E xpériences
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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.12-n°1-janvier-février-mars 2012
patient se sent accueilli, c’est aussi gratifiant pour lui,
car il n’a pas à répéter son histoire à chaque intervenant.
Il se sent exister. Il est installé en chambre, reçoit le méde-
cin qui vient à lui ».
D’autres ont investi l’UFSOS comme une unité d’es-
pace, grâce aux rencontres d’équipe, avec une réunion
hebdomadaire sous une forme plus clinique. Cela a per-
mis une meilleure visibilité des compétences de façon
concrète pour des professionnels habitués à travailler
seuls. Par exemple, la psychologue, Mme D. a découvert
que les assistantes sociales menaient des entretiens d’aide
au retour à l’emploi. « C’est un espace de confiance qui se
crée » souligne-t-elle. Certes, des conflits de personnalité
ont surgi dans les premiers mois, mais la gestion de ces
conflits a donné lieu à de vraies relations. D’autant que
les embauches, particulièrement en soins palliatifs, ont
été longues et marquées par une succession d’interve-
nants, ce qui a compliqué la mise en place des projets.
Le travail en équipe est le pilier de cette équipe, mené
par un binôme soignant-médecin. Le Dr B. a su fédérer
l’équipe, chacun à sa place, à sa valeur propre. Elle a
redonné de la visibilité et du dialogue. « Avant, il y avait
un sentiment de solitude immense en salle. Maintenant,
on sent un soulagement » dit-elle. Avec Mme H., elle a
investi du temps pour la formation du personnel, par
exemple une intervention sur la loi Leonetti faite par le
Dr L., médecin de soins palliatifs, un rappel juridique
très apprécié par les diététiciennes. Il y a eu des défini-
tions de poste réalisées, pertinentes, en relation avec les
autres métiers en présence. Ce mode relationnel de
proximité est souligné par l’ensemble des interve-
nants qui soulignent un travail d’équipe en toute bien-
veillance, malgré des tensions naturelles au sein d’une
équipe qui apprend à fonctionner ensemble. Valoriser
les capacités personnelles, les connaissances et les com-
pétences de chacun permet d’apporter un espace de
confort pour les professionnels, ce qui améliore celui
fourni aux patients.
Même avec une approche aussi attentive, travailler
dans cette unité expose à des situations de soins diffi-
ciles. Cela impose une maturité personnelle et profes-
sionnelle, ainsi qu’un soutien au quotidien, apporté en
partie par la présence des autres membres de l’équipe.
Comme l’explique Mme P., entérothérapeute : « L’UFSOS
était exactement ce qu’il me manquait, un point de rat-
tachement : ne plus courir après un référent, un chirur-
gien. J’ai un médecin et une équipe qui travaille avec
moi. Partager sur les patients, sur les points de vue,
décharger au niveau émotionnel. ». Mais cela n’est pas
suffisant. L’activité a énormément augmenté, le manque
de personnel est toujours d’actualité. Grâce au change-
ment de fonctionnement lié à l’UFSOS, le burn-out est
temporisé mais non réglé, car il n’y a pas encore de
supervision psychologique pour le personnel. De sur-
croît, plus l’UFSOS est connue, plus les services d’hos-
pitalisation la sollicitent, et encore plus de besoins se
créent.
Outre l’aspect relationnel, il y a l’aspect organisa-
tionnel. Le guichet unique, standard téléphonique et
physique regroupant toutes les demandes, est plébis-
cité pour sa praticité et sa réactivité. Les intervenants
sont mieux à même de gérer leur planning. Mais il leur
est aussi demandé de projeter leur activité dans un terme
plus lointain, d’élaborer des objectifs, des formations. Il
existe désormais au sein de l’établissement des IDE et
des aides-soignants, relais en Douleur et Dénutrition au
sein des équipes cliniques, assurant le dépistage des
problèmes de santé au plus près des patients.
La « réunionite » est aussi un nouvel aspect de l’exer-
cice sur le terrain. Pour un professionnel habitué à tra-
vailler seul, s’astreindre régulièrement à s’asseoir autour
d’une table pour discuter de sa pratique peut être dérou-
tant, voire considéré comme trop chronophage et inutile.
Pourtant, cela amène à une prise de distance et à une
meilleure vision d’ensemble. Cela a ainsi permis de déve-
lopper la prise en charge de la kinésithérapie systéma-
tique des lymphœdèmes, de lancer un projet de proto-
cole d’ostéothérapie avec un étudiant ou l’éducation
thérapeutique.
Les assistantes ont développé leur polyvalence, car
elles se remplacent mutuellement lors des absences pour
les consultations spécialisées. Elles sont les pivots de
toutes les demandes téléphoniques et par fax, assurant
aussi la gestion des alertes gérontologiques, par le biais
des suivis des questionnaires systématiques. Elles ont
ainsi permis de libérer du temps soignant.
La volonté de l’encadrement d’inclure l’équipe à des
formations en tant que participants, puis en tant que
témoins de leur expertise auprès des équipes cliniques
modifie la dynamique du groupe. Chacun devient acteur.
Cela se ressent au niveau des services cliniques, les
médecins ont une meilleure lisibilité des atouts de l’UF-
SOS, ils ont le réflexe d’envoyer les patients pour gérer
leurs symptômes, même en dehors du contexte curatif,
avec toutefois des disparités dans la hiérarchie des
demandes. Les femmes médecins sont ainsi plus sensi-
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