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Fissure
L’état des finances publiques com-
mence à inspirer de
sérieuses inquiétudes.
L’année dernière s’est
terminée sur une explo-
sion du déficit. Il s’est
situé à 35 milliards de
DH. Pour l’année 2010, on espérait
maintenir le déficit du Trésor par
rapport au PIB aux alentours de
4%, ce qui est déjà au-dessus du
niveau cible. C’est donc raté. Pour-
tant, c’est le démarrage de l’année
2011 qui suscite le plus d’inquié-
tude. Effectivement, l’expansion
des dépenses publiques ordinaires
se poursuit. Avec un chiffre ren-
versant: plus 19% sur un seul
mois! Le premier poste d’explo-
sion est bien évidemment celui des
subventions à la consommation. Le
malheur est que cette première
explosion en cache une autre, celle
des dépenses ordinaires. A elles
seules, ces dépenses ordinaires ont
bondi de plus de 10%. Il s’agit
autant de matériel et fournitures
que de salaires et frais associés. Et
tout cela, alors que le dialogue
social n’avait pas commencé.
Tout cela, alors que la pression
politique du 20 février n’avait pas
commencé non plus. Les dépenses
publiques du Maroc sont
comme un accident de
centrale nucléaire: une
fissure, une fuite, la sur-
chauffe et l’explosion…
laquelle lance le même
processus de fuite et d’explosion
dans le réacteur d’à-côté. Pourtant,
on voit la reprise du ciment, de
l’appel électrique; on aura une
bonne récolte; les exportations
aujourd’hui sont classées dans la
rubrique «miracle». Et pour cou-
ronner le tout, le Maroc décroche
une super notation, dans laquelle la
composante politique est forte
alors que ce pays se croyait nul en
la matière. Nous avons donc un
divorce profond entre l’économie
réelle, celle des champs et des usi-
nes, et celle de l’État. La compen-
sation n’y joue qu’un rôle aggra-
vant. Le cœur du problème est bien
la gestion de la fonction publique
et des missions de l’État. En un
mot comme en cent, les dépenses
publiques sont hors contrôle.
L’Économiste
Revue Nationale: Éditoriaux et Chroniques
P 2
La fébrilité affichée par le Gouvernement
en ces temps de dialogue social n’a d’égale
que la maladresse avec laquelle certaines
plumes tentent de défendre son Premier
ministre. Dans son édition du 15 avril, La
Vie éco avait titré en une: «Salaires : Ab-
bas El Fassi a-t-il les moyens de ses pro-
messes ?». Quatre jours plus tard, la presse
économique a eu les honneurs d’un tir en
bonne et due forme de la part de notre
confrère Abdellah Bekkali rédacteur en
chef d’Al Alam, le journal du parti. On
présente notre ligne éditoriale comme celle
d’une «dérive dans la défense de l’intérêt
des entreprises » et on nous prie d’arrêter
notre «militantisme visant à faire échouer
le dialogue social». Si le commentaire est
libre, si le débat est bienvenu, les accusa-
tions, elles, appellent réponse. Il convient
de dire à notre confrère de relire un peu
plus attentivement ce que nous avons écrit
et de prendre le temps de se détacher de sa
logique populiste pour endosser sa cas-
quette de citoyen marocain. Dans notre
article, nous avons mis le doigt sur le fait
qu’avant même que le dialogue social ne
démarre officiellement, le Premier Minis-
tre a déjà engagé les finances de l’État à
hauteur de 5,8 milliards de DH de surplus
annuel, correspondant à la hausse de la
masse salariale dans la fonction publique.
Où est la «défense des intérêts de l’entre-
prise» dans ce cas? De quelle entreprise
parlons-nous? Nous parlons de l’État et
des finances publiques, nous parlons d’en-
gagements pris dans la précipitation et qui
risquent d’hypothéquer l’avenir. Défendre
la hausse des salaires pour compenser la
cherté de la vie c’est bien, mais que dire
quand, en six ans, la masse salariale dans
la fonction publique augmente de 35%
alors que dans le même temps le coût de la
vie, lui, n’a progressé, très exactement que
de 12,7%? Pire, pendant ce temps-là, la
productivité du fonctionnaire n’a pas aug-
menté dans les mêmes proportions que les
salaires. Pire, pendant ce temps-là, les
coûts de la compensation explosent. Pire,
en 2010, le Maroc a connu son plus lourd
déficit depuis 2005, et en 2011 on se dirige
vers le même chiffre. Voilà donc les véri-
tés que nous disons, cher confrère, et elles
sont mues par l’intérêt national, car la dé-
rive budgétaire est le plus dangereux des
ennemis. Regardez la Grèce, le Portugal et
l’Espagne. Mais peut-être que vos soucis
actuels sont plus terre à terre: la défense
des décisions du Premier Ministre, votre
camarade militant, fût-ce au détriment de
l’intérêt de l’État.
La Vie Eco
Risqué!
Qu’est-ce qui rend l’investissement si
excitant? La quête continue du profit ?
Trop facile, comme réponse. Il y a
mieux! Le risque. Cela a été démontré par les spécialistes
du management et de l’entreprise. Le risque, cette notion
si complexe, chaque businessman y fait face et la gère à sa
manière. Du coup, les grilles d’évaluation diffèrent au
moment de franchir le cap. Du flair, il en faut certes, mais
un homme d’affaires mal entouré et mal outillé, ne peut
prétendre réussir son investissement en limitant au maxi-
mum les risques d’un échec certain. Chez nous, la gestion
du risque entrepreneurial mérite bien une grande enquête,
mêlant à la fois les facteurs psychologique et économique.
À défaut de disposer d’une radioscopie en bonne et due
forme du degré de risque que supporte l’investisseur maro-
cain, il est intéressant de s’attarder sur les indicateurs dé-
voilés par l’étude commanditée chaque année par les in-
vestisseurs en capital. À priori, la situation est rassurante.
On parle même d’une tendance haussière, avec une mon-
tée en puissance des fonds sectoriels. Et le capital risque
dans tout cela? Pas de quoi sauter au plafond. En un mot,
les propriétaires des fonds ne veulent pas trop risquer leurs
billes et privilégient des investissements plus «sûrs». Bien
évidemment, une telle approche fait des victimes, à com-
mencer par les PME. Entre le manque de cran de nos jeu-
nes investisseurs et la frilosité des fonds destinés à leur
donner un coup de pouce, il y a de quoi se poser des ques-
tions. Nos PME, qui représentent quand même 95% du
tissu économique, sont elles risquées à ce point ?
Les Échos (Maroc)
La Vie Eco répond à
Al Alam