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Accueil
Pierre SIMON
Président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris
En tant que Président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, je suis très heureux de vous accueillir
ce soir dans cette maison et je souhaite la bienvenue à chacun d’entre vous.
La relation entre établissements financiers et entreprises est un sujet fréquemment commenté, et la Chambre de
commerce et d’industrie de Paris a décidé d’apporter sa contribution au débat, en faisant de sorte que les
banques puissent contribuer davantage au développement et à la vitalité économique des entreprises de notre
Grand Paris.
Je tiens à remercier Jean-François Roubaud, Président de la CGPME, d’être parmi nous ce soir : il commentera
pour nous, lors de la table ronde, le sondage réalisé par la CGPME avec KPMG, sur les relations
qu’entretiennent les entreprises avec les banques et sur l’accès au crédit. Je rappelle que dans notre Chambre
de commerce, il existe 380 000 entreprises adhérentes de toutes tailles. Les banques en sont des membres à
part entière. Toutefois, en termes de pourcentage, elles sont faiblement représentées. Ayant moi-même été
banquier –je le suis toujours par ailleurs– je me sens porteur des préoccupations des uns comme des autres,
quel que soit leur secteur d’activité.
Je tiens aussi à remercier Gérard Soularue, élu de la CCIP, qui a accepté de conduire cette réflexion, qui devrait
s’achever à la fin du mois de juillet.par l’adoption d’un Rapport par notre Assemblée générale. Gérard Soularue a
présidé l’Association Française des Trésoriers d’Entreprise (AFTE) pendant un certain nombre d’années. Ses
mandants attendaient de lui la défense du point de vue des entreprises auprès de l’ensemble des établissements
financiers.
Les relations entre banques et entreprises connaissent des périodes fastes, mais aussi de crispation, notamment
en phase de dépression économique, comme celle que nous connaissons depuis deux ans maintenant, et dont
nous ne sommes d’ailleurs toujours pas sortis. Or, c’est précisément en période de crise que les entreprises
– notamment les PME et les entreprises en croissance – font parfois face à de sérieux problèmes de financement
et de trésorerie.
Depuis le début de la crise, les Pouvoirs publics ont agi activement pour éviter la détérioration des relations entre
banques et entreprises, sur le fond comme sur la forme. La Médiation du crédit a ainsi été mise en place en ce
sens. Gérard Rameix pourra nous en parler au cours de la soirée. OSEO, dont les membres sont également
présents ce soir, a également contribué à soutenir l’innovation et la croissance des PME, en apportant une
dotation considérable de fonds de garantie et de garanties spécifiques. Des moyens importants ont également
été dégagés au sein de la Caisse des Dépôts. Mesures nécessaires mais qui n’empêchent pas, néanmoins, de
poursuivre la réflexion et continuer à réfléchir sereinement aux actions à mettre en place pour améliorer la
relation entre les banques et les entreprises. La Chambre de commerce et d’industrie de Paris souhaite apporter
sa contribution à cette réflexion. Toutefois, chacun d’entre nous se doit de contribuer pour assurer la mise en
œuvre d’actions concrètes. Il s’agit souvent de problèmes liés au comportement ou au manque de formation. Je
tiens, à ce sujet, à citer l’exemple de l’entité Paris Ile de France Capitale économique, qui vient d’achever un
travail sur ce sujet. Celle-ci a élaboré à l’attention des jeunes entreprises innovantes un kit de préparation aux
entretiens avec des financiers : « comment m’y prendre pour faire valoir ma demande ?». Ce travail sera
présenté au public au mois de septembre 2010.
Merci à Olivier Pastré qui a accepté d’ouvrir par un exposé général la problématique de nos débats et à
François Vidal, qui a également accepté d’animer la table ronde. Merci enfin aux intervenants de la table ronde
et à Monsieur Elemer Tertak, au nom de la Direction des Institutions Financières de la Commission
européenne, venu spécialement pour représenter Monsieur Michel Barnier
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Exposé d’Expert
Olivier PASTRE
Professeur d’économie à Paris VIII, Membre du Cercle des Économistes
En guise d’introduction, je souhaiterais vous faire part de mon inquiétude pour la France et pour les entreprises
françaises. La situation économique n’appelle certainement pas des propos lénifiants. La crise dans laquelle se
trouve l’économie de notre pays et les autres économies est d’une gravité exceptionnelle.
