AVERTISSEMENT Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction encourt une poursuite pénale. illicite Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm UNIVERSITE HENRI POINCARE - NANCY 1 2008 ___________________________________________________________________________ FACULTE DE PHARMACIE Etude ethnopharmacologique de douze fruits des petites Antilles et de Guyane française. THESE Présentée et soutenue publiquement Le mai 2008 pour obtenir le Diplôme d'Etat de Docteur en Pharmacie par Anne-Sophie Girard née le 22 avril 1982 à Laxou (54) Membres du Jury M. Max HENRY, Professeur, faculté de pharmacie Nancy. Juges : M. François MORTIER, professeur honoraire, faculté de pharmacie Nancy. Mme Constance HOMMELL, pharmacien d’officine. 0 UNIVERSITE Henri Poincaré - Nancy 1 FACULTE DE PHARMACIE DOYEN Chantal FINANCE Vice-Doyen Francine PAULUS Président du Conseil de la Pédagogie Pierre LABRUDE Responsable de la Commission de la Recherche Jean-Claude BLOCK Directeur des Etudes Gérald CATAU Responsable de la Commission des Relations Internationales Janine SCHWARTZBROD Responsable de la Communication Francine KEDZIEREWICZ Responsable de la Commission Hygiène Sécurité Laurent DIEZ Responsable de la filière Officine : Gérald CATAU Responsables de la filière Industrie : Isabelle LARTAUD Jean-Bernard REGNOUF de VAINS Responsable du CEPH : Jean-Michel SIMON (Collège d’Enseignement Pharmaceutique Hospitalier) Doyen Honoraire : Claude VIGNERON Professeur Emérite : Gérard SIEST 1 Professeurs Honoraires Maîtres de Conférences Honoraires Roger BONALY Marie-Claude FUZELLIER Thérèse GIRARD Marie-Andrée IMBS Maurice HOFFMAN Marie-Hélène LIVERTOUX Michel JACQUE Jean-Louis MONAL Lucien LALLOZ Marie-France POCHON Pierre LECTARD Anne ROVEL Vincent LOPPINET Maria WELLMAN-ROUSSEAU Marcel MIRJOLET François MORTIER Maurice PIERFITTE Assistante Honoraire Louis SCHWARTZBROD Madame BERTHE ENSEIGNANTS PROFESSEURS Alain ASTIER (en disponibilité) ………………….. Pharmacie clinique Jeffrey ATKINSON ………………………………. Pharmacologie Gilles AULAGNER ………………………………. Pharmacie clinique Alain BAGREL ……………………………………. Biochimie Jean-Claude BLOCK ……………………………. .. Santé publique Christine CAPDEVILLE-ATKINSON ……………. Pharmacologie cardiovasculaire Chantal FINANCE ………………………………… Virologie, Immunologie Pascale FRIANT-MICHEL ………………………... Mathématiques, Physique, Audioprothèse Marie-Madeleine GALTEAU……………………… Biochimie clinique Christophe GANTZER ……………………………. Microbiologie environnementale Max HENRY ………………………………………. Botanique, Mycologie Jean-Yves JOUZEAU ……………………………… Bioanalyse du médicament Pierre LABRUDE ………………………………….. Physiologie, Orthopédie, Maintien à domicile Dominique LAURAIN-MATTAR…………………. Pharmacognosie Isabelle LARTAUD………………………………… Pharmacologie Pierre LEROY………………………………………. Chimie physique générale Philippe MAINCENT………………………………. Pharmacie galénique Alain MARSURA…………………………………... Chimie thérapeutique Jean-Louis MERLIN………………………………... Biologie cellulaire oncologique 2 Alain NICOLAS……………………………………. Chimie analytique Jean-Bernard REGNOUF de VAINS………………. Chimie thérapeutique Bertrand RIHN……………………………………… Biochimie, Biologie moléculaire Janine SCHWARTZBROD ………………………... Bactériologie, Parasitologie Jean-Michel SIMON………………………………... Economie de la santé, Législation pharmaceutique Claude VIGNERON………………………………... Hématologie, Physiologie MAITRES DE CONFERENCES Monique ALBERT…………………………………..Bactériologie, Virologie Sandrine BANAS…………………………………… Parasitologie Mariette BEAUD…………………………………… Biologie cellulaire Emmanuelle BENOIT………………………………. Communication et Santé Michel BOISBRUN………………………………… Chimie thérapeutique Catherine BOITEUX………………………………...Biophysique, Audioprothèse François BONNEAUX……………………………... Chimie thérapeutique Cédric BOURA……………………………………... Physiologie Gérald CATAU……………………………………... Pharmacologie Jean-Claude CHEVIN………………………………. Chimie générale et minérale Igor CLAROT………………………………………. Chimie analytique Jocelyne COLLOMB……………………………….. Parasitologie, Organisation animale Joël COULON……………………………………… Biochimie Sébastien DADE……………………………………. Bio-informatique Bernard DANGIEN………………………………… Botanique, Mycologie Dominique DECOLIN……………………………… Chimie analytique Béatrice DEMORE…………………………………. Pharmacie clinique Joël DUCOURNEAU………………………………. Biophysique, Audioprothèse, Acoustique Florence DUMARCAY…………………………….. Chimie thérapeutique François DUPUIS…………………………………... Pharmacologie Raphaël DUVAL…………………………………… Microbiologie clinique Béatrice FAIVRE…………………………………… Hématologie Luc FERRARI……………………………………… Toxicologie Stéphane GIBAUD…………………………………. Pharmacie clinique Françoise HINZELIN………………………………. Mycologie, Botanique Thierry HUMBERT………………………………… Chimie organique Frédéric JORAND………………………………….. Santé et Environnement Francine KEDZIEREWICZ………………………… Pharmacie galénique Alexandrine LAMBERT……………………………. Informatique, Biostatistiques Brigitte LEININGER-MULLER…………………… Biochimie 3 Stéphanie MARCHAND…………………………… Chimie physique Faten MEHRI-SOUSSI…………………………....... Hématologie biologique Patrick MENU……………………………………… Physiologie Christophe MERLIN………………………………... Microbiologie environnementale et moléculaire Blandine MOREAU………………………………… Pharmacognosie Dominique NOTTER……………………………….. Biologie cellulaire Francine PAULUS………………………………….. Informatique Christine PERDICAKIS……………………………. Chimie organique Caroline PERRIN-SARRADO……………………... Pharmacologie Virginie PICHON…………………………………... Biophysique Anne SAPIN………………………………………... Pharmacie galénique Marie-Paule SAUDER……………………………… Mycologie, Botanique Nathalie THILLY……………………………………Santé publique Gabriel TROCKLE…………………………………. Pharmacologie Mohamed ZAIOU…………………………………... Biochimie et Biologie moléculaire Colette ZINUTTI…………………………………… Pharmacie galénique PROFESSEUR ASSOCIE Anne MAHEUT-BOSSER…………………………. Sémiologie PROFESSEUR AGREGE Christophe COCHAUD…………………………….. Anglais ASSISTANT Annie PAVIS……………………………………….. Bactériologie SERVICE COMMUN DE DOCUMENTATION DE L’UNIVERSITE (SCD) Anne-Pascale PARRET…………………………….. Directeur Frédérique FERON…………………………………. Responsable de la section Pharmacie- Odontologie 4 S ERMENT DES A POTHICAIRES Je jure, en présence des maîtres de la Faculté, des conseillers de l’ordre des pharmaciens et de mes condisciples : Ð’ honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon art et de leur témoigner ma reconnaissance en restant fidèle à leur enseignement. Ð’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma profession avec conscience et de respecter non seulement la législation en vigueur, mais aussi les règles de l’honneur, de la probité et du désintéressement. Ðe ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le malade et sa dignité humaine ; en aucun cas, je ne consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels. Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque. 5 Remerciements : A Monsieur le Professeur Max Henri, Qui me fait l'honneur de présider ce jury. Qu'il reçoive l'expression de toute ma gratitude. A Monsieur le Professeur François Mortier, qui m'a encadré durant ce travail. Qu'il retrouve ici le témoignage de mon entière reconnaissance, pour son aide précieuse et sa gentillesse en toutes circonstances. A Madame Constance Hommell, qui me fait le plaisir de siéger dans ce jury. Qu'elle sache l'estime que je lui porte pour sa sympathie. A mes parents, bien sûr. Qui m'ont toujours soutenu durant mes études et tout au long de ma vie. A mon tour de les soutenir dans ces moments difficiles. A mes frères et à ma sœur. A mes grands parents A mes amis. A mes professeurs. 6 « LA FACULTE N’ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION, NI IMPROBATION AUX OPINIONS EMISES DANS LES THESES, CES OPINIONS DOIVENT ETRE CONSIDEREES COMME PROPRES A LEUR AUTEUR ». 7 SOMMAIRE : Introduction : Pourquoi les fruits des petites Antilles ?.................................4 I. Contexte général des petites Antilles……………….…………………...…6 I.1.Contexte géographique………………………………………………......6 I.2.Contexte climatique……………………………..…...............................14 I.3.Végétation…………………………………….….……………………..15 I.4.Historique………………………………………….................................17 I.4.1. Histoire générale des petites Antilles..…………………….……...17 I.4.1.1. La période précolombienne……..…..................................18 I.4.1.2. La découverte de ces îles…………...................................18 I.4.1.3. Le XVIIe siècle.…………………………………….……19 I.4.1.3. Le XVIIIe siècle.………………........................................19 I.4.1.4. Le XIXe siècle…………………........................................19 I.4.2. Evolution de la médecine aux petites Antilles…………………….19 I.4.2.1. Médecine des Amérindiens …….………………………...19 I.4.2.2. Apport de la médecine occidentale……………………….22 I.4.2.3. La médecine des esclaves africains………………….……24 I.4.2.4. Thérapeutique traditionnelle de nos jours….………….….25 I.5.Mode de vie et similitudes entre les îles………………...........................27 I.5.1. Importance des cultures familiales………………………………...27 8 I.5.2. Similitudes entre les différentes îles………………………………28 II. Etude ethnopharmacologique des douze fruits choisis..…………………………………………………………………………29 II.1.Ananas comosus L.(Ananas)…...………………………….……………30 II.2. Annona muricata L. (Corossol)…………………………………..……38 II.3. Capsicum frutescensL. (Piment)………………..……………..……….46 II.4. Carica papaya L.(Papaye)……………………..……............................54 II.5. Citrus aurantifolia Swingle(Citron vert)………………..……………..62 II.6. Cocos nucifera L. (Noix de coco)……………………….……………..70 II.7. Mammea americana L. (Abricot pays)...................................................78 II.8. Mangifera indica L. (Mangue)………………………………………...85 II.9. Momordica charantia L. (Paroka)..........................................................92 II.10. Musa paradisiacaL. (Banane plantain)…………………..………...100 II.11.Persea americana Mill. (Avocat)........................................................108 II.12. Psidium guayava L.(Goyave).............................................................116 Conclusion……………………………………………………………………124 9 Introduction : Pourquoi les fruits des petites Antilles ? Outre la consommation des fruits dans un but alimentaire, dans toutes les petites Antilles, les habitants utilisent les fruits et autres parties d’arbres fruitiers pour soigner des maladies ou les petits maux du quotidien, car il s’agit d’une matière première très accessible et de « bonne réputation ». Un choix de douze fruits a été effectué pour leurs utilisations et leur répartition dans toutes les petites Antilles .On peut donc comparer leurs utilisations d’une île à une autre. Ce sont des fruits que l’on trouve dans les jardins privés et sur les étals des marchés, ils sont de consommation courante. Dans cette étude, nous inclurons la Guyane française, bien que située sur le continent américain, en raison des grandes similitudes qu’elle présente avec les petites Antilles, tant par sa végétation que par ses influences ethniques. En premier lieu, afin de situer cette étude dans son contexte et de mieux comprendre les divergences et similitudes que l’on rencontrera d’une île à une autre, nous étudierons les contextes géographiques, ethniques, historiques et climatiques de ces îles. En effet, les petites Antilles représentent des territoires ayant subis nombre de brassages de population suite aux colonisations, à la traite négrière et aux différentes vagues d’immigration qui eurent lieu au cours de l’histoire. Ainsi, les plantes et leurs connaissances ont été partagées, brassées, enrichies,… Ensuite, nous nous intéresserons exclusivement à l’étude détaillée 10 des douze fruits choisis. Carte de l'arc des petites Antilles (a) 11 I. Contexte général des petites Antilles : I.1. Contexte géographique : L’arc des petites Antilles s’étend entre le 12ème et le 19ème parallèle et par 59° à 64° de longitude Ouest. Ces territoires représentent 7000km² de terres émergées d’origine volcanique (89). Du Nord au sud, on rencontre, pour les principales îles : Anguilla, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saba, SaintEustache, Saint-Kitts et Nevis, Antigua et Barbuda, Montserrat, La Guadeloupe, La Dominique, La Martinique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, La Barbade, et enfin La Grenade (41 et 89). Afin de replacer chaque île dans son contexte, il convient de présenter une fiche d’identité succincte de chaque île des petites Antilles. ¾ Anguilla : carte d'Anguilla (b) Petite île de 155 Km² comptant 8 000 habitants (les Anguillais) d’origine surtout africaine et pour très peu irlandaise. Il s’agit d’un protectorat britannique indépendant. La végétation rencontrée y est sèche et aride (21, 41). ¾ Saint-Martin : carte de Saint-martin (b) Cette île, bien qu’ayant une superficie de seulement 88 Km², est constituée de deux parties : l’une française étant rattachées au département de La Guadeloupe, et l’autre néerlandaise (40). Elle présente une population de 64 000 âmes pour 20% native de l’île ainsi qu’une importante communauté hispanophone venant de la République Dominicaine. La végétation présente est surtout sèche. L’économie de l’île est plutôt tournée vers le tourisme (21, 40). ¾ Saint-Barthélemy : carte de Saint-Barthélemy (b) Ile de 21 Km² rattachée à La Guadeloupe. Ses 5 000 habitants (les saintBarth) sont des descendants de colons normands et bretons arrivés au 17ème siècle, ou de marchands suédois ainsi que des métropolitains attirés par le potentiel touristique de l’île (21, 41). La végétation est une végétation de climat aride avec des cactus et des bougainvillées (89). ¾ Saba : carte de Saba (c) Ile appartenant au Royaume des Pays-Bas, couvrant seulement 13 Km² et comptant 1100 habitants (les Sabans) (41). A l’origine les populations présentes descendent des esclaves africains ainsi que de colons écossais, irlandais ou scandinaves (21). Cette île présente également une grande diversité de végétation. 13 ¾ Saint-Eustache : carte de Saint-Eustache (b) Ile appartenant également au royaume des Pays-Bas, de 21km² et 1640 habitants (les Statians), d’origine africaine pour la plupart (21, 41). ¾ Saint-Kitts et Nevis : carte de Saint-Kitts et Nevis (b) Ile faisant partie du Commonwealth, mais Nevis a une autonomie interne. Saint-Kitts a une superficie de 168 Km² pour 36 000 habitants (les Kittitians), tandis que Nevis fait 161 Km² pour 9 500 habitants (les Nevissiens) (41), ceuxci étant surtout d’origine africaine (90%), mais aussi européenne, ou issus de mariages mixtes (21). ¾ Antigua et Barbuda : cartes d'Antigua et Barbuda (b) Territoire faisant partie du Commonwealth, Antigua a une superficie de 280 Km² et compte 65 000 habitants (les Antiguais) et Barbuda mesure 161 Km² pour 1 100 habitants (41). Les habitants sont, pour 90 %, des descendants d’esclaves africains, mais on note aussi des petites communautés anglaises, portugaises et libanaises. L’économie de l’île est surtout tournée vers le tourisme. La végétation rencontrée est surtout constituée de broussailles (21). 14 ¾ Montserrat : carte de Montserrat (b) Il s’agit d’une colonie britannique de 106 Km² et 1 100 habitants, d’origine africaine et issus de métissages irlandais (41). On y rencontre beaucoup de forêt tropicale humide, et les manguiers et autres fruits à pain poussent en abondance le long des routes (89). ¾ La Guadeloupe : carte de la Guadeloupe (d) Département d’outre mer français qui comprend aussi Saint-Martin, SaintBarthélemy, Les Saintes, Marie-Galante et la Désirade. Les différents superficies et démographie sont : 1 436 Km² et 33 4000 habitants pour la Guadeloupe, 158 Km² et 13 000 habitants pour Marie-Galante, 18 Km² et 1600 habitants pour La Désirade, et 15 Km² et 3000 habitants pour Les saintes (41). Les origines sont diverses, on rencontre à la fois des métis d’origine africaine, européenne et indienne. Aux Saintes, les habitants sont des descendants de pêcheurs bretons et normands (21). La végétation y est partagée entre forêts humides d’altitude, forêts sèches de plaines, mangroves et champs cultivés. En effet l’agriculture y est intensive, on y cultive encore beaucoup de canne à sucre et de bananes (50). On dénombre près de 1800 espèces de phanérogames, soit une espèce par Km²et parmi celles-ci 1000 on été importés. La luxuriance de végétation s’explique par l’activité volcanique et le climat tropical (50). 15 ¾ La Dominique : carte de la Dominique (b) République indépendante au sein du Commonwealth de 750 Km² pour 72 000 habitants (les Dominicains) surtout d’origine africaine et 2 000 descendants des indiens Caraïbes, vivant dans une réserve de 1 800 ha (41). Les langues employées sont l’anglais et un patois d’origine française (21). La végétation est hétéroclite, on rencontre à la fois des forêts pluviales, des zones broussailleuses, des végétations de type volcanique, ainsi que des forêts littorales et de montagne. Chanca, Le médecin compagnon de Colomb disait d’elle « C’est une île montagneuse, très belle, y compris l’eau, c’était une joie de la regarder parce qu’en cette saison, il n’y a pas en notre terre de chose aussi verte. » De même, l’agriculture étant la principale ressource de l’île, on trouvera de nombreuses cultures, en particuliers de bananes, d’épices, de noix de coco, de café et d’agrumes (89). ¾ La Martinique : carte de la Martinique (d) Département d’outre-mer français, la Martinique mesure 1080 Km² et compte 379 000 habitants (les Martiniquais) (41). Les origines ethniques sont variées : la majorité des habitants est issue de métissages (93,7%), une petite communauté est d’origine européenne (2,6%), et en particulier de France métropolitaine, une autre est d’origine indienne (1,7%) et enfin on peut aussi y rencontrer des immigrés syriens, libanais et Sainte-Luciens. Les différents types de végétations de l’île sont surtout des forêts pluviales, en particulier dans le Nord, des mangroves, des savanes et beaucoup de terres cultivées (canne à sucre, banane, ananas, melon,…) (21). 