économiesyrie-liban
26 - Le Commerce du Levant - Février 2010
Bilan des relations
économiques libano-syriennes
Les entreprises et les familles libanaises et syriennes entretiennent des relations étroites
ancestrales qui ont dû s’adapter aux évolutions de l’histoire depuis l’annexion de la région
par l’Empire ottoman jusqu’au mandat français. Depuis leur indépendance, les trajectoires
économiques du Liban et de la Syrie n’ont cessé de se rapprocher et de s’éloigner
à nouveau, au gré des parcours politiques de chacun des deux voisins.
Carine Fernaini
1946-1958 : UN PROCESSUS
D’AUTONOMIE CHAOTIQUE
Au départ de la France en 1946, si leurs
chemins se sont séparés, le Liban et la Syrie
sont restés économiquement siamois. Une
même monnaie – la livre libano-syrienne –
les liait. Une Commission mixte supranatio-
nale d’intérêts communs chapeautait les
douanes, les postes et les communications.
Cet organisme, doté de pouvoirs législatif et
exécutif importants, empêchait les deux pays
de voler de leurs propres ailes. Pourtant,
leurs habitudes économiques étaient et sont
toujours aujourd’hui profondément diffé-
rentes : commerçant et maritime par tradi-
tion, le Liban favorise la libre entreprise et le
libre-échange. À la fin des années 1940, la
Syrie est davantage tournée vers l’intérieur
et a du mal à trouver sa voie après des
années sous autorité ottomane.
Ces divergences mettent à mal l’union douaniè-
re entre les deux pays. L’accord, conclu en
1945, prévoyait la levée des barrières doua-
nières pour les produits libanais et syriens, l’uni-
formisation des tarifs sur les importations de
l’étranger et la coordination des politiques de
protection des industries locales. Mais cet
accord « généra des déséquilibres et des ten-
sions dès les premières phases d’application »,
souligne le président du centre de recherche de
la Chambre de commerce, d’industrie et d’agri-
culture de Beyrouth, Albert Nasr. Par exemple,
les Syriens souhaitaient maintenir les taxes sur
l’importation de la farine et du textile, alors
qu’elles pèsent lourd sur les revenus des
ménages libanais.
Très vite, des protestations s’élèvent dans
les milieux nationalistes beyrouthins contre
le déficit de la balance commerciale libanai-
se au profit de la Syrie. « C’était la Syrie qui
produisait et le Liban qui consommait »,
souligne l’économiste Youssef Chaitani dans
son ouvrage “Post-colonial Syria and
Lebanon : the decline of Arabnationalism
and the triumph of the State”.
Les deux pays échouent à uniformiser leurs
tarifs douaniers sur les importations et adop-
tent deux approches différentes face au sec-
teur industriel : la Syrie opte pour un soutien
massif à l’industrie, tandis que le Liban se
focalise sur les services.
La mise en concurrence des deux pays pour
l’embouchure de l’oléoduc Tapline de la com-
pagnie Aramco, qui devait s’étirer du golfe
Persique jusqu’à la Méditerranée, attise égale-
ment les rancœurs. Ce dernier traverse la Syrie
sur 600 kilomètres, mais l’entreprise américai-
ne choisit finalement Saïda comme port d’ex-
portation vers l’Europe et les États-Unis.
La signature de l’accord monétaire de
1948 entre le Liban et la France est une
nouvelle cause de rupture entre les deux
voisins. La livre libanaise et la livre syrien-
ne appartenaient à la zone franc, mais
restaient librement convertibles en livres
sterling à un taux garanti contre les déva-
luations du franc. Après la Seconde
Guerre mondiale, la France se déclare
hors d’état de continuer d’assumer cette
garantie de change. L’accord de janvier
1948 libère la livre libanaise de ses liens
avec l’ancienne puissance mandataire et
du voisin syrien.
Damas décide alors également de faire de
même. Une catastrophe pour les marchands
libanais, car la devise syrienne devient non
convertible. « Le conflit monétaire a été
considéré par la plupart des gens comme le
coup de grâce, accélérant une séparation
devenue inévitable », note Youssef Chaitani.
À quelques exceptions près, le Liban n’im-
pose plus aucune restriction sur les importa-
tions et finance son déficit commercial à tra-
vers l’exportation de services et les trans-
ferts de capitaux. Dans un système de chan-
ge contrôlé, la Syrie veut au contraire écono-
miser ses réserves de change en créant des
industries de substitution aux importations et
en favorisant les exportations.
