Journal de la résidence au Burkina

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L'Agence de Voyages Imaginaires au Burkina Faso
LE JOURNAL IMAGINAIRE D'ANTIGONE
ou Sur le chemin d'Antigone...
1
Un mois au "Pays des hommes intègres".
Venus ici en Avril 2010 pour y jouer deux fois "L'Histoire d'amour de Roméo et Juliette",
puis pendant trois semaines aborder notre prochaine création, autour du mythe
d'Antigone... la fille d'Oedipe et de Jocaste... ah la la quelle histoire !
L'idée étant de fabriquer une première esquisse de ce spectacle, que nous finirons de
peaufiner jusqu'en mai 2011 !
Voilà, racontée par Valérie Bournet et Philippe Car (excepté évidemment l'irracontable
dont est constitué pour majeure partie ce genre de voyage...) l'épopée de cette
Expédition Théâtrale !
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Mardi 30 Mars 2010
(val)
Le journal est ouvert, déclaré public et en partance pour tous les imaginaires !!!
Nous travaillons depuis un an sur le mythe d’ANTIGONE, entre deux voyages et deux
créations MAIS là le temps est différent car nous allons entrer dans dix jours dans la
première phase de CREATION…
Nous partons pour le BURKINA FASO dimanche où nous jouerons d’abord Roméo et
Juliette et ensuite nous travaillerons avec des acteurs africains sur ANTIGONE avec tout
ce que cela questionne.
Nous allons parler de quoi ?
Qu’est ce qui est le plus important ?
L’essentiel est où ?
Laisser ouvert son imaginaire pour laisser place à du nouveau…
OUI, mais !
Ah le fameux “oui, mais !” qui apparait !!!
Hier suis allée dans une librairie et j’ai failli acheter tout le rayon de socio, de philo et de
psycho !!
Bon j’ai acheté quand même :Résister (le prix du refus), éditions Autrement, Aung San
Suu Kyi, de Thierry Falise et Femmes en résistance, de Pieer Yves Ginet.
Notre bibliographie augmente comme si on allait manquer un rendez vous avec je ne
sais quel philosophe !!!
Tous les jours un nouveau titre : ANTIGONE ou la dernière utopie !
Hier c’était REBELLE ANTIGONE !!!
“Je suis là aujourd’hui mais je ne serais peut être plus là demain . Si je meurs chaque
goutte de mon sang fortifiera la nation” Indira Gandhi, la veille de son assassinat
Samedi 3 Avril
(val)
Veille du départ!
Je n’ai pas dormi de la nuit : j’étais prête !!! Pourquoi ne pas partir en pleine nuit !!!
Où j’étais pas prête et le trac de la veille m’empêchait de dormir !!!
Journée valises, feng-shui !!
On range et on emmène le minimum car on part avec le décor en bagages
accompagnés. Ce qui veut dire que nous transportons dans nos valises le décor de
Roméo et Juliette ! Ils nous reste 10kg chacun !
Comme chaque voyage, la veille est déjà un voyage…
DU REVE…
3
Lundi 5
(phil)
Nous sommes arrivés hier. L'équipe de Roméo, Valérie, Laurence, Vincent et moi. Les
autres nous rejoignent dans 4 jours.
Pour qui ne connaît pas l'ouverture des portes de l'avion à l'arrivée en Afrique... il faut
imaginer plonger la tête dans un four à chaleur tournante, mode rôtissoire !
Mais on s'y fait, très vite !
Le petit aéroport en travaux de Ouaga regorge de monde, nos malles finissent pas être
débarquées, nous voilà dans la rue, à les charger sur la galerie d'un énorme antique
fourgon comme y en a plein, assaillis par les gens du pays venus nous "souhaiter la
bonne arrivée" ! Malles débarquées au CCF. Nous retrouvons nos esprits, nous
reposons chez une amie plus qu'hospitalière et nuit réparatrice.
Aujourd'hui marché colorissime fruits légumes et tout le reste où nous négocions
pendant une heure de transpiration et de rires l'achat des 12 nattes qui seront le sol de
notre Roméo et sans doute après celui de notre Antigone...
(val)
En direct de Ouaga, avec ventilation qui ronronne !!
Demain c'est Roméo et Juliette et aujourd'hui c'est Antigone !
Ou l'inverse !
Comment rester ouvert au nouveau tout en gardant le cap de ne pas se perdre car jouer
Roméo, c'est demain !!!
“Face à ce monde trop lisse qui se dérobe à sa prise, l'homme éprouve le désir de
renouer contact, de regarder de nouveau, comme enfant, de ce regard vierge, naïf,
émerveillé qui ne connaît pas déjà son objet, mais le découvre, l'invente...Oui il rêve de
retrouver le chemin de sa sensibilité. Alors poussé par ce désir, il entre dans un musée,
il pousse la porte d'une salle de concert, il ouvre un livre. Car il y ainsi, fragiles,
humbles, anodins presque, plantés au milieu de notre quotidien, des Venise hors du
temps: des îlots de silence où le tumulte du monde cesse un instant pour laisser
pénétrer le plein jour de la vie . L'on y vient visiter ceux qui, depuis longtemps, ont choisi
de "résister".
Ah !!! Je ne pouvais m'empêcher de vous le lire ou plutôt de vous l'écrire !!! C'est mon
livre de chevet : Résister (le prix du refus) de la revue Autrement. Ce texte fini la très
belle préface de Gérard Cahen !!!
Discussions autour de la piscine, musique, choix de textes, réflexions...
Promenade dans la ville rouge, c'est férié ! Les abords du palais du président, no man's
land avec Baobabs grillagés qui vont pousser au delà des barbelés. Un homme avec
son âne, emblème du pays. Les petites échoppes où tout et rien se vend. La poussière
de la ville. Les milliers de mobylettes avec la famille, femme et enfant dans le dos. La
débrouille à chaque coin de rue. La sieste dans les marchés. Les odeurs. Les couleurs.
Les rires. Les échanges complices. L'apéro avec Annick sur le bord de sa piscine.
Tchatche, tchatche.Le jour "d'adaptation"....
ACCUEILLIR TEL QUEL CE QUI EST.
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Mardi 6
(val)
Réveillée à 6h du mat!!!
RDV à 8h du mat au CCF de OUAGA! !!
Bonjour à tous et toutes !!
Et hop sur le plateau que nous connaissons car nous y avons joué en 1994 "Le Malade
Imaginé" lors d'une grande tournée Afrique !!
Le plateau est très grand ! A l'ombre ! Du coup, Laurence attaque le montage avec
l'équipe des techniciens et apprend le Mossi , la langue des Moré !!!
(phil)
Nous croisons quelques uns des comédiens burkinabés qui doivent travailler avec nous
à partir du 12.
On se rend compte qu'ils ne sont pas tout à fait prêts à vivre cette aventure...
L'installation au CCF se déroule quasiment comme en France sauf qu'il fait plus qu'archi
chaud....
Nous commençons à coudre les nattes entre elles, même coudre met en nage...
5
Mercredi 7
(phil)
Aujourd'hui grosse journée de répèts sous 45°... C'est dur mais nécessaire. La scène
est protégée par un toit en tôle, le public est dehors.
Cette après midi, on interrompt la répet pour quelqu'un qui veut nous vendre un singe...
il dit que le singe très est gentil sauf qu'il essaie immédiatement de mordre et de griffer
dés qu'on approche la main...
Ici, on parle beaucoup de nous et du spectacle. Je crois que ce soir on va avoir
beaucoup de monde, surtout qu'on a annoncé qu'on allait faire de la musique après...
Déjà Jeudi 8 !
Le temps passe aussi vite ici que chez nous !
En direct sous le toit en tôle de la "cafet" du CCF de Ouaga, le four !
Beaucoup d'activités ici... beaucoup de gens nous branchent, pour une invit, nous
vendre de l'artisanat africain... un peu d'argent pour l'essence de la mob... ou n'importe
quoi d'autre... et oui blanc = euro...
Hier soir, poisson grillé au Cyclope, petit maquis surbruyant au bord de la route
empoussiérée du quartier de Poudouya, avec une partie de la très sympathique équipe
du CCF et son directeur Alain Ayaud. Alain et moi sommes de la même génération, nous
nous découvrons évidemment beaucoup d'amis communs. Il a déjà "agit" dans pas mal
de coins du monde, belles histoires à se raconter.
On se régale, on mange avec les mains, tous dans le même plat, on se fait de nouveaux
amis, on refait le monde.
De toutes façons ici, le monde est un autre monde.
Allez, je file au plateau, ce matin filage !
à suivre...
(val)
Réveil tôt ! Difficile de dormir ?
Ce soir... on joue... La journée est sous le signe de la concentration...
