Un renouveau de la démarche - Revue Hospitalière de France

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N° 525 - Novembre - Décembre 2008
Marketing
La démarche marketing vise la satis-
faction de la clientèle et ne peut être
efficiente que si, et seulement si, elle
a été précédée d’une stratégie pertinente.
Ce continuum stratégie/marketing consti-
tue un facteur clé de succès. Parler de
renouveau invite à considérer que dans
une phase antérieure, ce couple moderne
ne s’est pas imposé. Des facteurs
exogènes et endogènes à l’entreprise
hospitalière annoncent ce renouveau.
Facteurs exogènes
Ne seront analysés ici que les facteurs
exogènes aux impacts les plus impor-
tants, car ils sont très nombreux.
>> Droits du « consomm’acteur »
Si, dans le langage courant, l’emploi du
substantif «usager» ou «client» n’est pas
tranché – et il n’est pas près de l’être –, la
reconnaissance des droits du «consomm’ac-
teur», pour reprendre un terme utilisé par
Robert Rochefort (CREDOC), est une ques-
tion centrale. Elle devrait conduire celui que
nous pourrions désigner sous l’appellation
«consomm’acteur de soins et de préven-
tion» à privilégier toutes prestations visant
à préserver son capital santé. Les fournis-
seurs de ces prestations auront à relever
le défi: celui de lui apporter demain, grâce
à une offre segmentée pertinente, les
réponses appropriées…
>> Vulgarisation des outils
de diagnostic
Les outils de diagnostic des structures se
sont installés, qu’il s’agisse de diagnostic
interne (forces/faiblesses) ou externe
(menaces/opportunités).
L’utilisation dans le domaine industriel et
commercial de grilles d’analyse connues
sous le nom de MOFF (menaces/opportu-
nités/forces/faiblesses) et d’outils informa-
tisés associés à leur anglicisme SWOT
(Strengths weaknesses opportunities
threats) en est la preuve. Ces outils appor-
tent une valeur ajoutée par rapport aux
analyses traditionnelles. Elles fournissent
une photographie d’ensemble des données,
avant d’ouvrir la voie à l’utilisation d’autres
outils, qui seront évoqués plus loin.
>> Raréfaction des compétences
La raréfaction des compétences médi-
cales et paramédicales par rapport à
l’évolution des besoins, en particulier
ceux liés à l’allongement de l’espérance
de vie, a accéléré la résolution des ques-
tions clés que représente la bonne
adéquation de l’offre aux besoins de
soins, de prévention et d’éducation
thérapeutique.
>> Projets médicaux de territoire
Les projets médicaux de territoire vont
faire évoluer la réflexion stratégique,
avec une quasi-externalisation de la
stratégie pour certains acteurs, d’autres
devenant de simples opérateurs pour le
compte d’autres décideurs.
>> Seuils d’activité
La tendance à fixer des seuils d’activité
de plus en plus élevés accélérera les
Michel CHANTEUR*
Directeur du centre médico-chirurgical de réadaptation
(CMCR) des Massues, Lyon
Un renouveau
de la démarche
Apparu dans les années quatre-vingt, le marketing hospitalier
a connu des débuts délicats : dans le milieu professionnel,
d’abord, qui n’utilisait aucun des outils développés
par le secteur industriel et commercial. Dans l’opinion
publique, ensuite, qui considère la santé comme une activité
noble, non associable à des préoccupations mercantiles.
Dans le milieu politique, enfin, qui privilégie la planification
des activités de soins. En cette fin des années 2000, plusieurs
facteurs plaident en faveur d’un renouveau de la démarche.
Cette approche n’est pas détachable de l’analyse stratégique
laquelle, in fine, séduit davantage les professionnels
de santé que la démarche marketing. Apparaît aujourd’hui
un couple stratégie et marketing hospitaliers. Inscrit
dans un continuum de réflexion et d’action, il vise qualité
du service, pertinence et efficience des prestations.