Le décret 12 adopté par Damas en août
1948, qui assoit la mainmise du gouverne-
ment sur le commerce et les transactions
financières extérieurs, est assorti d’un
embargo sur les marchandises à destination
du Liban. Le coup d’État de 1949 en Syrie
marque ensuite la fin de l’union douanière
entre les deux pays.
Le divorce économique est définitivement
prononcé en mars 1950. En cause, l’idée
évoquée par Damas d’une fusion totale des
deux économies. Cette perspective déplaît
fortement aux Libanais, jaloux de leur indé-
pendance fraîchement acquise. Les réper-
cussions ne se font pas attendre : la Syrie,
principal fournisseur de nourriture au Liban,
instaure une sorte de blocus aux frontières.
« Les graines étaient l’arme choisie par le
gouvernement syrien dans sa dispute moné-
taire avec le Liban, rapporte Youssef
Chaitani. Ces signes protectionnistes de la
Syrie n’étaient pas acceptables pour le
Liban, très attaché à sa culture entrepreneu-
riale et au principe du “laissez-faire”. »
La fermeture des frontières économiques de
la Syrie s’explique également par la concur-
rence déloyale des produits étrangers, cer-
tains très bon marché, qui transitaient par
les ports libanais. Selon Youssef Chaitani, les
coûts de production en Syrie étaient sept fois
supérieurs à ceux calculés aux États-Unis,
en Égypte et en Irak. « La fermeture du mar-
ché syrien a été un acte de souveraineté
pour protéger notre industrie », justifie
Mtanios Habib, ancien ministre du Pétrole du
régime d’Assad père et professeur d’écono-
mie.
Un accord a minima est finalement signé
entre les deux pays en 1953. Le texte
exempte une série de produits industriels et
agricoles de taxes douanières et impose des
tarifs minimums sur certains produits impor-
tés de l’étranger.
1958-1970 : LA SOCIALISATION
MASSIVE DE LA SYRIE L’ÉLOIGNE
DU MODÈLE LIBANAIS
Entre 1958 et 1961, l’adhésion de la Syrie à
la République arabe unie de Nasser popula-
rise ce qu’on appelle à l’époque le “socialis-
me arabe” dans le pays et pose les bases de
l’orientation économique des cinquante
années à venir.
Au cours des années 1960, plus d’une cen-
taine d’entreprises sont nationalisées, dont
des activités de distribution de pétrole et de
transformation de coton. Près de 70 % des
activités d’import-export passent également
sous la coupe de l’État. Le pays se dirige
vers une économie providence, axée sur les
classes populaires. Mais ce tournant déplaît
aux propriétaires terriens et au secteur privé,
qui font pression pour conserver leurs activi-
tés en l’état. Le gouvernement gèle alors les
nationalisations et leur laisse le champ libre
dans les secteurs de l’immobilier et la
construction. En 1963, le parti Baas prend le
pouvoir à Damas. Commence alors une
période de socialisation radicale de l’écono-
mie. Soutenu par des partisans majoritaire-
ment issus des classes rurales et populaires,
le parti adopte une politique économique ins-
pirée du régime soviétique, dont l’État est
l’acteur principal. C’est de cette époque que
date la migration d’une partie importante de
la bourgeoisie syrienne vers le Liban où elle
s’implante durablement et y développe de
nouvelles affaires, avec, souvent, beaucoup
de succès.
De son côté, le Liban continue sa politique
de développement axée sur le commerce tri-
angulaire et les services. En 1963, le “code
de la monnaie et du crédit” instaure la créa-
tion d’une banque centrale à l’expiration du
privilège d’émission de la Banque de Syrie et
du Liban en 1964. Cet accord fait de la livre
libanaise la seule monnaie ayant pouvoir
libératoire au Liban, une décision contestée
par la Syrie. Le pays devient alors le refuge
pour les capitaux et les entrepreneurs de la
région, ce qui lui vaut le surnom de “Suisse
du Moyen-Orient”.
Dès 1969 en Syrie, une dette extérieure
galopante et une croissance en berne remet-
tent la frange plus libérale du parti sur le
devant de la scène. Après 13 coups d’État
en 17 ans, la Syrie n’a toujours pas de poli-
tique économique claire. L’arrivée de
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28 - Le Commerce du Levant - Février 2010
économiesyrie-liban
Hafez el-Assad au pouvoir ouvre en 1970
l’ère du “infiraj” (détente), qui marque le
début de l’ouverture et le recentrage sur la
nation au détriment de la région arabe.
