camps pour détenus criminels ou politiques, camps de femmes, camps pour jeunes, camps de transit. « Le goulag » signifie enfin tout l’appareil répressif d’un régime autoritaire, comme celui de l’Union soviétique : les arrestations arbitraires, les interrogatoires brutaux, le transport vers les camps à pied ou dans des wagons à bestiaux sans chauffage, les travaux forcés, les procédures bureaucratiques absurdes, la séparation des familles, les années d’exil, la maladie et la mort prématurées. A l’époque où la nouvelle de Leskov situe l’histoire de Katerina Lvovna Ismailova (autour de 1860), le code pénal russe a été modifié (en 1847) pour inclure dans les prisonniers envoyés en Sibérie les participants aux soulèvements nationalistes au sein de l’Empire russe. C’est ainsi qu’un grand nombre de Polonais ont été condamnés à la katorga, et qu’une minorité importante de Polonais se trouve encore en Sibérie de nos jours. Dans les katorga, les principales activités consistaient en des travaux miniers, de déforestation, ou d’infrastructure, comme la route carrossable le long du fleuve Amour, qui fut la principale voie d’accès à l’Extrême-Orient sibérien avant la construction de la voie ferrée du Transsibérien. Le bagne occupe une place importante dans la littérature russe. Anton Chekhov visita en 1891 les katorga de l’île de Sakhaline dans l’Extrême-Orient sibérien et décrivit les misérables conditions d’existence et l’incompétence des officiers en charge des camps dans son livre L’Île de Sakhaline. L’archipel du goulag d’Alexandre Soljénytsine cite fréquemment le livre de Chekov pour souligner la détérioration massive des conditions d’existence des bagnards de l’époque soviétique, par rapport à leur prédécesseurs des katorgas de l’ère tsariste. Plusieurs figures importantes de l’histoire russe et soviétique sont passées par la katorga ou le goulag. Parmi elles, on trouve : L’écrivain Féodor Dostoïevski (1821-1881) fut envoyé au bagne de 1849 à 1854, pour des activités révolutionnaires contre le Tsar Nicolas Ier. Le séjour en katorga marqua profondément le jeune Dostoïevski : il y abandonna ses principes gauchistes pour devenir profondément conservateur et intensément religieux. Le fondateur de l’Union soviétique, Lénine (Vladimir Oulianov 1870-1924), arrêté par la police impériale pour activités révolutionnaires, fut mis en prison pour 14 mois en 1897 puis exilé trois ans au village sibérien de Chouchenskoïe. 20 Le scientifique et anarchiste Pierre Kropotkine, ainsi que Félix Dzerjinski, fondateur de la première police secrète soviétique, la Tchéka (qui devint plus tard le KGB), furent aussi exilés au bagne en Sibérie entre 1897 et 1900. ACTIVITE Le goulag dans le monde et dans l’histoire Les camps de concentration, les travaux forcés et les colonies pénitentiaires ne sont pas l’exclusivité de la Russie tsariste ou soviétique. Parmi les pays qui ont interné des détenus dans des colonies pénitentiaires et profité économiquement de leurs travaux forcés, les camps de concentration de l’Allemagne nazie, l’Espagne franquiste, l’Italie fasciste sont les plus connus. Mais d’autres pays ont pratiqué, et continuent à pratiquer la détention en colonie pénitentiaire.Voici une liste de pays ; à l’aide d’Internet ou de livres de référence, identifiez le passé et le présent des colonies pénitentiaires dans ces pays. Essayez de distinguer les époques historiques et les pays qui ont utilisé les colonies pénitentiaires comme lieu de détention de prisonniers de droit commun (bagnes, galères, katorga, colonies pénitentiaires), ceux qui ont exilé et interné des prisonniers politiques ou des prisonniers de guerre (goulag, stalag, laogai/laojiao), et ceux qui ont pratiqué l'internement de groupes ethniques ou sociaux spécifiques, parfois dans le but de les exterminer (camps de concentration). PAYS Australie Bagnes Japon Goulag Stalag Chine Bagnes Royame-Uni PASSÉ PRÉSENT La colonisation de l’Australie s’est faite de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XIXe siècle par des prisonniers de droit commun britanniques, qui avaient le « choix » de croupir dans les prisons anglaises, ou d’aller défricher une terre sauvage à l’autre bout du monde. Pendant la deuxième guerre mondiale, non seulement les prisonniers de guerre alliés mais aussi des populations civiles (comme, par exemple, les colons anglais en Malaisie ou de Hong Kong) ont été soumis aux travaux forcés par l’armée japopnaise, tout en vivant dans des conditions atroces dans des camps d’internement. Deux grands films Le pont sur la rivière Kwai (David Lean, 1957) et L’empire du soleil (Steven Spielberg, 1987) évoquent cette période. Depuis 1949, les prisonniers de droit commun et les prisonniers politiques chinois sont envoyés dans des camps situés au Tibet, au Qinghai et dans le Xinjiang, loin des grandes villes côtières. Ces camps de « réforme par le travail » (laogai) ou de « rééducation par le travail » (laojiao) sont organisés comme des usines, avec un système de production qui contribue, de manière relativement insignifiante, aux produits d’exportation du pays. Le terme de camp de concentration a été inventé bien avant la 2e Guerre Mondiale. Il désignait les camps où les populations civiles sud-africaines étaient rassemblées par les troupes britanniques pendant la Guerre des Boers (1899-1902). 21 bien avant la 2e Guerre Mondiale. Il désignait les Camps de camps où les populations civiles sud-africaines concentration étaient rassemblées par les troupes britanniques pendant la Guerre des Boers (1899-1902). Bagnes Les travaux forcés ont fait partie du régime pénitentiaire anglais jusqu’en 1925. Condamné aux travaux forcés pour ses moeurs, l’écrivain Oscar Wilde en a fait une descritption émouvante dans La Ballade de la Geôle de Reading (1897). Etats-Unis d’Amérique Jusqu’en 1950 un peu partout aux Etats-Unis, et depuis 1995 dans les états de l’Alabama et de l’Arizona, le système pénitentiaire exploite le travail des détenus par le biais des chain gangs. Bagnes Les détenus doivent quitter leurs prisons pendant la journée pour Camps de travailler, enchaînés les uns aux autres, sur des chantiers de route, concentration ou dans des exploitations agricoles. Dans le comté de Maricopa, où se trouve la grande ville de Phoenix dans l’Arizona, le travail des prisonniers contribue effectivement aux revenus du service correctionnel de l’état. Les détenus doivent travailler dans la chaleur d’un climat désertique, ne recoivent que deux repas par jour, sans café, cigarettes ou condiments alimentaires. S’ils souffrent d’insolation, ils doivent payer dix dollars pour le droit de consulter un médecin. Le département correctionnel du comté dépense plus par individu pour l’alimentation des chiens policiers que sur celle des détenus. La plupart de ces détenus ont été condamnés pour des délits et non des crimes, puisqu’ils relèvent des prisons du comté et non de l’état. La prison militaire de la base étasunienne de Guantanamo à Cuba est probablement le meilleur exemple contemporain d’un camp de concentration pour la détention arbitraire des personnes (bien qu’on n’y exploite pas les détenus par des travaux forcés). France Bagnes Jusqu’à la Révolution française, on déchargeait les prisons en envoyant les détenus ramer aux galères. Ces grands bateaux, où les condamnés étaient enchaînés à leur banc et leur rame, servaient au transport de troupes ou de denrées. Jusqu’en 1938, le gouvernement français a exploité des colonies pénitentiaires sur le territoire français (bagnes de Brest, Toulon, Tatihou, etc.) et outremer (Guyane française, Nouvelle-Calédonie, Indochine). Le bagne de l’Ile du Diable, près de Cayenne, en Guyane française est sans doute le plus réputé, à cause du séjour injuste qu’y fit le capitaine Alfred Dreyfus en 1898, et un autre détenu Henri Charrière (en 1938) dont les multiples tentatives d’évasion ont été le sujet du livre et du film Papillion. 22 tentatives d’évasion ont été le sujet du livre et du film Papillion. Il est aussi intéressant de noter que le système pénitentiaire français, jusqu’en 1872, envoyait aussi au bagne les jeunes délinquants mineurs, souvent pour des délits de moindre gravité (larcins, vandalisme, vagabondage). L’île du Levant, sur l’actuelle Côte d’Azur, a été le site d’un de ces bagnes pour enfants, et a été immortalisé par l’opéra d’Isabelle Aboulker, Les Enfants du Levant, représenté en février 2005 au Grand Théâtre de Genève. Pour approfondir le sujet d’étude, une visite au Musée International de la CroixRouge et du Croissant-Rouge peut être intéressante : Musée International de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge Cambodge 1975-1979 ; chroniques d’un génocide du 13 septembre 2006 au 28 janvier 2007 Ouvert de 10h à 17h sauf le mardi Accueil des écoles Pistes pédagogiques www.micr.org/edu Information et réservation +41 22 748 95 06 23 La « vraie » Lady Macbeth A gauche, L’actrice Ellen Terry en Lady Macbeth, tableau de John Singer Sargent (1898) Au-dessus, Francesca Annis joue Lady Macbeth dans le film Macbeth de Roman Polanski (1971) Out, damned spot ! Out, I say ! (...) Here's the smell of the blood still; all the perfumes of Arabia will not sweeten this little hand. O, O, O. (William Shakespeare Macbeth, Act 5, Scene 1) Va-t'en, maudite tache...; va-t'en, te dis-je ! (...) Il y a toujours là une odeur de sang. Tous les parfums de l'Arabie ne peuvent purifier cette petite main!