*Michel Chanteur, directeur d’hô-
pital, a participé à la fondation
du Groupe de recherche et d’ap-
plication en marketing hospita-
lier (GRAMH) au milieu des
années quatre-vingt et préparé,
après dix ans de pratique profes-
sionnelle à l’hôpital public, un
diplôme de marketing (Institut
national du marketing, filiale
de l’Institut français de gestion).
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processus de regroupement, et augmen-
tera la taille critique des opérateurs. Plus
leur taille critique gagnera en crois-
sance, plus le couple stratégie/marke-
ting sera utilisé.
>> T2A à 100%
La tarification à l’activité (T2A) à 100%
conduit à promouvoir les techniques qui
intègrent le prix à la définition de la pres-
tation (marketing-mix) et, en amont, à
la stratégie, avec définition des domaines
d’activités stratégiques (DAS) et des
segments de marché. In fine, le déve-
loppement de la T2A produira deux
impacts majeurs:
la régulation de l’offre, et donc du
marché, par l’effet prix, ce qui n’était
pas le cas avec les dotations globales
de fonctionnement.
le développement de la culture de
recettes, au détriment de la gestion
par enveloppe et au profit de la
culture de service, véritable généra-
teur de recettes.
L’impact de la T2A à 100% sera encore
plus perceptible avec l’extension aux
autres champs d’activités: soins de suite
et de réadaptation, psychiatrie, etc.
>> Développement des mutuelles
et assurances en santé
Signe supplémentaire caractérisant
l’émergence du marché de la santé, il
renforce le rôle du consomm’acteur de
soins et de prévention auquel il confie
davantage de responsabilités, notam-
ment sur le choix des garanties et des
prix associés à ces nouvelles prestations.
Facteurs endogènes
Au cours des années 2000, les établis-
sements ont intégré un certain nombre
d’évolutions susceptibles de favoriser
le renouveau du couple stratégie/
marketing.
>> Analyse de l’environnement
Associée depuis de nombreuses années
à la réflexion stratégique des établisse-
ments, l’analyse de leur environnement
s’élargit. Mais elle procède par vagues
successives, avec deux conséquences :
l’intégration des dernières tendances,
comme le développement durable,
appelle un approfondissement métho-
dologique ; en outre, elle ne différencie
pas suffisamment l’analyse des
tendances lourdes et les risques poten-
tiels de rupture.
>> Limite des outils traditionnels
Les projets d’établissement reposent prin-
cipalement sur le projet médical. Or un
très grand nombre de projets médicaux
élaborés de manière participative et selon
la méthode bottom up (méthode ascen-
dante) ne constituent, en réalité, qu’un
agrégat de projets ou de souhaits: il s’agit
de ne déplaire à personne à l’intérieur de
l’entreprise hospitalière… Or la démarche
stratégique ne peut se réduire à la
somme de stratégies partielles, la qualité
n’est pas la somme de qualités séquen-
tielles, et l’articulation savoir-faire (au
sens de métier)/stratégie a été insuffi-
samment explorée.
>> Évolution des mentalités
Dans leur vie hors de l’institution sani-
taire, les professionnels de santé sont
aussi des consomm’acteurs qui
connaissent l’efficacité et la pertinence
des approches stratégie/marketing. Ils
savent que construire une offre de
qualité en élaborant stratégie et poli-
tique marketing n’est pas vendre son
âme : c’est apporter un meilleur
service au patient. Pour peu que l’on
prenne le temps (et les moyens) de les
leur enseigner, ces professionnels sont
prêts à s’ouvrir à d’autres approches,
à recourir à d’autres méthodes.
>> Qualité et coûts
La qualité s’impose dans le champ de
la santé plus encore qu’en d’autres
secteurs d’activité. Mais la relation avec
les coûts – donc les moyens – y est
souvent faussée. Chaque professionnel
et chaque équipe pensent, de manière
générale, que «plus de moyens» est
synonyme de «plus de qualité». Mais
que se passe-t-il si, en amont, les choix
sont erronés ou mal définis?