1970-1991 : L’INFIRAJ,
SELON HAFEZ EL-ASSAD
Le nouveau président tend la main au
secteur privé en facilitant l’octroi de
licences industrielles, en soutenant l’em-
prunt et en entamant la dérégulation des
secteurs commerciaux et industriels. Des
zones franches voient le jour à Tartous et
Alep, et de nombreuses restrictions sur
l’import-export sont assouplies. Un décret
de mars 1974 autorise les entreprises pri-
vées à contracter des emprunts auprès
d’investisseurs privés pour développer
leurs activités. En 1973, 32 % du com-
merce extérieur est contrôlé par le sec-
teur privé, selon les conclusions de Syed
Aziz el-Ahsan dans son ouvrage
“Economic policy and class structure in
Syria : 1958-1980”. Néanmoins, la créa-
tion d’un code pénal économique place
une épée de Damoclès au-dessus des
importateurs, qui risquent la prison au
moindre écart par rapport aux réglemen-
tations.
L’arrêt de l’activité du pipeline venant du
nord de l’Irak en 1976, qui était une large
source de devises étrangères en taxes de
transit depuis les années 1940, affecte les
finances du pays. Puis la détérioration du
niveau de vie des classes populaires, ter-
reau politique du régime, pousse Hafez el-
Assad à revenir en 1977 aux recettes
éprouvées de l’économie socialiste, en
taxant lourdement les entreprises privées
tout au long des années 1980. La chute
des prix du pétrole assèche les revenus de
l’État, qui doit alors faire face à l’inflation
et une dette extérieure qui atteint 2,3 mil-
liards de dollars en 1983. Entre 1982 et
1987, le PIB par habitant chute de 15 %.
Plutôt que de demander de l’aide aux ins-
titutions financières internationales, Assad
mise alors sur le secteur privé. Le gouver-
nement favorise les exportations à tous
prix, au détriment des besoins du pays.
Cette tendance va aboutir à la loi 10 de 1991
sur l’investissement, tournant dans l’histoire
économique syrienne.
Pendant que la Syrie cherche à accommoder
l’idéologie socialiste, l’économie libanaise
est de son côté en proie avec les affres de la
guerre. Destructions des infrastructures,
pertes matérielles et humaines, les forces
vives du pays sont atteintes. Le coup le plus
rude vient de la dévaluation monétaire dans
les années 1980 qui appauvrit des pans
entiers de la population. Bien que le secteur
privé ait continué de faire preuve d’un très
grand dynamisme tout au long du conflit,
l’économie en sort exsangue et le “modèle”
libanais doit être entièrement revu à la fin de
la guerre.
1991-2005 : TIMIDE OUVERTURE
SYRIENNE, UN LIBAN SOUS INFLUENCE
Au début des années 1990, l’impossibilité
du secteur public à générer suffisamment de
croissance pousse le régime de Hafez el-
Assad à sortir progressivement du modèle
d’économie dirigée (voir interview Jihad Yazigi
page 40). L’émergence d’une nouvelle bour-
geoisie contribue par ailleurs à différencier les
acteurs économiques et politiques, aupara-
vant étroitement liés. Les entrepreneurs liba-
nais mettent alors le pied dans la porte. Ils
commencent à investir dans un marché éco-
nomiquement vierge en termes de services et
où tout est à moderniser.
Au niveau macroéconomique, les relations éco-
nomiques entre les deux voisins sont codifiées
dès 1991 par une série d’accords placés dans
le cadre du traité de fraternité, de coopération et
de coordination (voir page 30).
Au-delà de ce cadre global, les flux finan-
ciers entre les deux pays empruntent sou-
vent des voies aux frontières de la légalité.
Trafics et prises d’intérêts dans diverses
activités illicites auraient rapporté jusqu’à un
milliard de dollars par an à la Syrie, selon un
rapport américain de 1992.
Pendant cette période de “reconstruction”
au Liban, les besoins de l’économie libanai-
se à l’égard de la Syrie (main-d’œuvre bon
marché, électricité, produits alimentaires…)
sont en phase avec les intérêts économiques
de la Syrie et sa volonté d’ingérence dans les
affaires libanaises.
