Auteur : Léonora MIANO
Titre : La saison de l’ombre
Grasset, 2013
Quelques mots sur le début de l’histoire : Dans un temps et un espace qu’on ne saurait
situer d’emblée, des mères sont écartées de la communauté. Elles sont mises à l’isolement
dans une case alors que, suite à un incendie dont on ne connaît l’origine, leurs fils, dix jeunes
hommes initiés ont disparu avec deux anciens dont le chef spirituel du village. Abandonnées à
leur solitude et à leurs interrogations, ces femmes font un même rêve que seule l’une d’entre
elles, Eyabe, saura interpréter et comprendre : elle ne reverra plus son fils aîné. Eyabe décide
alors de partir pour retrouver l’endroit où son fils a péri afin de lui rendre un dernier hommage.
En parallèle, d’autres membres de la communauté tentent de résoudre l’énigme de cette
dramatique disparition.
Intérêts pour un lectorat de lycéens : ce roman n’est pas à considérer comme un roman
historique centré sur la question grave de la traite grière, il est plutôt à appréhender comme
une œuvre de fiction qui travaille le matériau de la mémoire. L’auteur « ambitionne de saisir
l’instant d’un basculement » : le moment les protagonistes, des Subsahariens, vivant dans
une Afrique précoloniale se retrouvent face à ce choc des disparitions de leurs proches,
capturés à des fins qu’ils ignorent. Il s’agit de penser cet événement historique majeur sous
l’angle des victimes, des traces qu’il a pu laisser durablement dans la moire de ceux qui
sont restés. Ce roman pose la question du décentrement, du point de vue voire de la posture
anthropologique. La plupart du temps, les livres d’histoire occidentaux montrent la figure de
l’esclave entravé par des chaînes sur les bateaux ou arrivant dans les pays esclavagistes.
Ecoutons Léonora Minano : « Le texte travaille, avant tout, sur l'expérience de ceux à qui un
être cher fut un jour arraché. Si la figure des Subsahariens déportés vers le Nouveau Monde
apparaît sur les images comme figée, privée du moindre souffle de vie, celle de ceux auxquels
ils étaient liés a tout simplement été ensevelie sous les épaisseurs d'un silence multiséculaire.
Y compris sur le sol subsaharien. »
Pistes de lectures : Un roman complexe, riche, polyphonique
Pour dépasser, accompagner les difficultés de lecture :
Faire un pacte de lecture avec les élèves : Lire ce livre comme un texte à énigme,
énigme policière, énigme et ses symboles qu’il s’agit d’interpréter (être attentifs aux
registres de langues notamment aux passages en italique les personnages ont des
révélations, des rêves, …). Jouer le jeu de lire le livre en masquant la 4ème de
couverture, en décidant de ne pas faire de recherche sur l’auteur, se limiter aux indices
de lecture du livre : titre, citations du début (extrait de la Bible et surtout citation de
l’écrivain haïtien Frankétienne), titres et découpage des chapitres, langues utilisées,
glossaire, postface essentielle sous forme de remerciements qui explicite la genèse du
roman. Plus tard il sera pertinent d’aller faire des recherches sur Frankétienne, ce que
cet auteur peut représenter pour l’auteur (auteur de la francophonie, auteur haïtien
majeur).
Faire des hypothèses de lectures.
Au fur et à mesure de la lecture, identifier les personnages, noter leur
interdépendance, établir une cartographie, topographie de leur déplacement car
certains évoluent d’un lieu à l’autre, de la terre vers la mer, plusieurs peuples
apparaissent. Il s’agit d’un texte riche et complexe où évoluent un ensemble de
personnages emblématiques (3 femmes : Eyabe, Ebeise, Ebusi, 3 hommes : Mukano,
Mutimbo ou Mukudi)
S’interroger sur la posture de l’auteur qui sera explicitée en recueillant des
informations sur l’auteur, les livres qu’elle a écrits. Prendre en compte les prix obtenus
par ce livre : PRIX FEMINA 2013 et prix du roman métis ville de St Denis
Ce que l’auteur nous dit sur son livre : http://www.leonoramiano.com/?page=la-saison-de-
l-ombre&PHPSESSID=a5200c190921901e505f67b81a6a927d
Brève présentation de l’auteur et de ces écrits : Léonora Miano est née en 1973 à Douala,
au Cameroun. Après avoir consacré une trilogie à l’Afrique avec L’intérieur de la nuit (Plon,
2005), Contours du jour qui vient (Plon, prix Goncourt des Lycéens 2006), et enfin Les
Aubes écarlates (2009), elle a publié en 2008 Tels des astres éteints, son premier roman sur
la communauté afropéenne. Elle vit à Paris.
