INT J TUBERC LUNG DIS 5 (3): 205-207 © 2001 IUATLD EDITORIAL La signification clinique des interactions entre le VIH et le bacille tuberculeux : plus de questions que de réponses L'IMPACT POTENTIEL de la tuberculose (TB) active sur le taux de progression de la maladie VIH est réexaminé dans l'article de Badri et coll. dans ce numéro du Journal.1 Les patients atteints de tuberculose se présentant dans les polycliniques pour VIH à Cape Town ont des taux ajustés de mortalité et des taux d'incidence d'infection opportunistes non-tuberculeuses (IOs) plus élevés que les sujets fréquentant ces polycliniques mais sans TB active. Les différences de résultat sont les plus évidentes pour les patients qui ont des décomptes initiaux de CD4 élevés (supérieurs à 200 x 106/L), comme cela a été trouvé également dans une étude prospective similaire provenant d'Ouganda.2 Que pouvons-nous attendre d'études d'observation comme celles-ci au sujet de l'impact de la TB sur l'histoire naturelle de l'infection VIH, au sujet de l'importance de la TB relativement aux autres pathogènes et en ce qui concerne les priorités en matière d'interventions ou de recherches ultérieures? Le trait caractéristique de l'infection VIH non traitée est une immunosuppression progressive qui affecte de façon prédominante l'immunité à médiation cellulaire et qui entraîne une augmentation de sensibilité à l'égard des IOs. Il est bien établi que la fréquence et la sévérité des IOs augmentent au fur et à mesure de l'aggravation de l'immunosuppression liée au VIH. Il n'est pas étonnant que ceci soit associé à des taux accrus de mortalité puisque chaque IO entraîne un risque qui peut être substantiel de décès spécifique au pathogène considéré. Toutefois, l'hypothèse centrale de l'article de Badri et coll. est l'existence d'un autre effet défavorable, en l'occurrence un déclin irréversible et par étape de la fonction immunitaire entraîné par une poussée de réplication rapide du VIH qui serait induite par une stimulation immunitaire intercurrente.3 Celle-ci a été initialement attribuée à la tuberculose puisqu'elle provoque une réponse immunitaire caractéristiquement prolongée du type à médiation cellulaire, mais cette hypothèse a été étendue depuis lors à d'autres infections intercurrentes.3,4 Les conséquences potentielles sont une augmentation subséquente du risque d'IOs et de décès comme celle qui est illustrée par la flèche rétrograde de la Figure. Le phénomène par lequel un résultat de la prédisposition peut rétroagir pour exacerber la maladie prédisposante n'est pas propre au VIH ; par exemple les infections thoraciques bactériennes peuvent simultanément compliquer et aggraver des bronchectasies sous-jacentes. La possibilité que les taux de progression du VIH soient significativement propulsés par des IOs intercurrentes a attiré un intérêt et des fonds de recherche substantiels car, s'il en était ainsi, la prévention des IOs serait une urgence complémentaire. Toutefois, cette hypothèse n'est toujours pas démontrée, en raison des difficultés qu'il y a à distinguer les différentes composantes qui interviennent dans le pronostic. Les études d'observation, comme celle de ce numéro investiguant l'impact de la tuberculose sur les événements subséquents, ne peuvent pas distinguer les relations à deux directions incluant une rétroaction positive d'avec une relation plus simple et à une direction dans laquelle la TB est principalement la conséquence d'une déficience fonctionnelle de l'immunité, mais ne contribue pas à cette dernière. La limitation principale est que la corrélation est imprécise entre état fonctionnel immunitaire et marqueurs de laboratoire comme les décomptes de CD4 ou charges virales ;5 il n'est donc pas possible d'effectuer un ajustement précis dans les analyses multivariées : ceci laisse la porte ouverte à l'interprétation selon laquelle les piètres pronostics ultérieurs dans le groupe TB reflètent simplement des différences difficilement quantifiables de la fonction immunitaire de début. Dès lors, les études d'observation ne permettent pas de conclure à une relation de causalité. Par contre, elles fournissent des indications sur l'ampleur du bénéfice individuel qu'on aurait pu attendre si l'épisode de TB avait été prévenu et si la prévention de la fonction immunitaire. Pour la TB, à l'opposé de ce qui se passe dans d'autres IOs associées au VIH, il existe une masse de données pertinentes provenant d'essais contrôlés randomisés (ECR) avec placebo sur le traitement [Traduction de l'éditorial "Assessing health seeking behaviour among tuberculosis patients in rural South Africa" Int J Tuberc Lung Dis 2001; 5 (3): 205-207.] 