DEPUIS 2005 : UNE NOUVELLE ÈRE ?
Arrivé au pouvoir en 2000, Bachar el-Assad
poursuit la désétatisation de l’économie
syrienne. Le jeune président « souhaite ins-
taurer un changement radical rendu néces-
saire par deux choses : la montée en puis-
sance du chômage et la réduction des reve-
nus pétroliers qui représentaient 70 % du
budget du gouvernement en 1991, contre
moins de 30 % aujourd’hui », explique Fuad
Lahham, directeur général de FL
Management Consultants à Damas.
Le président transfère peu à peu la prise de
décision au ministère des Finances et à la
Banque centrale. En 2005, le 10e Congrès du
parti Baas lance officiellement le processus de
transition visant à passer d’une économie pla-
nifiée à une économie “sociale de marché”. Ce
signe d’ouverture reste toutefois limité, car le
processus est freiné par les blocages et les
lenteurs de l’administration syrienne.
Parallèlement, au Liban, 2005 marque la fin de
l’occupation syrienne. Les tensions politiques
entre les deux pays paralysent le Haut Comité
syro-libanais et entraînent des mesures de
rétorsion à la frontière. Cela se traduit par une
chute des échanges commerciaux entre 2005
et 2006. Mais l’année suivante, le volume
d’importations et d’exportations entre les deux
pays a dépassé son niveau de 2005, et il n’a
cessé d’augmenter depuis. En juillet 2008, le
Syria Report soulignait que « les échanges
commerciaux bilatéraux ont en réalité augmen-
té après la mort en février 2005 de Rafic Hariri.
En 2007, ils ont atteint un niveau inégalé
depuis seize ans ».
L’implantation d’entreprises libanaises en
Syrie augmente : banques, assurances et
entreprises de services du pays du Cèdre
occupent une place de choix sur la place
de Damas. Les spécialistes voient le libéra-
lisme économique du Liban comme une
soupape de sécurité indispensable au régime
de Damas pour freiner la sortie de son systè-
me autocentré et ainsi conserver une certaine
stabilité sociale. « Le taux de chômage offi-
ciel est aujourd’hui d’environ 15 %, mais
le chômage réel est plutôt de l’ordre de
54 % », s’inquiète Mtanios Habib, qui
n’ose pas imaginer la situation si le pays
s’ouvre trop vite à l’économie de marché.
En parallèle, la Syrie apparaît aux entrepre-
neurs libanais comme un marché naturel
pour leur expansion géographique. Si elles
n’ont jamais été complètement rompues,
même au plus fort des tensions politiques,
les relations économiques et commerciales
entre les deux voisins sont désormais en
phase d’intensification.
Les flux financiers
entre les deux pays
empruntent
souvent
des voies
aux frontières
de la légalité
C
30 - Le Commerce du Levant - Février 2010
économiesyrie-liban
Fraternité, coopération et coordination
Du traité à la réalité
Sahar al-Attar
Depuis la fin de la guerre civile, les
relations entre le Liban et la Syrie
sont régies par le traité de fraternité,
de coopération et de coordination, signé le
22 mai 1991 à Damas par les présidents
Élias Hraoui et Hafez el-Assad. Selon le
deuxième article de ce traité, les deux
États sont tenus de « coopérer et coordon-
ner leur action dans les domaines de l’éco-
nomie, de l’agriculture, de l’industrie, du
commerce, des transports et communica-
tions et des douanes, entreprendre des
projets communs et coordonner leurs plans
de développement ».
Pour réaliser cet objectif, le traité prévoit
la création d’un haut conseil syro-liba-
nais, composé des présidents, des
Premiers ministres, des vice-Premiers
ministres et des présidents de la Chambre
des deux pays. Cet organe, qui doit se
réunir une fois par an et dont les résolu-
tions ont force obligatoire, est assisté par
les commissions ministérielles (se réunis-
sant tous les deux mois), ainsi que par un
secrétariat général basé à Damas et diri-
gé par Nasri Khoury.
Du traité de fraternité découleront une qua-
rantaine d’accords bilatéraux et plus de
quatre-vingts protocoles, contrats, memo-
randums d’entente et autres outils de coopé-
ration, couvrant tous les aspects des rela-
tions entre les deux pays.
