12_29_dossier1_RHF525:Dossier_RHF 3/12/08 11:50 Page 18 Marketing Michel CHANTEUR* Directeur du centre médico-chirurgical de réadaptation (CMCR) des Massues, Lyon Un renouveau de la démarche Apparu dans les années quatre-vingt, le marketing hospitalier a connu des débuts délicats : dans le milieu professionnel, d’abord, qui n’utilisait aucun des outils développés par le secteur industriel et commercial. Dans l’opinion publique, ensuite, qui considère la santé comme une activité noble, non associable à des préoccupations mercantiles. Dans le milieu politique, enfin, qui privilégie la planification des activités de soins. En cette fin des années 2000, plusieurs facteurs plaident en faveur d’un renouveau de la démarche. Cette approche n’est pas détachable de l’analyse stratégique laquelle, in fine, séduit davantage les professionnels de santé que la démarche marketing. Apparaît aujourd’hui un couple stratégie et marketing hospitaliers. Inscrit dans un continuum de réflexion et d’action, il vise qualité du service, pertinence et efficience des prestations. a démarche marketing vise la satisfaction de la clientèle et ne peut être efficiente que si, et seulement si, elle a été précédée d’une stratégie pertinente. Ce continuum stratégie/marketing constitue un facteur clé de succès. Parler de renouveau invite à considérer que dans une phase antérieure, ce couple moderne ne s’est pas imposé. Des facteurs exogènes et endogènes à l’entreprise hospitalière annoncent ce renouveau. L *Michel Chanteur, directeur d’hôpital, a participé à la fondation du Groupe de recherche et d’application en marketing hospitalier (GRAMH) au milieu des années quatre-vingt et préparé, après dix ans de pratique professionnelle à l’hôpital public, un diplôme de marketing (Institut national du marketing, filiale de l’Institut français de gestion). 18 Facteurs exogènes Ne seront analysés ici que les facteurs exogènes aux impacts les plus importants, car ils sont très nombreux. N ° 5 2 5 - N o v e m b r e - >> Droits du « consomm’acteur » Si, dans le langage courant, l’emploi du substantif «usager» ou «client» n’est pas tranché – et il n’est pas près de l’être –, la reconnaissance des droits du «consomm’acteur», pour reprendre un terme utilisé par Robert Rochefort (CREDOC), est une question centrale. Elle devrait conduire celui que nous pourrions désigner sous l’appellation «consomm’acteur de soins et de prévention» à privilégier toutes prestations visant à préserver son capital santé. Les fournisseurs de ces prestations auront à relever le défi: celui de lui apporter demain, grâce à une offre segmentée pertinente, les réponses appropriées… D é c e m b r e 2 0 0 8 >> Vulgarisation des outils de diagnostic Les outils de diagnostic des structures se sont installés, qu’il s’agisse de diagnostic interne (forces/faiblesses) ou externe (menaces/opportunités). L’utilisation dans le domaine industriel et commercial de grilles d’analyse connues sous le nom de MOFF (menaces/opportunités/forces/faiblesses) et d’outils informatisés associés à leur anglicisme SWOT (Strengths weaknesses opportunities threats) en est la preuve. Ces outils apportent une valeur ajoutée par rapport aux analyses traditionnelles. Elles fournissent une photographie d’ensemble des données, avant d’ouvrir la voie à l’utilisation d’autres outils, qui seront évoqués plus loin. >> Raréfaction des compétences La raréfaction des compétences médicales et paramédicales par rapport à l’évolution des besoins, en particulier ceux liés à l’allongement de l’espérance de vie, a accéléré la résolution des questions clés que représente la bonne adéquation de l’offre aux besoins de soins, de prévention et d’éducation thérapeutique. >> Projets médicaux de territoire Les projets médicaux de territoire vont faire évoluer la réflexion stratégique, avec une quasi-externalisation de la stratégie pour certains acteurs, d’autres devenant de simples opérateurs pour le compte d’autres décideurs. >> Seuils d’activité La tendance à fixer