—Oh! oh! oh! (William Shakespeare Macbeth, Acte V, scène 1) Lady Macbeth est un personnage de la pièce Macbeth du grand dramaturge anglais William Shakespeare (1564-1616). Elle est l’épouse d’un noble écossais, Macbeth, et elle va manipuler les sentiments de son mari, de manière à le pousser au meutre de Duncan, le roi d’Ecosse, et usurper le trône. Cela entraînera Macbeth à commettre d’autres meurtres et une série d’atrocités, qui le mèneront, lui et sa femme, droit à leur chute. À la fin de la pièce, Malcolm, le fils de Duncan, reprendra le pouvoir. Lady Macbeth est considérée par beaucoup comme l'un des rôles les plus difficiles pour une femme dans le théâtre occidental. Elle devient folle en raison de sa participation au meurtre du roi, et meurt hors de scène à l'acte final. 24 Le personnage de Lady Macbeth et les événements dans la pièce de Shakespeare sont basés, très faiblement, sur une figure et des événements historiques. Gruoch fille de Boite, fils de Kenneth MacDuff fut reine d’Ecosse au XIe siècle. Elle épousa en premières noces le comte de Moray, Kevin MacMalberty, de qui elle eut un fils, Lulach. MacMalberty mourut avec cinquante de ses hommes dans l’incendie d’une salle de banquet en 1032. Elle se remaria avec MacBeth, fils de Finlay, mais on ne sait pas s’ils eurent d’enfants. À part ces quelques détails, tout ce que l’on sait de Gruoch, c’est qu’elle et MacBeth dotèrent le monastère celtique de Loch Leven. Les dates précises sont inconnues. Dans la pièce de Shakespeare Lady Macbeth, avertie par une lettre de son mari Macbeth, le comte de Glamis, qu’il voit l’occasion d’usurper le trône d’Ecosse, se dit que le tempérament de son mari est « trop plein du lait de la tendresse humaine » pour assassiner le roi Duncan afin d’arriver à ses fins. Elle fait appel aux puissances infernales de venir « changer son sexe » et la remplir de « la plus atroce cruauté » pour aider son mari à accomplir sa triste besogne. A son retour, Macbeth hésite à passer aux actes mais Lady Macbeth, à force de raisonnements habiles, va le manipuler : elle questionne sa virilité et lui dit de se fier entièrement à elle. Peu après, Macbeth assassine Duncan dans son sommeil. Lady Macbeth cache les poignards ensanglantés dans les habits des serviteurs endormis de Duncan, mais son mari, étourdi par la violence de son crime, les reprend avec lui, forçant Lady Macbeth à retourner sur les lieux du crime pour les cacher à nouveau. Le lendemain matin, une foule de courtisans entoure le cadavre du roi assassiné. Macbeth est au bord de l’hystérie, et Lady Macbeth (pour faire diversion ?) s’évanouit. Dans la foulée du meurtre de Duncan, Macbeth est nommé roi d’Ecosse. Mais il y a du changement dans son mariage. Macbeth s’émancipe de la tutelle de sa femme et ne la met pas toujours au courant de ses projets, comme, par exemple l’assassinat de son meilleur ami Banquo, pour conjurer la prophétie faite à ce dernier lui révêlant que sa descendance règnera sur l’Ecosse, bien que lui-même n’’accède jamais au le trône. Au cours d’un banquet, le fantôme ensanglanté de Banquo apparaît à Macbeth qui, dans un monologue terrifié, en arrive presque à confesser son crime. Lady Macbeth vient à son secours, expliquant aux convives médusés que son mari souffre depuis l’enfance de crises de délire. Plus tard, Macbeth réalise que son ancien compagnon Macduff s’est enfui en Angleterre pour y rejoindre le camp des fils de Duncan, contre l’usurpation. Macbeth fait alors égorger la femme et les enfants de Macduff. La conscience de Lady Macbeth commence à la troubler sérieusement : elle a des crises de somnambulisme et des hallucinations, des taches du sang innocent qu’elle a poussé son mari à verser, qu’elle n’arrive pas à enlever de ses mains. Torturée par la culpabilité, elle va en perdre la raison. Elle en arrive même à s’accuser des actes que Macbeth a commis de son propre chef (le meurtre de la femme et des enfants de Macduff) puisque c’est sur son initiative qu’il est devenu un tyran. Peu avant le dénouement de la pièce, la bataille entre Macbeth et Macduff, elle se donne apparemment la mort, bien que le texte de la pièce ne cite pas explicitement la cause de sa disparition. 25 Lady Macbeth : la femme au bord de la crise de nerfs Sans scrupule, manipulatrice, déterminée, la figure de Lady Macbeth est aux antipodes de l’idéal féminin traditionnel de l’époque de Shakespeare : soumise, aimante et obéissante. Le personnage de Lady Macbeth est devenu l’archétype de la femme qui harcèle son mari pour qu’il améliore leur condition sociale. Le contraste est puissant, dans le texte de Shakespeare, entre un Macbeth hanté par ses scrupules et ses visions terrifiantes et les conseils simplistes de Lady Macbeth, pleins d’images de la vie quotidienne : Lady Macbeth : « Aspireras-tu à (...) vivre en lâche à tes propres yeux, laissant, comme le pauvre chat du proverbe, le je n'ose pas se placer sans cesse auprès du je voudrais bien ». (Macbeth, Acte I, Scène 7) Le « pauvre chat du proverbe » est celui qui aimait les poissons, mais qui ne voulait pas se mouiller la patte. Une fois que Macbeth vient à bout de tous ses scrupules et se met à commettre meurtres et atrocités de son propre chef, le personnage de Lady Macbeth comme « pousse-au-crime » devient inutile, et Shakespeare s’en débarasse. Le personnage de Lady Macbeth n’est cependant pas simplement « l’infernale compagne » d’un « boucher défunt », comme le dit Malcolm, le fils et légitime successeur de Duncan à la fin de la pièce. Par exemple, au moment de commettre le meurtre de Duncan, elle témoigne d’un reste du « lait de la tendresse humaine » : « S'il n'eût pas ressemblé à mon père endormi, je m'en serais chargée. » ACTIVITES Comparer les personnages de Katerina Lvovna Ismailova (La « Lady Macbeth » de Mzensk), dans l’opéra de Chostakovitch et la Lady Macbeth de la pièce de Shakespeare. Est-ce que l’analogie des noms des deux personnages est pertinente ? Pour vous aider, vous pouvez vous aider des textes de Chostakovitch et de Nicolai Leskov dans la partie Niveau avancé de ce dossier pédagogique. Pour la classe d’anglais Lecture comparée d’extraits célèbres du texte de Lady Macbeth dans le texte original de Shakespeare et dans l’une de ses premières traductions françaises, celle de l’homme politique français François Guizot (1821). La dernière scène citée, celle du somnambulisme de Lady Macbeth, est l’un des moments les plus célèbres de la pièce. Une mise en espace simple, réalisée en classe avec trois lecteurs, peut être aussi une activité intéressante. 26 Act I , Scene V Acte I, Scène 5 LADY MACBETH The raven himself is hoarse That croaks the fatal entrance of Duncan Under my battlements. Come, you spirits That tend on mortal thoughts, unsex me here; And fill me, from the crown to the toe, topfull Of direst cruelty! make thick my blood, Stop up the access and passage to remorse, That no compunctious visitings of nature Shake my fell purpose, nor keep peace between The effect and it! Come to my woman's breasts, And take my milk for gall, your murdering ministers, Wherever in your sightless substances You wait on nature's mischief! Come, thick night, And pall thee in the dunnest smoke of hell That my keen knife see not the wound it makes Nor heaven peep through the blanket of the dark To cry, "Hold, hold!" LADY MACBETH La voix est près de manquer au corbeau lui-même, dont les croassements annoncent l'entrée fatale de Duncan sous mes remparts.— Venez, venez, esprits qui excitez les pensées homicides; changez à l'instant mon sexe, et remplissez-moi jusqu'au bord, du sommet de la tête jusqu'à la plante des pieds, de la plus atroce cruauté. Épaississez mon sang; fermez tout accès, tout passage aux remords; et que la nature, par aucun retour de componction, ne vienne ébranler mon cruel projet, ou faire trêve à son exécution. Venez dans mes mamelles changer mon lait en fiel, ministres du meurtre, quelque part que vous soyez, substances invisibles, prêtes à nuire au genre humain.— Viens, épaisse nuit; enveloppe-toi des plus noires fumées de l'enfer, afin que mon poignard acéré ne voie pas la blessure qu'il va faire, et que le ciel ne puisse, perçant d'un regard ta ténébreuse couverture, me crier: Arrête! Arrête!