Ne pas speeder, ne laisser entrer que les bonnes ondes... à chaque instant se
préparer !!
8h sur le plateau pour répéter et il fait très très chaud !!!!
Ce matin on va faire du son !!!!
A la cafet du centre culturel toujours pleins de monde ! Qui vend des bibelots, qui joue
de la Cora (même morceau en boucle pendant des heures!!!)
Repos obligatoire et retour au théâtre vers 15h 30...
Le trac monte !!
Beaucoup de pression ce soir : le climat hyper chaud, le lieu en plein air, les acteurs
avec qui on va travailler ANTIGONE qui seront là, Alain le directeur qui a pris le
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spectacle sans le voir, Anne, Caroline, Jérôme, qui travaillent au CCF, et puis toute notre
équipe qui arrive par l'avion cet aprem !!!
OUF!!!
Oui un petit mot sur ANTIGONE qui attend à la porte de Roméo et Juliette !
Elle attend, elle a beaucoup attendu avec son père !!!!
Grand moment de préparation physique indispensable !!!
Ca y est l'équipe marseillaise est au complet !!!
Nicolas (comédien musicien), Claire (comédienne musicienne), Magali (costumière), et
Lisa (médecin ostéo) sont avec nous !!!!
Tic, Tac, Tic, Tac... Le trac monte, monte!!!
On joue à 19h sachant qu'il fait nuit à 18h30 !!!!
Et oui, ça y est c'est le moment d'y aller !!
Génial !
"Je m'appelle Séraphin..."
C'est parti !!!
Une immense chaleur...
Génial et très difficile en même temps car je suis très vite essoufflée !!!
Le public réagit !!!
Oh lala lala c'est une vraie traversée du désert !!!
Youpi !!!! Les gens sont debout aux applaudissements !!!
J'en ai "bavé" mais ça vaut vraiment le coup.
La difficulté n'enlève pas le plaisir au contraire !!!
La plupart des comédiens burkinabés qui sont sur le projet sont là pour voir notre travail.
Ils sont ravis, rassurés même nous disent-ils...
Nous jouons comme à notre habitude de la musique après le spectacle au bar du
Centre !!
Le public reste faire la fête avec nous !!! Magnifique soirée !!!! Olé !!!
Vendredi 9
Départ très tôt !!! De toutes les manières j'ai arrêté de dormir !! L'éveil de la création
j'espère !
8h du mat, RDV au Centre Culturel !! Hop bagages sur le toit et nous dedans !!!
Direction BOBO !! Youpi !!!
Bouba, un ami de Magali fait le chemin avec nous, il travaille avec "Les Grandes
Personnes", compagnie de marionnettes géantes basée à Borromo, à mi chemin entre
Ouaga et Bobo !!
Immense route avec plein de camions... et d'accidents !
Oouah un camion couché sur la route qui a répandu tout son cacao ! Ouf ! C'est sec,
très sec ! Tout est marron, toutes petites maisons carrées en briques de terre et à toit
plat et cases en paille à toit pointu, au milieu du désert sec, très sec... Pas de point
d'eau à vue !
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Très peu d'arbres... Wahou !
Arrivée BOBO-DIOULASSO !!
Première sculpture à l'entrée sur la place de la femme : une femme qui balaie...
Et nous qui venons travailler sur le mythe d'Antigone...
Et voilà le CCF de Bobo, youpi !! Christine Mallard la directrice est là à nous attendre !!!
C'est avec elle que nous avons rêvé ce projet depuis un an !! Que nous avons
commencé par un "Et si...."
"Et si on venait un jour chez toi en résidence pour monter ANTIGONE avec des
comédiens du Burkina ?!!!!!!
Et si on allait en brousse pour faire ce projet !!!
Et si...
Et si...
Et nous sommes partis pendant un an, dans une aventure d'écriture, d'emails en emails
avec un RDV cet été à Avignon...
Ces belles aventures uniques qui commencent toujours comme un rêve...
Un immense merci à notre aventurière Christine...
Magnifique Centre Culturel très vert ! Pleins de recoins jardins, de sculptures, un joli
petit ciné !!
Et la salle de spectacle en plein air au cœur du CCF !!
Hop, les nattes sont disposées sur la scène et c'est parti ! Montage du décor, puis
Laurence continue toute seule avec l'équipe technique du CCF l'installation des
lumières...
Pendant que nous nous installons dans la grande maison des artistes de l'autre coté de
la ville !!!
Ravis de prendre une bonne douche, après une journée de transpiration abondante...
comme tous le temps... mais arrivés à la maison, Dominique le gardien nous annonce
qu'il n'y a pas d'eau pour l'instant... inimaginable déception… le moment de la douche
est tant attendu…
Tant pis, vêtements propres sur peaux collantes et départ pour le resto maquis !!
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Samedi 10
(phil)
1ere nuit à la villa. Ouf l'eau est revenue, une bonne douche et nous voilà sur le marché
de Bobo.
Immense marché vaste comme la place Saint Marc, couvert et archibondé de toutes
boutiques, nourriture, drogueries, tissus, couturiers, marchands et réparateurs de vélos,
artisanat...
Des gens nous sautent dessus en essayant de capter ce qu'on cherche pour essayer de
nous le vendre absolument... Il faut développer des trésors de stratégies pour les semer
ou les convaincre de nous laisser prendre le plaisir de se promener seul, sans but
spécial ou négocier nous mêmes les "petits trésors" que nous découvrons, enivrés des
mille couleurs, de mille objets hétéroclites, des sons des voix, de la chaleur...
Les filles et les enfants burkinabés sont très beaux...
À midi nous nous régalons d'avocats, oranges, bananes, mangues, ananas, oranges et
noix de cajou...
À 16h, pluie torrentielle ! Un peu tôt pour la saison (sèche jusqu'en Juin en principe...).
La scène du théâtre est en plein air... jouerons nous ce soir ?
La pluie dure une heure, nous séchons de qui s'est trempé et c'est reparti.
9
19h, la nuit tombe et avec elle une nuée d'éphémères envahit le plateau !
Laurence est prise de fou rire... Valérie doit fermer la bouche de peur d'avaler une de
ces petites libellules...
Jean Paul, le régisseur nous conseille de faire le noir sur le plateau pendant quelques
minutes.
Ca marche ! Quand nous rallumons, les papillons ont émigrés vers les lumières de la
cafet !
20h, le public commence à arriver, nous commençons dans une demi-heure.
(val)
Heureusement j’ai un micro HF dans les cheveux car beaucoup de bruits aux alentours !
De la musique, de la prière, des cris d’animaux bizarres !!!
Quel bonheur de jouer ce spectacle ! Pleins de poésie !!! Je sais que si je suis
décontractée et vive, ça marche !
Dix ans que nous avons fabriqué ce Roméo !
Merci le théâtre de la vie !! Encore une très belle soirée !!!
Dimanche 11
(phil)
Hier soir, belle représentation de Roméo... Public mixte. Les spectateurs à qui l'on parle
du projet d'Antigone ont hâte de revenir à la fin du mois pour voir ce qu'on va faire de
cette histoire... Nous aussi on aimerait bien savoir...
Ce matin, c'est le départ pour la brousse. Nos bagages sont faits. Nous serons coupés
de tout jusqu'au 25.
(val)
Aujourd'hui, avant de partir en brousse, repas chez Christine et Thierry, son copain de
mari… et piscine !
ET... DEPART pour DARSALAMY avec le 4/4 du Centre Culturel.
C’est à une demi heure de BOBO : "goudron" (c'est comme ça qu'on appelle ici les
routes goudronnées, qui sont plutôt rares…) puis la piste, long chemin rouge pleins de
gros trous !
Au bout de ce chemin un trésor : Une concession… Une espèce de petit village
miniature en terre, entourée de remparts... (Thèbes !!!) constitué d'une douzaine de
cases à toits plats et d'autres à toits pointus et en paille, le tout peint en noir, rouge et
blanc, genre damiers et autres motifs du même genre... au centre la cour, qui donne sur
toutes les entrées, un arbre (l'arbre à noix de cajou...) et une grande table en bois !!!
MAGNIFIQUE !!!
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Jean le propriétaire est là pour nous accueillir, c’est lui qui a construit ce lieu autour de
sa piste … d’U.L.M….
Une famille burkinabè : Herman, le gardien, qui habite avec sa femme Isabelle dans une
toute petite case, Yvette leur fille de 5 ans et Clémence 12 mois sur le dos de sa maman
!!
INCROYABLE, surréaliste…
Et de l'autre côté de la piste, dans un hangar il y a son tout petit avion !!!
Installation du campement. En cette saison, la plus chaude, les cases sont des fours...
nous déplions donc nos tentes sur les toits plats (sans le double toit ça devient des
supers moustiquaires !)