des seuils d’activité de plus en plus élevés accélérera les >> T2A à 100 % La tarification à l’activité (T2A) à 100 % conduit à promouvoir les techniques qui intègrent le prix à la définition de la prestation (marketing-mix) et, en amont, à la stratégie, avec définition des domaines d’activités stratégiques (DAS) et des segments de marché. In fine, le développement de la T2A produira deux impacts majeurs : • la régulation de l’offre, et donc du marché, par l’effet prix, ce qui n’était pas le cas avec les dotations globales de fonctionnement. • le développement de la culture de recettes, au détriment de la gestion par enveloppe et au profit de la culture de service, véritable générateur de recettes. L’impact de la T2A à 100 % sera encore plus perceptible avec l’extension aux autres champs d’activités : soins de suite et de réadaptation, psychiatrie, etc. >> Développement des mutuelles et assurances en santé Signe supplémentaire caractérisant l’émergence du marché de la santé, il renforce le rôle du consomm’acteur de soins et de prévention auquel il confie davantage de responsabilités, notamment sur le choix des garanties et des prix associés à ces nouvelles prestations. Facteurs endogènes Au cours des années 2000, les établissements ont intégré un certain nombre d’évolutions susceptibles de favoriser le renouveau du couple stratégie/ marketing. >> Analyse de l’environnement Associée depuis de nombreuses années à la réflexion stratégique des établissements, l’analyse de leur environnement s’élargit. Mais elle procède par vagues successives, avec deux conséquences : l’intégration des dernières tendances, t a l i è r e comme le développement durable, appelle un approfondissement méthodologique ; en outre, elle ne différencie pas suffisamment l’analyse des tendances lourdes et les risques potentiels de rupture. >> Limite des outils traditionnels Les projets d’établissement reposent principalement sur le projet médical. Or un très grand nombre de projets médicaux élaborés de manière participative et selon la méthode bottom up (méthode ascendante) ne constituent, en réalité, qu’un agrégat de projets ou de souhaits : il s’agit de ne déplaire à personne à l’intérieur de l’entreprise hospitalière… Or la démarche stratégique ne peut se réduire à la somme de stratégies partielles, la qualité n’est pas la somme de qualités séquentielles, et l’articulation savoir-faire (au sens de métier)/stratégie a été insuffisamment explorée. >> Évolution des mentalités Dans leur vie hors de l’institution sanitaire, les professionnels de santé sont aussi des consomm’acteurs qui connaissent l’efficacité et la pertinence des approches stratégie/marketing. Ils savent que construire une offre de qualité en élaborant stratégie et politique marketing n’est pas vendre son âme : c’est appor ter un meilleur service au patient. Pour peu que l’on prenne le temps (et les moyens) de les leur enseigner, ces professionnels sont prêts à s’ouvrir à d’autres approches, à recourir à d’autres méthodes. >> Qualité et coûts La qualité s’impose dans le champ de la santé plus encore qu’en d’autres secteurs d’activité. Mais la relation avec les coûts – donc les moyens – y est souvent faussée. Chaque professionnel et chaque équipe pensent, de manière générale, que « plus de moyens » est synonyme de « plus de qualité ». Mais que se passe-t-il si, en amont, les choix sont erronés ou mal définis ? L’augmentation de moyens amène plus de désorganisation, donc moins de qualité et plus de coûts. N ° 5 2 5 - d e F r a n c e Selon la définition empruntée au Mouvement français pour la qualité, celle-ci consiste à « faire bien dès la première fois » : une source de satisfaction pour le consomm’acteur, un vecteur d’économies certaines et une démarche éminemment éthique. >> Modification de la gouvernance hospitalière La modification prochaine des structures de management de l’hôpital public, avec l’installation d’un directoire et d’un conseil de surveillance, va conduire les établissements de santé à