
Journal Identification = PNV Article Identification = 0556 Date: August 21, 2015 Time: 3:24 pm
Maladie d’Alzheimer et conduite automobile
maintien de l’autonomie, comme dans bien d’autres situa-
tions, mais avec une donnée supplémentaire puisqu’il ne
s’agit pas seulement de veiller à la sécurité du malade,
mais de prendre en considération la mise en danger d’autrui
dès l’instant que ses difficultés sont susceptibles d’être
à l’origine d’accidents de la circulation dont d’autres per-
sonnes peuvent être les victimes. Cette dimension, sur
laquelle les guides insistent, est importante car il ne s’agit
pas uniquement d’être attentif aux dangers auxquels le
malade s’expose mais aussi de tenir compte des dangers
qu’il fait courir à d’autres personnes.
Les méthodes préconisées
par les guides
Les différentes propositions des guides ont le même
objectif : manière douce ou autoritaire, tentative de per-
suasion, recours à l’avis du médecin traitant ou ruse, les
moyens diffèrent, mais le but est toujours le même : il
s’agit de réussir à empêcher le malade de prendre le volant.
«L’entourage doit se montrer à la fois inventif (pour trouver
des raisons valables à l’arrêt) et chaleureux (pour l’aider à
surmonter cette atteinte à l’estime de soi). Et pourtant, il
faut prendre la décision car il n’est pas concevable de faire
courir des risques à autrui et au malade »[1] ; «Il n’y a évi-
demment aucune bonne solution [...] il est clair qu’il faut
abandonner l’auto »[2].
Certains avancent une solution assez expéditive
comme cette proposition lapidaire : «Placez hors d’atteinte
les clés de la voiture »[42] ; la plupart suggèrent tout un
éventail de solutions à envisager selon le stade de la maladie
et la possibilité d’associer le patient à la réflexion. En pre-
mier lieu, il est souvent conseillé de chercher à convaincre
le patient de renoncer à la conduite automobile ; en second
lieu s’il récuse les explications qu’on lui apporte ou présente
une anosognosie telle qu’il ne peut y adhérer, il est recom-
mandé d’user de divers stratagèmes pour l’empêcher de
conduire.
Remporter l’adhésion du patient
Vingt et un ouvrages [1, 2, 6-9, 11, 12, 16, 17, 20, 21, 24,
25, 27, 28, 34, 37, 39, 41, 43] incitent clairement au dialogue
avec le malade : «L’idéal serait de l’amener à prendre la
décision lui-même »[1], «La voie à suivre est celle d’une
gentille franchise »[2], «Discuter ouvertement de la situa-
tion dans un climat de confiance peut aider la personne à
accepter plus facilement cette perte d’autonomie »[37] ;
dans tous ces guides, il s’agit de dialoguer avec le malade
pour lui faire comprendre les éventuelles conséquences de
ses difficultés d’attention ou d’orientation, en prenant soin
de ne pas le déprécier afin de l’associer à la décision. Il
est conseillé de trouver des solutions alternatives afin qu’il
puisse encore se déplacer [1, 6, 9, 17, 24, 25, 39] et qu’il
trouve des avantages à ces autres modes de transport qui
peuvent se révéler plus rapides ou moins fatigants [9, 43].
Vingt-sept guides suggèrent de demander l’aide du
médecin. En France, le rôle du médecin traitant est stric-
tement d’appuyer la position des proches et d’apporter un
avis médical : «L’annonce sera certainement mieux accep-
tée si elle vient du médecin traitant »[2], «Il est probable
que votre proche accepte mieux d’arrêter de conduire pour
des raisons de santé formulées par un professionnel »
[12, 20, 23, 36], d’autant que le médecin représente une
figure d’autorité et que «son conseil prend le poids d’un
ordre »[17].
Empêcher l’usage de la voiture
S’ils sont certainement efficaces, les moyens mis
en œuvre ici conjuguent la ruse et la contrainte
puisqu’il s’agit de rendre le véhicule inutilisable ou de
le mettre hors de portée du malade. Ces moyens sont
préconisés lorsque le patient refuse de renoncer à
conduire alors que son entourage estime que sa dan-
gerosité est avérée. Toute une série de propositions
sont formulées pour empêcher le patient de conduire
[1, 6, 7, 9, 12, 13, 17, 20, 21, 24, 28, 32, 34, 37, 39, 41, 43].
Cacher les clés, débrancher la batterie, faire croire que la
voiture est en panne sont les suggestions les plus classique-
ment faites, d’autres stratagèmes sont également avancés :
garer la voiture dans une rue éloignée [9, 24, 39, 40] ou dans
le garage d’un voisin ou d’un ami [17, 39], faire croire qu’elle
a été volée [7], la vendre [9, 12, 24, 34, 36] ou en ache-
ter une nouvelle que le malade ne saura pas conduire [13].
Quelle que soit la méthode utilisée, l’objectif est le même :
contraindre le patient à renoncer à la conduite automobile
alors qu’il refuse un interdit qu’il vit comme une brimade
injustifiée et tenir avec fermeté cette posture jusqu’à ce qu’il
oublie l’existence même de la voiture et n’exprime plus le
désir de conduire [12, 40].
Avancée comme un dernier recours, la
demande de la suspension du permis de conduire
[1, 8, 11, 16, 21, 23, 24, 32, 34-36, 39, 41, 44] est mention-
née dans quatorze guides. Tenu au secret professionnel,
lequel apparaît renforcé depuis la loi dite loi Kouchner du
4 mars 2002 où il est affirmé comme un droit du malade
[16], le médecin traitant n’a, en France, aucune capacité à
dénoncer le danger auprès des autorités administratives
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 13, n ◦3, septembre 2015 331
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