S’intéresser aux autres écrits de L Miano et notamment à Habiter la frontière, édition de
L’Arche, 2012. Extrait de la 4
ème
de couverture : « La frontière évoque la relation. Elle dit que
les peuples se sont rencontrés, quelquefois dans la violence, la haine, le mépris et qu’en dépit
de cela, ils ont enfanté du sens. Ma multi appartenance est porteuse de sens. Elle rappelle,
à ceux qui croient en la fixité des choses, des identités notamment, que non seulement la
plante ne se réduit pas à ses racines, mais que ces dernières peuvent être rempotées,
s’épanouir dans un nouveau sol. »
Ecrits pour la parole, théâtre. L’Arche, 2012. Extrait de la 4
ème
de couverture : « (…) Le plus
terrible pour la descendance des vaincus c’est de devoir accepter l’idée que leurs aïeux aient
été subjugués humiliés dominés injuriés écrasés massacrés par des prestidigitateurs des
menteurs. Ils étaient roublards armés sans le moindre scrupule même quand ils parlaient du
Christ mais enfin ».
Pour aller plus loin : des pistes d’ateliers : Pour mieux comprendre l’univers du roman
S’intéresser aux objets évoqués, aux tissus : objets rituels qui font figure d’œuvres
d’art au Musée du Quai Branly. Questionnement autour des arts premiers. L’auteur
renvoie à des livres de référence sur l’Afrique précoloniale (Gabon, Luba, …).
S’intéresser à la représentation des personnages, notamment à l’évocation des « hommes aux
pieds de poule », recherche à faire sur l’histoire du costume des colons. Constituer un livret de
dessins, reproductions, …
S’intéresser aux rituels funéraires évoqués et à leur fonction. Comparer avec les rituels
occidentaux.
Organiser une lecture à voix haute et à plusieurs voix d’extraits significatifs pour faire
entendre la langue et faire ressentir la puissance de l’écriture et de l’univers de Miano.
Lire à voix haute de courts textes extraits de Ecrits pour la parole, théâtre et organiser
un temps de débat et d’échange autour des sujets évoqués dans ce livre (racisme,
identité, héritage, représentation, femme noire, …)
Ecouter sur France Culture : http://www.franceculture.fr/personne-leonora-miano.html
Fiche critique rédigée par Nathalie Mansuy-Todeschini, Médiathèque départementale 77.
octobre 2014
Léonora MIANO
La Saion de l’ombre, Grasset , 2013 http://www.leonoramiano.com/docs/l_humanite_101013.pdf
Il s’agit d’un roman sur la traite des esclaves : une fois que l’on a dit ça, on n’a rien dit sur le roman. En
effet, le point de vue adopté, celui de plusieurs personnages qui voient leur univers s’effondrer sans
comprendre, leur vie et leurs coutumes disparaître pour laisser place à un monde nouveau et inconnu,
effrayant et bouleversant, n’est pas celui que l’on attendrait dans ce genre de roman. On est pris dans une
prose poétique, qui refuse les travers de l’écriture engagée un peu lourdingue, pour nous déstabiliser et
nous emmener vers un ailleurs. C’est un roman magnifique, qui nécessitera un bon accompagnement des
enseignants, libraires, documentalistes et bibliothécaires: il faudra tous s’y mettre parce que c’est une
lecture difficile, mais ce serait dommage que les élèves passent à côté.
Avis prof
La première œuvre de Léonora Miano, L'intérieur de la nuit, a reçu un très bon accueil de la
critique francophone. Le roman seul a reçu six prix : « Les lauriers verts de la forêt des livres,
Révélation » (2005), le « Prix Louis Guilloux » (2006), le « Prix Montalembert du premier
roman de femme » (2006), le « Prix René Fallet » (2006 ), le « Prix Bernard Palissy » (2006)
et le « Prix de l'excellence camerounaise » (2007)
1
. Le magazine Lire l'a qualifié de meilleur
ouvrage de débutant pour 2005.
Son deuxième roman, Contours du jour qui vient, a reçu en novembre 2006 le prix Goncourt
des lycéens décerné par un jury de jeunes lycéens de 15 à 18 ans.
Au printemps 2008, Léonora Miano a publié cinq romans dans la collection « Étonnants
Classiques » du Groupe Flammarion. Ils sont regroupés sous le titre Afropean et autres
nouvelles. Son œuvre a la particularité, selon Daniel S. Larangé, de fonder à proprement
parler une littérature afropéenne consciente des transformations du monde et de l'humanité.
Aussi défend-t-elle l'identité afropéenne à l'heure de la mondialisation, mettant l'accent sur
l'espoir d'une régénérescence de la culture française par le biais de la littérature francophone
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