Soirée, repas préparé par l’équipe de Jean avec ses amis ! Musique, rires !
Lundi 12
REPETITION
Nous installons les nattes de Roméo sous un immense arbre, ce sera l'un des deux
lieux de répétition.
L'arbre est à 100 mètres des cases, à chaque aller retour, c'est la traversée du désert...
Départ du travail, c’est la garnison de Thèbes qui ouvrira l’histoire avec des gardes pas
très courageux ! Première impro pour Nicolas et Claire.
Séraphin rejoint les gardes et leur demande de raconter l’histoire !
Une petite tornade passe et envole toute nos feuilles !! Jamais vu !!
MIDI : accident sur la route, repas en retard !!
APRES MIDI : impossible de travailler par cette chaleur, sieste dégoulinante !
Arrivée du groupe des comédiens burkinabés.
Nous entamons ce travail par un cercle de paroles où nous présentons le projet.
Des questions sur le sens…
Phil : “Tout est dans le texte, puisons dans cette matière et le sens viendra
naturellement…”
C’est vrai que le texte est fabuleux (Phil a préparé un montage à partir des textes de
Henri Bauchau, Sophocle, Anouilh, Brecht, Cocteau…)
Sophocle ou Homère : la vison la plus large pour que tout le monde puisse entendre,
comprendre.
La colonne vertébrale est l’histoire elle même.
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FIN D APREM:
Lecture sous l’arbre, les voix résonnent !!!
C’est parti !!!
Ah !!! On trouve un scorpion sous les nattes ! C’est le deuxième de la journée ! Vague
de frisson !
(Phil)
Cette arrivée dans ce désert rouge, cette rencontre avec ce groupe d'acteurs africains,
cette plongée dans le mythe d'Antigone, tout nous entraîne merveilleusement dans un
autre monde...
Quelle va être la "porte d'entrée" dans l'histoire ? Quelle forme va s'imposer à nous ?
Nos masques balinais et nos faux-nez et fausses moustaches sont là, bien rangés dans
leur valise...
Commencer par jouer, par s'amuser. Tirer le fil de l'humour contenu dans la personnalité
des gardes, soucieux de leur condition... face au destin tragique d'Antigone.
Les comédiens Burkinabés, à la lecture ont de belles voix intéressantes... il va falloir
amener la fantaisie, le ludique... dans Créon le tyran, Hémon l'amant, Antigone même...
la légèreté pour encore plus de profondeur...
On verra demain.
À travers les toits de nos moustiquaires nous dormons sous les étoiles. Le coq
chante ...???? Il est une heure du matin ???
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Mardi 13
(val)
Première bonne nuit avec boules quiés !!
8h, répétition sous l’arbre avec les deux groupes réunis.
MUSICALE (Vincent leader) : chanson
Les deux groupes se séparent.
Les comédiens d’ici travaillent avec Phil et nous, nous allons sous un abris de nattes en
pailles pour un training danse avec Sylvie (chorégraphe parisienne qui vit ici, enfin à
Bobo, d'où elle vient à mobylette...).
(phil)
Fin de la 1e session de répets, avec les acteurs africains. L'idée est que les gardes
racontent l'histoire. Toute la garnison !
Travail avec les masques et les nez. Découvertes pour la plupart d'entre eux. Malgré le
temps très court, un 1e résultat est déjà là, c'est drôle. Une porte d'entrée, très ludique,
dans la tragédie.
Sous l'arbre, les comédiens dégustent son fruit, du néré, des fruits en forme de haricots,
remplis d'une poudre jaune...
mmmh... c'est spécial...
(val)
12h, on va voir la fin du travail de recherche du groupe africain. Grande impro sur les
gardes ! C'est très intéressant !
Repas dans la cour. Tout est bien organisé ! Le repas arrive en voiture de BOBO matin
et soir !!!
Après repas repos pour tous !
Les comédiens et comédiennes du pays se réunissent sous l’arbre à 14h. Je les
regarde de loin avec admiration, ils ne font pas la sieste ! Ils travaillent, me dis-je...
16h. Nous reprenons nos répétitions quand Aristide, l'auteur (qui porte le projet avec sa
compagnie), demande à parler à Phil !
Phil revient trois minutes plus tard et nous annonce... qu’ils arrêtent !!!
Nous sommes abasourdis……….
Ils arrêtent ? Mais on a pas commencé !!!!
Nous les rejoignons et avec diplomatie Aristide se fait le porte parole du groupe : Les
conditions de cette résidence ne leur conviennent pas !!!
Les regards fuient, nous sentons certaines personnes très gênées… est ce l’avis de
tous ? On ne le saura jamais !!! Et ce n’est pas le plus important !!! On est très déçu car
il y a dans ce groupe de belles personnes avec qui on a envie de travailler. Et surtout on
a pas encore commencé le travail, l’échange. On ne se connaît pas, ni d’un coté, ni de
l’autre…
Nous avions senti, avant de commencer, plein de questions et une certaine confusion
chez eux dans l’idée qu'ils se faisaient du projet…
MAIS NOUS AVIONS PENSÉ QUE L’ARTISTIQUE L’EMPORTERAIT !!!!!
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Nicolas lance un “câlin de départ”, très surprenant mais génial !!!
Tout le monde se prend dans les bras et ADIOS !!!! ... La merco bondée les emporte…
Et nous nous retrouvons dans un cercle de parole plus réduit !!! Hihihi !!!
Phil rebondit immédiatement :
“-Nous allons partir en brousse raconter l'histoire d'Antigone. Dans deux jours !
- Quoi ?
- Mais on a pas encore commencé le travail ?!!!”
Il a raison, fabriquons une version sans paroles... avec quelques mots en Dioula !!!
OSONS !!!
Je me souviens que Peter Brook avait proposé cela à ses acteurs il y a très longtemps !!
Et que l'expérience avait été exceptionnelle !!!
Bravo Phil !!!
OUI on dit oui!!!
VITE AU TRAVAIL!!!
Soirée musique et palabres sous notre arbre à noix de cajou dans la cour ! Et coucher
pour un sommeil bien mérité.
NUIT: Une tempête de sable nous réveille à deux heures du matin, enfin pour ceux qui
arrivent à dormir !
Déménagement dans les cases !
Un cri ! C’est Lisa qui a trouvé un scorpion, un beau, un vrai, dans sa case !!!
Du coup nous montons les tentes dans les cases !!!
(phil)
Une journée comme un rêve... un cauchemar ? Non !
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Mais après cette belle matinée de travail avec eux, que les comédiens africains aient
décidé de se retirer du projet, constitue un des plus beaux exemples de la place à
l'inattendu que nous venons chercher dans ce genre de voyage d'étude...
Voilà, Antigone a décidé de nous entraîner ailleurs, en brousse, raconter son histoire à
des gens avec qui l'on ne partage que très peu de références communes, si ce n'est de
se tenir debout et d'avoir la capacité de rêver...
Quand à nous, comédiens français, porteurs de la langue de Molière et de Racine, à
nous de nous débrouiller sans !!!!
Mais le théâtre, n'est-ce pas un langage universel ? Facile à dire, avec des mots...
Mercredi 14
(val)
MATIN: répétition !!
On a donc décidé de jouer vendredi, ce qui veut dire qu’on a deux jours pour fabriquer
cette première version d’ANTIGONE en brousse !!!
Et hop on s’y met !!! Pas facile car on enlève tout le texte et le corps avec son langage
doit le remplacer !!!
14H Nico vole avec Jean en U.L.M.!!!!!! Complètement surréaliste !! Départ et
atterrissage difficile car il y a un peu trop de vent ! Gloups !
18H Herman, le gardien qui habite avec nous dans sa case fait une crise d’épilepsie !!!
Heureusement nous avons avec nous Lisa qui est médecin ! Elle va aider Herman !!
Arrêt des répèts, reprise, re-arrêt car Herman fait de nouveau deux crises !!!
Lisa pense qu’il faut l’hospitaliser tout de suite !!!
Mais nous sommes au fin fond de la brousse sans voiture !
Nous appelons Jean, Christine, on arrive pas à les joindre !!
Le temps passe... difficile de se consacrer au travail...
Isabelle (scarifié au visage en forme de croix), sa femme, part à vélo dans la nuit avec
ses deux enfants pour aller prévenir sa famille, au village voisin…
On arrive enfin à joindre Christine qui nous dit qu’envoyer Herman à l’hôpital est terrible
car les urgences la nuit …il vaut mieux ne pas y aller !! Il existe une clinique mais cela
coûte de l’argent !! Pas de problème on va l’aider !!
On décide de reprendre les répétitions.
Je me retourne et sur scène, derrière notre décor (trois énormes poubelles vert
pomme), je vois une forme au sol. C’est Ramatha qui prie !! (Une jeune fille de Bobo qui
gère nos repas et habite avec nous le temps de notre séjour). Incroyable !!!