¾ Situation économique générale : tableau d’ensemble
Je reste cependant critique vis-à-vis de certains alarmistes, tels que Jacques Attali, Nicolas Baverez ou Michel
Rocard, qui comparent la crise actuelle à celle de 1929. Ce n’est évidemment pas le cas pour deux raisons : le
Krach boursier de 1929 est intervenu dans une économie mondiale en dépression. En 2007, la crise est
intervenue dans une économie mondiale en croissance forte. Par ailleurs, il faut considérer que les autorités
politiques, administratives ou techniques ont tiré des conclusions des enseignements de la crise de 1929 et ont
ainsi fait preuve de beaucoup plus de d’efficience et de promptitude qu’elles n’en avaient fait dans les années
vingt.
Il existe une autre thèse, dite polaire. Beaucoup d’entre vous sont très critiques vis-à-vis de la situation
économique générale. D’autres pensent au contraire que la crise est terminée : les entreprises se désendettent,
les banques se remettent à gagner de l’argent. Cette thèse reflète d’ailleurs la tonalité du G20 de Toronto, même
si les points de vue divergent entre les États-Unis et l’Europe sur un certain nombre de sujets.
Quant à moi, je ne pense pas que la crise soit terminée.
La situation des entreprises françaises est, en effet, extrêmement mauvaise. Je vous rappelle rapidement les
trois caractéristiques industrielles de notre pays : de grandes entreprises très performantes, une création
d’entreprises très dynamique, et des entreprises de taille moyenne (« les gazelles ») en nombre largement
insuffisant, ce qui pose un problème majeur à notre économie : ainsi, le tissu industriel de notre pays est atypique
par rapport à celui de nos concurrents européens.
Le sujet « Banques et Entreprises : même combat » est donc un sujet particulièrement sensible et important.
Pour autant, l’absence d’entreprises de taille moyenne n’a pas seulement pour cause la déficience du système
bancaire.
Ces remarques étant faites, si nous revenons au thème de notre débat de ce soir, oui, aujourd’hui, les banques
et les entreprises mènent le même combat, en l’occurrence celui qui est nécessaire pour sortir de la crise. Mais il
faut avant tout commencer par en mesurer l’exceptionnelle ampleur, ainsi que sa nature, ce que beaucoup de
gens n’ont pas fait.
¾ Je distingue cinq causes spécifiques à la crise :
- La principale, qui nous intéresse plus spécialement est que les pays du Nord se sont désindustrialisés et ont
choisi un modèle de développement bipolaire : d’un côté, le luxe, la haute technologie, avec forte valeur
ajoutée et faible création d’emplois, de l’autre, le commerce, les services à la personne, le BTP, avec faible
valeur ajoutée et important effet sur l’emploi. Toute la difficulté de la situation actuelle demeure dans la
nécessité pour nos économies de se ré-industrialiser; ce qui infiniment difficile : comment remettre sur les
rails la création d’entreprises industrielles ? Comment éviter les délocalisations, alors que les entreprises ont
toutes les raisons de le faire ?
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- Une autre cause de la crise est la poursuite d’un niveau de rentabilité inadéquat avec la réalité
économique ; l’évidence économique nous montre bien que seules certaines entreprises mondialisées
peuvent produire 15 % de résultats par trimestre
- L’évidente sur-liquidité a pu être un facteur aggravant de la crise : je vous rappelle que la liquidité mondiale
a été multipliée par trois en l’espace de dix ans, ce qui est unique et très dangereux ; trop de liquidités, pas
assez d’actifs, on a crée les conditions d’une situation dangereuse où l’économie réelle est déprimée et des
bulles d’actifs.
- La pro-cyclicité de la finance n’a également pas joué en faveur d’une reprise rapide de la croissance : la
procyclicité désigne le phénomène par lequel l’activité de prêt des banques tend à suivre le même cycle que
celui de l’économie réelle, à savoir une forte croissance en période de reprise économique et une faible
croissance, voire une contraction en période de ralentissement, ce qui a pour effet d’exacerber un tel cycle.
- la crise qui est, certes, de nature économique a également une forte nature géopolitique et
« ethnologique » : on a trop longtemps laissé à la porte de la gouvernance mondiale les pays qui sont le
plus créateurs de valeurs : Chine, Inde ….
¾ Face à ces constats et pour affronter cette situation, quels sont les facteurs d’optimisme et les facteurs
de pessimisme ?
La France doit se donner les moyens pour rattraper son retard accumulé contre ses principaux concurrents
européens, américains et asiatiques.