16 ¾ Sainte Lucie : carte de Sainte-Lucie (b) Territoire faisant partie du Commonwealth, de 616 Km² et 142 000 habitants (les Saint-Luciens) (41) qui sont pour 85% de pure souche africaine et 10% sont issus de métissages entre esclaves africains et colons, ou descendants de colons anglais, français ou autre… La végétation de l’île est partagée entre végétation sèche, broussailleuse, des jungles et des forêts tropicales (21). ¾ Saint Vincent et les Grenadines : carte de Saint-Vincent et des Grenadines (b) Territoire faisant partie du Commonwealth, de 389 Km² et comptant 112 000 habitants (les Saint-Vincentins) dont les origines sont : africaine pure souche pour 75%, métisse pour 15%, « caraïbe noire » pour 1000 habitants, ainsi que des descendants d’anglais, irlandais, français, asiatiques… (41) Les Grenadines sont éparpillées en 600 îlets. La végétation est surtout constituée de forêts tropicales humides et une grande partie du territoire est dédié à l’agriculture (cocotiers, bananiers, cacao, épices, …) (89) ¾ La Barbade : carte de la Barbade (b) Territoire faisant partie du Commonwealth, de 430 Km² et 274 800 habitants (les Barbadiens ou les Bajans), pour 80% d’origine africaine, 16% métis et 4% européens (anglais, écossais), ainsi qu’une petite communauté indienne. (41) La Barbade tient son nom des navigateurs portugais qui en 1536, en route vers le Brésil, découvrirent cette île déserte ; ils la nommèrent selon la légende, « Os Barbados »du fait des longues racines de ses figuiers ressemblant à de la barbe. La végétation est constituée de broussailles et de forêts minces. On y cultive la canne à sucre, l’igname, les patates douces, le maïs et le coton. (21) 17 ¾ La Grenade : carte de la Grenade (b) Territoire indépendant du Commonwealth, faisant 344 Km² de superficie et comptant 92 000 habitants (les Grenadiens), d’origine surtout africaine, métisse et indienne ou européenne (41). La Grenade est un massif volcanique bordé de falaises abruptes, partagé entre forêts humides des montagnes et forêts sèches des plaines. Ses trésors sont surtout les épices (noix de muscade, macis, cannelle, gingembre, laurier…) (89) ¾ Trinidad et Tobago : carte de Trinidad et Tobago (b) Ce groupement d’îles n’est pas toujours considéré comme faisant partie des petites Antilles car, contrairement aux autres îles des petites Antilles, elles ne sont pas d’origine volcanique mais sont constituée de fragments du continent Sud-américain qui s’en sont détachés (89). Nous l’inclurons toutefois dans notre étude en raison du rapport aux plantes fort intéressant de ses habitants et des similitudes avec les petites Antilles. C’est une république indépendante du Commonwealth constituée de 23 îles, dont Trinité et Tobago sont les plus grandes, pour une superficie de 5 128 Km² et comptant au total 1 104 200 habitants. Ceux-ci sont d’origines diverses : africaines, indiennes, chinoises, portugaises et on dénombre aussi des immigrés barbadiens, des Antilles, de Syrie et du Liban (21). 18 ¾ Guyane française : carte de Guyane française (e) Département d’outre-mer français, situé en Amérique du Sud, représentant un territoire de 91 000 Km² (soit 1/6 de l’hexagone !) et comptant seulement 152 000 habitants, dont les trois quarts sont concentrés dans l’île de Cayenne (41). La population est hétéroclite. En effet, on recense d’une part une population Noire descendante des « nègres marrons » (esclaves évadés des plantations), des ethnies sud américaine vivent aussi en territoire guyanais dont les Bonis (2 000 individus), les Saramacas (300 individus), les Paramacas (50). (N.B. : seuls les Bonis sont considérés comme citoyens français, les autres ethnies n’ont pas de nationalité bien définie). Par ailleurs, on rencontre aussi des populations amérindiennes constituées : ⎯ de descendants d’Arawaks scindés en deux groupes : les Palikours (470) et les Arawaks (300), ⎯ de descendants des Caraïbes : les Galibis (environ 2 000 individus), ⎯ des Wayãnas ou « Roucouyennes » qui sont environ 460, ⎯ des Emerillons, au nombre de 150 individus, ⎯ des Wayãpis ou Oyampis (200 âmes). De plus on compte de nombreux immigrés Haïtiens, Brésiliens, Chinois, Libanais, Laotiens.En effet 30 % de la population est issue de l’immigration.Enfin, quelques métropolitains viennent pour travailler à la base spatiale de Kourou. La végétation est partagée entre la forêt dense équatoriale (véritable Eldorado pour le botaniste car on y recense 4 500 espèces de plantes à fleur et 1 500 espèces d’arbres), la mangrove maritime, les savanes et enfin les terres cultivées où l’on cultive la canne à sucre, l’ananas, la maïs, les patates douces, le manioc, les bananes, les ignames, les citrons verts,… (40) 19 I.2. Contexte climatique : Le climat général de ces îles est de type tropical, c’est-à-dire que les températures sont quasiment constantes toute l’année, avec de très légères variations saisonnières, elles sont comprises entre 20 et 30°C, en journée, avec des nuits plus fraîches et l’air est fortement chargé en humidité (89). On distingue deux « saisons » différenciées surtout par la pluviométrie : ⎯ La saison des pluies ou « hivernage », de juin à novembre, qui correspond à la période de plus forte pluviométrie (170 à 250mm/mois), avec parfois des cyclones. ⎯ La saison sèche ou « carême », de décembre à mai, où la pluviométrie est la plus faible (45 à 140 mm) car une vaste zone anticyclonique occupe alors l’atlantique Nord (89). Ce climat, chaud et humide, est évidemment fort propice au développement des végétaux. De plus le sol étant volcanique, il apporte beaucoup de sels minéraux utiles aux plantes. C’est pourquoi, la végétation est aussi luxuriante dans toutes les îles des petites Antilles (65). 20 I.3. Végétation : De part le climat et l’activité volcanique qu’il règne dans ces îles, la végétation rencontrée est variée et luxuriante. Alors qu’en Europe on recense une espèce pour 200 m², aux petites Antilles on compte une espèce par m² ! (92) Il faut toutefois noter que l’urbanisation massive, nécessitant parfois le remblaiement des mangroves, et l’agriculture intensive appauvrissent la flore de beaucoup de ces îles (65). En dépit d’une situation insulaire qui peut favoriser l’endémisme, on trouve très peu d’espèces indigènes. En effet, la plupart des espèces fruitières considérées dans cette étude ont été introduites au fil des colonisations et des vagues de migrations successives, que nous allons voir. Il semble de plus que la flore indigène ait régressé ou même disparu du fait, à la fois, de la mise en culture des biotopes et de l’introduction de nouvelles espèces ayant déséquilibré les écosystèmes. De nouvelles espèces ont d’abord été introduites par les Caraïbes et les Arawaks, peuples qui venait d’Amérique du Sud. C’est le cas par exemple de l’ananas (Ananas comosus) que nous verrons plus loin. Les colons européens ont eux aussi apporté de nombreuses espèces exotiques, provenant d’Europe, d’Asie, d’Afrique, de Polynésie : le bananier, le cocotier, la canne à sucre, le manguier, l’arbre à pain, le flamboyant, le ricin, l’hibiscus,…Enfin, les populations immigrées plus récemment ont-elles aussi apporté avec elles certaines plantes de leur pays (65). 21 Il existe, quoi qu’il en soit, une grande diversité de paysages végétaux au sein de chacune de ces îles, on distingue : ⎯ La végétation de bord de mer : Végétation soumise aux embruns et parfois au recouvrement des vagues, elle est donc constituée de plantes résistantes au sel. On y trouve aussi la mangrove. ⎯ la végétation xérophile : On y trouve un grand nombre d’arbustes dont surtout des épineux à petites feuilles. Certains secteurs extrêmement arides sont colonisés par les cactées. ⎯ la végétation mésophile : Cette végétation occupe une zone de pluviométrie comprise entre 3 000 et 5 000 mm/an, qui correspond aussi à l’aire de mise en culture. Là où elle subsiste, elle évoque une futaie de grands arbres à feuilles caduques. ⎯ la végétation hygrophile : Végétation trouvée dans les zones de pluviométrie comprise entre 3 000 et 5 000 mm/an. C’est une formation de forêts pluviales, ou forêts ombrophiles ; ⎯ la végétation des sommets : Elle est constituée à la fois de forêts rabougries ou « savanes », selon les îles et de zones marécageuses (89). 22 I.4 Historique : I.4.1 Histoire générale des petites Antilles : L’histoire des petites Antilles peut être divisée en trois grandes périodes : − la période dite « précolombienne », avant la découverte de ces îles par Christophe Colomb, − la période de colonisation et de la traite négrière, − la période depuis l’abolition de l’esclavage jusqu’à aujourd’hui (65). I.4.1.1. La période précolombienne : Les premiers habitants des petites Antilles étaient les Ciboneys, peuple de chasseurs-cueilleurs vivant 4 000 ans avant Jésus-Christ. Puis vinrent s’installer les Arawaks, il y a 2 000 ans environs. Il s’agissait de différents tribus venant d’Amérique du Sud et parlant tous la même langue : l’Arawak. C’était un peuple pacifique vivant de chasse, de pêche et d’élevage. Ils cultivaient des plantes qu’ils importèrent d’Amérique du Sud et des Grandes Antilles : le tabac, le coton, le maïs, la patate douce, l’ananas, le manioc et le corossol (92). Quelques centaines de descendant des Arawaks vivent encore en Guyane française (40). Puis les Caraïbes, peuple belliqueux venu lui aussi du continent, conquit ces terres vers 800, 1 000 ou1 200 avant J-C selon les sources. Ces tribus avaient pour réputation d’être anthropophages, ce qui leur permis de cohabiter pendant un court moment avec les Européens, qui de ce fait les craignaient. Ces populations vivaient surtout en bordure de mer et ne faisaient que rarement des incursions en forêt pour y pratiquer une agriculture sur brûlis, n’entamant pas significativement le couvert végétal de l’intérieur (65). 23 I.4.1.2. La découverte de ces îles : Les petites Antilles furent découvertes par Christophe Colomb lors de son second voyage, en 1493. Il mit pied sur les territoires actuels de la Dominique, tout d’abord, puis de Marie Galante, la Guadeloupe, Montserrat, Antigua, Redonda, Nevis et Saint-Kitts.Ce n’est qu’en 1498 qu’il débarqua à la Grenade et en 1502 à la Martinique (89). I.4.1.3.Le XVIIe siècle : Il marqua le début de la colonisation par les européens. Tandis que les Espagnols ne s’intéressaient qu’aux Grandes Antilles, les Britanniques, les Français et les Néerlandais, quant à eux convoitaient les petites Antilles, ce qui occasionna de nombreux conflits. Les colons européens, après une courte période de cohabitation pacifique avec les Caraïbes afin de tirer l’essentiel de leurs connaissances de ce nouvel environnement, vont procéder à un défrichage systématique des terres basses et de moyenne altitude pour établir une culture intensive de la canne à sucre (92). Ils mirent également en place un commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et les Antilles. Les esclaves venus d’Afrique (et en particulier du Sénégal, de Guinée, du Congo, de l’actuel Libéria, d’Angola et du Bénin) fournirent une main d’œuvre gratuite et nombreuse pour cultiver la canne à sucre (25). Les colons importèrent également de nombreuses espèces de plantes d’Afrique et d’ailleurs pour la culture et pour nourrir les esclaves à peu de frais. Le fruit à pain, par exemple fut introduit aux Antilles à cette époque afin de fournir des légumes nourrissants et peu coûteux à la main d’œuvre (25). 24 I.4.1.3. Le XVIIIe siècle : Il fut marqué par de nombreux conflits entre européens et les îles changèrent souvent de propriétaires. De même, on vit poindre des contestations des colons contre le pouvoir métropolitain. Quelques révoltes d’esclaves éclatèrent également (25). I.4.1.4. Le XIXe siècle : Le fait le plus marquant du XIXe siècle fut évidemment l’abolition de l’esclavage, qui ne fut établit qu’après de nombreuses années selon les îles. On déclara l’abolition le 29 août 1833 dans toutes les colonies britanniques, tandis qu’en France, après avoir décrété l’égalité noirs-blancs le 28 mars 1792, l’esclavage fut rétabli par Napoléon Ier, le 20 mai 1802, pour enfin déclarer l’abolition totale et définitive le 27 avril 1848. D' après Victor Schoelcher : « La possession d’un Homme par un autre est un crime. Toutes les notions de justice et d’humanité disparaissent dans une société servile. » (25). I.4.2 Historique de la médecine dans les petites Antilles : Parallèlement aux divers brassages de populations, la médecine aux petites Antilles n’a cessé d’évoluer aux cours des siècles. On note principalement trois influences : amérindienne, africaine et européenne. I.4.2.1. Médecine des Amérindiens : On distingue surtout deux influences traditionnelles : − le chamanisme − la phytothérapie traditionnelle. 25 a) Le chamanisme : Il s’agit d’une pratique exercée par un chaman, individu le plus souvent masculin, entretenant des relations avec les esprits dans l’intérêt de la communauté. Il tient son pouvoir d’un autre chaman et a un rôle à la fois de thérapeute, de prêtre, de sorcier et de devin. Son rôle est de traiter les maladies provoquées par des maléfices ou dues à un esprit malveillant, mais il pourra aussi prévenir l’avenir, interpréter les présages et protéger la tribu (65). La maladie est perçue comme étant la conséquence d’une accumulation d’éléments pathogènes introduit dans le corps du malade ou d’une déficience d’âmes ayant quitté son corps (29). Le chaman utilise des plantes hallucinogènes et du jus de tabac vert afin d’attirer les esprits mais il a aussi recours à certaines plantes non hallucinogènes comme antalgiques ou antiparasitaires, par exemple (65). b) La phytothérapie : La phytothérapie est un savoir collectif. Dans les communautés amérindiennes, se sont plus souvent les femmes qui connaissent les vertus et le mode de préparation des plantes utiles de la pharmacopée traditionnelle, mais les hommes savent les reconnaître et les cueillir. Parfois, on fait appel à un guérisseur, distinct du chaman, qui possède une bonne connaissance des herbes, des plantes, de leur préparation et de leurs vertus médicinales (65). Les plantes étaient, le plus souvent, récoltées dans la nature, dans des endroits facile d’accès. On utilisaient les plantes à l’état frais, l’utilisation se faisant dans les 48 heures suivant la récolte (65). 26 Les soignants utilisaient tous les organes des plantes récoltées, mais surtout les écorces, les tiges et les feuilles, du fait de leur disponibilité. La majorité des remèdes n’utilisaient qu’une plante. Les préparations étaient peu complexes et peu nombreuses, on faisaient surtout des décoctions de plantes fraîches, pendant une quinzaine de minutes, ainsi que des macérations dans l’eau fraîche durant plusieurs heures de la nuit (50). Pour palier la faible quantité de principes actifs extraits, les Amérindiens utilisaient de grandes quantités de plantes fraîches. De manière plus anecdotique, de combustions de feuilles fraîches réduites en poudre, de fumigation de plantes odoriférantes, d’exsudations de sucs par passage prolongé ou rapide au-dessus des flammes, ou bien encore de consommation brute de fruits, fleurs, écorces grattées, graines écrasées ou de feuilles froissées. D’autre part, pour l’usage externe, on préparait des bains de bouche, des lavages externes ou « bains », des onctions, des frictions de feuilles et d’écorces et des bains de vapeur (50). Les causes mystiques ou terrestres de la maladie étaient tout autant importantes que les symptômes. On distingue les symptômes provoqués par la simple action d’un esprit et ceux résultant de la réponse d’un esprit à une transgression d’interdit (29, 92). Les propriétés thérapeutiques des plantes étaient bien connues. On retrouve des plantes aux vertus purgatives, émétiques, sédatives, cicatrisantes, diurétiques, fébrifuges, analgésiques, antiparasitaires… (65) Les pères Labat et Du Tertre ont référencé dans leurs ouvrages de nombreux remèdes utilisés par les Caraïbes pour traiter la fièvre, les maux de dents, les inflammations oculaires, entre autres (89). De même, en 1570, le roi Philippe II d’Espagne envoya au Mexique son médecin, Francisco Hernandez, afin d’inventorier les remèdes des Amérindiens. Il put recenser 1 200 plantes médicinales (89). 27 I.4.2.2. Apport de la médecine occidentale : En Europe, au début de la colonisation, c’est-à-dire au XVIe et XVIIe siècles, la médecine classique est fortement inspirée de la théorie des humeurs d’Hippocrate : il existe quatre humeurs circulant dans l’organisme et présentant chacune des caractères propres. On distingue le sang, chaud et humide, la bile jaune, chaude et sèche, la bile noire, froide et sèche et le flegme (ou pituite), froid et humide (65). La maladie serait causée par le déséquilibre de ces fluides. Les notions de chaud et de froid étaient également très importantes à cette époque. Pour ne pas être malade, il faut éviter la confrontation de ces contraires, ou le brusque passage d’un état à un autre. Il est à noter que la médecine traditionnelle moderne des petites Antilles est, encore de nos jours, influencée par ce concept de chaud et froid (92). Le chaud est associé à l’énergie, au travail, à la jeunesse, à la vivacité et le froid, quant à lui, est assimilé à la fatigue, à la lenteur, à la vieillesse. La notion de chaud et froid est aussi attribuée à des végétaux, utilisés pour le traitement de diverses maladies en rétablissant l’équilibre calorique du corps (92). Au cours du XVIe siècle, la phytothérapie et la botanique vont connaître un grand essor. De même, la flore locale sera enrichie par les plantes importées d’autres colonies (dont le tabac, l’ipéca, le cacao ou le piment). La chimie connaît, elle aussi, un grand développement et va supplanter l’alchimie. Le développement de l’imprimerie va, elle, permettre la diffusion de ces connaissances médicales (65). A leur arrivée aux petites Antilles, les premiers colons se retrouvent confrontés à un environnement et un mode de vie qui leur est totalement inconnu. Ils vont alors envoyer certains prêtres, dont les plus connus sont les pères Breton, Du Tertre et Labat, en mission de reconnaissance de l’environnement. Ainsi, le père Breton, arrivé en 1653 en même temps que les premiers français, partit étudier les indiens Caraïbes (65). 28 Le père Du Tertre lui succéda à partir de 1640 et fit de nombreuses descriptions de la faune, de la flore, des mœurs et coutumes des indigènes dans son ouvrage « Histoire générale des Antilles habitées par les français » paru en 1671. Enfin, le père Labat, arrivé en 1693, écrira, lui aussi, de nombreux ouvrages consacrés à la vie aux Antilles dont « Nouveau voyage aux Isles d’Amérique », dans lequel on retrouve des descriptions et observations de la flore et de la faune, mais surtout des descriptions de pratiques médicales populaires (54). Avec l’essor de la traite négrière et l’agriculture intensive, la population augmente et les besoins médicaux également. Dans un premier temps, les médecins des plantations font confiance aux guérisseurs africains pour les aider dans leurs traitements. En effet, les médecins européens se retrouvent souvent incompétents faces aux nombreuses pathologies tropicales (fièvre, dysenteries, vers, etc.…), qu’ils ne connaissent pas, contrairement aux esclaves africains qui retrouvent, eux, des maladies et des remèdes connus (65). Cependant, par crainte des empoisonnements, les colons interdisent la pratique de la médecine populaire par les guérisseurs africains ainsi que l’utilisation des remèdes amérindiens. Les maîtres font installer des infirmeries au sein de plantations pour enrayer les épidémies qui nuisent à la productivité. Puis, on fait construire des « hôpitaux », qui sont en fait de simple cases prévues pour accueillir les esclaves malades et tenues par un chirurgien assisté par une matrone (appelée aussi hospitalière). Le premier hôpital d’habitation est construit en 1714 à Saint Domingue. Un arrêté de 1786 rend obligatoire l’installation d’un hôpital dans toutes les plantations (65). Hors des plantations, des médecins et des apothicaires viennent s’installer en ville et travaillent pour les plus aisés. Des structures hospitalières véritables se développent également dehors des plantations. Le premier voit le jour à Basse Terre, en Guadeloupe, en 1666 (65). 