On attend la fin de la prière...
Mais de gros fou rires nerveux commencent à nous prendre…
Laurence et Nico souhaitent qu’on ait un véhicule ici en cas d’urgence… C’est vrai qu’à
chaque heure il y a une nouvelle urgence…
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Ramatha a peur de voir Herman, Lisa lui explique que ce n’est pas une maladie
contagieuse mais comme il bave, elle pense qu’il est fou ou possédé…
Comme beaucoup de personnes ici !!
Jean revient et la famille d’Herman aussi. Les palabres commencent.
Enfin Jean décide de l’emmener à la clinique avec Lisa et un membre de sa famille.
Ici même à l’hôpital public il faut venir avec quelqu’un de sa famille qui ira acheter au
compte goutte les médicaments, même les seringues… et de quoi manger… et qui
aidera le malade à se laver…
Tout le monde est rassuré.
On sent malgré tout chez certains et certaines un petit vent de panique. Les peurs
remontent. Laurence nous dit qu’elle est “limite” face à ce que nous vivons... scorpions,
araignées, nuits mouvementées, les abeilles qui "habitent" les douches et la table du
petit déj, les guêpes maçonnes (archi-dangereuses parait-il...)
Etonnamment Nicolas aussi : il nous avoue très sérieusement qu'il ne veut pas mourir
ici…
C’est drôle, moi ça va ! Antigone me pousse et chaque aventure inattendue ne me fait
pas peur. Je ne nous sens pas en danger et me découvre voyageuse-tranquille.
J’ai le sentiment d’une grande tristesse et d’une grande admiration pour les gens qui
vivent ici….
(phil)
Journée plus que très mouvementée à tenter de fabriquer notre version rapide
d'Antigone... Aujourd'hui on a réussi en gros à écrire un scénario qui résume cette
longue histoire...
On a continué à exploiter le comique des gardes. L'idée est de faire rire autant que
passer par les scènes tragiques. Trouver un équilibre entre les deux. C'est pas simple
pour les acteurs de jouer sans texte, ni pour moi, d'arriver à trouver pour eux le
langage...
Malgré tout un début d'histoire est apparu.
Jeudi 15
(val)
Training avec Sylvie.
Salvateur pour réveiller nos corps qui dorment très mal ! Quand c'est pas la tempête,
c'est le coq qui chante à n'importe quelle heure de la nuit !
REPETITION:
Résumé d'Antigone.
Serpent dans ma case ! Un sujet d'inquiétude supplémentaire...
Répétitions sous les nattes. Il fait extrêmement chaud. Préparation de notre version
brousse sans parole pour demain.
OUF! C’est rapide.
16
Aujourd'hui c’est jour de marché à la petite ville d’à coté, alors on voit passer, par
colonne, des femmes aux grands sourires, avec “leur chargement” sur la tête, comme
des petites fourmis travailleuses…
Certaines peuvent marcher jusqu’à 4h à pied rien que pour l’aller !!
Hommage à ces femmes qui sont de vraies guerrières de la vie, elles n’arrêtent pas !!
Le travail dans la cour avec tous les enfants, les leur et ceux des “autres”, aller au
marché… Elles sont vraiment très courageuses… mais ont elles le choix ?...
NUIT TRES AGITÉE
Grosse tempête(phil)
Voilà. Dans la journée on a réussi à passer toute l'histoire et à tout fabriquer pour
demain. Laurence note tout, au geste et au mot prêt.
Magali fabrique les accessoires avec ce qu'elle trouve... quelques objets achetés au
marché, la couronne de Créon avec le carton à pizza qu'elle a soigneusement gardé
hier soir...
Lisa, sa précieuse assistante, après s'être consciencieusement occupé d'Herman,
enchaîne elle aussi à la fabrication des armes de Polynice et Eteocle, leurs armures,
bijoux, casques, les armées en bouteilles en plastique...
Il nous reste encore demain matin pour un "filage"... Un spectacle fabriqué en deux
jours, on se pose peu de questions.
Sont arrivés Denis Bouffin et sa fille Lisa. Denis est directeur du Théâtre de Cusset, plus
que fidèle partenaire de l'Agence et véritable ami. Du coup il sera là pour la 1 e version
d'Antigone en brousse !
Vendredi 16
(val)
Ah! Réveil tôt pour travail tôt mais Ramatha s’est oubliée !! Pas de petit déjeuner !
Comme on a pas d’électricité, l’eau est chauffée au feu de bois par Isabelle !!
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MATIN répétition... à midi on mange en vitesse, puis filage... 30 minutes, c'est peut-être
un peu long ????
Youpi on va jouer !!!
16h30
On part tous en 4/4 avec Jean, Herman le gardien, Yvette sa fille et Ramatha.
Siaca (un nouvel ami musicien) est venu avec son camion, il est avec Zoom, un autre
musicien, et Jean Resch, peintre.
Christine est là aussi.
Chemin de brousse, rouge plein de trous.
Des villages.
Arrivée à Tienen. Le forage : Une vaste clairière. Un bassin au centre. Les femmes tirent
de l’eau précieuse, les enfants jouent !!! Le forage est le carrefour et le rendez-vous de
4 ou 5 villages alentour.
Nous choisissons notre "aire de jeu" et déployons nos nattes. Les regards abasourdis
des villageois.
Chacun de son coté !!! Deux groupes : les noirs et les blancs.
Les enfants en short déchirés se sont regroupés. Tout le monde se regarde !! Avec une
immense curiosité mutuelle.
Siaca et Zoom font de la musique, Cora, Djembé. Vincent rajoute l'accordéon et Phil
quelques notes de trompette. Les corps commencent à bouger.
Les gens arrivent, doucement. Le chef du village a été prévenu. On reçoit sa
bénédiction. Il faut l'attendre. Il va arriver avec les notables.
18
On attend.
Concentration et séduction !!!
1ere d'ANTIGONE EN BROUSSE !
Arrivée du chef. Salutations !
Et puis il faut commencer ! TRAC !
Ils rient !
C’est un vrai spectacle des deux cotés !!!
Vincent à l’accordéon nous accompagne brillamment !
Phil et Lo nous soufflent !
Magali gère les accessoires et Lisa filme.
Ils rient !
Ouh lala ! Je me mélange les pinceaux, euh les nez !!! Comme je joue plusieurs
personnages avec chacun son nez !! Génial ! FIN !! Ils applaudissent !!
Impression d’être à trois mètres du sol, comme à la première du ROMEO en prison, de
ne pas tout saisir ! Mais d’y être, d’être là, de faire sans réfléchir…
Présence totale.
Le chef nous appelle pour nous remercier en DIOULA. On serre pleins de mains. Ici
c’est des Bobo, une des ethnies animistes!!!
Un cadeau nous ai fait : de la bière locale au nom de tout le village que l’on va partager
dans une calebasse.
Zoom et Siaca reprennent la musique et les chants !!! Ca danse ! OUHA !!!
On est loin de tout ce qu’on vit et ça y est les deux groupes se mélangent.
Le théâtre et la musique nous a uni…
19
(phil)
Je suis l'ensemble, spectacle et spectateurs avec une joie indescriptible... Les gens
éclatent de rire à nos trouvailles ! Et ils semblent suivre l'histoire... passionnés, malgré
l'absence de texte.
Face à moi, le vénérable chef et tous les anciens rient à gorge déployée...
On a réussi !
À la fin, remis de ses émotions et après la photo, le chef nous demande (à travers notre
ami Lassina qui traduit), maintenant que nous sommes amis, de revenir... Les larmes
sont au bord des yeux...
L'expérience me ramène a un extrait de ce qui constitue la charte de la compagnie :
La compagnie, douée depuis le départ d’un profond plaisir de travailler et de vivre, a
depuis toujours développé un esprit d’épanouissement collectif... de manière à donner
le meilleur de soi-même, et a réussi à fabriquer, à travers cet état d’esprit, un théâtre
accessible à tous et capable de donner accès aux joies les plus secrètes du cœur.
Y sommes nous parvenus aujourd'hui ? Il semblerait, vu la réaction simple et vive des
villageois...
L’objet du récit théâtral c’est produire de la joie, de la jubilation : le théâtre, un exercice
majeur de l’entraînement au bonheur.
Les rires, les sourires, les grands gestes, les cris, les mots du public...
Le théâtre cherche le chemin de la félicité. Il travaille par là à la responsabilité et à la résistance
de chacun face à un ordre établi, force potentielle de changer le cours des choses, dans une
perspective de liberté.
Proposer d'entendre l'histoire d'Antigone...
Samedi 17
(val)
Aujourd'hui c’est OFF.