— ACT II, Scene II Acte II, Scène 2 LADY MACBETH. That which hath made them drunk hath made me bold: What hath quench'd them hath given me fire.—Hark!—Peace! It was the owl that shriek'd, the fatal bellman, Which gives the stern'st good night. He is about it: The doors are open; and the surfeited grooms Do mock their charge with snores: I have drugg'd their possets That death and nature do contend about them, LADY MACBETH Ce qui les a enivrés m'a enhardie, ce qui les a éteints m'a remplie de flamme.—Écoutons; silence! C'est le cri du hibou, fatal sonneur qui donne le plus funeste bonsoir.—Il est à l'oeuvre; les portes sont ouvertes, et les serviteurs, pleins de vin, se moquent, en ronflant, de leurs devoirs. J'ai préparé leur boisson du soir, de telle sorte que la Nature et la Mort débattent entre elles s'ils vivent ou meurent. (...) Hélas! je tremble qu'ils ne se soient éveillés et que ce ne soit pas fait. La tentative sans l'action nous perd. 27 Écoutons.—J'avais apprêté leurs poignards, il ne pouvait manquer de les voir.—S'il n'eût pas ressemblé à mon père endormi, je m'en serais Whether they live or die. (...) Alack! I am afraid they have awak'd, And 'tis not done: the attempt, and not the deed, Confounds us.—Hark!—I laid their daggers ready; He could not miss 'em.—Had he not resembled My father as he slept, I had done't.— (...) MACBETH. One cried, "God bless us!" and, "Amen," the other; As they had seen me with these hangman's hands. Listening their fear, I could not say "Amen," When they did say, "God bless us." LADY MACBETH. Consider it not so deeply. MACBETH. But wherefore could not I pronounce "Amen"? I had most need of blessing, and "Amen" Stuck in my throat. LADY MACBETH. These deeds must not be thought After these ways; so, it will make us mad. tentative sans l'action nous perd. Écoutons.—J'avais apprêté leurs poignards, il ne pouvait manquer de les voir.—S'il n'eût pas ressemblé à mon père endormi, je m'en serais chargée.—(...) MACBETH L'un s'est écrié: Dieu nous bénisse! et l'autre, amen, comme s'ils m'avaient vu, avec ces mains de bourreau, écoutant leurs terreurs; je n'ai pu répondre amen lorsqu'ils ont dit Dieu nous bénisse! LADY MACBETH N'y pensez pas si sérieusement. MACBETH Mais pourquoi n'ai-je pu prononcer amen? J'avais grand besoin d'une bénédiction, et amen s'est arrêté dans mon gosier. LADY MACBETH Il ne faut pas penser ainsi à ces sortes d'actions, on en deviendrait fou. ACT III, SCENE II Acte III, Scène 2 LADY MACBETH LADY MACBETH Naught's had, all's spent, Where our desire is got without content: Tis safer to be that which we destroy, Than, by destruction, dwell in doubtful joy. On n'a rien gagné, et tout dépensé, quand on a obtenu son désir sans être plus heureux: il vaut mieux être celui que nous détruisons, que de vivre par sa destruction dans une joie troublée. [Enter Macbeth.] (Macbeth entre.) —Qu'avez-vous, mon seigneur? How now, my lord! why do you keep alone, pourquoi restez-vous seul, ne Of sorriest fancies your companions making; cherchant pour compagnie que les Using those thoughts which should indeed images les plus funestes, toujours have died appliqué à des pensées qui, en vérité, With them they think on? Things without all devraient être mortes avec ceux dont remedy elles vous occupent? On ne devrait Should be without regard: what's done is pas penser aux choses sans remède, done. ce qui est fait est fait. 28 ACT V SCENE I. Dunsinane. Ante-room in the castle. Acte V, Scène 1 A Dunsinane.—Un appartement du château. [Enter a Doctor of Physic and a WaitingGentlewoman.] Entrent UN MÉDECIN ET UNE DAME suivante de la reine. DOCTOR. LE MÉDECIN I have two nights watched with you, but can perceive no truth in your report. When was it she last walked? Voilà deux nuits que je veille avec vous, et rien ne m'a confirmé la vérité de votre rapport. Quand lui est-il arrivé la dernière fois de se promener ainsi? GENTLEWOMAN. LA DAME SUIVANTE Since his majesty went into the field, I have seen her rise from her bed, throw her nightgown upon her, unlock her closet, take forth paper, fold it, write upon it, read it, afterwards seal it, and again return to bed; yet all this while in a most fast sleep. C'est depuis que Sa Majesté est entrée en campagne: je l'ai vue se lever de son lit, jeter sur elle sa robe de nuit, ouvrir son cabinet, prendre du papier, le plier, écrire dessus, le lire, le cacheter ensuite, puis retourner se mettre au lit; et pendant tout ce tempslà demeurer dans le plus profond sommeil. DOCTOR. LE MÉDECIN A great perturbation in nature,—to receive at once the benefit of sleep, and do the effects of watching— In this slumbery agitation, besides her walking and other actual performances, what, at any time, have you heard her say? Il faut qu'il existe un grand désordre dans les fonctions naturelles, pour qu'on puisse à la fois jouir des bienfaits du sommeil et agir comme si l'on était éveillé. Dites-moi, dans cette agitation endormie, outre sa promenade et les autres actions dont vous parlez, que lui avez-vous jamais entendu dire? GENTLEWOMAN. LA DAME SUIVANTE That, sir, which I will not report after her. Ce que je ne veux pas répéter après elle, monsieur. DOCTOR. LE MÉDECIN You may to me; and 'tis most meet you should. Vous pouvez me le dire à moi, et cela est même très-nécessaire. GENTLEWOMAN. LA DAME SUIVANTE Neither to you nor any one; having no witness to confirm my Ni à vous, ni à personne, puisque je n'ai aucun témoin pour confirmer mon 29 récit. speech. Lo you, here she comes! n'ai aucun témoin pour confirmer mon récit. [Enter Lady Macbeth, with a taper.] (Entre Lady Macbeth, avec un flambeau.) This is her very guise; and, upon my life, fast Tenez, la voilà qui vient absolument asleep. Observe comme à l'ordinaire; et, sur ma vie, elle her; stand close. est profondément endormie. Observezla; demeurez à l'écart. DOCTOR. LE MÉDECIN How came she by that light? Comment a-t-elle eu cette lumière? GENTLEWOMAN. LA DAME SUIVANTE Why, it stood by her: she has light by her continually; 'tis her Ah! elle était près d'elle: elle a toujours command. de la lumière près d'elle; c'est son ordre. DOCTOR. LE MÉDECIN You see, her eyes are open. Vous voyez que ses yeux sont ouverts. GENTLEWOMAN. LA DAME SUIVANTE Ay, but their sense is shut. Oui, mais ils sont fermés à toute DOCTOR. impression. What is it she does now? Look how she rubs LE MÉDECIN her hands. Que fait-elle donc là? Voyez comme GENTLEWOMAN. elle se frotte les mains. It is an accustomed action with her, to seem LA DAME SUIVANTE thus washing her hands: I have known her continue in this a C'est un geste qui lui est ordinaire: elle quarter of an hour. a toujours l'air de se laver les mains; je l'ai vue le faire sans relâche un quart LADY MACBETH. d'heure de suite. Yet here's a spot. LADY MACBETH DOCTOR. Il y a toujours une tache. Hark, she speaks: I will set down what comes from her, to satisfy my remembrance the more strongly. LE MÉDECIN Écoutez; elle parle. Je veux écrire ce qu'elle dira, afin d'en conserver plus nettement le souvenir. 30 LADY MACBETH. LADY MACBETH Out, damned spot! out, I say!— One; two; why, then 'tis time to do't ;—Hell is murky!—Fie, my lord, fie! a soldier, and afeard? What need we fear who knows it, when none can call our power to account?—Yet who would have thought the old man to have had so much blood in him? Va-t'en, maudite tache...; va-t'en, te dis-je.—Une, deux heures.—Allons, il est temps de le faire.—L'enfer est sombre!—Fi! mon seigneur, fi! un soldat avoir peur! Qu'avons-nous besoin de nous inquiéter, qui le saura, quand personne ne pourra demander de comptes à notre puissance?—Mais qui aurait cru que ce vieillard eut encore tant de sang dans le corps? DOCTOR. Do you mark that? LE MÉDECIN Remarquez-vous cela? LADY MACBETH. LADY MACBETH The Thane of Fife had a wife; where is she now?—What, will these hands ne'er be clean? No more o' that, my lord, no more o' that: you mar all with this starting. Le thane de Fife avait une femme: où est-elle maintenant?—Quoi! ces mains ne seront-elles jamais propres?—Plus de cela, mon seigneur, plus de cela: vous gâtez tout par ces tressaillements. DOCTOR. LE MÉDECIN Go to, go to; you have known what you should not. GENTLEWOMAN. Allez-vous-en, allez-vous-en; vous avez appris ce que vous ne deviez pas savoir. She has spoke what she should not, I am sure of that: heaven knows what she has known. LA DAME SUIVANTE LADY MACBETH. LADY MACBETH Here's the smell of the blood still: all the perfumes of Arabia will not sweeten this little hand. Oh, oh, oh! Il y a toujours là une odeur de sang. Tous les parfums de l'Arabie ne peuvent purifier cette petite main!