Quatuor à cordes n°8 en Ut mineur (op.110) de Dimitri Chostakovitch De l’ironie à la révolte en passant par la résignation… L’histoire veut que ce quatuor, expressionniste et spectaculaire ait été écrit entre le 12 et 14 juillet 1960, sous l’impression (pour ne pas dire le choc) ressentie par Chostakovitch pendant sa visite de Dresde. Cette partition amère et violente à un caractère autobiographique et nous décrit bien l’atmosphère de l’époque de la guerre froide Chostakovitch cite musicalement plusieurs de ces œuvres : Lady Macbeth, la première symphonie, la 5ème. Il y fait entendre un chant russe à la mémoire des victimes de la Révolution… et reprend un thème Yiddish (=musique juive) qu’il a déjà utilisé dans son 2ème Trio… 1) Le largo (1er mouvement) débute sur la signature musicale du compositeur (D S C H) (= ré, mi bémol, do, si) au violoncelle, repris en canon par l’alto, le second violon et enfin le premier violon, hommage évident au « B A C H » utilisé par Jean-Sébastien Bach lui-même, l’expression est ici celle de la douleur : Il se poursuit dans la demi-teinte entre le pianissimo et le piano espressivo – le seul léger sursaut provenant de la citation extraite de la première symphonie. 2) L’allegro suivant (2ème mouvement) forme une sorte de mouvement perpétuel effréné confié au premier violon qui mène cette danse de fureur jusqu’à un contre fa# (note très aigüe) point culminant au plan du registre, mais qui ne s’essouffle que bien plus loin pour ne plus lancer que des lambeaux du thème caché, emprunté à la mélodie juive utilisée dans le trio n°2. Les autres instruments ponctuent cet énoncé du thème chromatique au premier violon par des sforzandos (=renforcement du son) qui sont comme des coups de poignard. 3) L’allegretto qui s’enchaine est attaqué en triple forte au premier violon et utilise le thème d’ouverture du 1er concerto pour violoncelle contemporain. Chostakovitch manie ici remarquablement bien l’ironie en superposant une mélodie joyeuse issue de sa signature musicale sur un accompagnement sombre de valse. Le tout est grinçant et Chostakovitch nous fait comprendre que l’enferment qu’il dénonce dans ce quatuor est le sien lui-même. Chostakovitch était en effet en tant que compositeur officiel obligé de servir le régime de Staline en fournissant des œuvres qui le commémore comme par exemple la célèbre symphonie Stalingrad… 4) Le deuxième largo qui suit, expression de l’horreur, est un chant funèbre, proposant une citation du Dies Irae (chant de la messe des morts depuis le Moyen-âge) ainsi qu’un air déchirant de l’opéra Macbeth, confié au violoncelle dans le registre aigu. Les paroles correspondantes dans l’opéra parlent d’une cruelle captivité… 5) Le dernier mouvement est encore un largo, qui cite de nouveau faiblement la signature du compositeur et retourne à l’atmosphère de douleur du premier mouvement, puis s’achève morendo (= en faisant mourir le son) dans l’extrême grave.