Je me réveillle à Bobo, chez Christine et Thierry, piscine.
Chercher un chauffeur pour cet aprem.
Epuisée…
Visite d’une forêt classée.
Le grandiose de la nature. En plus il fait frais car les arbres bouchent le ciel !!!
Mort de SOTIGUI KOUYATE….
Grand monsieur que j’avais vu entre autres dans le Mahabharata, et autres spectacles
de Peter Brook…
« Je suis guinéen d'origine, malien de naissance et burkinabè d'adoption. Je ne suis
passé par aucune école de théâtre, si ce n'est la grande école de la rue, de la vie. »
20
Le théâtre comme moyen universel de partage et de communication, cela, je l'ai trouvé
chez Peter Brook.
SOIR: Contes dans les quartiers. Initiative du CCF.
Dix conteurs sous un arbre la nuit avec trois lanternes, un troupeau de chèvre et des
enfants assis au sol.
Retour nuit au camp de base avec Zon-abdoulai, le chauffeur de taxi.
(phil)
Pour certains, dont moi, aujourd'hui petit voyage à Banfora. D'abord le marché, toujours
mille couleurs objets sons odeurs... envoûtant.
Une petite dame sort d'un nœud de son boubou une pièce de 100 Francs, l'échange
contre un panier pour y emporter 3 casseroles. Le nécessaire mêlé au touristique. Les
halles sombres, les tissus brillants et les articles ménagers. La marchande de pain
nonchalante, son panier rempli portée sur la tête. Le petit monsieur avec son costume à
l'européenne vert olive, froissé et un peu grand. Le bic bleu en pochette. Les
chaussures noires explosées et sans chaussettes bien sur.
Maquis brochettes puis les cascades de Banfora. De l'eau, beaucoup d'eau, des bassins
naturels, de l'ombre et un repos fracassant.
Dimanche 18
(val)
Training (Denis et Lisa nous rejoigne !!) avec Sylvie.
Remise en question du travail avec positionnement de chacun.
Nous avons préparé une version sans paroles.
Continuons nous?
Et le texte?
Avons nous bien raconté l’histoire?
Après avoir joué à Tienen, le bruit a couru et d'autres villages nous invitent…
Que faire de ces nouveaux RDV dans des villages alentour ?
Soit on vise l'objectif "Europe" et on arrête de travailler avec le public d’ici, soit on
continue l'aventure brousse ? Continuer à fouiller les deux chemins : la forme et le sens.
Le temps de travail et l’exercice sont à considérer. Les codes sont si différents ici…
La place de la musique…
Compréhension des gestes à la place de la parole.
(phil)
La décision est prise. Nous honorerons les invitations.
Mardi soir nous jouerons donc à Peni, un village situé au bord de la route (du "goudron"
donc, comme on dit ici). Ce sera la 2e version de notre Antigone sur le chemin !
21
Le travail clownesque, gestuel, très visuel qui nous est imposé par le défaut de la
langue commune, constitue pour nous une porte d'entrée dans cette création. Doit-on
considérer les choses comme ça ? À suivre…
Les deux jours dont nous disposons pour transformer notre version vont porter, outre le
travail d'acteur, sur une meilleure lecture de l'histoire et une meilleure définition du
personnage d'Antigone.
(val)
IKAKENE: ça va?
Comment raconter l’histoire de cette femme: ANTIGONE ?
Un âne et un homme passent faire du bois.
Yvette la petite fille du gardien a enlevé ses nattes ! Oh on dirait un petit garçon…
Christine nous a donné un lexique DIOULA-FRANÇAIS.
ANTIGONE
Pourquoi est elle si forte?
C’est une guerrière. Le bonheur de se battre, le bonheur de la guerre.
Pause pipi : immense vision terrible d’un immense serpent vert (les plus
dangereux!!) !!!
Affolement dans le campement ! Palabres… questions au gardien…
Bon, reprise des répèts… puis arrêt car Lassina vient nous parler (c’est le petit fil du
chef du village d’à coté, Darsalamy). COURS DE DIOULA !!!! En direct !!!! Phonétique et
erreurs assurés !!! Hihihi !!!
ASSERA : il est temps de partir
CAAMBE : (souhait de se revoir) au revoir
22
ENCLARA : c’est fini, le spectacle est fini
ABANA : c’est fini
KANAGNINA ANTIGONE : il ne faut pas oublier ANTIGONE
MOUSSO DO KA TEATRE LO MOUSSI NI TOGOKO ANTIGONE
C’est l’histoire d’une femme. Elle s’appelle ANTIGONE
DJANFALA : traître
M’BIFE : je t’aime
AOULA BENIBE CASSA AKAMIRIA KAMA ?
Êtes vous prêt à mourir pour vos idées ?
A BAFE A KASSAOUA OUALMA ENKATOUÎ ?
Vous voulez qu’on l’a tue ou qu’on ne l’a tue pas?
OUI : aaaaaaannnn (+la tête de haut en bas)
NON; han han (+la tête de gauche à droite)
NAFADJOUMANLEBI KELELA ?
Peut-on trouver du plaisir à se battre?
ABAFAMOUNAOU ? : vous comprenez ?
AKAGNIOUA KASSOUTOI AKATOLI ? : est ce que c’est bien de laisser un corps
mourir ?
MOUSSO FARILO : c’est une femme battante.
Journée sous le signe de la fatigue. Petite tension dans le groupe.
NUIT étoilée.
Lundi 19
(val)
Christine nous a rejoint pour deux jours.
TRAINING avec Sylvie : entre le ciel et la terre. Très bon travail !
Reprise des répèts/ On joue demain.
Fabrication version-brousse numéro deux. + de DIOULA !
On se pose pleins de questions à propos du sens, de la compréhension.
Chaleur énorme.
Matin, pause. J’essaye de rassembler mes idées pour me résumer le travail mais
impossible de penser, il fait trop chaud !! Action, oui. Réflexion, non.
APREM : pluie ! On part se réfugier dans le hangar de l’U.L.M.
Très beau travail sur la scène ANTIGONE-CREON. On touche au corps en mouvement,
à la danse. Très belle musique de Vincent.
PALABRES:
Phil : “Cette forme-là, c'est ce que nous montrerons à Bobo !”
Moi : “Ah non !!! Et le texte ?!!”
Vincent : "Mais si ! Cette recherche est vraiment intéressante…"
23
Divergence de vision entre un metteur en scène et une comédienne.
Ce que l’on sent et ce que l’on voit venir…
MAIS OU ES TU ANTIGONE ?
(phil)
Malgré la pluie et encore des évènements qui ralentissent toujours les répèts, on trouve
de nouvelles formes, plus riches, plus proches de la danse que de la pantomime…
Comment ne pas être uniquement dans la paraphrase, mais dans la véritable invention
d'un langage ? Valérie est très inquiète de l'image que nous pourrions donner de ce
travail, en dehors des villages en brousse…
Mardi 20
(val)
NUIT: tempête, déménagement en pleine nuit. Christine et moi démontons nos tentes et
les remontons dans le hangar de l'U.L.M.
Mille bruits : le toit se soulève, les chauves souris… et les fantômes !!!
REVEIL embrumé : Petit déjeuner pimenté, le piment a été mélangé aux aliments : pain
papayes mangues. Magali en a dans l’œil…
Heureusement Sylvie, la prof de danse, vient réveiller et éveiller nos corps.
Phil travaille avec Nico et Claire sur leurs personnages ?
Moi je révise la conduite.
Cet aprèm, il semblerait qu'on joue dans l'hôpital en brousse de PENI. On ne sait pas
trop si on va être attendu ?!! ????
Christine sort son carnet de croquis et dessine.
Toute la journée est rythmée par Vincent qui travaille ses compositions partout et tout le
temps ! Dans sa case, sous un arbre…
Magali et Lisa s’affairent à améliorer les costumes et les accessoires.
Christine part à l’hôpital de Peni pour tacher d'en savoir plus… ?
Retour. L’hôpital : personne ne peut donner son avis. Le maire n’est pas disponible.
Christine à laissé une lettre. Rencontre avec le "crieur public”. L’infirmier lui dit qu’il faut
le motiver. HIHI c’est à dire lui donner de l’argent !! (Même les journalistes doivent être
payés par la personne qui veut un article !!!)
Filage devant Herman le gardien, Thierry et Idrissa (artiste burkinabé à qui l'on a
commandé des calebasses "Agence de Voyages Imaginaires…).
Départ pour PENI.
Direction la mairie. Le maire reçoit Phil : il faut payer 25OO FCFA.
Gloups !
Grands point d’interrogation.
Va-t-il falloir payer pour offrir de jouer ?
Christine : Non, surtout pas !
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Jean : Oui, pour les enfants !