—Oh! oh! oh! DOCTOR. LE MÉDECIN What a sigh is there! The heart is sorely charged. Quel profond soupir! Le coeur est cruellement chargé. Elle a dit ce qu'elle ne devait pas dire, j'en suis sûre. Dieu sait tout ce qu'elle a su! 31 GENTLEWOMAN. LA DAME SUIVANTE I would not have such a heart in my bosom for the dignity of the whole body. Je ne voudrais pas avoir un pareil coeur dans mon sein, pour les grandeurs de tout ce corps. DOCTOR. LE MÉDECIN Well, well, well,— Bien, bien, bien. GENTLEWOMAN. LA DAME SUIVANTE Pray God it be, sir. Je prie Dieu qu'il en soit ainsi, docteur. DOCTOR. LE MÉDECIN This disease is beyond my practice: yet I have known those which have walked in their sleep who have died holily in their beds. Cette maladie est au-dessus de mon art: cependant j'ai connu des personnes qui se promenaient durant leur sommeil, et qui sont mortes saintement dans leur lit. LADY MACBETH. LADY MACBETH Wash your hands, put on your nightgown; look not so pale:—I tell you yet again, Banquo's buried; he cannot come out on's grave. Lavez vos mains, mettez votre robe de nuit, ne soyez pas si pâle. Je vous le répète, Banquo est enterré, il ne peut pas sortir de son tombeau. LE MÉDECIN DOCTOR. Et cela encore? Even so? LADY MACBETH LADY MACBETH. To bed, to bed; there's knocking at the gate: come, come, come, come, give me your hand: what's done cannot be undone: to bed, to bed, to bed. Au lit, au lit: on frappe à la porte; venez, venez, venez, donnez-moi votre main. Ce qui est fait ne peut se défaire. Au lit, au lit, au lit! (Elle sort.) [Exit.] LE MÉDECIN DOCTOR. Va-t-elle retourner à son lit? Will she go now to bed? LA DAME SUIVANTE GENTLEWOMAN. Tout droit. 32 Directly. DOCTOR. LE MÉDECIN Foul whisperings are abroad: unnatural deeds Do breed unnatural troubles: infected minds To their deaf pillows will discharge their secrets. More needs she the divine than the physician.— God, God, forgive us all!—Look after her; Remove from her the means of all annoyance, And still keep eyes upon her:—so, goodnight: My mind she has mated, and amaz'd my sight: I think, but dare not speak. Il a été murmuré d'horribles secrets.—Des actions contre nature produisent des désordres contre nature. Le sourd oreiller recevra les confidences des consciences souillées.—Elle a plus besoin d'un prêtre que d'un médecin. Dieu! Dieu! pardonne-nous à tous.—Suivez-la; écartez d'elle tout ce qui pourrait la déranger, et ayez toujours les yeux sur elle; bonne nuit, donc. Elle a rendu mon esprit perplexe et étonné mon regard. Je pense, mais je n'ose parler. GENTLEWOMAN. LA DAME SUIVANTE Good-night, good doctor. Bonne nuit, cher docteur. [Exeunt.] (Ils sortent.) Lady Macbeth en somnambule, tableau de Henry Fuseli (Johann Heinrich Füseli) 1741-1825 33 NIVEAU AVANCE Les passages suivants sont extraits du dossier pédagogique d’Alain Perroux sur Lady Macbeth de Mzensk (GTG, 2001) Le livret de Lady Macbeth de Mzensk et la nouvelle de Nikolaï Leskov C’est en 1930, à une époque de sa vie où il entretient une liaison passionnelle avec Nina Varzar, sa future femme, que Chostakovitch commence à composer un opéra d’après Lady Macbeth au village, nouvelle de Nicolaï Leskov publiée en 1864. A l’origine, il devait s’agir du premier volet d’une trilogie, voire d’une tétralogie, dédiée à différentes figures féminines de la Russie (ce projet restera inabouti). Pourquoi Chostakovitch a-t-il choisi la nouvelle de Leskov, intense et violente ? Sans doute parce que le personnage principal prend son destin en main et incarne ainsi la liberté. Lui même s’en est expliqué officiellement, dans le programme du Théâtre Nemirovitch-Dantchenko, lors de la création de l’ouvrage à Moscou en janvier 1934. Laissons-lui la parole : Pourquoi ai-je précisément choisi ce sujet pour écrire un opéra ? D’abord parce que l’héritage classique de la littérature russe n’a encore été que fort peu utilisé dans le développement de l’opéra soviétique ; mais avant tout parce que la nouvelle de Leskov a un contenu dramatique et social d’une richesse inouïe. Peutêtre n’y a-t-il dans la littérature russe aucune oeuvre qui caractérise de manière aussi expressive la condition de la femme dans la Russie pré-révolutionnaire. Je traite Lady Macbeth du district de Mzensk sur un plan différent de celui de Leskov. Comme le montre le titre même de la nouvelle, l’auteur adopte un point de vue ironique pour décrire les événements. Le titre renvoie à un territoire insignifiant – un petit district – où les héros se présentent comme des personnages minables avec des passions et des intérêts plus médiocres que ceux des héros shakespeariens. Cependant Leskov, en tant que brillant représentant de la littérature prérévolutionnaire, ne pouvait interpréter correctement les événements qui se déroulent dans sa nouvelle. C’est pourquoi mon rôle, en tant que compositeur soviétique, consistait en ceci que je devais, tout en sauvegardant la force du récit de Leskov, le traiter d’un oeil critique et expliquer les événements qui s’y déroulent de notre point de vue soviétique. Aussi le sujet lui-même a-t-il été quelque peu modifié. Souvenons-nous du récit de Leskov : Katerine Ismaïlova – son héroïne – commet trois meurtres avant son départ pour le bagne (elle tue son beau-père, son mari et un neveu en bas âge). Sachant que je m’étais donné pour tâche de justifier, par tous les moyens, Katerina Lvovna afin que l’auditeur et le spectateur éprouvent pour elle de la sympathie et la considèrent comme un personnage positif, j’ai laissé tomber le meurtre du neveu qu’elle commet par cupidité – pour recevoir l’héritage laissé après la mort de son mari. Je m’efforce de traiter Katerina Lvovna comme un personnage positif, digne de 34 la sympathie du spectateur. Il n’est pas facile d’éveiller cette sympathie : Katerina Lvovna accomplit une série d’actions incompatibles avec la moral et l’éthique. C’est ici que je m’écarte fondamentalement de Leskov. Celui-ci décrit Katerina Lvovna comme une femme très cruelle : prise d’une « folie de riche désoeuvrée », elle va jusqu’à assassiner des personnes que Leskov considère comme innocentes. Pour ma part, j’aimerais expliquer ces événements de la façon suivante : Katerina Lvovna est une femme intelligente, talentueuse et intéressante ; mais suite aux conditions pénibles, cauchemardesques dans lesquelles elle doit vivre, suite à son enfermement dans un milieu marchand cruel, avide et mesquin, sa vie devient triste, inintéressante, morne. Elle n’aime pas son mari : elle n’a pas la moindre joie ni la moindre consolation. Or voici qu’apparaît Sergueï, le commis que Zinovi Borissovitch, son mari, a engagé à son service. Et la voici qui s’éprend de ce commis – personnage indigne et négatif, et c’est dans cet amour qu’elle trouve la joie et le but de son existence. Elle commet une série de crimes pour s’attacher Sergueï, pour en faire son mari. Lorsque Boris Timofeïevitch – son beau-père – surprend Sergueï au sortir de sa chambre et ordonne sa flagellation, Katerina Lvovna éprouve le désir de se venger du tourment amoureux que son beau-père lui a infligé et elle l’empoisonne. Puis le jour où Sergueï lui dit qu’il ne veut pas rester son amant secret, mais qu’il rêve de devenir son époux, Katerina Lvovna lui répond qu’il en sera ainsi. Et lorsque Zinovi Borissovitch rentre chez lui au terme d’un long voyage, elle l’étrangle avec l’aide de Sergueï, pour que rien ne fasse plus obstacle à son bonheur. Je pourrais m’étendre longtemps sur la façon dont je justifie toutes ces actions, mais cela n’en vaut pas la peine : le matériel musical les jusitifie bien mieux, car dans un opéra, je considère que la musique joue le rôle principal, conducteur, décisif. Ivre d’amour, Katerina Lvovna se sacrifie tout entière à Sergueï. En dehors de son amour pour lui, rien n’existe plus pour elle. Lorsqu’après la découverte du crime, elle est envoyée au bagne en même temps que Sergueï, elle doit se rendre à l’évidence : Sergueï s’est détaché d’elle et s’est épris de Sonietka, une bagnarde. Après avoir connu les affres du désespoir, elle pousse Sonietka dans la rivière et s’y jette ellemême, car la vie sans l’amour de Sergueï a perdu son attrait et son intérêt. (Traduction : Evelyne Sznycer) 35 L’article de la Pravda Le lendemain du jour où Staline assista à une représentation de Lady Macbeth de Mzensk, un article au ton violent et accusateur paraissait dans la Pravda. Cet article devait rester comme une pierre angulaire dans la carrière de Chostakovitch. Désormais, le compositeur allait passer son temps à redouter d’éventuelles rétorsions (...) à balancer entre la réhabilitation et la mise au ban par le pouvoir durant toute sa vie. Voici, in extenso, ce fameux article, qui dénote le durcissement de la politique stalinienne au début des années 30. Le chaos remplace la musique Article anonyme paru dans la Pravda du 28 janvier 1936 Avec le développement culturel de notre pays s’affirme aussi le besoin d’une musique de qualité. Jamais et nulle part les compositeurs n’ont eu affaire à un public aussi