Au niveau économique, un accord-cadre est
conclu en 1993, consacrant le principe de la
liberté de circulation des hommes, des mar-
chandises et du capital, en vue de l’établis-
sement d’un marché commun. Une dizaine
d’autres accords suivront. Pas un domaine
ne sera dispensé : industrie, agriculture,
transport maritime, aérien et ferroviaire, tra-
vail, tabac, électricité, eau, fiscalité, poste,
télécommunications, investissements…
En théorie, la coopération entre pays voi-
sins est un objectif louable, à condition
d’avoir été négociée dans l’intérêt des
deux États. Or, le pouvoir de négociation
de la partie libanaise était sérieusement
limité à l’époque, ne serait-ce que par la
présence des soldats syriens sur le sol
libanais.
Un acteur des négociations se souvient de
comment se déroulaient les réunions : « La
plupart du temps, la délégation libanaise
arrivait à la table sans aucune préparation et
repartait après avoir paraphé un texte entiè-
rement élaboré par les Syriens. »
Ce déséquilibre dans le rapport de force
s’est fait notamment sentir dans l’accord sur
le partage des eaux de l’Oronte, signé en
1994. Avant d’être amendé en 2002, le
texte privilégiait clairement les intérêts
syriens.
Cette époque est-elle révolue ? Le gou-
vernement actuel veut le croire. Cinq ans
après le retrait des troupes syriennes, l’É-
tat libanais s’estime en mesure de
(re)négocier avec son voisin. Après sa
visite à Damas, le Premier ministre Saad
Hariri a demandé aux membres du gou-
vernement de se pencher sur les accords
libano-syriens relevant de leurs compé-
tences. Des pourparlers avec les autorités
syriennes devraient commencer à partir
de mars, en principe.
Le travail de préparation est loin d’être ter-
miné. Mais selon une source ministérielle,
le Liban ne réclamera sans doute pas la
révision d’accords à caractère écono-
mique. « En général, les textes sont équi-
tables et respectent le principe de réciprocité.
Les problèmes se situent surtout au niveau de
l’application. C’est de cela que nous parlerons
avec les Syriens », explique-t-elle.
Quand les textes sont appliqués, et ce
n’est pas le cas de tous, ils ne le sont que
partiellement. Dans les accords de coopé-
ration industrielle et agricole, par
exemple, seul le volet relatif à l’abaisse-
ment des droits de douane a été mis en
œuvre. Le rapprochement prôné au
niveau des politiques sectorielles des
deux pays ainsi que l’appel à entre-
prendre des projets communs sont restés
lettre morte.
Ce manque de coordination a produit des
effets indésirables, comme l’a expliqué
Georges Corm lors de son intervention à un
congrès sur les relations syro-libanaises
l’année dernière à Damas. « Les diver-
gences croissantes au niveau des poli-
tiques économiques dans les deux pays ont
engendré une grande différence dans la
structure des prix, des rémunérations et
des salaires entre les économies libanaises
La signature du traité de fraternité, de coopération et de coordination, le 22 mai 1991 à Damas par les présidents Élias Hraoui et
Hafez el-Assad.
31 - Le Commerce du Levant - Février 2010
et syriennes. Cela a eu des répercussions
négatives », a souligné l’ancien ministre
des Finances, en citant la contrebande,
l’afflux massif d’ouvriers syriens sans
couverture sociale et le coup porté à la
compétitivité des produits libanais par la
politique de subventions agricoles et
industrielles en Syrie. Inversement, les
banques libanaises ont longtemps profité
de la faiblesse du secteur bancaire syrien.
Mais « depuis la libéralisation partielle, les
banques libanaises sont présentes en Syrie
en partenariat avec le secteur privé syrien.
C’est un premier pas vers une complémen-
tarité saine », a-t-il ajouté. Cette situation
reste toutefois exceptionnelle.
L’ancien ministre des Finances s’est ainsi
étonné que les secteurs productifs libanais
et syriens n’aient pas profité davantage
de l’écart dans la structure des coûts
entre les deux pays pour accroître leur
compétitivité. Il a cité le cas des produc-
teurs de vin libanais qui importent des rai-
sins syriens. Mais « dans l’industrie textile,
qui s’est pratiquement effondrée au Liban en
raison de la concurrence asiatique, je ne suis
pas au courant d’un partenariat libano-
syrien, ni dans le secteur pharmaceutique en
plein développement en Syrie contrairement
au Liban », a-t-il déploré.
