| L’apport de Pellegrino Rossi à la théorie de l’offre et de la demande 195
Œconomia – History | Methodology | Philosophy, 5(2) : 193-227
testée3. Ses enseignements de droit constitutionnel4 furent quant à eux
objet de polémique après qu’il fut nommé Professeur à la Faculté de
3 Si Rossi est le successeur de Say au Collège de France, il n’en est pas le disciple.
Il fut soutenu à cette charge par Guizot alors ministre de l’Instruction publique
contre Charles Comte, gendre de J-B Say. Rossi avait en effet noué de forts liens
d’amitié avec Guizot et le Duc de Broglie lorsqu’il résidait à Coppet et exerçait les
fonctions de député à la Diète fédérale Suisse. En 1833, le Collège de France dési-
gna Rossi pour remplacer Say alors que l’Académie des sciences morales et poli-
tiques vota pour Comte. Guizot trancha en faveur de Rossi. J. Garnier [« Note
bibliographique » du Cours de Rossi (1865)] ne relate rien de particulier en ce qui
concerne les premiers cours dispensés par Rossi à la Chaire d’économie du Col-
lège de France alors que L. Reybaud et H. A. D’Ideville indiquent que ces ensei-
gnements furent l’objet d’incidents (Reybaud, 1864, 961 ; D’Ideville, 1887, 85). On
peut émettre quelques doutes quant à la véracité de cette dernière thèse. En effet,
Guizot ne fait allusion à aucun incident au Collège de France dans ses Mémoires
(Guizot, [1858-1867] 1860, t.3, 121-127) alors même qu’il n’hésite pas à relater les
difficultés rencontrées par Rossi à la Faculté de Droit et que D’Ideville (1887, 78)
reprend les citations de Guizot (Guizot, ibid., 123) concernant les interrogations
du Roi Louis-Philipe quant à la pertinence d’avoir nommé Rossi à cette dernière
charge et qu’il ne dit rien à propos du cours d’économie. De même, ni J. Graven
(1949), ni A. Dufour (1989) ne font allusion à des difficultés que Rossi aurait ren-
contrées pour dispenser ses cours au Collège de France.
4 Colmet-Daage relate (D’Ideville, 1887, 76) qu’il fût demandé à Rossi de ‘parler’
français lors des premières séances de son cours de droit constitutionnel alors
qu’une autre partie de l’auditoire l’applaudit. La nomination de Rossi à la chaire
de droit constitutionnel de la Faculté de Paris n’est pas étrangère à Guizot qui en
suggéra la création à Louis Philippe. Pour Guizot, l’enseignement du droit consti-
tutionnel devait permettre d’exposer et de défendre la Charte de 1830. Les con-
victions politiques de Rossi vont certainement en ce sens. Il est à la fois un libéral
modéré et partisan d’un Etat capable de garantir la conduite des affaires. Selon
Guizot, Rossi est le candidat idéal pour enseigner le droit constitutionnel comme
il l’est pour l’économie. Ceci est confirmé par l’appréciation toute en nuance de
D’Ideville qui souligne l’intérêt de Rossi pour la Charte et son habileté à défendre
le point de vue des Doctrinaires sur cette question tout en évitant d’attiser les
oppositions entre membres du parti du Mouvement et ceux de la Résistance dont
Guizot est l’une des principales figures: « En résumé, Rossi devait préconiser
d’un bout à l’autre de son cours le système de la Charte de 1830 et enseigner que
le système représentatif "avec ses savants ressorts et ses mouvements complexes"
est le chef d’œuvre des gouvernements […] Nous ajouterons pourtant que, mal-
gré sa grande dette de reconnaissance envers le gouvernement de Juillet, Rossi
soutient les théories constitutionnelles avec la plus parfaite modération, ainsi
qu’on pourra s’en convaincre, par exemple, en lisant les premières leçons consa-
crées à l’étude du pouvoir exécutif. Placé entre le mandat donné par M. Guizot et
l’extrême susceptibilité des étudiants de 1830, Rossi sut avec une habileté par-
faite, une dignité absolue, servir les intérêts du gouvernement et, sans froisser
aucune conviction, ramener à la véritable interprétation des principes de 1789
bien de généreuses intelligences » (D’Ideville, 1887, 74). Guizot, en nommant
Rossi au Collège de France, avait certainement pour intention de garantir les pré-
occupations de la Monarchie de Juillet dont la Charte est l’un des fondements. Le
régime, supporté notamment par le parti de la Résistance, était soucieux de la
stabilité politique entre libéraux et conservateurs. Pour les adversaires de Guizot,
comme on peut le lire dans la Revue indépendante, Rossi apparaissait ainsi