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Joueur 1 : Très rapidement, on peut dire que, selon les classiques, l’employeur a
intérêt à embaucher tant que le salaire est inférieur à la productivité marginale du
travail, c'est-à-dire à ce que produit le dernier salarié embauché, car le coût du travail
est inférieur à ce qu’il rapporte ; en revanche, dès que le salaire devient supérieur à la
productivité marginale du travail, le coût du dernier salarié embauché devient plus
élevé que ce qu’il rapporte, donc l’employeur n’embauchera pas ce salarié.
L’embauche est donc « rentable » jusqu’à ce que la productivité marginale du travail
égale le salaire : c’est le salaire d’équilibre, clef de voûte de l’équilibre sur le marché
du travail selon les classiques.
Joueur 2 : A partir de là, les classiques avancent que le chômage ne peut être que de
frottement, c'est-à-dire frictionnel : un chômage de court terme lié aux délais
d’ajustement, ou bien volontaire quand les travailleurs refusent de travailler pour le
salaire de marché. En dehors de ça, le chômage est, selon eux, absolument impossible.
Présentateur : En fait, la théorie classique repose sur deux fonctions : la demande est
une fonction décroissante du salaire, ce qui signifie que s’il y a baisse du salaire, il y
aura hausse de l’embauche (d’où l’idée qu’il faut laisser les salaires fluctuer et ne
surtout pas intervenir, ce qui, en rigidifiant les salaires, entraînerait du chômage) ; les
travailleurs acceptent d’offrir leur travail tant que leur salaire est supérieur au sacrifice
correspondant au renoncement au loisir : l’offre de travail est une fonction croissante
du salaire.
Sixième question : En quoi consiste la critique keynésienne de ces postulats
classiques ?
Joueur 1 : Les classiques raisonnent en terme de salaire réel, c'est-à-dire que les
ménages s’intéressent à l’évolution de leur pouvoir d’achat ; leur rationalité est grande,
ils ne sont pas sensibles à l’illusion monétaire. Keynes considère que la rationalité des
ménages est limitée, que les ménages ne sont sensibles qu’à l’évolution de leur salaire
nominal, qu’ils subissent l’illusion monétaire. Pour Keynes, raisonner en termes de
salaire réel suppose que l’offre de travail varie chaque fois que les prix évoluent, ce
qui, selon lui, ne correspond pas à la réalité. Tout ceci pour dire que selon Keynes, le
niveau de l’emploi ne dépend pas du marché du travail et donc ne dépend pas du
salaire : le niveau de l’emploi est indépendant du salaire réel, le marché du travail ne
fonctionne pas comme les autres marchés.
Joueur 2 : Pour Keynes, la demande de travail dépend de la demande anticipée en
biens et services de consommation et d’investissement. Il n’y a aucune raison pour que
cette demande de travail coïncide avec l’offre de travail. Si la demande est insuffisante,
il y aura sous-emploi, c'est-à-dire chômage involontaire, ce que les classiques
n’envisageaient pas.
Présentateur : Oui. Pour résumer, on peut dire que, selon Keynes, le volume de
l’emploi dépend de la quantité à produire, qui elle-même dépend de la demande
anticipée (consommation des ménages et investissement des entreprises). On peut
illustrer cela et « l’équilibre de sous emploi » par le schéma suivant :