Rôle infirmier au cours de l’intubation en réanimation?
Boris Jung, Christine Bernard, Gérald Chanques, Albert Prades, Nans Rossel,
Moussa Cissé, Samir Jaber.
Unité de Réanimation et Transplantation
Service d'Anesthésie-Réanimation B (SAR B)
Hôpital Saint Eloi - CHU Montpellier
34295 MONTPELLIER, France
Correspondance:
Pr Samir JABER
Unité de Réanimation et Transplantation
Service d’Anesthésie-Réanimation B
CHU-MONTPELLIER ; HOPITAL SAINT ELOI
80, avenue Augustin Fliche
34295 Montpellier Cedex ; France
Tél : 04.67.33.72.71
Fax: 04.67.33.74.48
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1. EPIDEMIOLOGIE ET COMPLICATIONS
L’intubation en urgence s’effectue la plupart du temps chez un patient hypoxique
ayant une hémodynamique précaire et dont la vacuité gastrique est rarement
acquise. L’instabilité de ces patients rend l’intubation trachéale à haut risque [1-4].
Bien qu’il existe des recommandations clairement codifiées pour l’intubation réalisée
au bloc opératoire [5], peu de données sont disponibles concernant cette pratique en
milieu de réanimation [6]. Dans plusieurs études rétrospectives, l’incidence des
complications graves au décours de l’intubation était comprise entre 20 et 35% [1-3,
7]. L’objectif de cette mise au point est de proposer une procédure de sécurisation de
l’intubation en situation d’urgence de l’adulte afin de limiter la survenue de
complications graves au décours immédiat de l’intubation.
PROPOSITIONS DE SECURISATION DE LA PROCEDURE D’INTUBATION EN
URGENCE
1.1. PERIODE PRE-INTUBATION
L’intubation en urgence, en dehors de l’arrêt respiratoire et/ou circulatoire, laisse le
plus souvent la possibilité d’un temps de préparation et d’évaluation de quelques
minutes. Ce temps doit être mis à profit pour anticiper les difficultés techniques de
l’intubation et pour limiter la survenue des complications.
L’intubation difficile prévisible doit être systématiquement recherchée avant
toute intubation. Plusieurs scores prédictifs [8, 9] ont é veloppés et si leur
réalisation peut être parfois difficilement réalisable en situation préhospitalière, des
signes cliniques simples (tableau 1, figure 1) peuvent être recherchés y compris dans
des situations de détresse vitale. Les facteurs associés à une ventilation au masque
difficile sont l’âge > 55 ans, la présence d’une barbe, l’absence de dents, une
surcharge pondérale définie par un index de masse corporel (IMC) > 26 kg/ m2, la
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limitation de la protrusion mandibulaire et la présence de ronflements [10]. La
présence de deux de ces facteurs est prédictive d’une ventilation au masque difficile.
La présence de ces signes doit faire appeler un aide expérimenté en renfort et faire
anticiper des techniques alternatives d’accès aux voies aériennes [5, 11]. Il est
important de rappeler que la finalité de la gestion des voies aériennes ne se
limite pas à l’acte de l’intubation, mais avant tout à la possibilité de ventiler le
patient en assurant une oxygénation satisfaisante.
L’optimisation de la préoxygénation avant la laryngoscopie va permettre
d’augmenter les réserves en oxygène qui sont diminuées chez le patient
hypoxémique. Chez le patient en détresse vitale, souvent hypoxémique, la
préoxygénation en pression positive par Ventilation Non Invasive permet de diminuer
la vitesse de désaturation lors de la laryngoscopie et permet de maintenir une
oxygénation supérieure à celle obtenue après préoxygénation classique [12]. Nous
proposons systématiquement une préoxygénation en VNI qui en pratique utilise le
masque facial d’anesthésie présent dans chaque chambre de réanimation, maintenu
par l’opérateur sur le visage du patient, à FiO2 1 et à faibles niveau de pressurisation
(5<AI<15 cmH2O ; PEP 5 cmH2O) permettant d’obtenir un volume courant expiré de
6 à 10ml/kg. La durée de la VNI en préoxygénation est celle cessaire à la
préparation des drogues anesthésiques d’induction et d’entretien de la sédation et
celle de la préparation du plateau d’intubation (tableau 2).