L’augmentation de moyens amène plus
de désorganisation, donc moins de
qualité et plus de coûts.
Selon la définition empruntée au
Mouvement français pour la qualité,
celle-ci consiste à «faire bien dès la
première fois»: une source de satis-
faction pour le consomm’acteur, un
vecteur d’économies certaines et une
démarche éminemment éthique.
>> Modification de la gouvernance
hospitalière
La modification prochaine des structures
de management de l’hôpital public, avec
l’installation d’un directoire et d’un conseil
de surveillance, va conduire les établis-
sements de santé à adopter une gouver-
nance proche de celle de l’entreprise à
l’exception d’un centre de décision, de
fait, bicéphale. Elle stimulera le recours
à l’analyse stratégique et à l’utilisation
des outils marketing. Elle conduira les
équipes à s’assurer de la cohérence du
continuum stratégie/marketing, comme
dans toute entreprise.
Continuum stratégie/
marketing hospitaliers
L’union fait la force. Que ce soit au sein
d’une entreprise du domaine industriel,
commercial ou de l’entreprise hospita-
lière, les approches stratégie/marketing
contribuent à une même ligne direc-
trice: il s’agit de mettre en adéquation
une politique visant à dégager des
ressources – transformées en moyens
de production – avec les besoins et
attentes des clients. Des évaluations
sont réalisées et des ajustements et/ou
réorientations décidés pour mettre en
œuvre une adaptation permanente.
Cette adaptation permanente forme le
prérequis nécessaire à la satisfaction
du client et à l’anticipation des réac-
tions de la concurrence. Disparaît dès
lors la frontière stratégie/marketing, ce
dont il faut convaincre les acteurs. Les
professionnels de santé devront s’ap-
proprier cette nouvelle chaîne de valeur
stratégie/marketing.
>> Nouvelle chaîne de valeur
La stratégie prend en compte l’ana-
lyse de l’environnement à travers une
double analyse:
l’analyse structurelle analyse les
Un renouveau de la démarche
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tendances lourdes, identifie les
risques de ruptures et prend en
compte les univers périphériques
susceptibles d’interfacer avec les acti-
vités. Elle inclut bien évidemment la
fonction d’organisation et l’analyse de
son cadre fondamental de référence,
l’analyse conjoncturelle prend en
compte les éléments externes, expri-
més en termes de menaces et d’op-
portunités et les facteurs internes,
classés en forces et faiblesses.
Le choix du positionnement et des
domaines d’activités stratégiques (DAS)
permet de définir un premier niveau de
sous-ensembles pertinents qui sera à son
tour garant de cohérence et de qualité.
Chaque DAS pourra être analysé en fonc-
tion des différents segments de marché
correspondant à des cibles suffisamment
homogènes pour assurer la construc-
tion d’une offre de service adaptée. Celle-
ci se traduira par un «service mix » (trans-
position des services du marketing-mix),
composé de quatre éléments:
un ensemble de prestations/et/ou
produits,
un réseau de distribution,
une tarification,
une communication/conseil.
Cette démarche se place de facto à l’op-
posé de la sommation des projets
«collectés» approches que nous quali-
fierons d’«historiques»: la qualité n’est
pas la somme des qualités partielles
(idem pour la stratégie) mais celle du
service rendu au consomm’acteur de
soins. Elle est la qualité du process
client qui conduit à sa satisfaction, avec,
en amont, un prérequis sécurité/préven-
tion/gestion des risques.
Il est donc possible d’affirmer qu’il existe
une chaîne de valeur intégrale: straté-
gie/marketing/sécurité/qualité/satisfac-
tion. Au sein de cette chaîne de valeur,
le personnel joue un rôle déterminant
pour la promotion de la qualité et de la
satisfaction/client. Cela implique de
considérer les personnels comme des
clients internes: plus ils sont satisfaits 1,
plus ils contribuent à la satisfaction
du consomm’acteur de soins et de
prévention. Si cette approche apporte
cohérence, qualité et économies, alors
il est grand temps que les profession-
nels de santé se l’approprient. Encore
faut-il concevoir cet enseignement, ce
qui appelle plusieurs questions: que
faut-il enseigner? selon quelle méthode
pédagogique? qui doit enseigner? quels
sont les professionnels concernés?