29 I.4.2.3. La médecine des esclaves africains : On retrouve beaucoup de similitudes entre la médecine populaire des Amérindiens et celle des Africains, venus aux Antilles en tant qu’esclaves. En effet, la tradition africaine veut que l’on attribue aux maladies une cause mystique : elles sont attribuées à des esprits, des dieux ou des démons. Les Africains distinguent deux types de remèdes : ceux d’origine divine et ceux d’origine humaine (65). Les remèdes d’origine divine nécessitent l’intervention d’un sorcier ou d’un guérisseur (on retrouve le chamanisme), tandis que les remèdes humains sont transmis de générations en générations. Les plantes sont alors utilisées pour repousser les mauvais éléments affectant les humains (92). Elles sont préparées le plus souvent en décoctions, infusions ou ingérées directement sans transformations (74). On utilise la théorie des signatures pour connaître leurs indications. Les guérisseurs africains ont également une très bonne connaissance de l’anatomie humaine grâce à la pratique coutumière d’autopsies rituelles (65). Arrivés aux Antilles ils vont retrouver, dans la végétation des Antilles, certaines plantes médicinales qu’ils connaissent et d’autres qui auront été introduites en même temps qu’eux. Ils vont alors pratiquer la médecine avec succès, soignant même les colons. Mais les guérisseurs ne souhaitent pas dévoiler leurs secrets et dissimulent les plantes et les techniques utilisées. Les colons commencent alors à craindre les pouvoirs mystérieux de ces guérisseurs et par crainte d’être empoisonnés, vont leur interdire cette pratique, à l’exception du traitement des morsures de serpents. On interdit même d’initier les esclaves à la chirurgie et à la pharmacie, par souci de supériorité de la part des colons (65). 30 I.4.2.4. Thérapeutique traditionnelle de nos jours : A l’exception des Antilles françaises, les services de santé aux petites Antilles demeurent très insuffisants et la pauvreté des habitants permet un accès très limité aux médicaments, surtout en zones rurales et dans les îles où il n’existe aucune protection sociale (85). On trouve alors une automédication familiale assez développée basée sur les trois grands courants culturels cités ci-dessus et utilisant essentiellement des plantes médicinales (92). On considère que la maladie a toujours des causes extérieures à l’individu, il suffit donc simplement d’adopter de nombreuses précautions afin de ne pas tomber malade. Ainsi, selon la théorie d’Hippocrate du chaud et du froid, il faut éviter de passer trop vite du chaud au froid et réciproquement. De même on utilisera des remèdes « froids » (suc d’ananas, pulpe de calebasse …) en cas de maladie « chaude » et des remèdes « chauds » (gingembre, pomme cannelle…) en cas de maladie « froide ». Les maladies qui ne s’expliquent pas sont considérées comme ayant une origine surnaturelle. On a alors recours à un sorcier guérisseur (appelé quimboiseur) ou à la religion (92). En ce qui concerne les préparations requises, on distingue surtout les « tisanes », qui « rafraîchissent », les « thés », qui « réchauffent », les « macérations » et les « bains » : − Les « tisanes » sont des infusions ou décoctions légères préparées en arrosant les feuilles, fleurs ou écorces des plantes choisies avec de l’eau bouillante. On couvre et on laisse infuser 15 à 30 minutes, puis on filtre la solution obtenue. Si les substances utilisées sont dures, il faut alors les écraser et prolonger l’infusion pendant une heure au moins. Ces « tisanes » sont le traitement spécifique de l’inflammation, mais sont aussi réputées pour leurs effets bénéfiques sur l’équilibre thermique du corps. On les utilise également pour préparer l’organisme à l’action d’une purge. 31 − Les « thés » sont des décoctions préparées à partir de feuilles, tiges, fleurs ou écorces, coupées en petits morceaux et mis à bouillir 5 minutes pour les parties tendres et au moins 30 minutes pour les écorces dures, dans un récipient rempli d’eau. S’il s’agit d’écorces ou de racines amères, il faudra laisser tremper les morceaux 30 minutes dans l’eau froide avant de les mettre à bouillir pendant 10 minutes (50). Ces « thés » ont pour vocation de « réchauffer » le corps et de soigner les « pleurésies » (terme créole désignant une affection respiratoire avec fièvre, mais sans sudation, conséquence d’une imprudence). (61) Ils sont consommés en petites quantités. − Les « macérations » sont préparées en laissant macérer les tiges, fleurs, feuilles ou racines pendant 5 à 12 heures dans de l’eau froide (50). − Les « bains » sont des préparations destinées à l’usage externe. Ce sont des bains tièdes purificateurs ou des bains de vapeurs, qui provoque une sudation permettant d’éliminer « l’eau en excès ». On asperge ou on tamponne la partie malade du corps avec la solution préparée (50). − On utilise aussi beaucoup, dans les Caraïbes, les « loochs » ou « locks ». Ce sont des extraits, décoctions ou sucs concentrés, à base d’une ou plusieurs plantes, qui sont employés dans le traitement de la « blesse » (terme créole désignant un traumatisme à la cage thoracique, dû à une chute ou à un coup violent). D’autre part, les onguents, cataplasmes, émollients, cérats, lavements, sirops et jus ont également leur place dans la médecine traditionnelle créole (50). Toutefois, ce savoir traditionnel, accumulé de génération en génération, se trouve mis en danger par la pénétration de cultures exogènes et la perte actuelle des transmissions orales. De plus, l’urbanisation massive et la déforestation menacent la diversité de la flore dans ces îles (92). C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’a été initié, en 1982, un programme de recherche appliqué à la pharmacopée traditionnelle et aux pratiques de santé populaire des Caraïbes nommé TRAMIL. Ce programme a pour intention d’étudier scientifiquement, de valider et de diffuser les connaissances concernant l’utilisation dans la 32 pratique populaire de plantes médicinales que l’on peut se procurer facilement afin d’envisager une alternative à l’inaccessibilité croissante des médicaments (85). I.5.Mode de vie et similitudes entre les îles : I.5.1. Importance des cultures familiales : Bien que, dans toutes les petites Antilles, les zones urbaines occupent de plus en plus de place, la plupart des maisons ont leur jardin. Un métropolitain dirait que c’est la campagne à la ville ! Beaucoup, surtout dans les Antilles françaises cultivent leurs fruits et légumes, leurs propres herbes pour confectionner des tisanes (de citronnelle, de thym pays …) et ont du bétail ou des petits animaux dans leurs jardins (41, 50, 92). Le jardin a toujours revêtu une grande importance pour les populations. On parle à l’origine de « boucan » hérité des Caraïbes (20). Il s’agit alors d’une petite parcelle de terrains dégagée de la forêt par brûlis et abandonnée après avoir récolté ses fruits (92). Puis, à l’époque de l’esclavagisme, on distingue trois types de jardins : − le « jardin-nègre », lopin de terre laissé à l’esclave pour subvenir à ses besoins ; − le « de gras », jardin en forêt non clôturé et cultivé par intermittence mais stable ; − le « bituè », jardin organisé dans la durée, parfois clôturé et proche de l’habitation. − Enfin, le « jaden bo kay » actuel est un jardin avec des arbres, surtout fruitiers, autour de la maison, des plante médicinales, ornementales et de protection. Il renferme en majorité de plantes à usage alimentaire (92). 33 Mais on utilise aussi les herbes des chemins, appelés « raziés » pour préparer les tisanes habituelles. Ce terme de « razié » dérive du vieux français « hallier » désignant les lieux anciennement défrichés recouverts de broussailles (20). I.5.2. Similitudes entre les différentes îles : Même si il est vrai que les noms de plantes varient sensiblement d’un créole à un autre, nous le verrons, on retrouve néanmoins des modes de classification et des structures identiques d’une aire créolophone à une autre, car l’environnement végétal est très semblable. Les savoirs faire sont, nous le constaterons lors de cette étude, en effet très proches, visant le même univers. On verra que les mêmes principes guident les schémas mentaux à l’œuvre aussi bien dans la médecine que dans la magie (92). Ainsi, on peut prendre l’exemple de la Guyane, où les guérisseurs Haïtiens ont une facilité remarquable d’adaptation, car ils retrouvent un univers et des techniques médicinales familières. De même, les immigrants Martiniquais ou Sainte-luciens retrouvent, eux aussi en Guyane, les équivalences locales des plantes utilisées chez eux. En effet, sur 163 plantes relevées par Bougerole pour la Guadeloupe, 143 sont aussi utilisées comme remède en Guyane. De même, 102 plantes de Trinidad ont le même nom créole et le même usage que celles que nous pouvons relever en Guyane (92). 34 II. Etude ethnopharmacologique des douze fruits choisis : Pour chacun des fruits choisis pour cette étude, nous suivrons toujours le même plan. En exposant tout d’abord un bref descriptif botanique, puis les origines de la plante, sa localisation au sein des petites Antilles, ses intérêts nutritifs, ses utilisations vernaculaires diverses dans les territoires où l’on l’utilise, les travaux scientifiques qui justifient ces emplois, et enfin, les éventuelles toxicités et mises en garde à souligner. Il est à noter que nous ne possédons pas toujours de données concernant chacune de ces îles, c’est pourquoi nous ne donnerons que les usages significatifs et qui ont été décrits avec précision. Corbeille de fruits des petites Antilles (k) 35 Ananas comosus L. (f) 36 II.1.Ananas comosus L. (Ananas) : II.1.1. Description botanique : L’ananas est une plante herbacée de la famille des Bromeliaceae (71). Il s’agit d’une des rares représentantes de cette famille botanique à être terrestre, les autres espèces étant généralement épiphytes. C’est une plante pluriannuelle disposée en rosette, qui mesure de 50 à 150 centimètres de haut et dont la tige est souterraine. Le fruit est syncarpique, c’est-à-dire qu’il résulte de la soudure entre l’axe charnu de l’inflorescence, des bractées et des fruits élémentaires (appelées baies) (89). Les variétés sauvages contiennent encore des graines, tandis que les formes cultivées sont parthénocarpiques (7). Le fruit peut mesurer 15 à 40 cm de hauteur, selon la variété, et 10 cm à l’état sauvage. Il peut peser jusqu’à 4 kilogrammes pour les variétés les plus imposantes (83). Il existe de nombreuses variétés d’ananas qui se distinguent essentiellement par la taille du fruit et sa saveur. En Martinique, la variété « Hawaï » est la plus cultivée. Elle possède une chair jaune dorée très sucrée et juteuse. La « Fils de Calvet », qui est un hybride des « Hawaï », est cultivée elle aussi en Martinique, plus particulièrement dans la région d’Ajoupa-Bouillon (au Nord de l’île) (83). L’ « ananas bouteille », cultivar local guadeloupéen, a une forme allongée et conique. A maturité, la couleur de sa peau n’est pas uniforme : jaune en bas et verte en haut. Sa chair est ferme, très parfumée et sucrée (83). 37 On distingue aussi la variété « Cayenne lisse », destinée à la mise en conserve. Cette variété est native du Venezuela. Introduite et multipliée à Cayenne en 1820, elle en portera le nom (5). La plante, sans épine, porte un fruit cylindrique de 2 kg à 4 kg à la peau orange à maturité. Sa chair jaune pâle à or est juteuse, à la fois sucrée et acide (83). On trouve également aux Antilles les célèbres ananas « Queen Victoria » d’origine réunionnaise et qui sont des fruits épineux d’environ 1 kg, possédant une chair jaune or fondante, juteuse et très sucrée (83). Plus rare et rustique, le « Red Spanish », a la forme d’une grosse pomme de 1.5 kg. Sa pulpe jaune pâle possède une saveur poivrée (83). De même, l’ananas noir d’Antigua est une curiosité. Il s’agit d’une espèce sucrée et aromatique, ayant l’avantage d’être moins acide que les autres (83). Enfin, un nouvel hybride appelé Flhoran 41 et créé par le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) donne un fruit rouge, cylindrique, sans épine et à la chair jaune sucrée. Il résulte du croisement entre le « Cayenne lisse » et le « Perolera » (cultivar colombien) (hh). II.1.2.Dénomination diverses : Les premiers Amérindiens qui consommèrent et cultivèrent l’ananas lui donnèrent ce nom de « anana » qui signifie : « a » : fruit et « nana » : savoureux, dans la langue tupi-guarani (46). Les Européens le désignèrent d’abord par « pain de sucre » ou « pomme de pin », traduisant la dureté de son écorce (46). 38 On le nomme « ananas », dans les Antilles françaises, « pinapple », dans les Antilles anglophones, « pine », dans les Antilles hispanophones ou « zannana » en créole (89). II .1.2. Origine géographique et historique. L’ananas proviendrait d’Amérique du Sud, et en particulier probablement des hauts plateaux du Mato-Grosso, qui s’étendent entre le sud du Brésil, le Paraguay et le Nord de l’Argentine (83). Il fut introduit aux Antilles par les amérindiens qui vinrent coloniser ces terres. C’est Christophe Colomb qui le fit connaître aux Européens en en ramenant de son expédition en Guadeloupe en 1493 (46). Sa propagation dans toutes les régions tropicales se fit dès le XVIème siècle. Les portugais l’introduirent en Inde, tout d’abord (89). Il arriva en Martinique en 1548 et ne parvint en Europe qu’au XVIIIe siècle (A), où il fut considéré comme un objet de grand luxe tant son importation demandait de moyens. Les maîtresses de maisons les plus distinguées louaient ces fruits pour en faire des chemins de table (46). II.1.3. Répartition dans les petites Antilles : On retrouve l’ananas sous forme cultivée essentiellement, dans les potagers privés ou dans des cultures intensives dans de nombreuses îles des petites Antilles et en particulier, en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Martin, à La Dominique, à Saba, Barbuda et Saint Eustache (89), ainsi qu’en Guyane où son fruit est également très apprécié (40). 39 II.1.4. Intérêts nutritifs et gastronomie locale : L’ananas peut être considéré comme un véritable fruit de santé. En effet il est à la fois riche en vitamines en 16 minéraux, mais aussi en enzymes qui aident à la digestion (83, A). Teneur du fruit, pour environ 150 grammes (soit une tranche d’ananas sans écorce) (51, A) : Nutriments et composants Calories 77 kcals Eau 135 g Protides 0.6 g Lipides 0.66 g Glucides 19.21 g Vitamines Provitamine A 4 RE (équivalent rétinol) Vitamine C 23.9 mg Vitamine B1 0.143 mg Vitamine B2 0.056 mg Vitamine B3 0.651 mg Minéraux Potassium 175 mg Calcium 11 mg Fer 0.57 mg Magnésium 21 mg Sodium 1 mg 40 De même, l’ananas contient des enzymes protéolytiques appelées bromélines ou bromélaïnes et qui sont contenues dans la tige mais absentes dans la pulpe (51). De plus, la broméline est inhibée par la chaleur, l’ananas en conserve ou en jus pasteurisé n’en contient donc plus (71). On retrouve par ailleurs des arômes fugaces tels que la vanilline, le méthanol, l’éthanol ou l’éthylacétate en fonction du degré de maturité du fruit (83). L’ananas frais, du fait de sa teneur élevée en potassium (51), comme c’est le cas pour beaucoup d’autres fruits, est indiqué chez les personnes soufrant d’hypokaliémie. Concernant la gastronomie locale, on apprécie l’ananas frais, en jus, en cocktail de fruits, en gâteux, en confitures, ainsi qu’en sorbets, très rafraîchissants. Les antillais connaissent depuis longtemps les vertus digestives de ce fruit et s’en servent après les repas trop riches. De même, les boissons alcoolisées ne manquent pas : punch de macération, Piña Colada (jus d’ananas, rhum et lait de coco), ou autre (89). II.1.5. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. L’ananas est utilisé en médecine traditionnelle quasiment partout dans les petites Antilles et en Guyane. Ce sont les propriétés de ses enzymes qui sont les plus recherchées. o En Guyane, les Palikurs utilisent comme abortif le jus des fruits bouillis auquel on ajoute des morceaux crus à absorber à jeun pendant 8 jours (40). o On note la même utilisation du fruit immature ainsi que du jus par les indiens Caraïbes de la Dominique (89). 41 o Les autres usages courants aux petites Antilles sont : − les enzymes de la plante servant en cas d’inflammation (cf. la spécialité Extranase®), augmentent l’action de certains antibiotiques (9) et permettent de lutter contre les angines, par leur action détersive (89). On peut traiter aussi les bronchites chroniques (71). − le fruit utilisé dans les troubles menstruels, le béribéri (pour sa teneur en vitamines B1), les « attaques de vers » et l’ « épuisement nerveux » (9). − le jus de fruits frais serait le contrepoison des intoxications provoquées par les viandes, poissons, ou fruits de mer (71). − on utilise aussi les propriétés diurétiques et détoxifiante de cette plante pour traiter les colites néphrétiques et hépatiques (89). − A noter également, l’utilisation de la chair écrasée comme masque facial (90). II.1.6. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. Ses principales utilisations sont essentiellement dues aux actions des plus intéressantes de ses enzymes : les bromélaïnes. Elles sont absorbées à 40% par l’intestin si ingérée per os (51). De par leurs effets protéolytiques, ces enzymes ont montré des propriétés digestives, anti-inflammatoires, anti-œdémateuses, antiseptiques (7, 23), détersives fibrinolytiques, mucolytiques, cicatrisantes ou bien encore anti-cellulite (39). Elles ont aussi une action « purificatrice » et « clarifiante » sur la circulation sanguine (74). En effet, les temps de Quick et temps de saignement sont prolongés. Il y a aussi inhibition de l’agrégation des thrombocytes (28). Le fruit contient aussi beaucoup de fibres, utiles en cas de constipation (89). 42 II.1.7. Mise en garde et toxicité. L'ananas peut entraîner quelques effets secondaires indésirables telles des gastralgies, des diarrhées ou des réactions allergiques (83). Plus banalement, la consommation du fruit frais peut provoquer des aphtes, si l’on ne prend pas garde à retirer les « yeux » (83). A cause de sa richesse en sucre, l’ananas doit être consommé modérément dans les régimes hypoglycémiques. Le jus d’ananas est, après le jus de raisin, le plus sucré de tous les jus de fruits (89). L’utilisation du jeune fruit en fleur pouvant, à fortes doses, avoir des propriétés abortives, il est à déconseiller aux femmes enceintes. 43 Annona muricata L. (g) 44 II.2. Anona muricata L. (Corossol) II.1.1. Description botanique. Le corossolier est un arbuste ou petit arbre de 4 à 8 mètres de haut, touffu, aux branches glabres, gracieusement recourbées, de la famille des Annonaceae (89). Son fruit est syncarpique, très gros, ovoïde ou irrégulièrement cordiforme, de couleur vert jaunâtre, à surface aréolée et couverte de petites épines souples. Il peut mesurer entre 15 et 20 cm de diamètre et peser jusqu’à 3 kg (91). Sa pulpe est blanche, acidulée, pâteuse et sirupeuse. On trouve de nombreuses graines noires ou brun foncé, ovoïdes, aplaties, brillantes, de 1.5 sur 1 cm (89). II.1.2. Dénominations diverses. Selon les îles et les langues, on le nomme « corossolier », ou « corossol épineux », « sapoti », « cachiman épineux » (89), « Sour sop », dans les îles anglophones (91), « kowossol » en créole (89), ou encore « Zuurzak », en néerlandais, dans la partie hollandaise de Saint-Martin (i). II .1.3. Origine géographique. Cet arbre est originaire d’Amérique tropicale (91). Selon les auteurs, il proviendrait du Venezuela, de Colombie, du Brésil ou des Antilles (89). Il aurait été introduit aux Antilles au XVIIème siècle (65). 