Des facteurs d’optimisme : certaines données monétaires restent favorables à l’économie française :
- les risques d’inflation sont extraordinairement faibles ;
- il existe des liquidités et donc des capitaux près à s’investir;
- les Banques centrales ont fait preuve de réactivité et continuent à le faire ;
- les Bourses se tiennent plutôt bien.
D’un point économique, certains comportements et indices sont également très positifs :
- en matière technologique, les entreprises continuent à faire de la Recherche et du Développement et
préparent ainsi les prémisses d’une sortie de crise ;
- les grandes entreprises jouissent en outre d’une situation financière positive ; certaines ont même profité de
la crise pour se désendetter ;
- les pays émergents ont commencé à mettre en place une dynamique de croissance de leurs marchés
intérieurs, qui permet de prendre le relai de leur croissance qui était portée jusque là par l’exportation. On
peut ainsi penser que les principaux pays émergents continueront à avoir une croissance relativement
significative dans les prochaines années ;
- les pays ont bien réagi face à la crise. Ils ont stimulé la croissance en augmentant la dépense publique, qui a
pris le relai de l’endettement privé;
- le prix des matières premières augmente de manière relativement raisonnable.
Certains points de pessimisme doivent néanmoins être pris en considération.
D’un point de vue monétaire, tout d’abord :
- aujourd’hui, le dollar se tient bien, mais reste fragile si l’on regarde les fondamentaux de l’économie
américaine;
- de par les normes comptables et prudentielles, et au regard du bilan des institutions financières, les
éléments de risques restent importants (bulles financières, en particulier).
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Au plan de l’économie réelle, quels sont les facteurs de pessimisme ?
- la croissance de l’économie mondiale sera durablement molle : on va revenir à ce que l’on appelle en
économie la théorie de la croissance « potentielle » c’est-à-dire une croissance limitée aux gains de
productivité et à la courbe démographique ;
- le retour au protectionnisme : les mesures protectionnistes prises par 17 pays du G 20 entre Pittsburg et
Toronto sont significatives sur le plan strictement commercial. De plus, le protectionnisme se diversifie
extraordinairement : il se retrouve dans des décisions monétaires, sociales, voire environnementales…;
- si Monsieur OBAMA a clairement poussé la réforme du système de santé américain, je ne pense pas qu’il ait
une vraie volonté de réformer la finance américaine. Nous pouvons donc éventuellement assister
prochainement à une guerre réglementaire dans le domaine de la Finance. En Europe, un certain nombre de
réglementations qui participent à la sécurisation du système bancaire entraînent de fait sa fragilisation.
Si l’on en revient au thème de notre réunion et s’agissant des responsabilités respectives de la Banque et de
l’Entreprise en France compte tenu de la situation économique actuelle, je crains que cette crise soit
particulièrement significative sous deux aspects : le risque d’exclusion bancaire d’une part et l’insuffisante
transparence bancaire d’autre part.
¾ La responsabilité des Banques : risque d’exclusion bancaire, insuffisante transparence
Aujourd’hui, le système bancaire, de par sa recherche de rentabilité qui est parfaitement justifiée, subi des
normes comptables/prudentielles qui lui sont imposées. Cette situation pousse les banques à adopter des
mesures coercitives contre certaines entreprises.
Le resserrement du crédit ( credit crunch ) – que l’on a du mal à mesurer statistiquement –, auquel nous devons
faire face en France impacte notamment trois catégories d’entreprises :
- les entreprises en création ;
- les entreprises travaillant dans l’immatériel ;
- les entreprises à fort contenu technologique.
¾ La responsabilité des Entreprises
Dans le même temps, les dirigeants d’entreprises portent également leur part de responsabilité :
- en ne montant pas suffisamment en gamme. Les entreprises réclament un maximum de transparence dans
les relations avec leurs banques mais ne s’y prêtent pas elles mêmes ;
- et investissant peu, d’où une insuffisance technologique et un vrai problème de compétitivité, notamment par
rapport à l’Allemagne ;
- et en ne préparant pas leur succession : de trop nombreux chefs d’entreprises ne sont pas préparés à la
transmission de leur entreprise et le nombre de dépôts de bilan résultant de successions mal préparées est
trop important.
Les responsabilités sont donc partagées entre les banques et les entreprises.
Et même si, en matière de politique économique, je considère que la France est l’un des pays qui a le mieux
réagi à la crise dans la mesure où elle a donné la priorité à l’offre – aux entreprises – plutôt qu’à la demande
dans ses plans de relance. Toutefois, il reste encore beaucoup de progrès à faire.
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