>> Quelques outils
Inutile de présenter un catalogue,
mentionnons simplement quelques
outils:
le métier et le cadre fondamental de
référence (CFR) constituent un point de
référence pour appréhender ultérieure-
ment si une activité, ou projet est en
adéquation avec le CFR. Il constituera
aussi une aide précieuse dans l’analyse
de la sous-traitance. Il convient donc
de le définir préalablement. Les grilles
de construction existent,
le portefeuille d’activités: le raisonne-
ment doit toujours se situer par rapport
à l’ensemble de l’entreprise hospitalière,
la décision d’affectation de ressources
relevant toujours d’arbitrages à ce
niveau. Ceux-ci sont destinés à servir
la stratégie, dont la première finalité est
d’assurer la survie de la structure, et la
seconde de se développer,
le positionnement sur le cycle de
vie afin d’appréhender deux séries
d’informations:
- l’identification du positionnement
(lancement, croissance, maturité,
déclin), qui apporte un premier éclai-
rage sur les actions à entreprendre,
- la clarification globale de l’ensemble
des activités sur le cycle de vie, qui
favorise l’identification et l’objecti-
vation des sources potentielles de
désinvestissement. Cette notion
de désinvestissement, identifiée en
amont, permet d’anticiper et de
réorienter précocement les finance-
ments sur des activités en crois-
sance ou en phase de lancement. Il
permet aussi, en phase intermé-
diaire, d’ajuster le service-mix.
Plutôt que de privilégier un outil à un
autre (cités ou non dans cet article), il
s’agit de les choisir en fonction du cas
à traiter et de procéder à la synthèse des
informations.
>> Quelques règles pédagogiques
Elles sont issues d’une expérience de
terrain et combinent l’enseignement des
concepts, et leur illustration, avec l’in-
vitation à réfléchir à la transposabilité
des outils dans les contextes profes-
sionnels hospitaliers.
La méthode pédagogique alternera
notamment:
exposé théorique des concepts, stra-
tégie et marketing,
exemples du domaine industriel et
commercial,
étude de cas pratiques avec travaux
en sous-groupe,
discernement dans le choix et l’utili-
sation des outils,
documentation,
apport du «sachant méthodologique »
(stratégie/marketing).
Ces items sont des pistes qu’il
convient d’approfondir de manière
pluriprofessionnelle de façon à « faire
bien dès la première fois » là aussi.
La formation initiale est à compléter
par un suivi dans un délai à convenir
en fonction des structures et de leurs
problématiques.
Un renouveau du couple straté-
gie/marketing est possible en
santé. Au-delà des seuls hôpitaux, il
concerne aussi les maisons de retraite,
les centres spécialisés, les écoles profes-
sionnelles… Et pas seulement en
France : les acteurs européens partagent
les mêmes analyses 2. Son enseigne-
ment s’adresse à tous les professionnels
de santé. Ils acquerront des connais-
sances utiles dans leurs pratiques,
comme à titre personnel.
1. On retrouve ici la notion de
magnet hospital, concept
anglo-saxon qui étalonne la
qualité des soins à la satisfac-
tion des personnels. (NDLR)
2. En témoignent deux
articles récemment publiés
dans la revue Hospital :
Peter Hundt, Kerstin
Tepper, Detlef Steinhausen,
« Marketing hospitalier,
une mission stratégique »,
Hospital 2006/01, p. 16.
Dr Frédéric Bielen, Christophe
Sempels, «Pourquoi le marke-
ting hospitalier a-t-il de l’ave-
nir?», Hospital 2006/01,
p. 19.
Marketing
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