45 II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On le retrouve dans quasiment tout le bassin Caraïbe et en particulier en Guadeloupe et dans ses dépendances, en Martinique, à Saba, à Antigua, à Montserrat, à La Dominique, à Saint Vincent et les Grenadines, à La Grenade et à La Barbade, à Saint Barth et Saint Martin (89). De même, nous le retrouvons en Guyane française. « Il n’est pas question qu’une case à la campagne, et souvent la maison de ville, n’ait dans sa cour le pied de corossol obligatoire. » (Rose-Rosette, 1994) (89). II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. Ce fruit est apprécié par presque toutes les populations du bassin Caraïbe (91). Il a une saveur douceâtre et mucilagineuse. Son goût rappelle la saveur de la fraise, de l’ananas, avec une pointe de cannelle (89). On le consomme tel quel, quand le fruit est bien mûr, en retirant l’épicarpe qui a un goût prononcé de térébenthine, ou on en fait des jus rafraîchissants (7), sorbets ou confitures (89). D’un point de vue nutritif, le corossol apporte de nombreux minéraux et vitamines (Cf. valeur nutritive ci-après). 46 Valeur nutritive pour 100 g de fruit (51) : Nutriments et composants Calories 66 Kcal Eau 81.16 g protéines 1g Lipides 0.3 g Glucides 16.84 g (dont 15 à 20% de sucres) Vitamines Provitamine A 2 UI Vitamine C 20.6 mg Vitamine B1 0.07 mg Vitamine B2 0.05 mg Vitamine B3 0.9 mg Vitamine B5 0.253 mg Vitamine B6 0.059 mg Minéraux Potassium 278 mg Phosphore 27 mg Magnésium 21 mg Calcium 14 mg Sodium 14 mg Cuivre 0.6 mg 47 II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. Cet arbre est réputé dans toute la Caraïbe pour ses vertus calmantes (61), adoucissantes, digestives et anti-infectieuses (71). Ainsi, en Guadeloupe, on utilise des feuilles fraîches en bain o tiède pour calmer les enfants nerveux (48). On l’utilise également à Barbade comme sédatif et anxiolytique o (37). o En Martinique, on recommande de boire le soir, au coucher, une tasse de l’infusion préparée avec une poignée de feuilles pour 1/2 litre d’eau bouillante, afin de soulager nervosité et insomnie (61). Mais on baigne également trois fois par jour les bébés agités dans un bain préparé avec une poignée de feuilles fraîches froissées (61). De même, on conseille, contre la lymphangite, l’application, sur la partie malade, d’un fruit bien mûr, écrasé et arrosé d’alcool camphré (71). La macération du fruit vert dans de l’eau de mer est à appliquer en cas de rhumatisme (71). o A Trinidad, le fruit est utilisé en cataplasme contre la teigne (39). Les feuilles sont infusées et permettent de lutter contre l’hypertension artérielle, les palpitations, les rougeurs de la peau, la grippe et les insomnies (40). On fait aussi des inhalations de feuilles écrasées contre les évanouissements. Les feuilles, tiges, racines et écorce du corossolier sont réputés pour avoir des vertus hypoglycémiantes (91). 48 A La Dominique, on utilise les différentes o parties de cette plante en usage externe ou interne. En usage externe, les feuilles froissées dans un bain tiède servent à traiter les dermatoses sèches prurigineuses des enfants et des sudamina, ou boutons de chaleurs (3). De même, l’axe du fruit est appliqué sur les fontanelles des nourrissons pour en accélérer la fermeture en cas de retard. Pour traiter les abcès, on utilise les feuilles chauffées avec de la cire de bougie (3). D’autre part, selon les indiens Caraïbes de La Dominique, le fruit est réputé induire la lactation chez la femme, en application locale ou consommé seul (89). Pour ce qui est de l’usage interne, on retrouve l’utilisation en tant qu’hypnotique et neuro-sédatif. On utilise alors des infusions ou décoctions de feuilles, à la dose de trois feuilles dans un verre d’eau pour un adulte et d’un tiers de feuille pour un enfant (3). Ces infusions de feuille servent aussi de remèdes anti-diarrhéiques. En effet, ces tisanes sont astringentes (91). o En Guyane française, les Créoles utilisent, eux aussi, les vertus sédatives et tonicardiaque du corossol. Ils utilisent pour cela les feuilles et les écorces de tronc en tisane (40). Les Palikur, quant à eux, préparent des bains avec un nombre égal de feuilles fraîches et de feuilles tombées au sol, afin de calmer les enfants trop agités (40). o On peut noter également qu’au Brésil, l’huile, obtenue en pressant les fruits verts et les feuilles, est utilisée en frictions contre les névralgies et les rhumatismes, ainsi que pour combattre les parasites (40). 49 o D’autre part, on relève d’autres utilisations, répandues dans toutes les petites Antilles. L’infusion des feuilles a des vertus calmantes et favorise la digestion. (71) La macération des feuilles dans l’eau tiède est utilisée en cataplasme pour soulager les brûlures, à type d’érythème solaire. (71) Contre les émotions fortes, on utilise l’infusion de 7 feuilles et d’un doigt d’écorce. (71) Contre les insomnies, les Antillais utilisent une infusion sucrée de 3 à 6 feuilles de corossolier pour une tasse d’eau. Contre l’irritation des intestins, un petit corossol vert coupé en deux est mis à macérer pendant une heure dans 1 ou 2 litres d’eau. (71) II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. Selon l’étude concernant le corossolier réalisée par Weniger et son équipe, en 1984 dans le cadre du projet Tramil, les feuilles contiennent des alcaloïdes, des composés phénoliques, des stéroïdes, des terpénoïdes, des flavonoïdes, des tanins et, en quantités bien moindres, des saponosides. Le fruit, lui, contient de l’acide malique, des vitamines (riboflavine, niacine, vitamine c), des acides aminés, et des oligoéléments. (47, 51) Plusieurs alcaloïdes ont été isolés dans les autres parties de la plante : − de la coreximine, un dérivé de la berbérine, qui est un stimulant respiratoire et un anti-hypertenseur ; − de la stépharine, dérivée de la pro-aporphine, à activité sédative reconnue ; (80) − de l’athérospermine, à noyau phénanthrène. (51) 50 − de la réticuline, qui stimule le système nerveux central et possède des propriétés analgésiques, spasmolytiques et antibactériennes (71); − d’autres alcaloïdes à noyau benzyltétrahydroisoquinoléique (anomurine, anomuricine, coclaurine) (90). Les études, effectuées chez les souris, montrent qu’à faibles doses les extraits du mélange feuilles-tiges présentent des activités spasmogèniques et vasodilatatrices, ainsi qu’un effet stimulant utérin (80). A doses plus fortes, on trouve une activité hypertensive et un effet relaxant sur le muscle lisse (90). De même, l’extrait aqueux d’Annona muricata L., administré par voie orale, à des doses de 50, 100 et 200 mg/kg à des rats Winstar ayant subi une ligature du pylore, a permis de réduire la genèse d’ulcères gastriques. Mais l’extrait n’a pas produit de modification du volume de liquide gastrique ni de quantité d’acide libre (13). Les extraits d’écorces, quant à eux ont une action dépressive sur le cœur (80). En revanche, les extraits d’Annona muricata, administré par voie intrapéritonéale à des souris, ne semblent pas montrer d’effet sédatif, anxiolytique, potentialisateur du sommeil, ou analgésique (81). II.1.8. Mise en garde et toxicité. La présence d’acétogénines et de certains alcaloïdes, suspectés de neurotoxicité, invite à la prudence quant à un usage régulier et répété par voie interne. Ce remède est, d’ailleurs, contre-indiqué chez les parkinsoniens. Il est aussi recommandé de l’éviter chez la femme enceinte ou allaitante, par principe de précaution (61). 51 Capsicum frutescens L. (h) 52 II.3. Capsicum frutescens L. (Piment) II.1.1. Description botanique. Il existe deux grands types de piments : − les piments annuels, nommés Capsicum annuum L., − les piments vivaces ou arbustifs, qui peuvent durer 2 ou 3 ans, nommés Capsicum frutescens L., c’est ceux-ci que nous étudierons ici (5). Il s’agit d’un arbuste glabre, pouvant mesurer 1 à 3 mètres de haut, à feuilles ovées, obtus-acuminées, glabres, pouvant atteindre 9 cm. Les fleurs sont solitaires, ou se présentent par paires, ont des pédicelles dressés, une corolle de 1 cm de diamètre, un calice sans dent, une corolle blanc-verdâtre sans marque (80). Les fruits sont des baies allongées coniques, de petite taille, jaune orangé devenant rouge à maturité (3). Elles mesurent une dizaine de centimètres de long (90). II.1.2. Dénominations diverses. On le nomme « piment de Cayenne », « petit piment » ou « piment des oiseaux », en français, « ti-piment » ou « piment caraïbe », « piment zoizeau », « piment zozio » (3), « piment grive », « piment enragé » ou « piment plomb », en créole, dans les îles francophones (89). Dans les îles anglophones, il prend le nom de « green pepper », « bird pepper », « chili pepper » (89), ou « red pepper ». Enfin, on l’appelle « aji », dans les îles hispanophones (90). 53 II .1.3. Origine géographique. Capsicum frutescens L. est originaire d’Amérique tropicale (3, 89, 90). Il a été importé dans les petites Antilles par les Caraïbes (65). II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On le trouve généralement cultivé autour des habitations et subspontané (3). Il est très répandu dans toutes les petites Antilles, car utilisé largement en cuisine, nous le verrons ci-après. Il est présent à Saint-Martin, Saint-Barthélemy, à Saba, à Saint-Eustache, en Guadeloupe, à La Dominique, en Martinique, à Sainte-Lucie, à SaintVincent, à La Barbade, et enfin à La Grenade (89). Il est également très présent en Guyane française (40). II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. Il est utilisé à la fois comme épice, comme condiment et comme légume (71). Valeur nutritive pour 100 g de fruit (22) : Calories 318 Cals Eau 8g Protéines 12 g Glucides 55.6 g Lipides 17.3 g Fibres 24.9 mg Cendres 6g 54 Calcium 148 mg Phosphore 293 mg Fer 7.8 mg Sodium 30 mg Potassium 293 mg Carotène 24966 μg Vitamine B1 0.33 mg Vitamine B2 0.92 mg Vitamine B3 8.7 mg Vitamine C 76 mg Stimulant la digestion en brûlant la langue, il fait saliver abondamment ce qui excite l’appétit tout en relevant l’insipidité de certains mets (89). Il est très utilisé dans la gastronomie caribéenne. C’est l’épice la plus répandue dans la cuisine traditionnelle des petites Antilles et de Guyane. II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. Dans toutes les îles où poussent des piments des oiseaux, on les utilise dans la médecine traditionnelle, pour ses propriétés rubéfiantes et pour bien d’autres actions. o Ainsi, à Trinidad, on l’utilise comme antiasthmatique et antigrippal (95). Les feuilles sont appliquées en cataplasme pour traiter les furoncles (95). o En Guadeloupe, le fruit est employé en tant que diurétique (86). o En Martinique, on l’utilise pour ses propriétés antibactériennes et décongestionnantes. On fait infuser 3 piments rouges dans un demilitre d’eau bouillante. On retire les piments et on utilise la préparation 55 en gargarismes 3 ou 4 fois par jour lors de laryngite ou de maux de gorge (61). De même le piment est usité dans les douleurs articulaires sous forme de liniment ou d’alcoolature. Pour préparer le liniment, on laisse tremper une demi tasse de poudre de piment dans une tasse d’huile de tournesol ou de pépin de raisin pendant 10 jours. Après filtration, on ajoute une cuillère à soupe d’huile d’olive et on frictionne le corps avec ce liniment (61). On prendra garde de cesser l’application dès les premières rougeurs. Pour l’alcoolature, on laissera macérer 10 grammes de piment dans 60 grammes d’alcool à 30° pendant 48 heures. On peut frictionner les zones douloureuses avec cette lotion jusqu'à 4 fois par jour (61). A la Dominique, le décocté ou l’infusé des feuilles est utilisé en o association avec des feuilles de « poirier blanc » (Tabebuia pallida Lindl.), arbuste de la famille des Bignoniaceae et les tiges feuillées de « basilic » (Ocimum basilicum L.) (30), plante herbacée de la famille des Lamiaceae, per os pour traiter l’anxiété des enfants (3). Le décocté des feuilles a la réputation d’avoir des propriétés ocytociques. On prépare un décocté avec 25 feuilles dans 100 mL d’eau salée et on fait boire la moitié de ce décocté à la parturiente (3, 24, 86). D’autre part, on réalise des cataplasmes de feuilles en décoctions salées afin d’augmenter la vitesse de cicatrisation (40). Ses utilisations en Guyane française sont plus axées sur les o propriétés antiseptiques du piment. − Les Créoles badigeonnent le fond de la gorge du malade atteint par la maladie du porc domestique avec une tige de maïs sur laquelle on a frotté des piments (40). 56 − Chez les Wayàpis, il vient en association dans la préparation du curare. De même, ils traitent les larva migrans ou les micro filaires, ainsi que les furoncles grâce au piment (40). − Chez les Palikur, les piments sont réputés soigner les conjonctivites, les plaies et l’herpès. Ils utilisent pour ce dernier des décoctions salées. Des cataplasmes de feuilles en décoctions salées servent également à accélérer la vitesse de cicatrisation (40). − Enfin, chez les Kalinas, des amérindiens de Guyane, les feuilles en décoctions servent d’antinaupathiques (40). II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. Les piments renferment des principes rubéfiants qui sont des amides. Ce sont la capsicine à action rubéfiante et la capsaïcine (8-méthyle N-vanillyle 6nonénamide) qui provoque la saveur brûlante (71). Capsaïcine (kk) Ces principes actifs sont surtout abondants dans les petits piments et les fruits sont plus riches en capsaïcine que les feuilles (87). De plus, ces molécules sont surtout logées dans le placenta auquel s’attachent les graines (5). La capsaïcine agit sur les récepteurs vanilloïdes, désignés par VR (vanilloid receptors), ou par TRPV (transient receptor potential vanilloid). Ce sont des récepteurs-canaux cationiques qui, à l'état ouvert, laissent entrer dans la cellule le calcium et le sodium, ce qui crée une dépolarisation des neurones et une sensation de brûlure. Les récepteurs les plus connus sont les VR1 ou TRPV1. Ils sont présents à la surface des nerfs sensitifs périphériques (i). 57 La capsaïcine, a une action biphasique, elle stimule au premier contact les récepteurs VR1 provoquant une douleur, ensuite par contact prolongé inhibe et désensibilise les récepteurs entraînant un effet analgésique. Une déplétion ainsi qu’une inhibition de la réacumulation en « substance P » (neuropeptide endogène qui transmet la douleur cutanée et d’autres sensations d’inflammation chronique) participerait également à cet effet analgésique (80). Le piment possède également une activité vasculotrope, de type vitaminique P, et vasoconstrictrice. La capsaïcine est responsable des propriétés rubéfiantes et décongestionnantes (90). Les extraits aqueux du fruit inhibent la peroxydation des membranes cellulaires due aux radicaux libres, et retarde ainsi la mort cellulaire. En traitement de longue durée, il désensibilise les cellules hépatiques et celles de la muqueuse du tractus respiratoire contre les effets dérivés de l’action irritante d’agents chimiques et mécaniques, par stabilisation de la phase lipidique de la membrane (1,80). Par ailleurs, des études in vitro on montrée que le jus de fruit frais possède des propriétés antibactériennes contre Bacillus subtilis, Escherischia coli et Pseudomonas aeruginosa, toutefois, aucune activité contre Bacillus subtilis n’a été prouvée (1). Enfin, l’extrait aqueux des parties aériennes montre une légère activité de stimulation utérine chez le rat (80). N.B. : De nombreuses pommades dites « chauffantes » contiennent des extraits de Capsicum frutescens L., c’est le cas par exemple de Kamol chauffant®, du baume Saint Bernard®, du baume Aroma®. De même certains cataplasmes en contiennent aussi. 58 II.1.8. Mise en garde et toxicité. La consommation des fruits peut provoquer une irritation gastrique légère voire un ulcère à fortes doses (82). On la déconseillera bien sûr aux patients ulcéreux. On peut aussi observer une action émétique et purgative en cas d’ingestion massive (89). D’autre part, l’application en externe peut provoquer une sensation de brûlure locale (38), c’est pourquoi on recommande de limiter l’application de feuilles ou de fruits à 3 minutes maximum (80). L'effet aigu de la stimulation des voies aériennes par la capsaïcine est la toux réflexe. Des manifestations asthmatiformes sont possibles à la suite d'inhalations répétées de capsaïcine (j). L’espèce Capsicum inhibe le système des enzymes microsomales au niveau hépatique. Il faut donc être vigilant en cas de prise de médicaments du groupe de barbituriques particulièrement, car il y a un risque d’intoxication par surdosage (90). 59 Carica papaya L.(f) 60 II.4. Carica papaya L. (Papaye) II.4.1. Description botanique. Le papayer est un petit arbre de la famille des Caricaceae mesurant entre 3 et 7 mètres de hauteur. Son tronc peut mesurer jusqu’à 20 cm de diamètre (89) et ressemble à celui d’un palmier (34). Il présente des cicatrices des feuilles des années précédentes (34). Le papayer est une plante dioïque : les fleurs mâles sont groupées à l’aisselle des feuilles tandis que les fleurs femelles sont sur le tronc(34).Les fruits sont de grosses baies arrondies orangées, mesurant entre 20 et 30 cm de diamètre (34) et pesant entre un et sept kilogrammes (28). L’intérieur des fruits comporte une cavité centrale remplie de petites graines noires entourée d’un arille mucilagineux (5). Les feuilles et le péricarpe du fruits contiennent de nombreux lactifères. (34, 80). On récolte le latex par scarification du péricarpe du fruit bien développé mais encore vert et laissé sur l’arbre (34). II.4.2. Dénominations diverses. Le papayer est appelé aussi « arbre à melon » (89), en français, car la fraîcheur de la papaye rappela aux colons la saveur du melon (5). En créole martiniquais, on le nomme « pié papaye ». (89) A la Dominique, on l’appelle « paw paw » (90). Dans les îles anglophones, on le désigne sous le nom de « papaya » (90). 61 II .4.3. Origine géographique. On pense que le papayer proviendrait d’Amérique centrale (90), probablement du Mexique (5, 65). Il aurait été introduit aux Antilles en 1657 (89). II.4.4. Répartition dans les petites Antilles. On trouve des papayers à Saint Martin, à Saint Barth, à la Barbade, à Antigua, à Saint Eustache, à Saba, en Guadeloupe, à la Dominique, en Martinique, à Saint Vincent et à Sainte Lucie (89). De même, on retrouve ce petit arbre en Guyane française (40). II.4.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. En fonction du degré de maturité du fruit, on le consomme de différentes manières. Lorsque il est encore vert, on l’utilise comme un légume et on le déguste cru ou en hors d’œuvre, bouilli, frit ou farci (89). Le fruit mûr, quant à lui, est consommé sous forme de compote ou de confiture (89). 