L`IMPACT DES MARCHES FINANCIERS SUR LA GESTION DES

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« La rédaction de ce document a été achevée en juillet 2000. »
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Remerciements
La démarche de cette recherche a reposé en partie sur une mission effectuée aux Etats-Unis auprès des différents
acteurs de la pension industry ainsi que sur des entretiens avec des universitaires, chercheurs, et syndicalistes
américains. En France, nous avons réalisé des entretiens auprès de divers responsables des plus grands groupes
français, ainsi qu’auprès de responsables de cabinets de conseil, de syndicalistes et de divers acteurs des marchés
financiers (représentants des actionnaires, autorités de marché). Qu’ils trouvent ici collectivement l’expression de
nos remerciements.
Nous voudrions mentionner également l’aide de Jean-Pierre Ponssard (laboratoire d’économétrie de
Polytechnique). Enfin, cette recherche n’aurait pu être réalisée sans un soutien financier de la Dares et a bénéficié
des remarques d’Alain Gubian, de Thomas Coutrot et de Rachel Beaujolin. Si nous assumons pleinement la
responsabilité du contenu du rapport et de ses principales conclusions, les échanges que nous avons eus avec eux
ont contribué à enrichir notre réflexion et notre démarche.
Institut de Recherches Economiques et Sociales
16, boulevard du Mont d’Est – 93192 – Noisy-le-Grand cedex – tel. 01 48 15 18 90
* Sabine.montagne@ires-fr.org, tel. 0148151912 , Catherine.sauviat@ires-fr.org , tel. 0148151913.
1
SOMMAIRE
I. RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE 2
II. PRÉSENTATION GÉNÉRALE 7
III. ÉVALUATION DE L’ENTREPRISE PAR LE MARCHE BOURSIER : LE RÔLE DE L’ANALYSE
FINANCIÈRE 9
A. Les méthodes d’analyse financière 10
B. La relation salariale dans l’évaluation 19
C. Conclusion 32
D. Bibliographie 33
IV. LES CARACTÉRISTIQUES ET LES COMPORTEMENTS DES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS
AMÉRICAINS : LES FONDS DE PENSION ET LES MUTUAL FUNDS 35
A. L’epargne-retraite et la puissance financière des fonds de pension américains 37
B. La progression spectaculaire des Mutual funds américains comme réceptacle privilégié de l’épargne salariale et
des ménages 43
C. Conclusion 54
D. Bibliographie 57
E. Tableaux 59
V. L’IMPACT DE LA MONDIALISATION FINANCIÈRE SUR LA GESTION SOCIALE DES ENTREPRISES
EN FRANCE : QUELQUES RÉSULTATS EXPLORATOIRES 67
A. Les transformations du capitalisme français et le développement d’une économie de fonds propres 68
B. La création de valeur actionnariale, nouveau credo gestionnaire ? 72
C. Les exigences de transparence : un dialogue croissant et très codifié avec les marchés 76
D. Les attentes des investisseurs institutionnels en matière de gestion sociale et la perception qu’en ont les
responsables des ressources humaines 79
E. Des systèmes de rémunération et d’allocation des ressources dédiés en fonction des catégories de main-d’oeuvre85
F. En guise de conclusion : la mondialisation financière, un facteur important mais non exclusif de transformation
du rapport salarial 98
G. Bibliographie 102
H. Annexes 104
2
I. RESUME DE L’ETUDE
Cette enquête exploratoire analyse les mécanismes de diffusion du mode de contrôle des marchés
financiers sur la gestion sociale d’un petit échantillon de grands groupes français industriels,
financiers et de services. Notre hypothèse de départ est que cette diffusion est façonnée tant par les
méthodes d’analyse financière qui guident le comportement des investisseurs institutionnels que par le
contexte concurrentiel donné dans lequel les entreprises déploient leurs stratégies et par les autorités
gouvernementales et de régulation boursières qui facilitent, par des mesures législatives appropriées,
la réalisation de ces objectifs. Ces acteurs répondent chacun à des objectifs spécifiques mais leurs
comportements entrent en interaction pour produire, à un moment donné, des représentations
communes et finissent par établir de nouvelles règles du jeu économiques et financières.