Pourtant le contexte est favorable à des par-
tenariats, car les différences dans les orien-
tations économiques des deux pays tendent
à s’estomper, note pour sa part le directeur
du centre de recherche de la Chambre de
commerce, d’industrie et d’agriculture de
Beyrouth, Albert Nasr. « Au Liban, la vision
d’une économie complètement dépendante
des services fournis à la région est remi-
se en question », affirme-t-il, en souli-
gnant l’érosion de la compétitivité du
Liban au niveau du commerce triangulaire
et des services financiers, en raison de
l’émergence d’autres acteurs régionaux,
comme Dubaï.
Pour assurer une croissance durable, le
Liban devra encourager aussi ses secteurs
industriel et agricole.
De son côté, la Syrie a avancé sur la voie de
la libéralisation. Mais son industrie, comme
celle du Liban, a besoin de capter davantage
de marchés à l’export, à travers les écono-
mies d’échelle, les technologies et l’amélio-
ration de la qualité.
« Les différences de conceptions, d’aspira-
tions et de politiques, qui avaient mis les
deux économies sur des voies divergentes,
n’ont pas résisté à quatre décennies d’évo-
lution économique : les économies
syriennes et libanaises doivent relever
aujourd’hui les mêmes défis », conclut
Albert Nasr.
Accords à caractère économique :
- Accord de coopération et de coordination
économique et social (Beyrouth 1993).
- Accord sur la circulation des personnes et
des biens (Beyrouth 1993).
- Accord de coopération et de coordination
dans le domaine agricole (Beyrouth 1993).
- Accord sur la distribution des eaux de
l’Oronte (Damas 1994).
- Accord bilatéral sur le travail (Beyrouth
1994).
- Accord sur la double imposition et l’éva-
sion fiscale (Damas 1997).
- Accord sur la promotion et la protection
des investissements (Damas 1997).
- Accord sur l’établissement de postes fron-
tières communs (Damas 1997).
- Accord sur la navigation maritime com-
merciale (Damas 1999).
- Accord sur les principes de livraison et de
vente de gaz brut entre le Liban et la Syrie
(Beyrouth 2001).
- Accord bilatéral sur la connectivité élec-
trique (Beyrouth, 2001).
- Accord sur les services aériens (Damas,
2001).
- Accord de partage des eaux du Nahr el-
Kébir (Beyrouth 2002).
- Accord de coopération douanière (Damas
2004).
- Accord sur le transport aérien (Beyrouth
2004).
- Accord pour faciliter la création de compa-
gnies maritimes communes (Beyrouth 2004).
- Accord de création d’une compagnie liba-
no-syrienne pour les industries du tabac
(Beyrouth 2005).
Exemples de protocoles
et mémorandums d’entente :
- Protocole de coopération industrielle
(Damas 1993).
- Protocole de coopération végétale et ani-
male (Damas 1993).
- Contrat d’approvisionnement électrique du
village libanais de Tufayl (Damas 1995).
- Accord de création du Conseil des affaires
syro-libanais (Damas 1995).
- Protocole de coopération sur les services
postaux (Damas 1995).
- Accord de coopération entre les Chambres
d’industrie de Damas et d’Alep, et l’Association
des industriels libanais (Damas 1998).
- Accord de coopération dans le domaine
des télécommunications (Beyrouth 1999).
- Mémorandum d’entente entre Syrian Arab
Airlines et Middle East Airlines (Beyrouth
1999).
- Accord entre les deux ministères de
l’Industrie sur les certificats d’origine
(Damas 2000).
- Accord de fraternité et de coopération
entre les ports de Tartous et de Tripoli
(Tartous 2002).
- Accord de fraternité et de coopération
entre les ports de Lattaquié et de Beyrouth
(Lattaquié 2002).
- Mémorandum d’entente sur l’unification
des principes de transport de marchandises
des camions libanais, syriens et jordaniens
(Beyrouth 2002).
- Protocole de coopération dans le domaine
de l’exploration de gaz et de pétrole (Damas
2002).
- Mémorandum d’entente sur l’échange
d’informations financières relatives au blan-
chiment d’argent et au financement du ter-
rorisme (2006).
Une longue liste de textes bilatéraux
C
Le Premier ministre Saad Hariri avec le président syrien
Bachar el-Assad, lors de sa visite à Damas.
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