62 Valeur nutritive pour 100 g de papaye crue (51, y) : Calories 40 Kcal Protéines 0.6 g Glucides 10 g Lipides 0.1 g Fibres 1.7 g Calcium 24 mg Fer 0.1 mg Sodium 30 mg Potassium 257 mg Vitamine A 2015 UI Vitamine B1 0.03 mg Vitamine B2 0.03 mg Vitamine B3 0.5 EN Vitamine C 62 mg On utilise les feuilles broyées pour attendrir la viande ou le lambi (gros coquillage très apprécié dans les petites Antilles) (71). La teneur en vitamine C augmente avec la maturation du fruit. En effet, une papaye encore verte contient de la vitamine C dans une proportion de 30 à 40 % inférieure à la papaye mûre (z). On peut par ailleurs noter qu’une tranche de papaye mûre, de 25 à 30 grammes, apporte 21% des apports journaliers recommandés (AJR) en vitamine A, pour un enfant âgé entre 1 et 10 ans, et 178 % des AJR en vitamine C (z). 63 II.4.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. o A la Dominique, on utilise les fruits écrasés en application contre les furoncles. De même on utilise la papaye encore verte contre l’hypertension artérielle (35, 90). o A Trinidad, les racines sont employées comme purgatif, vermifuge et diurétique (95). On les utilise aussi en médecine vétérinaire, comme antihelminthique chez le chien (56). o En Martinique, on réalise des décoctions à base de racines ou de feuilles, à 30 g/l, utilisée pour faciliter la digestion. Pour la même indication, on consomme le fruit vert cru (61). D’autre part, pour traiter les affections respiratoires, on laisse infuser 10 minutes une poignée de fleurs fraîches de papayer mâle dans un demi litre d’eau. Il est recommandé de consommer 3 tasses de cette infusion par jour (61). La papaye verte est aussi, en Martinique, et dans d’autres îles des petites Antilles, un remède populaire de la crise de drépanocytose. On fait macérer une papaye verte dans de l’eau. On fait boire l’eau de cette macération au malade en crise 3 fois par jour (61). La drépanocytose est en effet une maladie génétique caractérisée par une anomalie de l’hémoglobine et qui est propre aux populations d’origine africaine largement représentées aux petites Antilles. o En Guyane française, les différentes ethnies utilisent aussi le papayer pour diverses indications. On retrouve surtout deux grands domaines d’utilisation : les troubles liés à l’appareil digestif et ceux liés à la reproduction. Le fruit ressemblant à un sein plein de lait, il est symbole de fertilité en Amérique tropicale et ses utilisations suivent alors la théorie des signatures (40). 64 − Les Créoles utilisent les écorces des racines en tisanes aphrodisiaques, par contre, le cœur des racines a une réputation d’anti-aphrodisiaque. La macération de ces racines sert en usage externe contre la blennorragie. Le fruit macéré dans du saindoux permet de guérir les abcès. Les graines, quant à elles, ont une action vermifuge et permettent d’augmenter l’acuité visuelle. Le latex, en application locale soigne les maux de dents. Enfin, les Créoles utilisent des infusions de fleurs fraîches contre les bronchites et l’aphonie (40). − Dans la région de Belém, on prépare des infusions contenant des fleurs de papayer mâle en association avec Artemisia absinthum L., l’absinthe (plante herbacée de la famille des Astéraceae), Alternanthera tenella L. (plante herbacée de la famille des Amarantaceae) et Sambucus nigra L., ou sureau noir (arbuste de la famille des Caprifoliaceae). Ces infusions traitent les maladies de foie et la mauvaise digestion. De même, on peut les utiliser aussi en lavements intestinaux. Des infusions avec également des fleurs de papayer mâle en association avec Portulaca pilosa L. (arbuste de la famille des Portulaceae) sont utilisées comme abortifs (3, 40). − Chez les Palikurs, on utilise une décoction de feuilles vertes, pour moitié et de feuilles fanées pour l’autre moitié, lors des accouchements. On fait boire à la parturiente 2 à 3 cuillérées de cette décoction puis on lave le ventre avec le reste avant la survenue des contractions. Le but étant de faciliter l’accouchement et de diminuer les douleurs de la femme (40). − Les caboclos utilisent également les fleurs mâles comme abortif (40). − Les Wayàpi utilisent, eux aussi, les graines en tant que vermifuges (40). 65 II.4.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. Le latex, particulièrement celui du fruit vert, contient des enzymes protéolytiques : la papaïne et la chymopapaïne (89, 90). La papaïne provoque la protéolyse des trichocéphales et des oxyures, d’où les utilisations de la papaye en tant que vermifuge (74). Elle favorise la digestion des protéines et a des propriétés anti-inflammatoires et cicatrisantes prouvées (35). C’est un agent antitoxique vis-à-vis des toxines diphtériques et tétaniques (39). La papaïne possède également des propriétés relaxante et vasodilatatrice (7). La chymopapaïne, quant à elle, permet le traitement des hernies discales par chimionucléolyse (66, 80). Cette enzyme permet, en effet, l’hydrolyse des protéoglycans du noyau sans léser le collagène de l’anneau fibreux (80). Les feuilles, les fruits et les graines contiennent un alcaloïde nommé carpaïne (52). Cet alcaloïde possède une activité anti-hypertensive à la dose de 0.01 mg (69). Il inhibe aussi in vitro des souches de Mycobacterium tuberculosum, possède une activité antitumorale, relaxante du muscle utérin et bronchodilatatrice chez le cobaye (39) et amoebicide (80). La carpaïne agit au niveau du cœur comme un digitalique et ralentie le rythme cardiaque (15). Les graines contiennent de la tropaoline, de la caricine, de la myrocine, et de la carpasémine (22). La tropaoline peut être employée comme agent bactéricide dans les infections intestinales et urinaires grâce à son activité antibiotique à large spectre, à la dose de 6μg/g de graine triturée. 66 En Allemagne, des spécialités pharmaceutiques, contenant ce principe actif, sont prescrites pour le traitement d’infections urinaires résistantes aux autres traitements (80). La papaye contient aussi du xylitol, qui est un sucre ayant la particularité d’avoir des propriétés antihémolytiques (74). La papaye verte contient de l’acide benzoïque, ce qui explique son efficacité sur les crises de drépanocytoses (61). II.4.8. Mise en garde et toxicité. Du fait de la présence de papaïne, enzyme protéolytique, l’utilisation du papayer est contre indiqué si il existe des troubles de la coagulation, car il y a augmentation du risque hémorragique (80). D’autre part, il est aussi contre indiqué pendant la grossesse du fait des effets embryotoxiques et tératogènes (61). Il faut être vigilant concernant le risque d’allergie à la chymopapaïne, si l’on veut l’utiliser en chimionucléolyse (66). En effet, on a constaté l’apparition de choc anaphylactique chez 1 % des patients traités, surtout chez ceux ayant des antécédents d’atopie ou d’urticaire (80). La carpaïne, elle, est susceptible de provoquer, à fortes doses paralysies et dépression cardiaque (12). 67 Citrus aurantifolia Swingle (f) 68 II.5. Citrus aurantifolia Swingle (citron vert) II.1.1. Description botanique. Le citronnier est un petit arbre de 5 à 10 mètres de haut, à tronc très ramifié en branches épineuses. Il appartient à la famille botanique des Rutaceae (89). Les fruits sont ovales ou subglobuleux, mesurant 4 à 6 cm de diamètre, avec une écorce mince, adhérente, verdâtre. Ils renferment 9 à 12 locules, la pulpe est plutôt verdâtre (3). II.1.2. Dénominations diverses. On le nomme citron vert, « citron-pays », ou « sitron vè », en créole, dans les îles francophones (89, 90). Il est appelé « lime », dans les îles anglophones (90). Dans les îles hispanophones, on lui donne le nom de « limòn » ou « lima » (90). En Guyane française, les Wayàpis l’appellent « sitolò », les Palikùrs « situru » (40). II .1.3. Origine géographique. Citrus aurantifolia Swingle. est une plante originaire d’Asie (65). En particulier d’Asie du Sud-est, d’Asie méridionale ou d’Inde, selon les auteurs. Il aurait été introduit aux Antilles par les Espagnols au XVIe siècle, lorsqu’ils le transportèrent et le cultivèrent dans leurs colonies du Mexique, de Cuba et de Puerto Rico (89). 69 II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On trouve Citrus aurantifolia Swingle. à Saba, à Saint-Eustache, en Guadeloupe, à Saint-Martin, en Martinique, à la Barbade ainsi qu’à la Grenade (89). On le rencontre surtout dans les jardins cultivés (89). En effet, ont utilise beaucoup les citrons verts dans la cuisine traditionnelle et il est toujours très pratique d’en avoir à disposition, il n’y a qu’à tendre le bras… II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. Le citron vert est beaucoup utilisé en cuisine dans toutes les petites Antilles. Il permet d’acidifier de nombreux plats, à base de poisson, volailles, etc.… On l’utilise également pour la préparation de boissons, dont le fameux Tipunch (89). Comme tous les fruits de la famille des Rutaceae, le citron vert est riche en vitamine C (51, 61). Valeur nutritive pour 100 g de fruit de Citrus aurantilfolia Swingle: (22) Calories 44 Kcal Eau 87.5 g Protéines 0.7 g Glucides 11.2 g Lipides 0.1 g Fibres 2g Cendres 0.5 g 70 Calcium 42 mg Phosphore 20 mg Fer 0.4 mg Sodium 2 mg Potassium 82 mg Carotène 70 mg Vitamine B1 0.07 mg Vitamine B2 0.03 mg Vitamine B3 0.3 mg Vitamine A 43 mg Par ailleurs, le citron vert est riche en vitamine P, présente surtout au niveau de l’écorce du fruit (51). II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. Le citron vert et les différentes parties de l’arbre sont utilisés dans de nombreuses affections cutanées, ORL, parasitaires, traumatiques, comme nous allons le voir ci-après. Il a des usages locaux et généraux. o A la Dominique, il a des usages externes : le traitement des dermatoses sèches et prurigineuses, ainsi que le nettoyage du muguet. On utilise, pour ces deux indications, un coton imprégné du jus du fruit et de miel et on tamponne les lésions (3). − Pour ce qui est des usages internes, les Dominicains préparent des infusions de 4 à 5 feuilles de citronnier afin de traiter les rhumes, grippes (90) ou autres coryza, ou de faciliter la poussée dentaire des petits (3). 71 D’autre part, les feuilles sont aussi utilisées comme vermifuge, en infusion ou en décoction. On peut y ajouter des feuilles de « sime contwa » (Chenopodium ambrosioïdes L.) (2, 24, 31), herbe vivace de la famille des Chenopodiaceae, et de « coupié » (Portulaca oleracea L.), herbe annuelle succulente de la famille des Portulaceae (3, 31), et diluer le tout dans l’eau chaude, en ajoutant un peu d’huile de térébenthine. Ce mélange serait hautement vermifuge (3). D’après Ouensanga, on peut vérifier l’action vermifuge du citron ainsi : on administre à un enfant de 5, 7 ans le mélange d’une cuiller à café de jus de citron et d’une cuiller à café d’huile de ricin. Si le patient est un adulte, on lui ferra boire le matin, à jeun, le mélange d’un verre à liqueur de jus de citron vert et d’un verre à liqueur d’eau tiède, ainsi qu’une cuiller à café de cendre fine de bois. Après 2 heures, le patient prend un purgatif à base d’huile de ricin. L’effet vermifuge est alors obtenu peu après (71). On note aussi l’utilisation des feuilles per os dans le traitement de l’hypertension artérielle (3). o En Guadeloupe et en Martinique, on retrouve des usages quasiment similaires. − Par voie externe, le jus de citron vert est très souvent utilisé pour soulager les piqûres de moustiques, de guêpes ou d’abeilles. De même, les aphtes et le muguet peuvent être soulagés en appliquant un mélange de jus de citron vert et de miel. Le jus du fruit est, en effet antiseptique. On peut l’utiliser pour désinfecter toutes sortes de plaies et en bains oculaires antiseptiques. Par exemple, une goutte de jus de citron dans chaque œil des nouveaux nés préviendrait 72 les ophtalmies infectieuses. La macération de la pelure du fruit dans du vinaigre serait active, en application locale, contre certains types de verrues (89). Le saignement des gencives, quant à lui est arrêté en frottant la partie atteinte d’un citron coupé en deux. Contre les laryngites et autres maux de gorge, on réalise des gargarismes plusieurs fois par jour avec le jus d’un citron dilué dans une cuiller à soupe d’eau tiède et une cuiller à café de miel (61). Les pieds sensibles sont vite soulagés si on les frotte, matin et soir, avec du jus de citron frais. Le citron vert est également très utilisé en cosmétologie. Pour traiter les boutons, rougeurs d’une peau grasse et les rides, on peut appliquer le jus de quelques fruits en compresses sur la peau et laisser sécher à l’air libre (89). L’application en friction du jus d’un demi citron vert dilué dans de l’eau permet de conserver une belle chevelure (3, 71, 91). − Par voie générale, on emploie une infusion d’écorce de citron vert contre les vomissements spasmodiques. En cas de vomissements chez la femme enceinte, on utilisera plutôt le jus du fruit frais (89). Ce même jus de citron frais est un antidote en cas d’indigestion provoqué par les fruits de mer ou les crustacés. De manière anecdotique, on peut rappeler que Théophraste, au IVe siècle avant Jésus-Christ, affirmait déjà que le citron constituait un contre poison puissant (46). Le jus de citron en début de repas peut aider le traitement de l’anorexie. Il peut aussi soulager efficacement les crises de foie (89). 73 Les emplois du citron vert en Guyane française sont également o variés : − Les Créoles utilisent le jus du fruit macéré avec du sel et de la « chandelle molle » pour soulager les coups, par voie externe. Ils emploient aussi le jus de citron vert pour soulager les piqûres de moustiques, de guêpes ou d’abeilles (40). − Les Wayàpis, quant à eux, réalisent des macérations de feuilles écrasées afin de réduire les douleurs frontales (40). − Les Palikurs utilisent per os le jus du fruit contre les maux de gorge. Le jus additionné de rhum contre les dartres et l’érysipèle, les ulcères de leishmaniose. Pour soulager les crevasses mammaires, ils emploient une tranche du fruit chauffée au feu (40). II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. La pulpe du fruit contient de fortes quantités de vitamine C, antiscorbutique et stimulante des défenses immunitaires (90), et d’acides organiques (citrique et malique principalement) (73, 91). L’acide citrique possède des vertus antiseptiques. La feuille, la fleur et l’écorce du fruit sont riches en huiles essentielles, composée de dérivés terpéniques, où prédomine, selon la partie concernée, le limonène, le linalol ou le nérol (90). Elles sont susceptibles de contenir aussi deux autres monoterpènes : le géranial et le β-pinène. Ces huiles essentielles ont des activités antibactériennes et antifongiques à large spectre. 74 En effet la décoction aqueuse des parties aériennes montre une activité antimycosique contre Epidermophyton flocosum, Tricophyton et Candida albicans (10). On note également une activité in vitro sur Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Proteus mirabilis, Staphylococcus aureus et Streptococcus β hémolytique (10). Par ailleurs ces mêmes huiles essentielles présentent de légères propriétés sédatives, antispasmodiques et hypnotiques. (90) Ainsi qu’une action insectifuge et larvicide sur l’Anophele albicans (90). Le limonène est aussi un expectorant (90). Le péricarpe du fruit contient de la pectine, qui est un hémostatique. Dans les feuilles et les fruits, on trouve de nombreux flavonoïdes, en particuliers des hétérosides flavoniques tels que l’hespéridoside, ainsi que des flavones, tels que le diosmoside (73). Ces flavonoïdes présentent une activité vitaminique P, et augmentent donc la résistance des capillaires sanguins. Ces effets sont potentialisés par la présence de vitamine C (i). Les parties aériennes de Citrus aurantifolia S. sont diurétiques, d’où leur utilisation chez les personnes hypertendues (19). Le jus frais du fruit provoque une stimulation gastrique, par voie orale chez l’homme, du fait de la présence d’acides organiques (19). II.1.8. Mise en garde et toxicité. La manipulation du fruit peut entraîner une dermatite prurigineuse parfois vésiculeuse (89). L’exposition solaire aggrave les symptômes. En effet la présence de bergaptènes provoque une réaction de photosensibilisation (90). Chez les personnes particulièrement sensibles, l’ingestion du jus de fruit peut provoquer des brûlures gastriques (89). 75 Cocos nucifera L. (g) 76 II.6. Cocos nucifera L. (Noix de coco) II.1.1. Description botanique. Le cocotier est un arbre monoïque de 5 à 30 mètres de haut, appartenant à la famille botanique des Arecaceae (62). Son tronc est régulier et droit, généralement épaissi à la base (62). Ses feuilles sont groupées au sommet du stipe et forment des palmes (62) atteignant 4 à 5 mètres (5). Les inflorescences jaunes naissent parmi les feuilles, portent à la fois des fleurs mâles et femelles (5) et donnent naissance à de grosses drupes ovoïdes, obtuses au sommet, appelées cocos ou noix de coco (62). Ces fruits peuvent mesurer entre 18 et 30 centimètres de long et 12 à 25 centimètres de diamètre (89). Ils pèsent entre 0.5 et 2.5 kilogrammes et sont réunis en grappes de 10 à 15 (89). L’épiderme est lisse, cireux, vert puis jaune orangé, le mésocarpe est fibreux, l’endocarpe « (appelé coque) est ligneux très dur et brun foncé. Enfin, la graine présente un albumen blanchâtre, brillant, de 1 à 2 centimètres d’épaisseur, qui fournit l’huile de coprah et l’eau de coco (34, 89). Avant maturité, les noix sont presque totalement remplies d’un liquide aqueux, appelé eau de coco, dont le volume et la composition changent en fonction de la maturation. Quand la noix est tout à fait mûre, l’eau a presque entièrement disparu et s’est transformée en albumen blanc (89). 77 II.1.2. Dénominations diverses. Dans les îles francophones, on nomme le cocotier « coco », ou « koko », « kokotyé », ou bien encore « pyé coco », en langue créole (62). Dans les îles anglophones, on lui donne le nom de « coconut », « coconut palm », « coconut tree » ou « koko » (62, 89). Le nom de cocotier dérive de « cocoyer » et « coquier », du portugais « coquoeiro » désignant ce palmier (62). II .1.3. Origine géographique. Le cocotier provient du Pacifique et probablement du Sud de l’Asie (62, 89)? Ses graines, qui peuvent germer après un séjour de plusieurs mois en mer, lui ont permis de coloniser toute la zone pantropicale (62). Introduit par les Espagnols aux Antilles au XVIe siècle, il est connu dans les Antilles francophones depuis la seconde moitié du XVIIe siècle (62). II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On trouve des cocotiers sur les côtes, à l’état sauvage mais également cultivé dans certains jardins particuliers. On le rencontre sans exception dans toutes les îles des petites Antilles ainsi qu’en Guyane française (89). 