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à Keynes sur la notion de préférence pour la liquidité.
Il en découle selon Friedman que c’est l’offre de monnaie, exogène et donc dépendante des
décisions prises par les banques centrales, qui est responsable de la variation du niveau général
des prix et donc responsable des fluctuations économiques. Ce qu’on appelle le néo-
quantitativisme, c’est donc la réhabilitation de la relation entre variations monétaires et
variations des prix.
Ces théories ont été empiriquement vérifiées par les études notamment de Friedman et
Schwartz dans le cadre du National Bureau of Economic Research, qui testent les liens entre
cycles économiques et variations de la masse monétaire entre 1870 et 1960. En considérant 18
cycles économiques, ils constatent qu’à chaque fois, les creux ou les pics de l’activité
économique sont précédés par des creux ou des pics de l’offre de la monnaie. Ainsi pour la
crise de 1929, lors de la Grande dépression, la variation de la masse monétaire fut selon
Friedman une des cause de la récession majeure puisqu’il y a eu une baisse d’un tiers du stock
de monnaie habituel sous l‘effet des décisions de la Réserve fédérale.
C’est sur cet argument que repose l’idée de Friedman selon laquelle « l’inflation est monétaire et
n’est que monétaire. ».
En effet, selon Keynes, l’inflation est une inflation de demande, c’est-à-dire que la hausse de la
demande globale sur le marché des biens et des services crée un déséquilibre face à l’offre
rigide des biens. Ainsi les prix augmentent. Mais c’est aussi une inflation de coût, c’est-à-dire que
les entreprises versent des augmentations de salaires aux salariés en raison d’un rapport
favorables aux salariés et donc ainsi, elles augmentent les prix pour compenser leur perte de
profit initiée par la hausse des coûts. Il semble qu’à la vue de l’équation de la théorie
quantitative de la monnaie, Keynes ait sous-estimé le rôle monétaire de l’inflation.
La hausse des prix ne peut se manifester que lorsque les banques centrales ont créé de la
monnaie. Donc « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire dans le sens où elle
est, et peut être, simplement provoquée par une augmentation plus rapide de la quantité de
monnaie que du niveau du produit. » Milton Friedman, The new Palgrave Dictionnary of
Economics (1987). L’inflation, c’est donc un accroissement des moyens de paiement : une
monnaie peu rare perdra de sa valeur, et les marchandises exprimées en terme de cette
monnaie abondante et dépréciée seront chères.
Cette réflexion sur l’inflation remet en question la courbe de Phillips qui exprime une relation
inverse entre inflation et chômage. En effet, les politiques conjoncturelles, tant fiscales que
monétaires, semblent vouées à l’échec (et cela, encore une fois, s’oppose à la pensée
keynésienne), car il existe un taux de chômage naturel, selon Friedman, qui empêche ces
politiques de parvenir à leur but : il existe des imperfections du marché, des arrangements
institutionnels, une certaine nature du marché du travail qui détermine un taux de chômage
structurel. Ainsi, nous dit Friedman, toute action visant à faire baisser le chômage provoque une
forte inflation. On peut en effet voir les choses de la manière suivante : les agents font des
anticipations adaptatives, ils ne sont pas « myopes » contrairement à l‘idée d‘illusion monétaire
keynésienne. Ces anticipations adaptatives des agents entravent la possibilité pour certaines
politiques de manipuler les taux d‘intérêt pour faire baisser le chômage, ou de stimuler la
demande effective. « Phillips a écrit son article pour un monde dans lequel chacun anticipe une
stabilité des prix nominaux et dans lequel cette anticipation reste inchangée quoi qu’il arrive aux
prix et aux salaire réel », ce que Friedman réfute. Ainsi les salariés anticipant l’inflation à long
terme liée à de telles politiques demandent une hausse des salaires nominaux (provoquant
l’inflation), ce qui décourage la demande de travail des entreprises. On observe donc
indéniablement un retour au taux de chômage naturel.