Le temps qu’on se pose la question et Lassina revient en disant que finalement ils
veulent bien qu'on joue sans payer !
Maintenant il faut trouver le lieu.
Comme avant !!! Théâtre de tréteaux.
Où ? L’école ? Mais il n’y aurait que les enfants…
On cherche !!! Phil trouve “un coin” à coté du marché où il ne reste que des étals vides.
Du Botansky… Habité et fantôme en même temps.
On s’installe : nos nattes, nos trois grosses poubelles…
Dès les nattes posées une nuée de spectateurs nous encercle. Très respectueux de
l’espace scénique délimité par les nattes.
En quelques minutes, 300 personnes entourent les nattes, on va devoir jouer en
circulaire !
Allez, il faut y aller !
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L'HISTOIRE D ANTIGONE DEUXIEME VERSION
Le public suit. Tout âge, pleins d’enfants, de femmes, de vieux.
Il manque les hommes de 30 à 60 ans !? Il y en a un qui m’interpelle en plein spectacle :
“Mais il faut l’enterrer” en parlant de Polynice !
CA MARCHE !!!!!
LE SPECTACLE EST FINI. ON RESTE tous À SE REGARDER.
ILS NE BOUGENT PAS, NOUS ENTOURENT !
Ben, c’est fini !!! Merci, merci, asserra, asserra, au revoir !!!!
On range nos accessoires, un couloir se forme jusqu'au pick-up que nous rechargeons,
et le cercle de public se referme autour des dernières nattes pliées. L’espace théâtre a
disparu… mais tout le monde nous suit jusqu’au 4x4 !!! Impressionnant !!
Un enfant plus grand que les autres m’interpelle. Son français est parfait ! Je tente la
question : “Tu as compris ?”
--Oui, c’est l’histoire d’une femme qui s’appelle Polynice”, avec un grand sourire !
Je lui répond avec un plus grand sourire !!!
--Ah ?!!! HIHIHI !
Départ, les enfants courent derrière.
On va à DARSALAMY rencontrer le chef du village. Dans sa petite cour, on s’assied et
on attend en jouant avec les enfants. Il fait noir, un petit feu au sol enfume toute la cour
et nous avec. Il
arrive de blanc vêtu, grand, majestueux. Et nous commençons les palabres. Tout un
cérémonial fantastique…
On est là, posés sur la terre rouge d’Afrique, la nuit avec un sage qui nous parle en
DIOULA…
………………………………MERCI LA VIE…………………………………….
Mercredi 21
NUIT: tempête sans pluie… et repli encore en milieu de nuit !
Training avec Sylvie.
Retour de notes du travail de hier.
Comment encore améliorer la narration, arriver à faire partager la psychologie des
personnages à travers les gestes, le corps…
Comment faire comprendre que c’est l’histoire d’une femme qui s’appelle ANTIGONE en
commençant par le combat de Polynice et d’Etéocle.
Où est ANTIGONE?
Où est la guerrière?
REPRISE REPET
Le chef du village de DARSALAMY arrive en mobylette. Quelle élégance !! On le voit de
jour. IL vient nous “rendre” le salut. Par tradition il était “redevable” d’une visite car on a
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été chez lui hier… Après ces deux allers-retours on a toute la liberté maintenant de se
rendre visite ou pas !!!
On lui montre un bout des répèts.
Puis il nous demande la route (l'autorisation de nous quitter) car Il veut repartir aux
champs, à 45 Km d’ici… il a 40 hectares (coton, haricot…) et emploie 40 personnes qui
travaillent pour lui. Traditionnellement le chef du village ne doit pas travailler mais les
temps sont durs…
REPRISE répèts
En fait on est jamais seul, Lassina reste avec nous. Herman arrive avec un ami… une
natte et hop on est entourés !!!
Répétition de nuit à la lampe à piles.
Un très grand monsieur (au moins 2 mètres !), un voisin, vient nous regarder. Il s’assoit
et nous regarde… heureux…
Le contact premier est très facile ici. Beaucoup d’ouvertures, d’envies, de curiosité !!!
Jeudi 22
(phil)
Nuit tranquille. Aujourd'hui le temps est tout couvert, comme une bruine de sable.
L’horizon est tout bouché.
Les comédiens organisent un échauffement sur les nattes sans Sylvie. Pendant que Lô
et moi révisons le travail et le planning.
Dernier jour de travail en brousse.
Matinée à peaufiner notre 3e version brousse "Sur le chemin d'Antigone"…
Je sens que nous sommes déjà au bout de quelque chose alors que nous ne sommes
qu'au début de ce travail de création…
Après le repas, filage, 46 minutes, la durée augmente.
Chargement, départ pour Darsalamy.
Village établi au bord du "goudron". Maisons en brique de boue parsemées.
Toujours comme partout, des sacs en plastiques déchiquetés jonchent les sols et les
arbres, une calamité ici…
Par les chemins défoncés et rouges, pas facile de trouver la place centrale… prés du
point d'eau.
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Lassina vient nous chercher. Il nous emmène dans une grande cour. Il a trouvé, nous
dit-il, un espace où nous pourrons nous adosser à quelque chose, de manière à n'avoir
du public que sur trois côtés… personne derrière nous.
Effectivement, nous pouvons nous installer dos à un énorme manguier, flanqué par une
ruine à droite et une petite maison à gauche. Espérons ne pas recevoir de mangue sur
la tête…
Nous montons notre décors sommaire. Les enfants qui nous ont suivi en criant depuis
l'entrée du village, s'installent toujours en criant sur les nattes que nous disposons pour
eux.
Nous attendons l'arrivée des adultes, qui arrivent "un peu un peu"…
(val)
On attends le public car il n'y a que les enfants pour l’instant ! Les femmes arrivent.
Aujourd'hui, il y a des chaises en plastique disposées autour de nos nattes. Les
hommes, les ainés arrivent aussi. À gauche les hommes, au milieu les enfants et à
droite les femmes.
Le top est donné !
On y va ! Chacun à son poste.
Rires, applaudissements, cris, paroles, tout le monde participe à fond !
Les publics suivent. Les hommes sont plus durs dans leurs regards quel les femmes…
Les enfants suivent tout.
Le sens, la compréhension ?
Antigone ?
Un pur acte artistique. Un pur échange.
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Un bonheur d’avoir la chance de pouvoir jouer face à ce public si loin de notre culture,
de nos codes…
MERCI, MERCI, ANITCHE
Le “DIOULA” RÉSONNE, LES YEUX RIENT…
Merci la vie !!!
Et hop, après avoir touché pleins de mains qui se tendent, on replie tout !!!
Les femmes nous demandent un bout de notre décor : une de nos poubelles car pour
elles c’est du luxe… un réservoir pour l’eau…
Magali a pris RDV avec un monsieur qui va refaire le toit en paille de la case de Herman
car il a déjà 3 ans et il fuit ! C’est un cadeau qu’on leur fait !! On va aussi leur laisser une
de nos poubelles (on apprend qu’Isabelle espère en avoir une depuis 3 ans…)
Oh la tête tourne ! Mon dieu mais quelle différence !!! Ça donne le tournis…
Vendredi 23
(val)
NUIT très agitée. Grosse tempête de sable
4h du mat, on est obligé de se replier dans les cases !!!
REVEIL départ, pliage bagages!!!
Cadeaux à nos “anges gardiens”, HERMAN, ISABELLE, YVETTE ET CLEMENCE…
Un nounours à Yvette qui le serre très fort dans ses bras. Des habits à Isabelle, des
seaux, la poubelle, le toit…
Une page se tourne SUR LES LARMES D ISABELLE.
Visage retenu qui ne montre aucune émotion et qui pleure…
LES LARMES, LES PERLES COULENT…
EMOTION…
Retour à Bobo, à la villa des artistes et HOP RETOUR CONFORT……
PAUSE ANTIGONE
REFLEXION…
APREM: Visite des sculpteurs et fondeurs de Bronze dans un quartier très tranquille de
Bobo. Très belles pièces d’Art.
Visite de l’association de femmes de GAFRE. Regroupement, coopérative de femmes
qui tissent et fabriquent des objets à partir de sacs plastiques récupérés sur les routes !!
En plus de la super idée, les sacs sont très designs !
Très grande cour, chaque femme à sa tache : l'une coupe les sacs, l'autre noud les
bouts entre eux, une autre enfile les longueurs autour d'une cannette et plusieurs tissent
sur d’immenses métiers !
29
Sans compter celles qui ramassent les sacs, les lavent, les étendent…
Très belle initiative!
Samedi 24
(val)
Journée OFF
Balade sur le marché ! A part deux trois garçons vraiment très désagréables, très
collants et vraiment pas poètes, c’est un très beau marché plein d’étals, de couleurs,
d’odeurs !