adopter une gouvernance proche de celle de l’entreprise à l’exception d’un centre de décision, de fait, bicéphale. Elle stimulera le recours à l’analyse stratégique et à l’utilisation des outils marketing. Elle conduira les équipes à s’assurer de la cohérence du continuum stratégie/marketing, comme dans toute entreprise. Actualités i << Continuum stratégie/ marketing hospitaliers L’union fait la force. Que ce soit au sein d’une entreprise du domaine industriel, commercial ou de l’entreprise hospitalière, les approches stratégie/marketing contribuent à une même ligne directrice : il s’agit de mettre en adéquation une politique visant à dégager des ressources – transformées en moyens de production – avec les besoins et attentes des clients. Des évaluations sont réalisées et des ajustements et/ou réorientations décidés pour mettre en œuvre une adaptation permanente. Cette adaptation permanente forme le prérequis nécessaire à la satisfaction du client et à l’anticipation des réactions de la concurrence. Disparaît dès lors la frontière stratégie/marketing, ce dont il faut convaincre les acteurs. Les professionnels de santé devront s’approprier cette nouvelle chaîne de valeur stratégie/marketing. >> Nouvelle chaîne de valeur La stratégie prend en compte l’analyse de l’environnement à travers une double analyse : • l’analyse structurelle analyse les N o v e m b r e - D é c e m b r e 2 0 0 8 Marketing processus de regroupement, et augmentera la taille critique des opérateurs. Plus leur taille critique gagnera en croissance, plus le couple stratégie/marketing sera utilisé. p Droit et jurisprudence s EPP o Sur le web h Réflexions hospitalières e International u Cultures et cité v Page 19 En librairie e 11:50 Offres d’emploi R 3/12/08 Un renouveau de la démarche 12_29_dossier1_RHF525:Dossier_RHF 19 12_29_dossier1_RHF525:Dossier_RHF 3/12/08 11:50 Page 20 Marketing tendances lourdes, identifie les risques de ruptures et prend en compte les univers périphériques susceptibles d’interfacer avec les activités. Elle inclut bien évidemment la fonction d’organisation et l’analyse de son cadre fondamental de référence, • l’analyse conjoncturelle prend en compte les éléments externes, exprimés en termes de menaces et d’opportunités et les facteurs internes, classés en forces et faiblesses. Le choix du positionnement et des domaines d’activités stratégiques (DAS) permet de définir un premier niveau de sous-ensembles pertinents qui sera à son tour garant de cohérence et de qualité. Chaque DAS pourra être analysé en fonction des différents segments de marché correspondant à des cibles suffisamment homogènes pour assurer la construction d’une offre de service adaptée. Celleci se traduira par un «service mix» (transposition des services du marketing-mix), composé de quatre éléments : • un ensemble de prestations/et/ou produits, • un réseau de distribution, • une tarification, • une communication/conseil. Cette démarche se place de facto à l’opposé de la sommation des projets « collectés » approches que nous qualifierons d’« historiques » : la qualité n’est pas la somme des qualités partielles (idem pour la stratégie) mais celle du service rendu au consomm’acteur de soins. Elle est la qualité du process client qui conduit à sa satisfaction, avec, en amont, un prérequis sécurité/prévention/gestion des risques. Il est donc possible d’affirmer qu’il existe une chaîne de valeur intégrale : stratégie/marketing/sécurité/qualité/satisfaction. Au sein de cette chaîne de valeur, le personnel joue un rôle déterminant pour la promotion de la qualité et de la satisfaction/client. Cela implique de 1. On retrouve ici la notion de magnet hospital, concept anglo-saxon qui étalonne la qualité des soins à la satisfaction des personnels. (NDLR) 2. En témoignent deux 20 N ° 5 2 5 - considérer les personnels comme des clients internes : plus ils sont satisfaits 1, plus ils contribuent à la satisfaction du consomm’acteur de soins et de prévention. Si cette approche apporte cohérence, qualité