réceptif. Les masses populaires veulent entendre de bonnes chansons, mais aussi de bonnes compositions instrumentales, de bons opéras. Ils sont quelques théâtres à présenter comme une nouveauté, comme une réussite, l’opéra de Chostakovitch Lady Macbeth de Mzensk à ce public soviétique, qui est à la fois neuf et culturellement avancé. Une critique musicale complaisante porte aux nues et glorifie bruyamment cette oeuvre. Le jeune compositeur n’entend que compliments enthousiastes là où une critique sérieuse et professionnelle pourrait l’assister en vue de son travail futur. L’auditeur de cet opéra se trouve d’emblée étourdi par un flot de sons intentionnellement discordants et confus. Un lambeau de mélodie, une ébauche de phrase musicale, se noie dans la masse, s’échappent, se perdent à nouveau dans le tintamarre, les grincements, les glapissements. Il est difficile de suivre cette « musique » ; il est impossible de la mémoriser. Il en est ainsi pendant presque tout l'opéra. Sur scène, le chant est supplanté par les cris. Si le compositeur se trouve soudain sur la voie d'une mélodie simple et compréhensible, il s'empresse, comme effrayé d'un tel accident, de repartir dans le dédale de ce chaos musical qui par moments touche à la cacophonie. L'expressivité que chercherait l'auditeur est remplacée par un rythme infernal. C'est le bruit musical qui est appelé à exprimer la passion. Tout cela, il ne faut pas l'imputer au manque de talent du compositeur, à son incapacité à dire en musique les sentiments simples et forts. Cette musique est mise intentionnellement sens dessus dessous afin que rien n'y vienne rappeler la musique d'opéra classique, les sonorités symphoniques, le discours musical simple et accessible à tous. Cette musique se fonde pour l'opéra sur le principe même de négation que l'art des gauchistes pour le théâtre quand ils nient la simplicité, le réalisme, les personnages accessibles, les mots aux sonorités naturelles. Il s'agit, dans le domaine de l'opéra, de la musique, d'un transfert et d'une amplification des caractéristiques les plus négatives des "meyerholdiens". Il s'agit d'un chaos gauchiste remplaçant une musique naturelle, humaine. La faculté qu'à la bonne musique de captiver les masses est sacrifiée sur l'autel des vains labeurs petit36 bourgeois, où l'on fait l'original en pensant créer l'originalité, où l'on joue à l'hermétisme – un jeu qui peut fort mal finir. Le danger d'une telle orientation pour la musique soviétique est patent. La déformation gauchiste dans la peinture, la poésie, la pédagogie, la science. L'"esprit d'innovation" petit-bourgeois mène à une cassure dans l'art véritable, la littérature véritable. L'auteur de Lady Macbeth de Mzensk a emprunté au jazz sa musique nerveuse, fébrile, spasmodique, pour conférer la "passion" à ses héros. Tandis que notre critique, notamment musicale, met en exergue le réalisme socialiste, l'oeuvre de Chostakovitch nous montre sur scène le naturalisme le plus grossier. Tant les marchands que le peuple sont présentés sous un jour uniformément bestial. La marchande rapace qui s'approprie le pouvoir et les biens par le meurtre est représentée comme une sorte de "victime" de la société bourgeoise. L'histoire de moeurs de Leskov se trouve affublée d'un sens qui lui est étranger. Et tout cela est grossier, primitif, vulgaire. La musique glousse, vrombit, halète, souffle, pour représenter les scènes d'amour. Et l'oeuvre est toute barbouillée d'"amour" sous sa forme la plus vulgaire. Le lit à deux places du riche marchand occupe une place centrale dans la réalisation; c'est là que se résolvent tous les "problèmes". Le même style bassement naturaliste est employé pour la scène de mort par empoisonnement, pour la scène du fouet qui se déroule pratiquement sous nos yeux. Le compositeur ne s'est manifestement pas fixé pour tâche de donner ce que le public soviétique attend et recherche dans la musique. Il a fait comme exprès une musique à clefs en mélangeant toutes les sonorités pour que sa musique ne puisse atteindre que les esthètes-formalistes au goût malsain. Il est passé à côté de ce qu'exige la musique soviétique. Certains critiques nomment "satire" cette célébration de la lubricité d'une riche marchande. Mais il ne peut être question de satire ici. C'est par tous les moyens d'une expressivité musicale et dramatique que l'auteur cherche à gagner le public aux aspirations et aux actes grossiers et vulgaires de la riche Katerina Ismaïlova. Ce Lady Macbeth est apprécié des publics bourgeois à l'étranger. Si le public bourgeois l'applaudit, n'est-ce pas parce que cet opéra est absolument apolitique et confus? Parce qu'il flatte les goûts dénaturés des bourgeois par sa musique criarde, contorsionnée, neurasthénique? Nos théâtres ont beaucoup fait pour réaliser soigneusement l'opéra de Chostakovitch. Les acteurs ont déployé bien du talent pour surmonter les bruits, les cris, les grincements de l'orchestre. Par la richesse de leur jeu, ils ont tenté de compenser l'indigence mélodique de l'oeuvre. Malheureusement celle-ci n'en dévoile que mieux ses traits grossièrement naturalistes. Le talent des artistes mérite reconnaissance, et les efforts déployés, la commisération. (Traduction: Hélène Trottier) 37 Extraits de la nouvelle de Nikolaï Leskov Lady Macbeth au village (1864) Katerina Lvona elle aussi aurait bien voulu avoir un enfant. L’ennui qui régnait dans la maison silencieuse, entourée d’une haute palissade et gardée par des chiens féroces, plongeait la jeune femme dans une sorte d’angoisse, elle en devenait souvent presque hébétée, et Dieu sait combien elle eut été heureuse d’avoir à s’occuper d’un petit enfant ! D’autre part, elle en avait assez des reproches continuels qu’on lui faisait à ce sujet : « Qu’avais-tu besoin de l’épouser, pourquoi astu fait son malheur, femme stérile ? ». Comme si vraiment elle avait commis un crime, comme si elle était coupable vis-à-vis de son mari, de son beau-père, de toute leur honorable famille de marchands. Malgré le bien-être qui l’entourait et la fortune de son mari, Katerina Lvovna menait donc une existence très monotone dans la maison de son beau-père. On ne sortait que rarement ; et du reste, quand elle allait en visite avec son mari, ce n’était pas gai non plus. Tous ces marchands étaient des gens sévères ; on épiait chacun de ses gestes : comment elle entrait, comment elle s’asseyait, comment elle se levait. Or Katerina Lvovna était très vive. Jeune fille et pauvre, elle avait été habituée à une vie simple et libre : avec quel plaisir elle aurait couru avec des seaux à la rivière ! Comme il eût été amusant de se baigner en chemise sous le ponton, de lancer à la tête de quelque gars une poignée de graines de tournesol ! Il ne s’agissait plus de ça maintenant. Les deux hommes se levaient tôt : à six heures, ils buvaient le thé et partaient pour leurs affaires ; elle errait alors à travers les chambres. Tout est propre, vide et silencieux. Les veilleuses brûlent devant les icônes. Nul bruit, nulle voix humaine ne résonne dans la maison déserte. «…» « Oh! Oh ! lâche-moi ! » gémit doucement Katerina Lvovna, faiblissant sous les baisers ardents du beau gras et se serrant involontairement contre son corps puissant. Sergueï souleva sa patronne comme un enfant et l’emporta dans le coin obscur de la pièce. On ne s’entendit plus dans le silence que le tic-tac de la montre de Zinovi Borissitch, qui pendait au chevet du lit conjugal ; mais son battement régulier ne gêna pas les amants. «…» Le soir même, après avoir mangé à souper des champignons et du gruau, le vieux se sentit mal : il ne cessa de vomir toute la nuit, et, au petit jour, il mourut comme mouraient les rats de ses magasins après avoir mangé de la pâtée que leur préparait Katerina Lvovna en y mêlant une certaine poudre blanche dont elle avait la garde. La jeune femme fit sortir Sergueï de la cave et l’installa dans le lit conjugal.Pour qu’il s’y rétablît de la correction reçue. Quant au beau-père, il fut enterré chrétiennement. Chose étrange :personne n’eut aucun soupçon. Du reste, Boris Timoféitch était mort après avoir mangé des champignons, et le cas, comme on le sait, se présenta assez souvent. «…» 38 Sergueï s’assit à cheval sur Zinovi Borissitch dont il serra les bras sous ses genoux ; voulant le prendre à la gorge, il glissa ses mains sous celles de la jeune femme, mais poussa au même instant un cri aigu : à la vue de son ennemi, Zinovi Borissitch, réunissant dans un élan de rage ses dernières forces, dégagea brusquement ses mains, empoigna Sergueï par les cheveux et, tel une bête féroce, lui enfonça ses dents dans la gorge. Mais aussitôt après il retombait en arrière avec un long gémissement. Toute pâle, Katerina Lvovna était debout au-dessus des deux hommes ; elle tenait à la main un lourd chandelier de cuivre le pied en bas; un