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INTRODUCTION
L’orthopédie dento-faciale a pour objet le traitement des troubles du développement et des fonctions du
complexe dento-maxillo-facial. Le recours aux soins orthodontiques est aujourd’hui très répandu. Une étude
française, réalisée en 1979 sur 80 adolescents de 13 à 18 ans, révèle que 54% ont porté un appareil orthodontique.
Dans le cadre des traitements d’orthopédie dento-faciale, des extractions de dents saines sont très
couramment pratiquées. Ces extractions consistent le plus souvent chez l’enfant, à supprimer des prémolaires
permanentes, pour permettre l’agencement esthétique et fonctionnel des autres dents, lorsque la place manque sur
les arcades dentaires.
Depuis plus d’un siècle, le débat sur les indications de ces extractions réapparaît de façon périodique à la
faveur des congrès. Tous les grands noms de la spécialité ont disserté mainte fois sur ce thème.
Ce travail est le point de départ d’une approche de cette problématique sous l’angle de la réflexion éthique.
Les critères décisionnels sur lesquels se fonde aujourd’hui, la décision d’extraire ou de ne pas extraire,
créent des situations de tension autour de cette pratique.
Notre travail consistera dans un premier temps, à déterminer par une recherche bibliographique, quelles
sont les origines historiques de ces extractions et quelles réflexions peuvent être formulées à cet égard.
Dans un deuxième temps, nous tenterons par une enquête auprès d’adultes, d’appréhender la perception que
cette proposition thérapeutique suscite au sein de la population.
Enfin, au cours d’entretiens avec des praticiens, nous essaierons de mieux connaître l’évolution du
consentement des patients à cet acte chirurgical au cours des deux dernières décennies.
A partir des résultats de cette recherche, nous proposerons quelques conclusions susceptibles d’éclairer
cette problématique.
PROBLEMATIQUE
Bien que sur le plan métaphysique, l’exérèse d’un organe sain constitue généralement une antinomie
médicale, les extractions de dents saines en orthodontie trouvent leur légitimité dans le rétablissement d’une denture
fonctionnelle et esthétique qu’elles autorisent.
La valeur épistémologique de certains critères décisionnels de ces extractions dites thérapeutiques est
incertaine et controversée. C’est le cas
- des modèles ontologiques et morphogénétiques de l’extrémité céphalique,
- des différentes hypothèses physiopathologiques des dysmorphoses,
- de l’approximation des prévisions statistiques de croissance,
- du choix et de l’application de normes céphalométriques, tant au niveau du diagnostic que de la thérapeutique,
- de la subjectivité de l’esthétique du sourire et du profil,
- de la stabilité des expansions orthopédiques transversales des maxillaires.
Les situations de tension qu’ils déclinent, conduisent à des antagonismes entre les incertitudes avouées de
certains praticiens, et les attitudes dogmatiques des autres.
Dès l’aube de l’orthodontie, l’opposition entre extractionnistes et non extractionnistes a porté
principalement sur la possibilité ou non d’intervenir sur le déterminisme morphologique des bases osseuses maxillo-
faciales. En effet, une alternative thérapeutique aux extractions consiste à réaliser une expansion orthopédique
précoce des maxillaires. Les divergences, entre autres, sur ce choix thérapeutique se traduisent en clinique, par un
taux très variable d’extractions en fonction des praticiens.
Un même patient consultant deux praticiens différents pourra avoir deux propositions thérapeutiques
opposées : L’une imposant des extractions, l’autre ne les envisageant pas.
La perception par les patients, de cet acte chirurgical, qui conduit à l’amputation d’organes sains, n’entre
jamais dans les débats. Pourtant, en rapprochant cet acte d’autres modèles chirurgicaux, comme les
amygdalectomies par exemple, on peut s’interroger sur le degré de perception nociceptive et de mutilation, que ces
extractions pourraient éventuellement engendrer pour les patients, en particulier chez l’enfant. A notre connaissance,
à ce jour, aucune étude n’a été menée sur ce thème. De même le consentement qui, lorsqu’il s’agit d’enfants, est
délégué à l’autorité parentale, n’est jamais abordé dans la littérature. Est-il toujours serein ou emprunt
d’interrogations ? On peut également s’interroger sur l’influence que peuvent avoir les médias et l’environnement