2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Infection VIH Impact des IOs associées au VIH • Immunosuppression progressive et charge virale • ? fréquence et sévérité des IOs • morbidité & mortalité • spécifique au pathogène • ? impact indirect dû à du taux de progression du VIH contagiosité & transmission du VIH • via une inflammation génitale par les infections sexuellement transmissibles • ? via charge virale plasmatique par les autres infections intercurrentes transmission des IOs contagieuses Intensité et nature de l'exposition au pathogène • • facteurs socio-économiques variations géographiques Figure Interactions potentielles entre l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), les infections opportunistes (IOs) et l'environnement dans lequel se trouvent les individus des infections tuberculeuses latentes.6 Le traitement d'une TB latente chez les sujets séropositifs pour le VIH et dont les tests tuberculiniques sont positifs réduit de manière significative l'incidence subséquente de la TB mais n'a pas d'impact significatif sur la survie selon la méta-analyse la plus importante et la plus récemment publiée.6 Comment ces résultats peuvent-ils être réconciliés avec ceux de Badri et coll. et avec d'autres études similaires ? Les deux ne s'excluent pas mutuellement puisqu'il se pourrait simplement que l'incidence de la TB associée au VIH n'est pas suffisamment importante pour l'emporter sur les taux de progression du VIH et de sa mortalité au niveau de la population. Ceci est particulièrement vraisemblable si l'impact sur la progression était limité au sous-groupe de cas de TB qui surviennent précocement dans le décours de la maladie VIH, comme le suggèrent les résultats de Badri et coll. et de Whalen et coll. Néanmoins, quoiqu'un avantage individuel n'ait pas été exclu, les résultats des ECR impliquent qu'un traitement généralisé de l'infection TB latente n'aura probablement pas un impact majeur sur les taux de progression de la maladie VIH et que la progression accélérée du VIH due à la TB, si toutefois elle existe vraiment, n'a pas une signification majeure an matière de santé publique. En ce qui concerne les autres pathogènes, les charges virales plasmatiques sont transitoirement augmentées par la stimulation immunitaire provenant de n'importe quelle cause, y compris les infections par les protozoaires ou les helminthes comme la malaria et la schistosomiase, d'autres IOs associées au VIH et même les vaccinations.3,4 Il est important de savoir que d'autres IOs associées au VIH impliquent un pronostic défavorable en ce qui concerne l'intervalle de survie sans maladie et la survie globale quand on les compare avec d'autres individus appariés mais sans événements intercurrents, et que la TB associée au VIH implique un pronostic moins grave que d'autres IOs intervenant dans la définition du SIDA, dans des groupes appariés de patients.7 Si l'hypothèse selon laquelle une stimulation immunitaire simultanée accélère la progression du VIH est correcte, il est possible que des infections courantes, qu'elles soient ou non associées au VIH, puissent jouer collectivement un rôle majeur en déterminant des taux de progression du VIH dans des situations où l'exposition à des agents infectieux et en particulier à des parasites est marquée. Des différences régionales de l'état basal d'activation immunitaire existent entre les résidents de pays industrialisés et ceux des pays en développement,8 mais il n'existe pas de consensus clair au sujet du fait que ceci entraînerait des différences dans le taux de progression du VIH. 3,4,9,10 La possibilité que des poussées de réplication accrue du VIH associée aux IOs et aux coinfections parasitaires pourraient contribuer aux taux de transmission élevés du VIH observés en Afrique sub-saharienne est peut être de signification plus importante pour la santé publique puisque les charges virales plasmatiques et celles des sécrétions génitales sont corrélées l'une avec l'autre ainsi qu'avec la contagiosité.11 La survie de personnes infectées par le VIH est Editorial certainement plus courte dans les pays en développement que dans les pays industrialisés et ces différences régionales vont en croissant. Le facteur prédominant toutefois est l'accessibilité et le standard des soins.12 La mise à disposition de moyens de diagnostic de l'infection VIH et l'accès à des interventions basales effectives et peu coûteuses sont déjà des priorités majeures, le coût et les barrières logistiques restant les défis-clé qui doivent être surmontés.12 Pour l'isoniazide et le cotrimoxazole, les bénéfices indirects hypothétiques de préservation de la fonction immunitaire n'ajoutent que peu de supplément aux avantages directs de la prévention des IOs spécifiques et ne représentent en rien une raison de changer les recommandations en cours. Comme secteurs de recherche qui pourraient effectivement entraîner des modifications en matière de politique à suivre, signalons l'investigation de l'impact des infections intercurrentes qui ne bénéficient pas encore d'une priorité d'intervention, comme les helminthiases ou la malaria associée au VIH ainsi que leur relation avec la contagiosité. Même si la question de savoir si la TB a un impact quelconque sur la progression de la maladie VIH peut rester sans réponse, ceci ne diminue en rien la gravité de l'épidémie de TB associée au VIH et ne réduit nullement l'urgente nécessité d'un accroissement de l'accessibilité aux soins dans les zones sévèrement atteintes. ELIZABETH L. CORBETT KEVIN M. DE COCK Department of Infectious and Tropical Diseases London School of Hygiene and Tropical Medicine Keppel Street WC1E 7HT, UK Tel : (+44) 20 7927 2116 Fax : (+44) 20 7637 4314 e-mail : [email protected] 3 Références 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Badri M, Ehrlich R, Wood R, Pulerwitz T, Maartens G. Association between tuberculosis and HIV disease progression in a high tuberculosis prevalence area. Int J Tuberc Lung Dis 2001; 5 (3): 000-000. Whalen C C, Nsubuga P, Okwera A, et al. Impact of pulmonary tuberculosis on survival of HIV-infected adults: a prospective epidemiologic study in Uganda. AIDS 2000; 14: 1219-1228. 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