et économies, alors il est grand temps que les professionnels de santé se l’approprient. Encore faut-il concevoir cet enseignement, ce qui appelle plusieurs questions : que faut-il enseigner ? selon quelle méthode pédagogique ? qui doit enseigner ? quels sont les professionnels concernés ? >> Quelques outils Inutile de présenter un catalogue, mentionnons simplement quelques outils : • le métier et le cadre fondamental de référence (CFR) constituent un point de référence pour appréhender ultérieurement si une activité, ou projet est en adéquation avec le CFR. Il constituera aussi une aide précieuse dans l’analyse de la sous-traitance. Il convient donc de le définir préalablement. Les grilles de construction existent, • le portefeuille d’activités : le raisonnement doit toujours se situer par rapport à l’ensemble de l’entreprise hospitalière, la décision d’affectation de ressources relevant toujours d’arbitrages à ce niveau. Ceux-ci sont destinés à servir la stratégie, dont la première finalité est d’assurer la survie de la structure, et la seconde de se développer, • le positionnement sur le cycle de vie afin d’appréhender deux séries d’informations : - l’identification du positionnement (lancement, croissance, maturité, déclin), qui apporte un premier éclairage sur les actions à entreprendre, - la clarification globale de l’ensemble des activités sur le cycle de vie, qui favorise l’identification et l’objectivation des sources potentielles de désinvestissement. Cette notion articles récemment publiés dans la revue Hospital : Peter Hundt, Kerstin Tepper, Detlef Steinhausen, « Marketing hospitalier, une mission stratégique », N o v e m b r e - D é c e m b r e Hospital 2006/01, p. 16. Dr Frédéric Bielen, Christophe Sempels, «Pourquoi le marketing hospitalier a-t-il de l’avenir ? », Hospital 2006/01, p. 19. 2 0 0 8 de désinvestissement, identifiée en amont, permet d’anticiper et de réorienter précocement les financements sur des activités en croissance ou en phase de lancement. Il permet aussi, en phase intermédiaire, d’ajuster le service-mix. Plutôt que de privilégier un outil à un autre (cités ou non dans cet article), il s’agit de les choisir en fonction du cas à traiter et de procéder à la synthèse des informations. >> Quelques règles pédagogiques Elles sont issues d’une expérience de terrain et combinent l’enseignement des concepts, et leur illustration, avec l’invitation à réfléchir à la transposabilité des outils dans les contextes professionnels hospitaliers. La méthode pédagogique alternera notamment : • exposé théorique des concepts, stratégie et marketing, • exemples du domaine industriel et commercial, • étude de cas pratiques avec travaux en sous-groupe, • discernement dans le choix et l’utilisation des outils, • documentation, • apport du « sachant méthodologique » (stratégie/marketing). Ces items sont des pistes qu’il convient d’approfondir de manière pluriprofessionnelle de façon à « faire bien dès la première fois » là aussi. La formation initiale est à compléter par un suivi dans un délai à convenir en fonction des structures et de leurs problématiques. n renouveau du couple stratégie/marketing est possible en santé. Au-delà des seuls hôpitaux, il concerne aussi les maisons de retraite, les centres spécialisés, les écoles professionnelles… Et pas seulement en France : les acteurs européens partagent les mêmes analyses 2. Son enseignement s’adresse à tous les professionnels de santé. Ils acquerront des connaissances utiles dans leurs pratiques, comme à titre personnel. ■ U 12_29_dossier1_RHF525:Dossier_RHF 3/12/08 11:50 Page 21 Oui à la formation !! L’Appel Médical forme toute l’année ses collaborateurs intérimaires afin de vous proposer des personnels formés et compétents. Formation qualifiante ou diplômante, e-formation, formation dans le cadre du DIF, VAE aide-soignant… l’Appel Médical s’engage pour mieux répondre à vos attentes, contactez-nous dès aujourd’hui. 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