L’optimisation de l’état hémodynamique par un remplissage vasculaire
(250 à 500 ml) peut permettre de limiter les conséquences hémodynamiques des
médicaments de l’anesthésie et ce même en l’absence d’hypotension préalable [13,
14]. En présence d’une hypotension sévère avant l’induction, il faut savoir proposer
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l’introduction d’amine vasoconstrictrice avant l’intubation, ce d’autant qu’il existe
une tension artérielle diastolique basse (<35 mmHg) (tableaux 2 et 3).
1.2. PERIODE PER-INTUBATION
Choix des médicaments d’anesthésie
En dehors de l’arrêt circulatoire, l’intubation oro-trachéale sans dation
(intubation vigile) entraîne une augmentation importante de l’incidence d’intubation
difficile, peut augmenter la pression intracrânienne, la pression artérielle et provoquer
un bronchospasme [14]. L’intubation en urgence est une intubation à estomac plein
dans la grande majorité des situations, chez un patient souvent hypoxémique et
précaire sur le plan cardiovasculaire. Les médicaments anesthésiques doivent donc
avoir un délai d’action court et peu d’effets létères hémodynamiques. C’est pour
cette raison, qu’en dehors de situations particulières (intubation pour lésion
neurologique intracrânienne isolée; médicale ou chirurgicale), les drogues comme le
thiopental (Pentothal , 3 à 6mg/kg) ou le propofol (Diprivan , 1,5 à 3 mg/kg) ne sont
pas recommandées en première intention.
Les deux agents hypnotiques répondant aux caractéristiques
pharmacologiques requises (délai d’action rapide et tolérance hémodynamique) sont
la kétamine (Kétalar ) et l’étomidate (Hypnomidate ).
A dose anesthésique (1 2 mg/kg), la kétamine (délai d’action : 1min, durée
15mins) entraîne un effet dépresseur respiratoire modéré, une bronchodilatation, une
augmentation de la pression artérielle et du débit cardiaque associé à une
tachycardie [15]. Les effets indésirables rapportés sont une tachycardie, une
augmentation de la pression intracrânienne, des effets psychodysleptiques
(hallucinations), une hypersialorrhée et son utilisation est contre-indiquée en cas de
coronaropathie instable ou d’hypertension intracrânienne [14, 15]. Elle est une
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molécule de choix pour l’état de mal asthmatique. A dose anesthésique (0,3-0,5
mg/kg), l’étomidate (délai d’action : 30s, durée 3-10mins) entraîne une
vasoconstriction cérébrale associée à une diminution de la consommation en O2,
une diminution modérée de la pression artérielle sans modification de la fréquence
cardiaque ou des pressions de remplissage et un effet dépresseur respiratoire faible.
L’utilisation de curares améliore le confort de l’intubation et diminue le risque
d’inhalation lors de l’intubation de patients à estomac plein [16-20]. Les deux
molécules permettant une curarisation rapide sont la succinylcholine (Célocurine )
et le rocuronium (Esméron ) [21]. Les morphiniques ne sont habituellement pas
recommandés dans l’intubation à séquence rapide, ils peuvent être discutés dans les
intubations « programmées » en réanimation.
La manœuvre de Sellick, recommandée en cas d’estomac plein, consiste en
l’application d’une pression antéro-postérieure sur le cartilage cricoïde, d’une force
égale à celle qui entraîne une douleur lors du pincement de l’aile du nez). Elle a pour
but de limiter le risque d’inhalation de liquide gastrique mais doit être absolument
relâchée en cas de vomissements car elle favoriserait ainsi la rupture de l’œsophage
dans le médiastin. Elle est contre-indiquée en cas de traumatisme rachidien cervical
instable [18].
Matériel et lames de laryngoscope
Le matériel nécessaire pour l'intubation trachéale doit être listé,
immédiatement disponible et vérifié quotidiennement. Un chariot d’intubation difficile
devrait être disponible dans chaque unité de réanimation [5, 11]. Les lames
métalliques diminuent le risque d’intubation difficile en comparaison aux lames
plastiques [22].
1.3. PERIODE POST-INTUBATION
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