1. Le rôle du discours technique du marché boursier sur l’entreprise
Compte tenu de la démarche proposée, nous avons choisi dans un premier temps de faire le point sur
l’évolution de l’analyse financière au cours des années 1990 et de mesurer la place prise par la gestion
sociale dans les préoccupations des analystes financiers. Les principaux résultats de cette étude
peuvent être résumés sous la forme d’un paradoxe apparent. Les méthodes d’analyse financière
évoluent, au cours des dix dernières années, vers une prise en compte dynamique et à moyen terme
des perspectives de l’entreprise au détriment de méthodes purement boursières, statiques et de très
court terme. Les analystes financiers, dont les rapports d’analyse constituent la base pour la prise de
décision des investisseurs, attachent de plus en plus d’importance à l’activité réelle de l’entreprise, à
sa stratégie à moyen terme et aux moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs annoncés, et
dépassent ainsi l’horizon « court termiste » qui leur est souvent imputé. Mais simultanément, et de
façon apparemment contradictoire, la gestion collective déléguée qui se développe aux Etats Unis et
fait émerger des investisseurs institutionnels puissants contribue à une accélération des taux de
rotation de portefeuille.
La prise en compte de la gestion sociale dans l’analyse financière semble, elle aussi, évoluer au cours
de cette période, quoique de façon plus nuancée. La préoccupation de moyen terme qu’on a relevée
chez les analystes leur permet de tenir compte de certains éléments de la gestion de l’entreprise
traditionnellement délaissés car ayant des conséquences sur un horizon temporel dépassant largement
l’horizon d’évaluation du marché boursier. Il en est ainsi pour la gestion des ressources humaines,
quoiqu’elle ne fasse pas l’objet d’un traitement quantitatif chez les analystes opérationnels. On
constate en revanche l’existence de projets, publiés dans les revues de professionnels, qui visent à
intégrer cette dimension dans l’évaluation quantitative. Enfin, lorsqu’on interroge directement les
analystes, ceux-ci reconnaissent que la gestion sociale est un facteur de rentabilité. Cet impact est
cependant perçu la plupart du temps en terme négatif : la gestion des ressources humaines est plutôt
conçue pour prévenir tout conflit et peu mobilisée pour expliquer un accroissement du produit et de la
3
rentabilité de l’entreprise sauf en ce qui concerne une fraction des effectifs, les profils qualifiés,
techniciens ou managers, supposés apporter une valeur ajoutée décisive.
Cette relative absence de prise en compte de la gestion sociale par l’analyse financière apparaît tout à
fait contradictoire avec les pratiques très élaborées de gestion des ressources humaines (RH) que les
DRH ont mises en place au cours des années 1990 : les modifications d’organisation du travail, les
réductions d’effectifs, l’utilisation optimisée des différentes formes de contrat de travail constituent
une préoccupation permanente de l’entreprise pour accroître son résultat opérationnel. Face à cette
politique d’entreprise, les analystes sont effectivement directement intéressés par les conséquences de
ces opérations de gestion de RH sur la concurrence, les parts de marché, les coûts mais ils ne se
placent pas en position d’évaluer la pertinence d’une gestion de RH et font confiance ” aux
dirigeants. Ils jugent qualitativement les actions en matière de RH selon un référentiel général diffus
et mesurent seulement leurs conséquences chiffrées. Cette apparente contradiction peut s’interpréter
soit en supposant que le risque social est complètement diversifié (et seule sa composante macro-
économique est observable au niveau du cours), soit en arguant d’un coût élevé de traitement des
données sociales, du fait de leur grande complexité.
2. Les comportements des investisseurs institutionnels américains
Dans un second temps, nous nous sommes efforcés de mettre en évidence les comportements des deux
types d’acteurs le plus massivement présents au capital des grandes entreprises françaises, les fonds
de pension (FP) et les mutual funds (MF) d’origine américaine. On montre que les situations
institutionnelles et concurrentielles respectives de ces deux types d’institutions financières les
conduisent à adopter des styles de gestion d’actif spécifiques et des stratégies distinctes en matière de
contrôle des performances des entreprises, donc à exercer une pression différente sur les entreprises.