mince ruban de sang s’écoulait de la tempe de Zinovi Borrissitch. « Un prêtre… », gémit-il en rejetant avec horreur sa tête aussi loin que possible de Sergueï, toujours à cheval sur lui. « Je veux me confesser… », reprit-il d’une voix sourde. Il tremblait convulsivement et ses yeux cherchaient à distinguer la coulée de sang tiède qui se coagulait déjà sur sa barbe. « Tu t’en passeras », répondit Katerina Lvona. « Assez de cérémonies, finissons-en, dit-elle à Sergueï. Serre-lui la gorge. » «…» «Allons, Fedia, obéis-moi… dors…il est temps. -Mais non, petite tante, je n’ai pas sommeil du tout… -Allons, fais ce que je te dis », insista Katerina Lvovna d’une voix mal assurée ; elle prit l’enfant sous le bras et l’obligea à s’étendre. Fedia jeta un cri perçant : il venait d’apercevoir Sergueï qui entrait, pâle, les pieds nus. Katerina Lvovna appuya sa main sur la bouche large ouverte de la petite victime terrifiée et cria : « Fais vite! Tiens le bien ! » Sergueï saisit les pieds et les mains de Fedia et Katerina Lvovna recouvrit le visage enfantin d’un gros oreiller sur lequel elle se laissa tomber de tout son poids. Durant quelques minutes ce fut dans la chambre un silence de mort. «…» Katerina Lvovna tremblait ; son regard farouche ne pouvait se détacher de l’eau tourbillonnante. Une ou deux fois elle tendit les bras comme pour appeler on ne sait qui… Elle chancela, puis tout à coup, sans détacher ses yeux de l’eau, elle fit un pas, saisit Sonietka par les jambes et se précipita avec elle par-dessus bord. La stupeur immobilisa tout le monde. Katerina Lvovna surgit au haut d’une vague et disparut ; une autre vague ramena à la surface Sonietka. « Une perche ! Une perche ! Tendez-lui une perche ! » criait-on sur le bac. Attachée à une longue corde, la perche lancée aussi loin que possible tomba lourdement sur l’eau ; mais Sonietka avait disparu. Deux secondes plus tard on la vit déjà loin élever ses deux bras hors d’une lame. Mais au même instant Katerina Lvona surgit et se dressant presque jusqu’à mi-corps au-dessus de l’eau, elle se jeta sur sa victime, tel un brochet sur une truite. On ne les revit plus. (Traduction: Boris de Schloezer) 39 ACTIVITES Chostakovitch entre vérité et propagande Relisez attentivement le texte de Chostakovitch et l'article de la Pravda (écrit environ deux ans après). Dans la présentation de son opéra, Chostakovitch semble utiliser deux discours différents, à deux fins différentes: l'une est effectivement une explication de la démarche artistique qu'il a choisie pour son opéra, l'autre emploie un vocabulaire "politiquement correct", dans le but de convaincre ses lecteurs hautplacés dans l'administration culturelle soviétique que son oeuvre est conforme aux normes esthétiques du réalisme socialiste. Essayez, à l'aide de deux marqueurs fluo de couleurs différentes, de surligner les deux discours dans le texte. Quelle est la part entre le discours convenu et ce qui vous semble sincère? Est-ce qu'il vous semble que Chostakovitch anticipe déjà en 1934 les problèmes que le gouvernement soviétique lui causera en 1936? Quelles stratégies utilise-t-il pour désamorcer ce genre de critique? Un opéra idéal pour Joseph Staline Relisez attentivement l'article de la Pravda et tous ses reproches à l'encontre de Dimitri Chostakovitch et de son opéra. Sur la base des extraits de la nouvelle de Nikolaï Leskov, et des exigences idéologiques signalées dans l'article de la Pravda, rédigez un court synopsis (résumé dramatique) d'une nouvelle version de Lady Macbeth de Mzensk qui serait susceptible de plaire à Joseph Staline. N'hésitez pas à rajouter des éléments à l'intrigue s'ils vous semblent contribuer à rendre votre pièce encore plus idéologiquement correcte. Vous pouvez aussi imaginer de réécrire l'argument de Lady Macbeth pour que l'oeuvre se conforme aux exigences idéologiques d'autres personnages de la société ou de la politique, par exemple: - Le Lady Macbeth idéal pour Christoph Blocher Le Lady Macbeth idéal pour George W. Bush Le Lady Macbeth idéal pour Oussama Ben Laden Le Lady Macbeth idéal pour Hilary Clinton/Micheline Calmy-Rey Le Lady Macbeth idéal pour 50 Cent ou Snoop Doggy Dogg Le Lady Macbeth idéal pour Benoît XVI Etc. 40 Quatre aspects de l'orchestre dans Lady Macbeth de Mzensk Les passages suivants sont extraits du dossier pédagogique d’Alain Perroux sur Lady Macbeth de Mzensk (GTG, 2001) Contrairement aux oeuvres de Schoenberg et de ses disciples qui tentèrent d'unifier la matière musicale grâce à un système nouveau (le dodécaphonisme sériel), Chostakovitch travaille sur l'éclatement stylistique. Cela lui sera d'ailleurs la source de nombreuses critiques, qui lui reprochent de coller ensemble des citations musicales, sans dépasser le pastiche et naviguant dangereusement près du plagiat. Il serait toutefois erroné de penser que le tissu musical de Lady Macbeth n'est fait que de bric et de broc. Pour assurer la cohérence de l'ensemble, Chostakovitch a recours à certains éléments formels qui servent de "liant" entre les matériaux hétérogènes. 1. L'ostinato rythmique Tout au cours de l'opéra, on entend l'orcheste souligner le déroulement de l'action par des figures rythmiques obstinées – ce que l'on appelle ostinato. Sous sa forme la plus simple, il s'agit d'une pulsation régulière qui, juste avant le retour inopiné de Zinovi, semble figurer les battements de coeur angoissés de Katerina. Battements de coeur de Katerina CD piste 11 En d’autres occurences, la pulsation répétitive s’apparente à une marche qui peut être étouffée et lourde au moment où les deux amants transportent le cadavre de Zinovi à la cave... Le cadavre de Zinovi CD piste 12 ... ou, au contraire, décidée et claironnante comme une marche militaire, au moment où les policiers de rapprochent du mariage : Approche des policiers CD piste 13 2. Rythme de polka/valse Il arrive aussi qu’une courte cellule rythmique soit traitée en ostinato. C’est le cas des danses (valse, tango, rumba, etc.). Or, plusieurs danses viennent régulièrement s’immiscer dans la partition de Lady Macbeth. Par exemple, le rythme de polka, caractérisé par sa précision énergique. Chostakovitch l’introduit à chaque moment où il veut ridiculiser la fatuité masculine. Ainsi Sergueï, sorte de Don Juan de province, est présenté dans le premier tableau sur un rythme de polka : 41 Présentation de Sergueï CD piste 14 Poussant l’ironie le plus loin possible, Chostakovitch affuble Zinovi d’un rythme de polka lorsqu’il fait irruption à l’improviste dans la chambre de sa femme, et qu’il se donne des airs de mari outragé. L’orchestration rehausse l’ironie en ajoutant des scintillements de célesta à ce passage en toc : Irrruption de Zinovi CD piste 15 3. Interludes symphoniques Pour lier les tableaux les uns aux autres et permettre les changements de décor nécessaires, Chostakovitch a composé de très beaux interludes, comme Berg dans W o z z e c k ou Britten dans Peter Grimes. Il peut ainsi développer la dimension « symphonique » de son opéra qu’il revendiquait. Voici le plus impressionnant d’entre eux, celui qui relie le quatrième et le cinquième tableaux, et qui se situe juste après la mort de Boris. Pont névralgique de l’oeuvre, point de non-retour qui verra l’héroïne s’enfoncer dans le crime, cet interlude situé au coeur de la partition adopte le moule formel de la « passacaille ». Cette forme ancienne, qui remonte à la Renaissance et a beaucoup été utilisée pendant la période baroque, est bâtie sur le retour obstiné d’une phrase de la basse. La phrase que Chostakovitch a composée en l’occurence se caractérise par sa gravité tortueuse (impression donnée notamment par ses contours « chromatiques »). (...) L’interlude est construit comme un gigantesque crescendo qui culmine sur un quintuple forte de tout l’orchestre, avant de retomber pour introduire le cinquième tableau. CD piste 16 4. La "pornophonie" Pour terminer, comment ne pas évoquer les passages où « la musique glousse, vrombit, halète, souffle, afin de représenter avec réalisme les scènes d’amour », pour reprendre les termes de la Pravda ? Dans le deuxième tableau, lorsque Serguei se joint aux autres ouvriers et malmène Aksinia, le paroxysme de violence est atteint après une montée chromatique de la voix et de l’orchestre, suivie de criaillements obstinés dont la signification sexuelle, à l’oreille, ne fait pas de doute. Ce court passage se termine par un glissando du trombone vers le grave quand Katerina interrompt ce viol collectif : Viol d'Aksinia CD piste 17 La fameuse scène d’amour, où Sergueï et Katerina copulent à rideau ouvert, reprend ces caractéristiques musicales. Alors que les nuances ont gonflé et que le rythme s’est accéléré, l’échange verbal des deux jeunes gens s’achève sur une montée 42 chromatique de tout l’orchestre doublant la voix de Sergueï. Puis le passage