78 II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. Comme nous venons de le voir précédemment dans la rubrique botanique, la composition de la noix de coco varie au cours de sa maturation et l’on distingue l’eau de coco de la chair. L’eau de coco est claire, odorante et acide. Elle sert de boisson rafraîchissante et entre dans la composition de certaines sauces. Le lait de coco, obtenu en pressant la chair de noix de coco, est utilisé dans la confection de certains mets ou sauces (89). La chair, quant à elle, se consomme crue, râpée ou rôtie, transformée en confitures, confiseries ou gâteaux (89). Composition de l’eau de coco, pour 100 g (51) : Calories 80 Kcal Protéines 0.7 g Glucides 3.7 g Lipides 0.2 g Fibres 0.2 g Composition du lait de coco, pour 100 g : (51) Calories 230 Kcal Protéines 2.3 g Glucides 5.5 g Lipides 23.8 g 79 Composition de 100 g de fruit immature (22) : Calories 77 Kcal Eau 84 g Protéines 1.4 g Glucides 10.3 g Lipides 3.6 g Fibres 0.4 g Cendres 0.7 g Calcium 42 mg Phosphore 56 mg Fer 1 mg Sodium 51 mg Potassium 257 mg Vitamine B1 0.04 mg Vitamine B2 0.03 mg Vitamine B3 0.8 mg Vitamine C 6 mg Composition de la pulpe de noix sèche, pour 100 g (51) : Calories 548 Kcal Protéines 3g Glucides 53 g Lipides 38 g Fibres 2.2 g 80 II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles : o A la Dominique, l’huile obtenue à partir du fruit est utilisée en friction de la poitrine lors d’épisodes de grippe (90). Il est aussi recommandé de boire 2 cuillères à soupe d’eau de coco trois fois par jour pour traiter les affections respiratoires (61). o En Guadeloupe et en Martinique on retrouve les mêmes usages. L’eau de coco (appelé en créole « dlo koko ») et le coco sec rôti sont employés comme vermifuges (47, 61). L’eau de coco est également réputée contre les colites néphrétiques et les leucorrhées (appelées « koulant »). On utilise aussi une décoction de racine à 30g/l. Le fruit est prescrit dans de nombreuses pathologies : pleurésie, diabète, rougeole, rhumatismes, inflammation. La fleur est un remède des grippes avec glaires, de la rougeole, des palpitations. La racine, rafraîchissante est utilisée comme dépurative et antidysentérique (61). o A Trinidad, la racine est employée contre les maux de dents et réputée antivénérienne (95). En effet, on réalise une décoction de racines associées à celles du goyavier pour traiter la blennorragie (71). o Dans tout le bassin caraïbe, l’huile de coco est utilisée en cosmétique pour les soins de la peau et des cheveux (61). o En Guyane française, les Créoles utilisent l’huile de coco contre les furoncles et les brûlures. Ils en ont aussi un usage cosmétique, pour donner de la douceur à la peau des bébés et pour faire pousser les cheveux (40). 81 II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. L’eau de coco renferme des sucres (oses et sorbitol), de l’acide malique, de nombreux acides aminés et une aminopurine (90). L’eau du fruit vert se montre totalement stérile à l’analyse bactériologique (71). Physiologiquement, l’administration d’eau de coco produit un effet diurétique direct (52) : le volume d’urine émis par une personne, 30 minutes après avoir bu un litre d’eau de coco, est multiplié par huit (40). L’administration intra gastrique d’huile de coco aux doses de 0.5, 1 et 2 ml/kg, a réduit de façon significative le nombre d’ulcères gastriques produits par ligature du pylore chez les rats Wistar. On a observé une couche d’huile sur la muqueuse gastrique qui a agit comme une barrière protectrice. Le volume gastrique a diminué mais l’acide chlorhydrique a légèrement augmenté (13). De même, l’administration de l’huile de Cocos nucifera par voie intra gastrique à des lapins anesthésiés a diminué la résistance pulmonaire à tous les niveaux des doses employées. L’usage de l’huile contre l’asthme est d’ailleurs recommandé par le projet Tramil (13, 90). Par voie orale chez le rat, à raison de 10% de la ration alimentaire, l’huile de coco montre des propriétés oestrogéniques (6). 82 Des Travaux réalisés en Inde ont montré que la dilution de l’huile solidifiée obtenue à partir du coprah, dans une solution éthanolique à 95%, montre une activité antifongique sur Microsporum audouini, Microsporum canis, Microsporum gypseum et Epidermophyton flocosum (80). Selon le rapport de la commission Tramil de 1991, les usages internes de l’eau de coco de fruit vert comme diurétique contre l’hypertension et ceux externes de l’huile contre les brûlures, les furoncles et la grippe peuvent être recommandés et encouragés (90). II.1.8. Mise en garde et toxicité. Le coprah de la plante possède des propriétés hypercholestérolémiantes, son usage est donc à limiter chez les personnes souffrant déjà d’hypercholestérolémie (6). Si, par voie intraveineuse chez l’animal, l’eau du fruit sec provoque des tachycardies et montre des propriétés hypotensives, hyperglycémiantes, en revanche, elle a des actions stimulantes sur la respiration, la diurèse ainsi que sur l’agrégation plaquettaire (51). 83 Mammea americana L. (g) 84 II.7. Mammea americana L. (Abricot pays) II.1.1. Description botanique. L’abricotier pays est un arbre de 10 à 25 m de haut, appartenant à la famille des Clusiaceae. Son tronc est court et large, son feuillage dense (65). Excepté la pulpe du fruit, toutes les parties de la plante laissent exsuder à l’incision une résine jaune amère (90). Le fruit est une drupe brune jaunâtre tirant sur le rouille et mesurant entre 8 et 15 cm de diamètre (65). II.1.2. Dénominations diverses. Selon la langue parlée dans les différentes îles, on nomme l’abricot pays de diverses manières. Dans les îles francophones, on l’appelle « abricotierpays », « abricot des Antilles », « abricotier d’Amérique », « abricotier de Saint Domingue » (65), ou en Créole : « zabrico-pays », « piè zabrico » (80). Dans les îles anglophones, on le nomme « mamey » ou « mammey tree » (65, 80). Dans les îles hispanophones, on lui donne aussi le nom de « mamet » (54). II .1.3. Origine géographique. L’abricotier-pays est originaire d’Amérique du Sud et des Antilles (80). Certains pensent que les Arawaks seraient responsables de son introduction aux petites Antilles (65). Cette espèce est devenue pantropicale à la suite d’exportations lors des périodes de colonisation (90). 85 II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On trouve l’abricotier-pays à Saint-martin, Saba, Saint-Eustache, SaintKitts, Antigua, Montserrat, en Guadeloupe, à Marie Galante, à la Dominique, en Martinique, à Saint-Vincent, La Barbade et La Grenade (65). II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. Le père Labat, père dominicain français missionnaire aux Antilles au XVIIe siècle le décrivait ainsi : « Quand on le mange cru, il laisse dans la bouche une forte odeur un peu amère et gommeuse. La manière ordinaire de le manger est de le couper par tranches assez minces que l’on met pendant une heure dans un plat avec du vin et du sucre. Cela lui ôte son amertume et sa gomme. Il est excellent pour la poitrine, très sain et fort nourrissant. » (54). On le consomme encore aujourd’hui parfois de la même manière. Mais le plus souvent, on réalise des confitures, tartes ou compotes. En effet, on le consomme plus volontiers cuit que cru (65). La pulpe du fruit est acidulée et rappelle un peu la saveur de l’abricot, une fois cuite (65). La fleur de l’abricotier-pays distillée permet d’obtenir une liqueur appelée « eau des Créoles » (65). 86 Composition de la pulpe d’abricot pays, pour 100 grammes (65) : Calories 49 Kcal Eau 86.2 g Protéines 0.5g Glucides 11.6 g Lipides 0.4 g Fibres 1g Calcium 12 mg Phosphore 11 mg Fer 0.6 mg Sodium 15 mg Potassium 47 mg Carotène 140 μg Thiamine 0.02 mg Vitamine B1 0.04 mg Vitamine B2 0.4 mg Vitamine C 14 mg Vitamine B5 0.1 mg II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. L’abricot pays est reconnu dans de nombreuses îles des petites Antilles comme ayant des propriétés insecticides et antiparasitaires (80). o Dans les Antilles françaises, l’abricot pays est utilisé pour traiter les pédiculoses du cuir chevelu. On prépare, en effet, une décoction de graines râpées, portées à ébullition dans un litre d’eau. 87 Puis l’on applique la lotion, obtenue après refroidissement, sur le cuir chevelu pendant une heure. On renouvelle l’application trois jours après (61). De même, la macération d’une dizaine de graines râpées pendant trois jours dans l’alcool à 60° sert d’insecticide écologique contre les pucerons dans les jardins et les cultures agricoles (61). Par voie externe également, la pulpe râpée est appliquée en compresses sur les blessures afin de les cicatriser rapidement. On utilise aussi des décoctions de 300 g de pulpe râpée par litre d’eau bouillante (71). La tige émet par saignée un latex de couleur brun-rouge qui serait doué du pouvoir d’attirer vers l’extérieur les corps étrangers (épines,…) ayant pénétrer dans la peau. Pour ce faire, on étend sur un morceau de toile une bonne couche de ce latex. On utilise ce morceau de toile comme un emplâtre sur la région affectée. Le corps étranger est ainsi attiré et dégagera la plaie (71). Pour la voie interne, les utilisations sont à visées stomachique et digestive. En effet, la décoction d’un morceau de pelure sèche pour une tasse d’eau serait efficace contre les indigestions (71). o A Trinidad et Tobago, on utilise l’abricot pays en tant qu’antiparasitaire externe à usage vétérinaire chez le chien (7). o En Guyane française, les Créoles utilisent le fruit et les graines contre les tiques et les chiques du plancher, ainsi qu’en friction capillaire contre les poux (40). Les Akulus, quant à eux, se servent des feuilles pour leurs propriétés cicatrisante et vulnéraire (40). 88 II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. Toues les parties de cette espèce montrent des propriétés insecticides, mais surtout les graines, les feuilles et la résine exsudant des fruits immatures. Formule chimique des coumarines (44) Toute la plante contient des coumarines de structure similaire et dérivée du phloroglucinol, des xanthones et des benzophénones dont la mamméine et la mamméisine (27). D’autres coumarines sont contenues dans la graine ; la mésuagine, des dérivés de la séséline, des dérivés de la toddaculine, la 4 hydroxy-xyxanthone, l’euxanthone, la mamméigine, l’isommaméigine, la néomamméigine, la 1,5 et 2 hydroxy-xanthone (26). On attribue à ces coumarines isolées de la plante les qualités insecticides des extraits qui les contiennent. En effet, toute la plante montre une forte activité insecticide contre Aedes aegytii et la graine est larvicide sur Laphygma et Plutella (80). De même, la mamméine et les autres coumarines dérivés du phloroglucinol montrent des qualités anti-tumorales. En effet l’huile fixe de graine a une activité cytotoxique in vitro (26). 89 D’autre part, la graine contient aussi du mamméol, un diterpène, de l’acide succinique et du saccharose (26). L’écorce, elle, contient des tanins mais pas d’alcaloïdes (67). La masse blanche du fruit est riche en friedéline, en coumarine telles que la 2-hydroxy-xyxanthone et la mamméigine (80). II.1.8. Mise en garde et toxicité. Les coumarines contenues dans le fruit ne sont pas considérées comme étant toxique pour l’Homme. Le fruit est considéré comme comestible (27). 90 Mangifera indica L. (g) 91 II.8. Mangifera indica L. (Mangue) II.1.1. Description botanique. Le manguier est un arbre de 10 à 30 mètres de haut, appartenant à la famille botanique des Anacardiaceae (89), à croissance rapide (9). Son tronc peut mesurer jusqu’à un mètre de diamètre et possède une écorce résineuse. Il a des branches étalées, au feuillage luisant. Ses fleurs sont vert blanchâtre ou jaunâtre, odorantes (90). Ses fruits sont des drupes, de 6 à 18 cm de long et pesant entre 300g et 2 kg. (89) On peut en faire une à deux récoltes par an, généralement fructueuse, surtout si le sol a été correctement drainé (9). Selon les variétés, ces fruits sont de forme, de taille et de couleur très différentes. Il existe, de par le monde, une centaine de variétés de mangues (5). On distingue donc les mangots, qui sont des variétés sauvages, de petite taille, à peau verte, très fibreux et de goût médiocre (89). On peut également trouver des mangotines, de qualité plus fine que les mangots (89). Et enfin les mangues, proprement dites, qui sont des variétés améliorées, à chair dépourvue de fibres et de grande taille. D’après les autochtones, la meilleure serait la « mangue-julie », très juteuse et sucrée, à odeur de térébenthine assez discrète (89). II.1.2. Dénominations diverses. Dans les îles francophones, on parle de « manguier » (90), « pié mango », en créole (89). Dans les îles anglophones, on le nomme « mango » (90). 92 II .1.3. Origine géographique. Le manguier serait originaire d’Asie méridionale (5) et plus précisément de la région indo-malaisienne (65). Il a été introduit en Amérique en 1782 par une frégate française, qui transportait des pieds de manguiers originaires de l’île de la Réunion et destinés à être plantés à Saint-Domingue. La frégate fut capturée par les anglais et les pieds furent débarqués à la Jamaïque, où ils formèrent une forêt épaisse (5, 65). De nos jours, le manguier se retrouve dans l’ensemble des pays tropicaux, sous forme cultivée (65, 90). II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. Il n’existe pas de véritable plantation de manguiers aux petites Antilles, on le trouve dans les jardins privés et à l’état sauvage essentiellement, ans les îles d’Anguilla, Saint-Martin, Saint-Barth, Saba, Saint-Eustache, à Montserrat, Antigua, à Barbuda, en Guadeloupe, à la Dominique, en Martinique, à Sainte Lucie, à Saint-Vincent, La Barbade et La Grenade (89). Il y a aussi des manguiers en Guyane, où les meilleures variétés s’y trouvaient au début du XXe siècle (5). Le pourcentage de présence dans les jardins de Grenade, par exemple, est de 62 % (89). II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. La mangue est un fruit très consommé dans toutes les petites Antilles, car il est goûteux et facile à se procurer. 93 En Martinique, les mangues sont à la base de l’alimentation des populations pauvres des campagnes au cours de la saison de forte production (71, 89), qui se situe entre mars et août (5). On consomme ce fruit soit cru, quand il est bien mûr, en dessert, salade de fruit, en confiture, sous forme de jus, de sorbet. Les fruits encore verts sont utilisés dans la cuisine pour accompagner le colombo ou confit dans du vinaigre (89). Les mangos sauvages et les mangues cultivées n’ont pas du tout la même chair, ni la même saveur et ont donc des usages différents. Les premiers sont plus fibreux et ont une chair acide autour d’un gros noyau. On les utilise plus volontiers sous forme cuite. Tandis que les mangues cultivées ont une pulpe plus juteuse et savoureuse, à goût moins prononcé de térébenthine (89). Composition moyenne pour 100 grammes de pulpe de fruit : (51, 65, bb) Calories 62.5 kCal Eau 83.5 g Protéines 0.5 g Glucides 17 g Lipides 0.3 g Fibres 1g Calcium 9 mg Phosphore 11 g Fer 0.4 mg Vitamine C 100 mg Vitamine A (carotene) 1.2 mg Vitamine B1 0.045 mg Vitamine B2 0.06 mg Vitamine B3 0.05 mg 94 De par sa teneur en vitamine C, la mangue est un bon anti-oxydant et antiscorbutique. II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. o Dans les Antilles françaises, on utilise beaucoup les propriétés antidiarrhéiques et antispasmodiques des feuilles de manguiers. Il s’agit de préparer une décoction de feuilles à 30 gramme par litre d’eau (61, 74). Une seule tasse suffit à soulager les symptômes (61). La décoction du noyau est, quant à elle, employée comme vermifuge et pour traiter les hémorroïdes. L’amande du fruit, après torréfaction est réputé pour être un très bon antihelminthique et peut aussi être utilisée comme astringente lors des règles douloureuses et les gonorrhées (89). Par ailleurs, les fruits du manguier ont des usages externes, dans les maladies exanthématiques, cutanées, scorbutiques, syphilitiques et herpétiques. On prépare une lotion à partir de feuille fraîche écrasée que l’on applique sur les lésions (89). Chez les malades atteints de goutte, le fruit soulagerait les douleurs articulaires. Une coutume locale recommande, d’ailleurs, aux rhumatisants de porter sur eux de jeunes fruits verts (89). o A Trinidad, on utilise les feuilles de manguier pour traiter la fièvre ou les diarrhées (95). De même, diabète et hypertension peuvent également être traités par une décoction de feuilles (67). o A La Dominique, on réalise un décocté de feuilles, avec 25 feuilles dans un verre d’eau, utilisé per os contre les ictères. 95 La posologie étant d’une tasse matin et soir, pour un adulte et d’une demie tasse matin et soir, pour un enfant (3). En Guyane française, on retrouve les usages antidiarrhéique et o antispasmodique chez les Créoles. Cependant, ils se servent plutôt de l’écorce que des feuilles. De même, des bains d’écorces servent à réduire les hémorragies des parturientes. Chez les Palikurs, les jeunes feuilles sont pilées et transformées en emplâtre pour soulager la bourbouille des nourrissons (ou prurigo simplex) et autres éruptions cutanées. Ils réalisent aussi des bains d’écorces afin de se protéger de l’attaque des moustiques (40). II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. La feuille renferme jusqu’à 10% de tanins galliques et catéchiques, ce qui explique l’activité antidiarrhéique et antispasmodique, ainsi que des flavonoïdes (74). Selon les travaux de Pousset, la décoction ou la macération de 30 grammes de feuilles ou d’écorce dans un litre d’eau est antidiarrhéique et diurétique (74). On a pu déceler également la présence de salicylate de méthyle, d’où son action anti-inflammatoire et antalgique sur certaines pathologies cutanées et articulaires. De même, une équipe de recherche cubaine a pu démontrer l’action antiinflammatoire de la mangiferine, une C-glucosylxanthone extraite de la mangue, réduisant le taux de myeloperoxydase et inhibant la production de prostaglandine PGE2 et de leukotriène LTB4. D’où l’activité anti-inflammatoire (33) mais aussi l’effet bénéfique sur l’asthme, exploité à Cuba. La mangiferine agit donc en tant qu’anti-allergique puissant (78). 96 II.1.8. Mise en garde et toxicité. Le risque principal concernant le manguier est celui de la survenue d’accidents allergiques. En raison de la présence de substances résineuses dans le péricarpe et le suc du fruit vert, il peut survenir une réaction allergique allant de l’éruption cutanée à l’œdème. On recommande donc de bien éplucher la mangue avec un couteau et d’utiliser un autre couteau pour couper le fruit, afin d’éviter toute contamination de la chair par la résine (67, 90). D’autre part, le manguier peut provoquer des troubles allergiques lors de la floraison, qui a lieu entre janvier et février. L’inflorescence disperse dans l’atmosphère des pollens qui affectent la respiration, mais qui peuvent aussi provoquer un œdème des paupières, une brûlure de la face et une éruption cutanée, chez les personnes sensibles (89). 