Les FP américains n’ont pas tous la même contrainte de passif : certains sont tenus de verser des
retraites aux bénéficiaires des régimes lorsque leurs salariés partent en retraite et supportent en
conséquence le risque de placement de l’épargne accumulée dans le fonds (les fonds à prestations
définies). Ils peuvent soit gérer directement cette épargne, soit en déléguer la gestion à des
gestionnaires de fonds spécialisés, filiales de banques ou de compagnies d’assurance, etc. Les autres
(les fonds à cotisations définies), de plus en plus nombreux, ont choisi de se libérer de cette contrainte
et de reporter sur le salarié le risque financier. Ceux-là délèguent en général à des gestionnaires de
MF (ou à des gestionnaires indépendants). En conséquence, les FP à prestations définies ont des
objectifs de long terme et pratiquent plus volontiers une gestion indexée (notamment les FP du secteur
public). En revanche, les gestionnaires de MF ont des horizons de gestion plus courts et recherchent la
performance financière pure sans autre considération. Sous la pression de la concurrence interne au
secteur et à la réglementation de la Securities Exchange Commission (SEC), ces derniers cherchent
souvent à « battre le marché » et montrent des taux de rotation de leur portefeuille plus élevés que les
4
autres acteurs de la gestion d’actifs. Or les gestionnaires de MF ne cessent de gagner des parts de
marché de l’épargne retraite institutionnelle. Et leurs pratiques semblent de plus en plus calquées sur
celles des hedge funds, connus pour leurs comportements de traders et leurs placements
particulièrement volatils et spéculatifs, dont les techniques se popularisent chez les investisseurs
institutionnels.
Les FP les plus importants (notamment ceux du secteur public) ont tendance à gérer de façon indexée.
De ce fait, leurs décisions de placement ou de désengagement boursier sont fonction de l’évolution de
l’indice choisi. Ils ne peuvent en outre entrer et sortir comme ils l’entendent sans influencer fortement
les cours boursiers, compte tenu des montants investis. Cette situation les conduit à donner de la voix
plutôt qu’à vendre lorsqu’ils sont mécontents des performances d’une entreprise dont ils détiennent
une part du capital. Ainsi, ils participent aux assemblées générales et engagent des batailles de
résolution, mais sur des enjeux relativement standards. Cette forme d’activisme a un coût élevé et les
résultats en sont peu convaincants. En revanche, les gestionnaires de MF, dont les contraintes de
liquidité sont plus fortes que celles des FP, ont des politiques de placement ciblées en fonction des
performances des entreprises. Ils ne cherchent pas en général à exercer leurs droits de vote. Ils optent
plutôt pour un désengagement rapide en cas de désaccord avec les directions sur lesquelles ils
exercent une pression permanente par le biais de contacts systématiques et d’une demande continue
d’informations.
3. Les conséquences sur la gestion sociale des entreprises françaises
L’enquête menée auprès de dix entreprises françaises a permis de mieux situer l’influence des
marchés financiers. L’enquête confirme que les données sociales sont marginales dans l’échange
d’information entre l’entreprise et les financiers mais qu’au contraire, le développement de la
communication financière ” entre entreprise et investisseurs constitue l’évolution majeure, sur la
période, et la marque la plus visible des changements organisationnels liés à l’immixtion des marchés
financiers dans la vie des sociétés cotées. Le thème de la création de valeur est un des supports de
cette communication. Il apparaît comme un objet relativement conventionnel à partir duquel les
entreprises témoignent de leur « allégeance » aux financiers sans pour autant constituer un réel outil
de pilotage interne. Les indicateurs essentiels utilisés restent traditionnellement le BPA (bénéfice par
action) et le ROE (retour sur fonds propres), le résultat opérationnel étant quant à lui toujours suivi
avec beaucoup d’attention par les deux parties. Cependant, la stratégie générique que véhicule l’EVA,
qui passe par un usage parcimonieux du capital, trouve sa traduction en France par des actes bien
réels, à savoir la multiplication des rachats d’action, entrepris systématiquement par les entreprises du
CAC 40 depuis deux ans.
Si la gestion sociale est relativement absente de la communication financière, il n’en reste pas moins
que certaines politiques sociales sont les bienvenues auprès des financiers. Mais ce sont surtout les
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