orchestral, violent et très rythmé, comprend de très suggestifs glissandi des trombones vers l’aigu, qui sont conclus, après un point culminant orgasmique, par des glissandi vers le grave dont la signification post coitum, là encore, n’échappe à personne. On comprend pourquoi ce trait orchestral a pu choquer : jamais, jusqu’alors, un compositeur n’avait osé figurer musicalement, avec une telle « précision » un coït sauvage, osant même une vulgarité triomphante. Scène d'amour Serguei-Katerina CD piste 18 Sergueï, Katerina et le fantôme de Boris Lady Macbeth de Mzensk, acte 2, cinquième tableau Production du Grand Théâtre (2001) 43 ANNEXES CD d’accompagnement : liste du contenu LES VOIX 1. KATERINA 2. BORIS 3. ZINOVI 4. SERGUEÏ 5. AKSINIA 6. LE BALOURD MITEUX 7. LE POPE 8. SONIETKA 9. CHOEURS I : LES OUVRIERS 10. CHOEURS II : LES BAGNARDS L’ORCHESTRE Ostinato rythmique 11. Battements de coeur de Katerina 12. Le cadavre de Zinovi 13. Approche des policiers Rythme de polka/valse 14. Présentation de Sergueï 15. Irrruption de Zinovi Interludes symphoniques 16. Entre le 4e et le 5e tableau La "pornophonie" 17. Viol d'Aksinia 18. Scène d'amour Serguei-Katerina Tous les extraits de Lady Macbeth de Mzensk utilisés dans les exemples sont tirés de la version dirigée par Mstislav Rostropovitch avec Galina Vichnievskaya (Katerina), Nicolaï Gedda (Sergueï) et Dimiter Petkov (Boris), Ambrosian Opera Singers, London Philharmonic Orchestra. EMI, 2 CD (1979) 44 Transcription de textes russes du livret et traduction française CD PISTE 1 KATIERINA KATERINA Ladno, lojous. Bon,bon, je vais me coucher. (Boris oukhodit. Katiérina razdièvaiètsia) (Boris sort. Katerina se déshabille.) Jèriébionnok k kobylkiè toropitsia, Kotik prositsia k kochètchkiè, A goloub k goloubkiè striémitsia, I tolko ko mniè nikto niè spièchit. Biériozkou vièter laskaièt I tiéplom svoim grièièt solnychko. Vsièm tchto-niboud oulybaiètsia, Tolko ko mniè nikto niè pridiot, Nikto stan moï roukoï niè obnimièt, Le poulain va vite rejoindre la jument, Le chat fait la cour à la chatte, Le pigeon entreprend sa pigeonne, Tous se pressent, mais vers moi, personne. Le beau bouleau, le vent le caresse Et le soleil le réchauffe de ses rayons. Pour tous, il y a un sourire quelque part. Pour tous,sauf pour moi. Personne ne m’enlacera la taille, Nikto moiou bièlouiou groud niè pogladit, Nikto strasnoï laskoï miéna niè istomit. Prokhodiat moi dni biézradostnyiè, Promiélkniot moia jizn biéz oulybki. Nikto, nikto ko mniè niè pridiot, Nikto ko mniè niè pridiot. Personne ne caressera ma blanche poitrine, Personne ne m’épuisera de son désir passionné. Pour moi les jours se suivent sans joie, Ma vie se sera enfuie sans un sourire. Personne ne vient à moi, personne. Personne ne vient à moi… CD PISTE 2 BORIS BORIS Byl molod – toje niè spal, Quand j’étais jeune, je ne dormais pas non plus. No po drougoï prichinyiè Mais pour une autre raison ! Pod oknami ou tchoujikh jon pokhajival, J’allais sous les fenêtres des femmes des autres, Pyesni pyel, vral, chto v golovou pridiot Je chantais des chansons, je leur racontais A inogda i v okna zabriaisa n’importe quoi, Khorosho projyi jizn, Et parfois même, je grimpais aux fenêtres ; Iechtcho biy ya. J’ai passé du bon temps, Zinovii niè menï, On peut le dire ! Daje jenou, ouvajit niè mojet, Zinovi ne tient pas de moi : Mniè biy yevo goda, Il ne peut pas contenter sa femme, Vot biy ya, Si j’avais son âge, Ekh ! Voilà comment je serais, Ya b’yeyo Eh ! Je la... Eh, eh, eh... He, he, he... (Obrachtchaièt vnimaniiè na svièt v komnatiè (Il remarque la lumière qui brille à la fenêtre de Katiériny) Katerina.) Svièt v okniè, La lumière à sa fenêtre, Niè spitsia ieï, navièrno. Ça veut dire qu’elle ne dort pas, sans doute. Isvièstno, jenchtchina molodaia : Pas étonnant, elle est jeune : Krov, znatchit, igraiet, Normal qu’elle ait le sang chaud, A outièchatsia niè s kiem. Et elle n’a pas de quoi se calmer. Ekh ! Eh, là, là ! Boud ia pomolojè, Si j’étais plus jeune, Khot lièt na diésiatok... D’une dizaine d’années, par exemple… Togda, togda !... Eh bien alors, alors !… Jarko bylo b ièï ot miènia, Je lui ferai chaud au corps ; Jarko, jarko, ièï-bogou, jarko ! Oh, que je lui ferais chaud, très chaud ! Ona sama dovolna boudièt... Qu’est-ce qu’elle serait contente… Takaia zdorovaia, Une sacrée belle femme, A moujika, a moujika nièt i niet... Mais sans homme toujours sans homme, Nièt moujika... Sans homme,sans homme , 45 Bièz moujika, skoutchno babiè, Poidou k nièï, postoi. Une femme sans homme, ça s’ennuie. Tiens, je vais aller la voir. CD PISTE 3 ZINOVI Katierina ! KATIERINA Kto tam ? ZINOVI Otvoryay ! KATIERINA Niè razberou... Kto tam ZINOVI Ya... KATIERINA Kto ? ZINOVI Ya, rajzve niè slychich ? KATERINA Niè razberou ZINOVI Nu ya, Zinovii Borisovitch. Kak jivyotè, mojetè ? KATERINA Po teatram niè khodim, Po balam toje samoe. ZINOVI Tak znatchit doma vsio sidyéli ? KATIERINA Doma ZINOVI Tak ! Khorosho, nou ladno, Kak je papenka-to oumer ? KATIERINA Tak oumer, i pokhoronili s tchest’you ZINOVI A potchemou postyel’ Na dvoikh prigotovlena ? KATIERINA Vas vyo dojidalas. ZINOVI I na tom spasibo. A eto tchto za predmyet ? KATIERINA Gdyé ? ZINOVI Tut ! Skol’ko mnyé izvyéstno, Eto mujskoy poyasok. KATIERINA V sadu nashla I yubku im povyzala. ZINOVI My koe-tchto slykhali O vashikh yubkakh KATIERINA Tchto je vy slykhali ? ZINOVI Slykhali my ob amourakh vashikh mnogo... KATIERINA ZINOVY Katerina ! KATERINA Qui est là ? ZINOVY Ouvre ! KATERINA Je ne comprends pas... Qui est là ? ZINOVY Moi ! KATERINA Qui ? ZINOVY Moi, vraiment tu n’entends pas ? KATERINA Je ne comprends pas ZINOVY C’est moi, Zinovy Borissovitch (Elle lui ouvre la porte) Et comment va la vie pour vous ? KATERINA Je n’ai pas été au théâtre, Je n’ai pas été non plus au bal danser... ZINOVY (remarque le pantalon de Serguei) Ce qui veut dire que vous êtes restée tout le temps à la maison ? KATERINA C’est cela. ZINOVY Bon, très bien, d’accord, Mais comment mon père est-il mort ? KATERINA Il est mort, c’est tout, et on l’a enterré avec respect. ZINOVY Et pourquoi le lit est-il préparé pour deux ? KATERINA Je vous attendais tout le temps ZINOVY Merci pour cela (remarque la ceinture de Sergueï) Et ce truc-là c’est quoi ? KATERINA Je l’ai trouvée dans le jardin et j’ai attaché ma jupe avec. ZINOVY Nous avons entendu dire des choses Au sujet de vos jupes. KATERINA Et qu’avez-vous entendu dire ? ZINOVY Nous avons beaucoup entendu parler de vos amours... KATERINA Et qu’est-ce qu’on vous a dit ? ZINOVY Tout, absolument tout, 46 Tchto slykhali ? ZINOVI Vsio slykhali, vsio, vsio, vsio ! KATIERINA Ia niè lioubliou, kogda so mnoï Govoriat nakhalno. Obiasnitiè mniè vy, O kakikh takikh amourakh govoritiè ? Vy nitchièvo niè znaiètiè sovisièm, A ia vsio znainou. Niè pozvoliou govorit so mnoï O moikh amourakh vam i protchim, Niè vam miénia soudit, Niè lièz, protivny, jalki ; Dajè niè mogou skazat, tchto mouj, A prosto pièn, brièvno, Khily, slaby, kak ryba kholodny. Ty protivièn mniè. Akh ty, jalki kouptchik ! Tout, tout,tout ! ZINOVI Smotri, Katiérina, Bolno ty riètchisto stala. Govorich, kak pichèch : Tchto takoïè ? Potchièmou takiè naglyiè zamachki ou tiébia ? Nièdarom govoriat, Tchto izmièlna ty mniè. Pogoditiè, Katiérina, Vsio ouznaiou i nakajou tiébia Ia jestoko, bolno, bolno Bolno vysiékou tiébia. Ia mouj tvoï piériéd bogom i tsariom. Ia otviètchaiou za tchiést siémi. Skaji mniè pravdou ! ZINOVY Dis-moi, Katerina, Tu es devenue bien éloquente. Tu parles comme un livre. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que c’est que ces allures, Cette insolence ? Ça doit être vrai, ce qu’on dit, Que tu me trompes, Attendez Katerina, je finirai par savoir, Quand je saurai, je te punirai et je serai méchant, Et ça fera mal, très mal, très mal, très mal, Je te battrai jusqu’au sang. Je suis ton mari devant Dieu et le tsar. Je dois répondre de l’honneur de ma famille. Dis-moi la vérité. KATIERINA Diya tchevo ? ZINOVI Skaji mniè pravdou ! KATIERINA Nye khotchou i govorit’ ya. Vsio ravno vyed’jalki kouptchik, Nitchévo ty niè poïmyosh ZINOVI Nou-ka, nou-ka, poluchi ! KATIERINA Ay ! Ay ! Sergeï, Sergeï ! KATERINA A quoi bon ? ZINOVY Dis-moi la vérité ! KATERINA Je ne veux plus te parler, Après tout tu n’es qu’un minable petit marchand, Tu ne comprendras jamais rien ! (il la bat avec la ceinture) ZINOVY Tiens, prends ça ! KATERINA Aïe, aïe, Sergueï ! CD PISTE 4 KATIERINA Etovo niè boudet. SERGEÏ Katiérina Lvovna, Katienka, Ia niè kaki drugié prochiè, Kotorym vsio bezrazlitchno. Lish by sladkim jenskim tyelom Polakomitsa. KATERINA Et moi je n’aime pas Qu’on soit insolent avec moi. Alors expliquez-moi De quelles histoires vous parlez ? Vous ne savez rien du tout, Mais moi, si, je sais. Je ne permets pas que l’on me parle ainsi De mes histoires, ni à vous, ni à personne. Ce n’est pas à vous de me juger. N’approche pas, tu me dégoûtes, pauvre type. Est-ce que tu es un mari pour moi ? Plutôt une bûche, une souche, Rabougri que tu es, faiblard, Froid comme un poisson. Tu me dégoûtes ! KATERINA Cela ne se sera pas. SERGUEÏ Katerina Lvovna, ma Katya Je ne suis pas comme les autres hommes Qui sont indifférents à tout Du moment qu’ils peuvent se régaler Du corps d’une douce femme. 