RDV à l’atelier d’ISSOUF DIERO, artiste plasticien.
Il a crée l’association GNANAMAYA à COMA (quartier de Bobo, route de Mail).
Cette asso reçoit chaque année le festival bobolais "Arts plastiques”.
Très grande cour, Issouf nous reçoit sous le manguier.
Il sort toutes ces œuvres, des grandes toiles, des sculptures. Il travaille avec des
pneus, des objets de récupération. Il a fait un immense éléphant en pneu exposé eu
CCF !
www.issouf-diero.e-monsite.com
REUNION BILAN ANTIGONE
Nous allons jouer dans quatre jours.
Montrer “ la version” brousse en ville ?
Ici les spectateurs parleront français, on aura d’autres codes en commun, comme le
texte, mais on ne peut pas fabriquer une nouvelle version avec du texte en quatre
jours !!
Garder le scénario de la brousse et rajouter du texte à Séraphin, à la narration et à
certains personnages.
Affiner le travail des personnages des gardes-clowns (Claire et Nico).
Présenter cette version pas dans le théâtre, plutôt dans la cour, de nuit (lumière portée,
flamme…)
Que faire avant et après ? Comment présenter ce travail ?
L’idée est de terminer la version burkinabaise.
Pourquoi Etéocle et Polynice se font la guerre ?
Rajouter des clefs au récit.
LE TEMPS DE TRAVAIL
PLAISIR DE JOUER
INNOCENCE
SOIR : concert de “YAPA” AU CCF, groupe de Jazz parisien. Repas avec eux, tranquille.
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Dimanche 25
(val)
INSTALLATION du décor dans le cinéma du CCF.
Réflexion autour de notre décor, les poubelles, objets de convoitise…
Tout ce qu’ils n’ont pas dans leur cases, on l’a sur scène… des objets quotidiens
achetés au marché, du balai qui fait un cheval, aux passoires qui font des chapeaux…
Séraphin et ANTIGONE ?
REPAS au CCF préparé par la femme de GERVAIS (qui travaille avec Yvan, du Théâtre
Mu) : AWA !! Super repas bobolais !!
Départ de Denis et Lisa (qui est malade, grosse fièvre !!)
Très difficile journée de travail.
Beaucoup d’incompréhension et du coup de questions !!
C’est normal dans une création. A-t-on toujours les mêmes visions de théâtre… ?
(phil)
Reprise des répétitions au CCF, en vue de la dernière ici.
La version d'Antigone en brousse est fortement remise en question par Valérie…
Elle doute beaucoup de cette "porte d'entrée" dans la création.
La contrainte de la langue et l'urgence nous ont amené sur une écriture très clownesque
de la tragédie…
Il y a quelque chose d'évident, comme si Antigone nous avait amené sur ce chemin…
de passionnant. Jamais nous n'aurions osé aller si loin dans une écriture gestuelle si
nous n'avions pas eu cette contrainte…
Et l'équilibre entre le comique et le tragique me semble juste…
Sommes-nous vraiment sur le chemin d'Antigone ? Sur le chemin de la création, c'est
sur !
À voir, à suivre… ???
Pour ici, pour cette 4e version, j'ai fait un choix de scènes et de personnages à
reprendre en priorité, plus un choix de textes à rajouter à Séraphin et à quelques
personnages.
Il va falloir trouver du coup une série d'astuces, puisqu'en quatre jours, il n'est pas
question de tout apprendre…
Lundi 26
(val)
ARRIVEE d'Anna (Raisin-Dadre, notre administratrice), toute blanche…
Training. On ajoute du texte à notre version “muette” d’ANTIGONE.
Le trac, la fatigue, se sentent…
31
Les peurs des uns et des autres…
La création quoi !!!
Encore un challenge car on présente cette 4e forme Jeudi.
Du coup le temps est très court, 4 jours !!!
Le texte arrive : Polynice parle
La scène Hémon (marionnette en mégaphone) / ANTIGONE avec le texte sur un
pupitre !
On a loué des motos ! Moi j’ai la mobylette du CCF. Vent de liberté ! Sans casque !
Vigilance car la circulation ici n’a plus aucun code connu de nous !!
SOIR : APERO chez Jacques RESCH.
Il nous montre son dernier tableau ! SUBLIME !!! Quel insolite créateur, artiste qui est là
depuis 40 ans et qui vend ses tableaux dans le monde entier ! Il a créé aussi une
imprimerie (où travaille 80 personnes) et il fabrique des prototypes d’avion de deux
mètres qu’il fait voler !!!
Très très belle rencontre pleine de poésie !!!
Ouverture du resto de Jean “Le Rustique”. Il pleut, on se réfugie sous la terrasse.
Musique et danse et rires !!!!
Mardi 27
(val)
Training –danse.
Il reste trois jours. TIC TAC
Ce matin je n’entend pas le réveil !
La fatigue est immense…
J’ai l’impression d’avoir arrêté de dormir depuis notre arrivée.
REPET:
Antigone pointe le bout de son nez (rouge) dans la scène avec Hémon grâce au texte…
Pour le moment dés qu’Antigone parle, elle est à vif d’émotion…
Instinctivement chaque mot que je prononce d’elle vient de loin et soulève en moi des
années lumière d’émotion !!!
OUF…
On finit les répèts à 16h pour retourner à "Thèbes", notre village résidence en brousse.
On retrouve Isabelle métamorphosée.
Pure émotion, je lui ouvre les bras et elle vient contre moi et elle rit, elle rit avec
Clémence sur le dos. Le toit en paille de leur case est refait. Ouf, juste avant la saison
des pluies. Toute petite case, terre battue au sol pour quatre personnes, un matelas…
Phil, Vincent et Claire font un tour d’U.L.M. Irréel encore ce petit engin dans le ciel !!!
32
On reste à côté de la case de la famille d'Herman, le grand voisin peul arrive. Moment
d’arrêt. On se comprend sans se comprendre.
ON EST BIEN.
Yvette n'est pas là, notre petite mascotte de 5 ans.
Au retour, on s’arrête dans une cour pour la voir. Petite Yvette on t’aime…
Ah oui ! À l’aller, Jean a renversé un petit âne avec son gros 4x4. Gros bruit, gros choc,
grosse frayeur. Pas de dégâts…
Mercredi 28
(val)
REPET: Les mots résonnent dans le cinéma.
La scène de Créon et Antigone est magnifique !!!
Quelle œuvre !!!
APREM : Nous regardons une étape de travail de Sylvie, la danseuse qui nous fait les
trainings. Elle est au début du travail. Pas facile de rentrer dans sa proposition car nous
n’avons pas ses codes.
Nous enchainons sur le travail de Yvan (théâtre MU). Il est en résidence pour fabriquer
des petites formes de spectacle en marionnettes avec des marionnettistes du pays. Très
belle proposition pleine de poésie !
Le centre culturel grouille d’artistes ! C’est génial ! Dans chaque coin ça répète. C’est
hallucinant ! On dirait une université d’art !
Bravo Christine !!
FILAGE le soir !
On pose nos nattes à l'extérieur, à l’entrée du Centre.
33
Laurence s’occupe de la lumière.
Le lieu, la scène devient magique. On commence le filage tard !
Tout le monde est fatigué.
Ouh lala !!! Pour la voix c’est dur ! Surtout le personnage de CREON ! AIH aïh !!
On finit tard. Le temps de ranger le décor, nos nattes et hop !!!
Aye ! Le taxi ne répond pas !!!
On n'a que 3 motos ! Les garçons doivent faire des allers-retours CCF/villa !
Phil a une moto toute cassée, et surtout sans phare ! Au deuxième tour, il me prend sur
la sienne !!! Je le sens, on va tomber !!! Et oui, dans un "six mètres" tout noir, on tombe !
(Un six mètres, c’est un chemin en terre plein de gros trous !).
La moto se couche, ma jambe dessous !!! Aïh!! AîH!!
On s’en sort bien le genoux râpé et une grosse plaie au pouce du pied !!!
OUF RIEN DE CASSÉ !! Pas d’hôpital !!! OUF !!
On rentre en boitant à la villa car la moto est cassée !! OH!!!
Je u di 29
(val)
REVEIL : grosses courbatures…
Matin : repos car on joue ce soir ! Ouf !!!
Je vais avec Nico remettre une enveloppe à BABA KOUYATE et BAKARI KOUYATE, les
frères du grand SOTIGUI KOUYATE, de la part d’un ami, Didier Kowarsky, qui a travaillé
avec eux il y a quelques années. Nous sommes reçus au Centre DJELUIA, un centre
d’art !
Ces visites sont rapides ! Dommage, on aurait bien aimé faire connaissance !!!
FILAGE dans le CINEMA
Le trac arrive !!!