97 Momordica charantia L. (f) 98 II.9. Momordica charantia L. (Paroka) II.1.1. Description botanique. Le paroka est une petite liane grêle, de la famille des Cucurbitacea, à tiges côtelées pouvant mesurer entre 3 et 5 mètres. Elle est grimpante grâce à des vrilles simples et axillaires (65). Les feuilles, d’un vert vif, sont minces et palmatilobées. Les fleurs, en position axillaire sont unisexuées. Elles sont en forme de cloche, de couleur jaune. (80) Les fruits sont oblongs, ellipsoïdes et tuberculés (90), de 4 à 10 cm de long (65). Ils sont d’abord verts puis deviennent jaunes à orange vif en mûrissant. Ils sont constitués de trois valves qui s’ouvrent à maturité, laissant apparaître les graines baignant dans une pulpe rouge (65). II.1.2. Dénominations diverses. Dans les Antilles francophones, Momordica charantia L. est tantôt appelé « paroka » ou « margose à piquants » (61), « pomme-couli » ou « ponm kouli », en Créole, « pomme des Indiens », « pomme mexicaine », « pomme merveille » ou encore « manjé kouli » (65, 71). En Guyane, on le nomme « sorosi » (90). Dans les îles anglophones, on le nomme « maiden apple » ou « pomme coolee », « basalm apple », « bitter gourd », « carilla » (65). A la Dominique, on l’appelle « kokouli » (90) et, à sainteLucie « konkonm kouli » (80). Dans les territoires hispanophones, il prend la dénomination de « cundemor », « archucha », « basalmina », « melon de satan » ou encore « papayilla » (65). 99 II .1.3. Origine géographique. Le paroka est originaire d’Asie du Sud-est et a été naturalisé dans l’ensemble des petites Antilles (65). II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On trouve le paroka dans les régions tropicales et sub-tropicales. On la rencontre surtout dans les zones humides et assez bien ensoleillées, en bordure de chemins, dans les jardins ou sur les haies (65). Il est présent en particulier à Saint Martin, Saint Barth, Saba, Saint Eustache, Saint Kitts et Nevis, à Antigua, à Montserrat, en Martinique, à la Barbade, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, et enfin à la Grenade (89). II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. Le fruit est une baie jaune à maturité mais qui est habituellement consommée lorsqu'elle est encore verte, en salade, confite, sautée ou frite, et ce malgré une saveur amère assez prononcée (65). Pour le consommer, il faut d'abord peler le concombre et en extraire les graines non comestibles. Après l'avoir coupé en deux, on peut le blanchir pendant quelques minutes de façon à atténuer son amertume. Trop amer pour être consommé cru, il peut être aussi mariné (p). Les Antillais raffolent peu de ce fruit que les Asiatiques nomment « concombre amer » à juste titre… Les feuilles cuites peuvent être mangée comme légumes (65). 100 Cependant, d’un point de vue purement nutritionnel, le paroka contient de nombreux acides aminés dans tout le fruit et les graines. Le péricarpe du fruit contient, lui, des caroténoïdes et lycopène, antioxydants (65). Composition moyenne pour 100 grammes de feuilles (22) : Calories 44 g Eau 84.6 g Protéines 5.6 g Glucides 7g Lipides 0.6 g Fibres 1.6 g Calcium 288 mg Phosphore 54 mg Fer 5 mg Sodium 19 mg Potassium 510 mg Vitamine C 170 mg Carotène 5085 μg II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. o En Martinique et en Guadeloupe, les feuilles et le fruit sont considérés comme antidiarrhéiques, fébrifuges et antihelminthiques (7). On les sait aussi émétisants. 101 Le fruit est réputé pour être hypoglycémiant. On recommande de boire 2 à 4 cuillère à soupe de jus du fruit vert par jour. On recense aussi la préparation de décoction de fruits verts à raison d’un fruit pour 200 mL d’eau. Il faut laisser chauffer jusqu’à ce que la solution réduise de moitié. La posologie admise est d’une tasse trois fois par jour (61). De manière toute récente, on s’intéresse au paroka pour ses propriétés antivirales et en particulier inhibitrices du virus de l’immunodéficience humaine (7). o A la Dominique, la tige feuillée est froissée et mise à infuser dans l’eau du bain des nourrissons soufrant de dermatose sèche. Pour cela, on utilise 50 cm de tige dans l’eau du bain et on fait boire à l’enfant une petite gorgée au début (3). NB : En Afrique, on utilise les feuilles de paroka pour traiter les éruptions cutanées provoquées par divers parasites (74). En effet, les parties aériennes du paroka sont réputées avoir une action vulnéraire (93). Contre les inflammations, on fait infuser une tige feuillée et l’on administre cette infusion à raison d’une cuillère à soupe quatre fois par jour pour un adulte, pendant neuf jours (3). Le décocté des feuilles est bu comme antidysenterique. Le jus des feuilles fraîches, écrasées et additionnées d’huile de ricin, est utilisé per os contre le mal de ventre (30). L’infusé de tige est également réputé à la Dominique pour être dépuratif, hypotenseur et vermifuge (3). 102 A Barbade, les parties aériennes sont utilisées comme fébrifuge o et antigrippal (37, 90). o En Guyane française, on réalise avec le paroka des bains antiseptiques pour traiter les enfants. Les feuilles utilisées en tisane servent de fébrifuge (40) (on note par ailleurs le même usage au Venezuela (40, 90)). o Le suc des feuilles pressées entre dans la composition de loocks vermifuges (cf. préparations médicinales traditionnelles p.26) (40). II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. De nombreuses études visant à vérifier l’effet hypoglycémiant du paroka ont été menées de par le monde. On démontra d’abord l’effet hypoglycémiant chez le lapin (53). Puis, une équipe indienne découvrit la présence d’un polypeptide proche de l’insuline dans l’extrait cristallisé (63). On nomma charantine ce polypeptide. Il s’agit d’un polypeptide de poids moléculaire de 11000 Da, constitué de 17 acides aminés différents (53) et constitué à parties égales d’un mélange de deux glycosides : du β-sitostérol et du stigmastène-diol. La charantine, administrée per os chez un lapin, fait baisser sa glycémie de 42 % en 4 heures. (Il s’agit donc d’un hypoglycémiant plus puissant que le tolbutamide) (63). Son action se fait par inhibition de l’α-glucosidase (61). 103 Pour ce qui est des propriétés antibiotiques et antifongique de la plante, on a prouvé que les extraits méthanoliques, chloroformiques et éthérés de la plante sont actifs contre Sarcina lutea, Shigella dysenteria, Pseudomonas aeruginosa, et Salmonella typhosa. L’extrait méthanolique des feuilles sèches à 2mg/mL est actif in vitro sur Corynebacterium diphteriae, Neisseria sp., Pseudomonas aeruginosa, salmonella sp., Streptobacillus sp., Streptococcus sp. et Staphylococcus aureus (80). Par contre, on n’a montré aucun effet antifongique de ces extraits (12, 90). L’extrait aqueux du fruit, quant à lui, a montré une forte activité contre Bacillus subtibilis et Candida albicans (80). Le jus du fruit à 100mg/mL dans l’éthanol ainsi que l’extrait aqueux de graine sont actifs in vitro sur les helminthes (80). De même, l’extrait aqueux de feuilles a une puissante action insecticide. (80) Cependant, il n’a aucune activité sur Plasmodium falciparum (90). Les extrait aqueux de fruit, feuilles et racines inhibent in vitro l’augmentation de l’activité de la guanylayte-cyclase, induite par les facteurs chimiques carcinogénétiques. In vitro, cet extrait possède une action cytotoxique dose-dépendante et sélective sur les lymphocytes humains leucémiques (90). D’autres travaux, enfin ont montré l’action inhibitrice exercée par les extraits de paroka sur le VIH-1. Des équipes chinoises et américaines sont parvenues à extraire un composé nommé momorcharine ou MAP 30, qui a la propriété d’inhiber de manière dose-dépendante le pouvoir infectieux et la réplication du virus VIH-1 (59, 60). 104 II.1.8. Mise en garde et toxicité. Bien que le paroka soit l’une des plantes médicinales les plus utilisées dans les Antilles, son usage par voie interne nécessite des précautions en raison de sa toxicité importante. En effet, les fruits et les graines présentent des propriétés émétisantes et purgatives violentes. Un surdosage provoquerait des diarrhées, des coliques et des vomissements (65). De même, en cas de traitement concomitant avec des diurétiques hypokaliémiants ou des laxatifs anthracéniques, l’administration de paroka risque de majorer la déplétion potassique (61). Une équipe indienne a démontré que la décoction aqueuse de la plante entière, administrée chez une femme enceinte, inhibe le développement fœtal. C’est pourquoi l’usage du paroka est contre indiqué chez la femme enceinte (94). De même, l’utilisation du paroka comme traitement d’appoint dans le cadre d’un diabète doit être suivi avec la plus grande attention, du fait du risque de déséquilibre du traitement médicamenteux classique (65). 105 Musa paradisiaca L. (g) 106 II.10. Musa paradisiaca L. (Banane plantain) II.1.1. Description botanique. La banane plantain est une grande herbe, de la famille botanique des Musaceae, du groupe des Monocotylédones (89). Un bananier peut mesurer entre 6 et 10 mètres à l’âge adulte, il porte des feuilles pétiolées, pouvant aller jusqu’à 2 mètres de long (90), les feuilles enveloppantes formant le pseudotronc de la plante (89). Les inflorescences sont pendantes, mesurent environ 1.5 mètres, avec des bractées rougeâtres à brunes, les fleurs sont blanc jaunâtre (90). Les fruits sont des baies charnues, de 12 à 30 cm de long et de 4 à 5 cm de diamètre, cylindriques, légèrement incurvées, vertes même à maturité (89). L’ensemble des fruits forme un régime composé de plusieurs « mains » comptant entre 3 et 6 bananes (3). La fructification détermine la mort du tronc qui lui a donné naissance, mais la survivance se fait par des rejets à partir de bourgeons (5). Cette plante a un cycle annuel et il est recommandé de couper les régimes durant la récolte. Le climat idéal de culture est un climat tropical humide, justement celui régnant aux petites Antilles (51). Il existe trois grands groupes de bananiers : − Musa sapientum L. ou « banane figuier », − Musa paradisiaca L. ou « banane plantain », bananier à tronc vert sans moucheture, − Musa sinensis L. ou « bananier de Chine » (5). 107 II.1.2. Dénominations diverses. Le nom de « banane » proviendrait du mot bantou « banana » ou d’un nom arabe désignant le doigt (51). Le nom scientifique de Musa paradisiaca L. fait référence à la légende Hindou qui dit qu’Eve aurait tendu une banane à Adam, il est donc un fruit du paradis pour eux (51). Dans les îles francophones, on le nomme « banane plantain », « banane poteau » ou « poto », en Créole, ou bien encore « banane-farine », en référence à son utilisation alimentaire (89). Dans les îles anglophones, on l’appelle « Plantain », « banana tree », ou tout simplement « banan » (89). Dans les îles hispanophones, on lui donne le nom de « banana » (89). II .1.3. Origine géographique. La banane plantain est originaire du Sud-est asiatique et particulièrement du Nord-Est de l’Inde à l’extrême Nord de l’Australie. A l’origine, les bananiers sauvages présentaient des graines et leurs fruits mesuraient entre 6 et 8 cm. On a retrouvé des traces fossiles de bananiers datant de l’ère tertiaire, sur le continent indien (51). Il aurait été introduit dans les petites Antilles à la fin du XVIe siècle (55, 89). 108 II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On trouve des bananiers dans les jardins particuliers, mais surtout dans des champs cultivés, dont la production est quasi exclusivement destinée au marché local. On peut en rencontrer à Saint Martin, Saint Barth, Saba, en Guadeloupe, à la Dominique, en Martinique, à Saint-Vincent, La Barbade et à La Grenade (89). II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. La banane plantain se consomme cuite, bouillie, en compote ou frite. (89) On l’utilise dans les gastronomies locales, en plats salés ou sucrés, quelle soit mûre ou immature. Le fruit étant astringent, il n’est pas comestible lorsqu’il est encore cru (89). Afin d’éviter toute fermentation intestinale, le fruit doit être mâché soigneusement. (89) Assez pauvre en cellulose, la banane plantain n’est pas recommandée aux personnes constipées (89). Par contre, en raison de sa faible dose en protéines, elle est indiquée dans le régime des insuffisants rénaux (89). De même, du fait de son pouvoir nutritif, la banane plantain est recommandée dans le régime des personnes convalescentes ou anémiques, aux sportifs avant et après l’effort, ainsi qu’aux enfants, car favorise le développement osseux (55). La banane contient en effet un fort taux de potassium (cf. composition moyenne ci-après), ainsi que du calcium et du fer (51, 55, 80). 109 Composition moyenne pour 100 grammes de fruit (22) : Calories 72 kcals Eau 79 g Protéines 1.8 g Glucides 18 g Lipides 0.2 g Fibres 0.2 g Calcium 10 mg Phosphore 24 mg Fer 1.3 mg Sodium 18 mg Potassium 435 mg Vitamine C 8 mg Carotène 80 μg Vitamine B1 0.03 mg Vitamine B2 0.04 mg Vitamine B3 0.6 mg Cendres 0.8 mg II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. o Dans tout le bassin Caraïbe, comme dans de nombreux autres endroits du monde, la banane est utilisée comme anti-dysentérique (7) et fait partie des aliments recommandés lors d’épisodes de diarrhée, du fait de sa teneur en potassium et en glucides lents (22). De même, on réalise une infusion avec l’épicarpe du fruit, qui est efficace contre l’entérite (71, 90). 110 o En Guadeloupe, on emploie une poudre de bananes vertes pour traiter l’ulcère gastro-duodénal. Les laboratoires guadeloupéens Phytobokaz© commercialisent en Guadeloupe et en Martinique la spécialité Banuline©, constituée de poudre de Musa paradisiaca L. verte et utilisée comme protecteur gastrique (89, ff). On utilise aussi, en Guadeloupe la banane en cosmétologie. On réalise des masques de beauté nourrissant et régénérant avec des bananes écrasées. La banane stimulerait la production de collagène. Les laboratoires Phytobokaz© en ont mis dans leur spécialité TiTrezo©, gel anti-cellulite (ff). Petit truc pratique : pour retirer les tâches de nicotine ou d’encre des doigts, il suffit de frotter ceux-ci avec l’intérieur de pelure de banane (55). o En Martinique, pour soulager les contusions, on applique localement un cataplasme à base de pulpe de fruit, le plus tôt possible après le traumatisme (71). De même, on réalise un sirop à base de fruits, qui est employé en tant qu’anti-dysentérique, détersif, pectoral, adoucissant. Il permet de combattre les inflammations pulmonaires ou rénales (89). NB : Ce même sirop avait, au XIXe siècle la réputation d’être un puissant aphrodisiaque, par analogie de forme (89). En effet, la forme du fruit évoquant un pénis, la banane est à l’origine de nombreuses expressions grivoises (51). On prépare également un reconstituant pour les personnes déprimées en écrasant une banane bien mûre mélangée à une cuillère à soupe de miel et une cuillère de crème fraîche. Cette préparation est à absorber tous les matins pendant huit jours (71). 111 o A Trinidad, les feuilles et les racines servent de vermifuges (95). o A La Dominique, les feuilles sont employées en usage externe comme sudorifique, dans le traitement de la « blesse »et des céphalées. Le corps ou la tête est enveloppé par les feuilles enduites de vaseline ou de chandelle. Il demeure une contre-indication : il ne faut pas appliquer cette préparation sur la région xiphoïdienne des lombes. Les Caraïbes soignent plaies en touts genres et furoncles grâce à la sève du bouton floral (2, 3). o En Guyane française, les Créoles utilisent la pulpe du tronc en tisane contre la dysenterie (40). Les Palikurs, quant à eux, se servent de décoctions de jeunes feuilles pour soulager les maux de gorge (40). Les Wayapis, traitent furoncles et plaies avec le liquide recueilli à la coupe des tiges (40). II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. La forte teneur en tanins dans la plante explique son action favorable en cas de diarrhée (12). Ils possèdent une action astringente et antiseptique, accélèrent la dépuration des toxines dérivées du métabolisme des microorganismes (14). De même, la plante présente une activité antimicrobienne. En effet, in vitro, la pulpe du fruit à la concentration de 0.2 mL/boîte de Pétri, a montré une activité contre Bacillus cereus, Bacillus coagulans, Bacillus stearothermophilus et Clostridium sporogenes (77). La racine de la plante présente une forte activité antifongique contre Candida albicans (90). 112 En ce qui concerne l’action antiulcéreuse, une équipe indienne a mis en évidence un principe antiulcéreux, agissant à la fois en renforçant la barrière muqueuse gastrique, en ayant une action antioxydante et en inhibant le développement d’Helicobacter pylori, dans le fruit encore vert. Ces activités disparaissent lorsque le fruit mûrit (36). La feuille est riche en acides organiques : en acide citrique, anticoagulant, en acide malique, détoxifiant et antioxydant, en acide glutamique, tonique , en acide succinique (72), diurétique et expectorant (68) et en acides oxalique et pyruvique (72). Des triterpénoïdes tétracycliques ont été mis en évidence dans l’inflorescence. Dans l’enveloppe et la pulpe du fruit se trouvent de la sérotonine et de la dopamine (95).D’où son utilisation pour les personnes déprimées. Des études cliniques réalisées au Guatemala montrent que les feuilles stérilisées et appliquées sur les brûlures externes facilitent la regranulation et la re-épithélialisation et diminuent en conséquence le temps de cicatrisation (10). II.1.8. Mise en garde et toxicité. Aucun effet toxique n’a été rapporté pour le fruit de cette plante (11). Le fruit ainsi que la feuille sont utilisés dans la confection d’aliments consommés par l’homme. Il est toutefois recommandé aux diabétiques et malades du foie d’en limiter leur consommation (55). 113 Persea americana Mill. (f) 114 II.11. Persea americana Mill. (Avocat) II.1.1. Description botanique. L’avocatier est un petit arbre de 2 à 5 mètre de haut, de la famille des Lauraceae, portant des rameaux courts, pubescents (89).Il s’agit d’un arbre protogyne, c’est-à-dire que le pistil des fleurs arrive à maturité avant les étamines, ce qui implique une fécondation croisée obligatoire, le transport du pollen étant assuré par les abeilles (A). Le fruit est une drupe piriforme, globuleuse à ovale, verte ou marron pourpré à maturité, mesurant entre 7 et 22 cm de long et 7 et 12 cm de diamètre. La pulpe est molle à maturité, de couleur jaune-verdâtre, et huileuse. La graine que renferme cette drupe est sphérique à ovoïde, de 4 à 7 cm de diamètre, à cotylédons charnus (3). La multiplication des espèces se fait par les graines et la reproduction, est réalisée grâce à des greffes. L’arbre fructifie à partir de 5 ans. La récolte se fait, aux Antilles, entre août et novembre, tandis qu’en Guyane, la production a lieu entre octobre et décembre (5). On distingue essentiellement trois variétés présentes aux petites Antilles : − la variété mexicaine appelée var. drymifolia, aux feuilles à odeur d’anis, − la variété antillaise appelée var. americana, dont les fruits sont pauvres en graisse, − la variété guatémaltèque appelée var. guatemalensis, aux fruits à maturité longue (90). 115 II.1.2. Dénominations diverses. Dans les îles francophones, on le nomme « avocat », « pié zaboca » (71), en Créole, « zabelboc » ou tout simplement « zaboca » (89). Dans les îles anglophones on lui donne le nom de « avocado », « avocado pear », « pear tree », ou « alligator tree » (89). Dans les îles hispanophones, on l’appelle « aguacate » (90), terme provenant du mot aztèque « ahua qualt », signifiant testicule (en référence à la forme du fruit) (51). II .1.3. Origine géographique. L’avocatier proviendrait d’Amérique centrale, probablement du Mexique (89). On a retrouvé des traces d’avocatier lors de fouilles datant de 8 000 ans avant notre ère. Mayas et Aztèques le consommaient déjà (A). Il a été importé aux petites Antilles par les colons européens, à partir du XVIIe siècle (65). II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On retrouve des avocatiers dans les jardins cultivés ou sur les bords de routes, à Saint Martin, Saint Barth, Saba, Antigua, Montserrat, en Guadeloupe, à Marie Galante, à la Dominique, en Martinique, à Saint-Vincent, La Barbade et La Grenade (89). De même, on retrouve des avocatiers en Guyane française (40). 