47 Vïed ya delikatny. Ia tchoustvouyou, shto takoé lioubov. Akh, zachem ia tiébia polioubil. K tebyé li lioubovïou mnye pilat’. I ravze éto potchgot diya tiébia, Imenitoï koupchikhi, Moïei polioubovnitseï byt ? Akh, Katia, ia b khotïei pïered bogom Stat tvoïm souprougom ! A tak tchto. I vidimsa my tol’ko notchou. A pri solnychkè boïmsa Pokazat’sa lyudyam na glaza. Moi, je suis un homme sensible, J’apprécie ce que c’est que l’Amour. Ah, pourquoi t’ai-je aimée ? Je brûle de passion pour toi, Serait-ce un honneur pour toi, Une riche marchande, D’être ma maîtresse ? Ah, Katya, je voudrais être Ton époux devant Dieu ! Mais voilà la situation : Nous ne nous voyons que la nuit, Nous avons peur de nous montrer À la lumière du jour, aux yeux des gens. CD PISTE 6 ZADRIPANNYI MOUJITCHOK Ou menia byla kouma, Pit’lioubila byez uma, oukh ! Ou menia byl mily svat, Na vino i vodkou, khvat, oukh ! Kriostni batia toje byl, Khorosho pokoynik pil, oukh ! Oukh ! Oukh ! Oukh ! Byez vina moia vodnya Niè mogla projit i dnia, oukh ! Nou a tchem ia khuje diu ? Douiou vodkou za troikh, oukh, oukh ! Natchinayou pit’s outra, Notchni, dni i vetchera, Zimu lïeto i vesnou, P’iou pokouda niè zasnou, oukh ! Boudou pit’ ia tseli vyek, Ia douchevni tchelovyek, oukh ! Oukh ! Oukh ! Oukh ! LE BALOURD MITEUX J’avais une commère, Elle aimait boire sans limite, hic ! J’avais un bon copain, Toujours à boire vin et vodka, hic ! Mon parrain, le grand buveur, Aurait bu jusqu’à plus soif, hic ! Hic, hic hic ! Sans vin, ma famille Ne pouvait vivre un seul jour, hic ! Je ne suis pas plus mauvais qu’eux ! Je bois de la vodka pour trois, hic, hic ! Je commence à boire dès le matin, Je bois la nuit, le jour, le soir, L’hiver, l’été et le printemps, Tout le temps que je ne dors pas, hic ! Je pourrais boire jusqu’à la fin des temps, Parce que je suis un joyeux compagnon, hic ! Hic ! Hic ! Hic ! CD PISTE 7 SVIACHTCHENNIK Kto krashè sontsa v nyèbé, a ? GOSTI Nikovo niet krashè sontsa v nyèbé ? Da ! SVIACHTCHENNIK An’ïest ! An’ïest krashè sonsta v nyèbé, ïest ! Kto ? GOSTI My niè znaem krashè sontsa v nyèbé, nikovo ! SVIACHTCHENNIK Katierina Lvovna krashè sontsa v nyèbé. Mm... e... vesma prelïestna ! Mm... routchkou... Gorko ! GOSTI Gorko ! Gorko ! SVIACHTCHENNIK He, he, he !... Zastydilis ? CD PISTE 8 SONIETKA Spasibo, Katierina Lvovna, Za tchoulki spasibo ! LE PRÊTRE Qui est plus beau que le soleil dans le ciel ? LES INVITÉS Personne n’est plus beau que le soleil dans le ciel, non ! LE PRÊTRE Si ! Il y a quelqu’un de plus beau que le soleil dans le ciel ! Qui ? LES INVITÉS Nous ne connaissons personne de plus beau que le soleil dans le ciel ! LE PRÊTRE Katerina Lvovna est plus belle que le soleil dans le ciel, uhm... euh... elle est tout à fait charmante ! Uhm... votre main... Un baiser ! LES INVITÉS Un baiser ! Un baiser ! LE PRÊTRE Hé, hé, hé !... Vous êtes timides tout d’un coup ? SONIETKA Merci, Katerina Lvovna, Merci pour les bas ! 48 Posmotri, kak krasivo Na moikh nogakh sidïat. Seryoja mniè ikh nadeval I nogi potseluyami mniè sogreval. Akh Seryoja, moï Seryoja, Katierina doura, Niè sumïela uderjat Sergeïa. Ekh doura ! Ekh doura ! A tchloukotchki niè vidat’, Oni tièper moi, vidish ? Mnïè tièper teplo ! Regarde comme ils vont bien sur mes jambes ! C’est mon petit Sergueï qui me les a mis, Et qui m’a couvert les jambes de baisers pour me tenir au chaud. Ah, mon petit Sergueï chéri ! Katerina, tu es vraiment sotte, Tu n’as pas su garder ton Sergueï ! Quelle sotte, mais quelle sotte ! Tu ne reverras plus tes bas, Maintenant ils sont à moi, tu vois ? Maintenant c’est moi qui ai chaud ! CD PISTE 9 BORIS ...Niè tchoustvouèté ? RABOTNITSY I RABOTNIKI Tchouvstvouièm ! Zatchièm jè ty ouièzjaièch, khoziain, Zatchièm ? Zatchièm ? Na kovo ty nas pokidaièch ? Na kovo ? Na kovo ? Bièz khoziaina boudièt skoutchno, Skoutchno, tosklivo, bièzradostno, Dom bièz tièbia niè dom, Rabota bièz tièbia niè rabota. Niè rabota, niè rabota. Vièsièlié bièz tiébia niè vièsièlié. Vozvrachtchaïsia kak mojno skorieï ! Skorieï ! BORIS N’avez-vous aucun chagrin ? CD PISTE 10 KATORJNITSY I KATORJNIKI Ekh vy, stiepi neob’yatnyiè, Dni i nochi beskoniètchnyiè, Nashi doumy bezotradnyiè, I jandarmy besserdètchnyiè. Ah... OUVRIERS ET OUVRIERES Oh si, que nous avons du chagrin ! Pourquoi faut-il que tu partes, patron, Pourquoi, pourquoi ? Pour qui tu nous abandonnes ? Pour qui, pour qui ? Quel ennui sans notre maître, Quel ennui, quelle tristesse ce sera. La maison sans toi, ce n’est plus la maison, Le travail sans toi, ce n’est plus le travail, Plus le travail. La joie sans toi, ce n’est plus de la joie . Reviens vite ! Bien vite ! LES BAGNARDS Oh, vous, les steppes, vous êtes interminables, Les jours et les nuits n’en finissent plus. Nos pensées sont sans joie Et les gendarmes sont sans coeur. Ah... 49 Les jeunes au cœur du Grand Théâtre Programme pédagogique réalisé avec le soutien de la Fondation Julius Bär pour l’éveil culturel et du département de l’instruction publique du canton de Genève Genève, Septembre 2006 Madame, Monsieur, Nous avons le plaisir de vous transmettre en annexe deux questionnaires élaborés à votre intention et à celles de vos élèves. Nous vous remercions de bien vouloir remettre ce document à chacun de vos élèves et de nous les renvoyer remplis accompagnés du vôtre, à l’issue du parcours pédagogique que vous aurez suivi. Ceci nous permettra d’évaluer l’intérêt et la pertinence de nos propositions et de savoir si, grâce à ce programme, les jeunes ont éprouvé du plaisir à entrer dans le monde de l’opéra. Nous vous remercions pour cette ultime participation et espérons avoir le plaisir de vous revoir lors d’une prochaine saison. Kathereen Abhervé 022.418.31.72 e.mail : [email protected] Christopher Park 022.418.31.88 e.mail : [email protected] 50 Questionnaire pour l’enseignant(e) • Quelle matière enseignez-vous ?……………………………………………………………… • Quel est le degré de votre classe ? ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... .. • Est-ce la première fois que vous participez à un programme pédagogique du Grand Théâtre ? Non (2ème, 3ème, …) Oui • De manière générale, êtes-vous satisfait(e) de votre expérience au Grand Théâtre ? (veuillez indiquer votre degré de satisfaction sur une échelle de 1 à 5, 1 : insatisfait – 5 : très satisfait) 1 • 3 2 5 4 Le programme pédagogique comporte plusieurs étapes: 1 2 3 4 5 Ateliers Visites (théâtre, ateliers) Répétition générale • Que proposeriez-vous comme autres activités? ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… • Souhaiteriez-vous soumettre un projet pédagogique en rapport avec le Grand Théâtre, choisi avec votre classe ou votre école, qui serait développé avec la collaboration du Grand Théâtre ? ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… • Remarques, suggestions ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… 51 Dossier pédagogique • Le dossier pédagogique qui vous a été remis correspondait-il à vos attentes ? 1 • 2 3 4 5 Pensez-vous que le dossier pédagogique soit un outil pertinent et complet pour préparer votre enseignement? 1 2 3 4 5 Comment avez-vous utilisé le dossier pédagogique en classe ? Ecoute du CD Lecture du livret Utilisation des pistes d’enseignement ou activités proposées Pour préparer votre propre enseignement sur l’oeuvre oui non Autre (préciser) ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... .... ... ... ... ... ... ... ........ ... .......... ... Etait-il en adéquation avec le niveau et l’âge de vos élèves ? • oui non Quels ont été les activités ou travaux réalisés en classe avant et après le parcours pédagogique ? ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ... ... ... ... ... ... …………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………… …... ... 52 Questionnaire pour les élèves Savais-tu ce qu’était l’opéra ou le ballet avant de venir au Grand Théâtre ? • non Quelle a été ta première réaction lorsque le professeur t’a proposé d’aller voir un opéra ? (indique ton degré de satisfaction sur une échelle de 1 à 5, 1 : insatisfait – 5 : très satisfait) 1 • oui 3 2 5 4 Comment as-tu trouvé : 1 2 3 4 5 le spectacle en général les voix/la danse la musique les décors les costumes la durée du spectacle • As-tu aimé les visites : 1 2 3 4 5 du Grand Théâtre/BFM des ateliers • Quelle activité as-tu préférée ?……………………………………………………………… ... • Est-ce que la préparation en classe t’a aidé(e) à comprendre le spectacle ? 1 • 2 3 Est-ce que tu aimerais revenir au Grand Théâtre ? 4 5 oui non 53