On est très fragile car tout est naissant ou en train de naitre !!!
On installe nos nattes dehors et tous nos accessoires.
Je décide de “m’extraire” de la vie sollicitante et vais m'enfermer deux heures dans la
loge pour me concentrer.
La concentration en voyage est très difficile (déjà que sans voyager c’est pas évident !),
il y a tellement de belles choses à partager et tout est nouveau et appel à curiosité !!!
Mais mon instinct de comédienne me rappelle à l’ordre !
Revoir le spectacle, revoir les textes… textes fabuleux… Quel bonheur ces mots…
quelle force…
Et puis il y a la mémoire d’urgence qui fonctionne très bien (je l’ai vécu au Venezuela
avec le texte de Roméo en espagnol).
34
(phil)
Et voilà. Les quatre jours de travail pour cette version 4 sont passés.
Globalement le travail a été absolument passionnant, même s'il a été difficile, à des
niveaux différents et pour des raisons différentes, pour certains d'entre nous.
Mais je suis content de la tournure qu'a prit le projet. Si les comédiens burkinabés
étaient restés, nous n'aurions pas connu la brousse, l'urgence de raconter, comment
raconter sans mot… Cette espèce de recherche de l'universel…
Ce soir, avant de jouer, je dois présenter aux spectateurs, pendant que les photos de la
résidence seront projetées, ce qu'a été ce projet. Tenter de leur faire partager nos joies,
nos doutes, nos questionnements, notre recherche.
Ce que nous allons leur montrer, ce que nous avons fabriqué, n'est pas un spectacle,
c'est le croquis, l'esquisse, le brouillon de ce que sera le spectacle dans un an.
C'est la 4e version du brouillon ! Pour laquelle nous n'avons pas pu résister au plaisir de
puiser dans ce texte magnifique et d'y insérer quelques extraits. Par-ci par-là…
Laurence, Magali et moi avons fabriqué dans le jardin un espace scénique très simple
mais beaucoup plus sophistiqué qu'en brousse, puisqu'il y a un fond de scène et de la
lumière…
Nous avons enregistré quelques passages de textes que Vincent mêlera à ses
musiques. Et Vincent a, lui, rajouté à la musique quelques passages "électro" (il ne
jouait jusqu'alors que de l'accordéon et de la batterie).
(val)
18h. Catastrophe ! Il pleut !! Décidemment, le chemin depuis qu’on est parti n’est pas
celui à lequel on pense !!
Abdoulaï, le gardien du centre, nous apprend qu'il était parti en ville faire un sacrifice
pour que la pluie passe au loin. Il était aller sacrifier un poulet aux crocodiles sacrés (et
oui, c'est comme ça, là-bas !). Mais comme il pleut quand même, il pense que le poulet
sacrifié était trop petit !!!
GENIAL ABDOULAI !!!!!
Ah lala ! Que faire ? Il y a un repli possible dans le cinéma ? Oui, on tente. Laurence va
essayer avec 3 projos !! Phil a l’air déçu, il n'y croit pas ! Et moi ? Tranquille. Le tout est
de jouer !
20h, la pluie s’arrête ! Bon ! On redéploit les nattes !
On jouera dehors ! Maquillage ! Petit trac sympathique…
C EST PARTI !
Les spectateurs sont autour, assis sur les nattes ou chaises !!! Phil présente le projet
depuis son origine avec les diapos qui défilent, puis la voix de RAMATHA résonne (on
l’a enregistré en brousse en lui demandant de résumer l’histoire !) et HOP c’est à nous !
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Très belle énergie sur scène ! Ah du plaisir, du jeu, de la rencontre, de l’improvisation,
de la malice, de l’innocence, de l’émotion !!!
Cette profondeur possible pour tout le monde.
Ce partage…
Ah! Et en plus je trouve du jeu sur scène, du nouveau… Je sens que Nicolas aussi
prend du plaisir !!
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Vincent aussi ! Claire, elle, est un peu plus tendue. Mais son jeu a gagné à elle aussi.
Les spectateurs font silence, rient, écoutent, répondent…
1h de spectacle !!!
TRES, TRES, BELLE SOIREE !!!!!
Quelle chance on a !!!!
Le public reste, on parle, on rit, on tchine !!! Christine est très contente ! Nous aussi !!!
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Mais comme la vie n’est pas tout repos, ce soir on emballe tout notre décor et surtout on
le pèse !!! Et ça jusqu’à très tard !!! La pluie tombe dès qu’on a fini !!!
Hé Abdoulaï ! Ca a marché ton sacrifice !!!
Ah oui, le soir en rentrant je me régale avec la bande dessiné AYA!!!!
Vendredi 30
(val)
“Le regard de celui qui part”
Le regard de celui qui part est plein de nostalgie… Aujourd’hui c’est le grand DEPART.
Oh! Ça fait mal au cœur ! On pèse les bagages et on va dire au revoir !!
On sort notre boite à cadeaux ! Cartes de l’Agence de Voyages Imaginaires, savons de
Marseille, badges…
Au revoir aux stagiaires et acteurs qui accompagnent Yvan, Atanase, Gervais…
Au revoir Abdoulaï, Marie Anna (chargée de com, géniale), Jean Paul (directeur
technique depuis 34 ans !), Vincent (bibliothèque)…
Christine : spécial dédicace !!
Ramatha, notre “cagole-bobolaise” avec ses expressions géniales !!
GROSSE EMOTION…
Pas envie de partir !!
Moussa le chauffeur du CCF est là avec le bus !
On part sur la route ! Comment ne pas pleurer devant tant de misère ?
Et non je ne pleure pas, je regarde, je partage, je vis avec…
Notre regard change en voyageant : ON EST AVEC.
Routes rouges, cases et cours marrons, greniers à céréales, mini-villages tout marrons,
femmes à vélo avec bébé sur le dos, gros trous sur la route, enfants avec gros ventres,
jeunes filles sur bord de la route qui vendent presque rien, tas de bois pour le repas de
ce soir, chèvres en liberté, ânes sur le bord de la route, sourires échangés, mobylettes
très chargées, camions dangereux car vraiment trop trop chargés…
Arrêt à BOROMO où nous retrouvons "Les Grandes Personnes". Ils sont venus nous
voir hier soir à BOBO et là c’est le match retour !!!
Repas maquis. Sur la nappe :
“Pour réussir dans le monde, il faut avoir l’air fou mais être sage.”
On reparle avec eux du texte en Dioula, ils nous corrigent…
A BAFE ENBAFAKA KANGATOE ?
Vous voulez qu’on l’a tue ou qu’on l’a tue pas ?
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Vous êtes prêts à mourir pour vos idées ?
AOU SONNA KASSA AKAMIRIA CAMA ?
ANISSOKOMA : bonjour
ANITILE : bonjour à midi
ANOUOULA : bonjour le soir
Aujourd'hui, les marionnettes sont de sortie. Nous partons les voir. Il y a une finale de
football d’enfants et les marionnettes géantes dansent au milieu de centaines d’enfants.
Difficile de sortir du bus! AÏH !! Il y en a qui me pincent !! Hihihi !!
Equipe très dynamique et très sympa… La compagnie regroupe une trentaine de
personnes parmi lesquelles des forgerons et sculpteurs, marionnettistes, peintres en
enseigne, tailleurs, vanniers, musiciens, danseurs et comédiens !
SOIR : Arrivée au CCF de Ouaga !!! Ouh lala !!! C'est plein de ouagalais et de
ouagalaises ! GROS FESTIVAL DE JAZZ !! Très belle ambiance !!
Sous les étoiles de OUAGA…
On retrouve Alain le directeur avec qui on passe la soirée !!! Très beaux échanges… On
est là mais chaque regard est déjà un départ !!!!
Je rentre tard… pas envie de partir… envie de rester ici et maintenant là…
Samedi 1e Mai
(val)
C’est le jour du GRAND DEPART…
Pas envie de partir
Pas envie de quitter ce pays
Pas envie de quitter nos nouveaux amis
Pas envie de quitter le CRI D ANTIGONE…
RESTER OUVERT A L INCONNU
RESTER DISPONIBLE AU NOUVEAU
(phil)
Voilà. L'aventure burkinabèe se termine ici… et l'aventure Antigone continue !
Comme pour chaque création, l'aventure dans un monde imaginaire…
Cette fois-ci encore, notre voyage d'étude nous aura apporté son véritable lot
d'inattendu, d'extraordinaire, de magique. Et nous aura encore ouvert les portes d'un
nouveau monde, imaginaire, prêt à être exploré.
C'est ce bagage étrange, invisible pour les douaniers et les rayons X, que nous
ramenons en France, en douce et sans supplément…
39
Merci les Dieux du Théâtre !
Valérie Bournet
Philippe Car
Mai 2010
40
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