116 II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. Le père Labat décrivait son mode de consommation ainsi, au XVIIe siècle : « On peut le manger avec une cuiller, le goût qu’il a dans cet état approche assez celui d’une tourte de moelle de bœuf. Il y en a qui le mettent sur une assiette avec un peu d’eau de rose et de fleur d’oranger. Quand on le cueille avant qu’il soit tout à fait mûr, on le coupe par tranches et on le mange avec le poivre et le sel, comme des artichauts à la poivrade dont il a pour lors le goût. » (54). De nos jours, il est encore consommé ainsi, mais il sert aussi souvent d’accompagnement des plats de riz, de viande en sauce. Il entre également dans la composition du traditionnel « féros » martiniquais et du « zabokaé farin » guadeloupéen, plats à base de morue rôtie, de farine de manioc, pimenté et épicé (89). Sa valeur alimentaire est comparable à celle de la banane, il est très facile à digérer. A poids égal, sa valeur énergétique est supérieure à celle de la viande (71). L’avocatier est comparé à une « vache végétale » et surnommé « arbre à beurre » du fait des nombreux lipides qu’il contient (A). Il s’agit surtout d’acides gras insaturés, bénéfiques au système cardiovasculaire (55). Son équilibre en nutriments le rend intéressant pour les enfants, les convalescents et pour les femmes enceintes. Il est également recommandé en cas de surmenage, de nervosité ou d’hypertension artérielle, en raison de son apport en potassium (55). (Cf. valeur nutritive ci-après) 117 Valeur nutritive pour 100 grammes de chair (22) : Calories 167 g Eau 74 g Protéines 2.1 g Glucides 6.3 g Lipides 16.4 g (dont 80 % d’acides gras insaturés) Fibres 1.6 g Cendres 1.2 g Calcium 10 mg Phosphore 42 mg Fer 0.6 mg Sodium 4 mg Potassium 604 mg Carotène 174 μg Vitamine B1 0.11 mg Vitamine B2 0.2 mg Vitamine B3 1.6 mg Vitamine C 14 mg II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. o A La Dominique, on réalise des cataplasmes de feuilles d’avocatier additionnées de raclures de « rachette » ou « figuier de Barbarie » (Opuntia ficus-indica Haw.), cactus succulent de la famille des Cactaceae, pour traiter la « blesse » (hématome) (3). 118 Contre les intoxications alimentaires, on prépare une infusion avec trois feuilles par verre d’eau. Il faut consommer deux tasses de cet infusé par jour, pendant 9 jours, et s’abstenir de boire de l’alcool. On fait une purge à l’huile de ricin au dixième jour (3). o En Guadeloupe et en Martinique, les feuilles et la graine servent d’antidiarrhéique. On prépare une infusion des feuilles à 30g/L et l’on fait boire 3 tasses par jour de cet infusé (61). Comme à la Dominique, on utilise les feuilles d’avocat contre les « blesses », sous forme d’infusion (61). La graine est utilisée comme antihypertensive, en Guadeloupe (8). On prépare aussi une potion afin de prévenir les troubles cardiaques, en râpant une graine d’avocat sur laquelle on verse un verre d’eau bouillante. Puis on fait bouillir une seconde fois et l’on fait infuser le marc restant pendant 5 minutes. Il est recommandé de consommer une tasse de cette préparation en cas de malaise (89). Contre les ascaris, on préconise la macération de 8 à 10 grammes de pelure fraîche du fruit dans un grand verre d’eau sucrée, à prendre le matin à jeun (89). On utilise aussi l’extrait fluide de graines d’avocat pour soulager les rhumatismes articulaires. Une variante consiste à réaliser une macération pendant huit jours d’une graine râpée dans un litre de rhum. On emploie alors la solution obtenue en friction sur les parties douloureuses (71). Les croyances populaires confèrent à l’avocat des propriétés aphrodisiaques (89). Il s’agit là d’une réminiscence de la théorie des signatures, théorie ancienne qui établissait une analogie entre la forme du végétal et ses activités thérapeutiques. Ici, la forme de l’avocat évoquant un testicule, on lui a conféré un pouvoir aphrodisiaque. 119 Dans beaucoup d’îles des petites Antilles, ainsi que dans d’autres o endroits du monde où poussent des avocatiers (et en particulier en Afrique), l’huile d’avocat, extraite du fruit bien mûr, est utilisée pour la préparation de nombreux cosmétiques (55). On soigne ainsi les cheveux fatigués ou à pellicules, les peaux sèches, et on prévient l’apparition de vergetures (71, 89). Cet emploi comme produit de beauté semble assez ancien, aux Antilles et en Amérique du Sud (80). En Guyane française, la pulpe de l’avocat est employée contre les o furoncles et les panaris (40). N.B. : On retrouve, dans la spécialité Piasclédine®, 100 mg d’insaponifiable d’avocat. On utilise cette spécialité pour traiter les parodontopathies chroniques, ainsi que les douleurs articulaires (17). II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. La feuille contient du quercétol et de la catéchine, de l’épicatéchine, de la cyanidine et de la procyanidine, des terpénoïdes, des tanins catéchiques, responsables de l’effet antidiarrhéique, et une huile essentielle (contenant en quantités variables de l’estragole, du méthylchavicol, de l’α-pinène et d’autres terpènes) (76). La pulpe du fruit, quant à elle, contient des sesquiterpènes, de l’hydroxytryptamine, des vitamines A et E, des caroténoïdes, des glucides (glucose, fructose, perséitol et mannoheptulose) (80). 120 La présence de vitamine E confère à la pulpe d’avocat des propriétés protectrices du système cardiovasculaire, en diminuant le risque de survenue d’athérosclérose. La vitamine E est en effet un très bon antioxydant cellulaire. De même, les acides gras insaturés que contient la pulpe d’avocat permettent de réduire le LDL-cholestérol et d’augmenter les HDL-cholestérol. (A) Sa richesse en potassium le rend également bon pour le système cardiaque et protecteur visà-vis de l’hypertension artérielle (55). D’autre part, l’huile de la pulpe d’avocat et son extrait aqueux, utilisé à 2mg/ml, sont des stimulants phagocytaires (80). La graine possède, in vitro, une activité antibactérienne sur Staphylococcus aureus (31). Des travaux, réalisés dans le cadre du séminaire Tramil, ont mis en évidence l’activité spasmogène de l’extrait aqueux de feuilles. De même, on a constaté une activité hypotensive et dépressive sur le système respiratoire (90). D’autre part, l’extrait aqueux de fruit et de feuille stimule, d’une manière significative, l’utérus isolé de souris, à la dose de 16.66 mg/mL (53, 90). II.1.8. Mise en garde et toxicité. Du fait de l’activité de stimulation utérine, l’usage des extraits de fruit ou de feuille d’avocat, par voie générale, est contre indiqué chez les femmes enceintes (44, 61, 90). On a également constaté sur brebis allaitantes nourries avec de grosses quantités de feuilles d’avocatier une détérioration des glandes mammaires ainsi qu’une diminution de leur production de lait (18). L’usage des extraits de feuilles sera donc déconseillé aux femmes allaitantes, par mesure de précaution. Cependant, du fait de la faible toxicité de cette plante pour toutes les autres catégories de patients, son usage est recommandé, en particulier pour traiter l’aménorrhée, selon le séminaire Tramil (80). 121 Psidium guajava L. (g) 122 II.12. Psidium guajava L. (Goyave) II.1.1. Description botanique. Le goyavier est un petit arbre, buissonnant et toujours vert (9), de la famille botanique des Myrtaceae, mesurant entre 5 et 10 mètres de haut (89), de tronc pouvant mesurer jusqu’à 20 cm de diamètre. Les feuilles sont petites (entre 4 et 8 cm de long), oblongues, pubescentes, à nervures proéminentes sur la face inférieure. Les fleurs font moins de 2 cm et sont blanches (90). Les fruits sont des baies globuleuses, piriformes, ellipsoïdes ou ovoïdes, de 3 à 7 cm de diamètre. L’épicarpe est lisse, vert, jaunâtre à maturité. La pulpe est juteuse, crémeuse, odorante, blanche ou rose, selon les variétés, et renferme de nombreuses graines noires, très dures, de 3 à 5 mm de diamètre (3). Il existe deux grands groupes de goyaves : − les goyaves pommes (variété pomifera), à chair blanchâtre ou rouge, les blanches étant les plus sucrées (5, 89), − les goyaves poires (variété pirifera), à peau jaune clair et à chair blanche ou jaune clair, sucrée, dont le parfum rappelle celui de la poire. Elles sont plus estimées comme fruits de desserts (5, 89). 123 II.1.2. Dénominations diverses. Dans les îles francophones on nomme cet arbre « goyavier », ou « piedgoyave », « pié griyave », « gouyave », « pied gouyave » ou bien encore « gwiyav » et « goiyave » (89). Dans les îles anglophones, on lui donne le nom de « guava » (90). Dans les îles hispanophones, on l’appelle « quayaba » (90). II .1.3. Origine géographique. Le goyavier est originaire d’Amérique tropicale (90), et en particulier des régions comprises entre le Mexique et le Brésil (89). Il y est cultivé depuis 2000 ans (52). II.1.4. Répartition dans les petites Antilles. On trouve des goyaviers dans toutes les îles assez grandes pour abriter un arbre et une habitation. On peut en voir ainsi à Saint Martin, Saint Barth, Saba, Antigua, en Guadeloupe, à Marie Galante, à la Dominique, en Martinique, La Barbade et La Grenade (89). De même, en Guyane française, on en trouve dans les cultures et chez les particuliers (40). 124 II.1.5. Intérêts nutritifs et gastronomie locale. La goyave est un ingrédient indispensable des pâtisseries et sucreries traditionnelles des petites Antilles. Les fruits ont une pulpe aromatique et une saveur très agréable, douce et musquée, recherchée. On réalise d’excellentes compotes, confitures et gelées, de succulents gâteaux, des sorbets et des jus très apprécié, à base de goyave. Le fruit est également consommé tel que, après l’avoir pelé (89); Le fruit contient plus de vitamine C que les agrumes et est riche en potassium et vitamine A (89); Valeur nutritive pour 100 grammes de fruit (22) : Calories 69 kcals Eau 80.6 g Protéines 1g Glucides 17.3 g Lipides 0.4 g Fibres 5.6 g Calcium 15 mg Phosphore 24 mg Fer 0.7 mg Sodium 4 mg Potassium 291 mg Vitamine C 132 mg Carotène 75 μg Vitamine B1 0.05 mg Vitamine B2 0.04 mg Vitamine B3 1.10 mg Cendres 0.7 g 125 Valeur nutritive pour 100 grammes de feuilles sèches (22) : Eau 0g Protéines 11.7 g Glucides 71.9 g Lipides 8.7 g Fibres 16.1 g Cendres 7.7 g Calcium 1340 mg Phosphore 160 mg II.1.6. Utilisations vernaculaires dans les différentes îles. o A La Dominique, l’infusé des jeunes feuilles est employé per os dans le traitement des diarrhées (90). Il est aussi utilisé contre les vomissements. L’infusé des feuilles, en association avec les feuilles de « gwen en bas feuilles » (Phyllanthus tenellus Benth.), herbe annuelle de la famille des Euphorbiaceae (30), et de « chardon béni » (Eryngium foetidum L.), herbe bisanuelle de la famille des Apiaceae (2, 24, 31), est employé per os pour combattre la dyspepsie (3). Les feuilles sont aussi associées à celles de la « pommecannelle » (Annona squamosa L.), petit arbre de la famille des Annonaceae (31), et de « feuille pommade » (Hyptis atrorubens Poit.), herbe rampante de la famille des Lamiaceae, dans le traitement per os du diabète (3, 31). 126 En Guadeloupe et en Martinique, on utilise aussi la goyave o comme antidiarrhéique. Contre la gastro-entérite, on prépare un sirop avec sept goyaves vertes et le même poids de sucre. Il faut boire ce sirop par petites cuillérées plusieurs fois par jour (71). De même, pour calmer les diarrhées, on utilise une infusion de jeunes feuilles à 20g/l d’eau. Si les diarrhées sont fortes, on recourra à une décoction de l’écorce (15 g par litre d’eau) (61). Il est à noter que, lorsque les fruits mûrissent, ils deviennent laxatifs, il faut donc absolument utiliser des goyaves encore vertes (71). Contre les coliques, on conseille de mâcher des bourgeons très tendres et d’en avaler le jus (71). Les crampes d’estomac sont soulagées grâce à des infusions de bourgeons de goyavier (71). La décoction des feuilles est utilisée en gargarisme contre les maux de gorge et l’enrouement, mais aussi pour laver et désinfecter les plaies (71). Par voie externe, on utilise les fruits mûrs en cataplasmes afin de favoriser la maturation d’un abcès superficiel. Contre les démangeaisons, on recommande de se baigner dans une décoction de feuilles (71). En Guadeloupe, on réalise des crèmes gommantes contenant des graines et l’huile issue des graines de goyave (89, ff). o A Trinidad, les feuilles sont également utilisées lors de diarrhées, à raison de 20 grammes de jeunes feuilles pour un litre d’eau (61, 90). 127 o En Guyane française, on utilise aussi les différentes parties du goyavier pour traiter les diarrhées. Ainsi, les Créoles utilisent une décoction d’écorce, de feuilles et de jeunes pousses (40). Les Wayapis, quant à eux, ne se servent que de l’écorce et du fruit vert (40). Les Palikurs utilisent les jeunes pousses associées à l’Eleutherine bulbosa P. Mill. (Iridaceae (ll)), ou au Solanum leucocarpon Dunal, appelé « bitayouli » (Solanaceae), sous forme de tisanes. Ils traitent les ulcères dus à la leishmaniose grâce aux jeunes pousses associées à celle de Philodendron guianense Croat & Grayum (Arecaceae) (40). II.1.7. Pharmacognosie et justification scientifique des usages traditionnels et autres propriétés. La plante entière est riche en tanins ellagiques : la feuille en contient 9 à 10 %, l’écorce 12 à 30%, la racine 10 à 20 % (80). On retrouve aussi des flavonoïdes et d’autres substances antiseptiques tel que des phénols et une huile essentielle antibactérienne, dans les feuilles. L’action conjuguée de ces différents principes actifs est efficace pour contrer les épisodes diarrhéiques (74). De même, les différentes utilisations par voie externe sont également explicitées par la présence de ces principes actifs. De même, différents types d’extraits de la plante ont été testés contre des souches de divers micro-organismes. La plante a montré une activité, in vitro, sur Proteus mirabilis, Shigella dysenteria, Escherichia coli, Salmonella typhi et Staphylococcus aureus (12). Mais, l’extrait aqueux de feuille, en particulier, est actif sur Escherichia coli, Peudomonas aeruginosa, Sarcina lutea, Serratia marcescens, Shigella flexneri, Staphylococcus aureus et albus, ainsi que sur Epidermophyton floccosum et Candida albicans (80). 128 Ce même extrait a une activité spasmolytique sur l’iléon de cobaye, à la concentration de 1 mg/ml (80). En effet, les feuilles contiennent du quercétol (74), composé qui inhiberait la sécrétion d’acétylcholine et diminuerait ainsi les contractions intestinales (64). Des études portant sur la médecine traditionnelle chinoise ont permis de prouver l’action positive du jus de goyave sur le diabète de type I. On a observé, en effet, un effet hypoglycémiant marqué du jus de fruit, administré à la dose de 1 g/kg par voie intra péritonéale chez des souris. Effet toutefois moins puissant et durable que pour la chlorpropamide et la metformine (16). On a montré une réduction significative de l’activité motrice de souris après administration per os d’un extrait éthanolique de feuilles de Psidium guajava L. aux doses de 50, 100 et 300 mg/kg, et ce, pendant 90 minutes (42, 90). II.1.8. Mise en garde et toxicité. Pour tous les usages internes de parties autres que les fruits, il est préférable, par principe de précaution, de ne pas prolonger l’usage au-delà de 30 jours consécutifs et de ne pas l’employer chez les femmes enceintes ou qui allaitent, ni chez les enfants en bas âge (80). 129 CONCLUSION Cette étude succincte nous a permis d’avoir un aperçu de la pharmacopée caribéenne, très riche et pourtant peu connue et peu reconnue. Le programme Tramil, regroupant 200 chercheurs, se charge de promouvoir à un niveau international cette pharmacopée. (jj). Par des enquêtes ethnopharmacologiques, ils ont mis en évidence l’usage courant de 280 espèces médicinales, dont les douze fruits que nous venons d’évoquer (91). Cependant leur tâche est encore lourde, en effet, seules 19 plantes caribéennes, s’apparentant davantage à des épices et à des aromates, sont inscrites dans la Pharmacopée française (ii). Pourtant, l’efficacité de nombreuses de ces plantes a bien été démontrée. Quelle est la place du pharmacien face à ces médecines traditionnelles ? Le pharmacien est un acteur de santé publique et doit sensibiliser les patients au bien fondé comme aux risques et contre-indications qui peuvent découler de l’usage de ces plantes. La phytothérapie paraît, il est vrai, toujours plus anodine et dénuée de risques ou d’effets secondaires, dans l’imaginaire populaire, ce qui peut être dangereux. C’est pourquoi chaque fiche présentée précédemment s’achève par des recommandations de prudence. De même, nous avons également constaté que ces fruits ont aussi un intérêt important d’un point de vue nutritionnel. Ils contiennent souvent des vitamines et oligoéléments indispensables à la santé humaine, permettant d’éviter ou de soulager certaines pathologies. 130 Bibliographie : 1) Abdou I. A. , Abou-Zeid A. A., El-Sherbeeny M. R. and Abou-El-Gheat Z. H., 1972 : "Antimicrobial activities of Allium sativum L., Allium cepa L., Raphanus sativus L., Capsicum frutescens L., Eruca sativa L., Allium kurrat L. on bacteria." Qual Plant Mater veg 22(1)-29-35 ;. 2) Adams C.D. , 1972. "Flowering plants of Jamaïca." University of the West Indies, Mona, Jamaïca, 848 pages. 3) Adjanohoun E., Ake Assi L., Chibon P., Cuffy S., Darnault J-J., Edwards M-J., Etienne C., Eyme J., Goudote E., Jérémie J., Keita, J-L.Longufosse, Portecop J., Soopramanien A., Troian J., 1985 : " Médecine traditionnelle et pharmacopée. Contribution ethnobotanique et floristique à La Dominique (Commonwealth of Dominica) ". Edition A.C.C.T., Paris, 400 pages. 4) "Antoine ", 1997 " Les Merveilleuses îles d’Antoine volume 1 : les Caraïbes." 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Oda édition, 1996. 141 142 TITRE ETUDE ETHNOPHARMACOLOGIQUE DE DOUZE FRUITS DES PETITES ANTILLES ET DE GUYANE FRANCAISE. RESUME : Après avoir situé cette étude dans ses contextes à la fois géographique, ethnique, historique et climatique, chacun des douze fruits choisis sera développé. Les douze fruits des petites Antilles et de Guyane française que nous verrons ici sont : l’ananas, le corossol, le piment des oiseaux, la papaye, le citron vert, la noix de coco, l’abricot-pays, la mangue, le paroka, la banane plantain, l’avocat, et enfin la goyave. Avec tout d’abord un bref descriptif botanique de l’espèce, puis les origines de la plante, sa localisation au sein des petites Antilles et de la Guyane, ses intérêts nutritifs, ses utilisations vernaculaires intéressantes, les travaux scientifiques qui justifient ces emplois, et enfin, les éventuelles toxicités et mises en garde à souligner.