Economie monétaire CM – Chapitre 6
Chapitre VI : Introduction aux théories de la monnaie
I. L’approche quantitativiste
A) Aux origines : J. Bodin (16 ème
)
Au 16ème siècle, une forte inflation a été constatée en France, en Angleterre, en Hollande et en Espagne (4
pays concurrents). Avant Bodin, l’explication habituelle était qu’il y avait une « mutation monétaire » =
doctrine médiévale de la dépréciation monétaire. Au 15ème siècle, les monnaies sont talliques. Tous ceux
qui ont le droit de faire de la monnaie (princes, rois) ont la possibilité technique de contenir moins d’or.
Ex : une livre tournois (monnaie de compte) = 21 grammes d’argent en 1311. En 1311 : mutation monétaire,
sa valeur a changé : en 1580, une livre tournois = 11,5 grammes d’argent.
mais la quantité de métal précieux reste la même dans les échanges (= même quantité même si
dévalorisation).
Ex : si le prix d’une marchandise est d’1 livre en 1311 (soit 21 grammes d’argent), en 1580 elle vaudra 1,83
livres (toujours 21 grammes d’argent) (21/11,5 = 1,83).
=> Il y a eu inflation (le prix de la marchandise est passé de 1 à 1,83) = hausse des prix suite à la dépréciation
de la monnaie.
=> S’il y a une baisse de la valeur de la monnaie, il y a une hausse du prix des biens
Paradoxe de Menestroy : on croit qu’il y a une augmentation des prix, mais en réalité la quantité de monnaie
est identique.
Réponse de Bodin : il conteste les faits empiriques (rejette l’hypothèse) : la quantité de métal a bien
augmenté dans les échanges. Pour lui, de ce fait, la théorie de l’inflation est différente : il y a inflation car il y
a un afflux d’or et d’argent du Nouveau Monde (donc la quantité de monnaie augmente). Par exemple, les
Espagnols ont ramené énormément d’or (=> pièces).
Remarques :
Il constate seulement que la hausse de la monnaie va avec la hausse des prix (= corrélation).
Il admet d’autres causes de l’inflation.
B) La thèse de la monnaie-voile (J.B. Say, 19 ème
siècle)
Il prend pour point de départ la loi des débouchés : pour produire, il faut verser auparavant des revenus
(salariés, fournisseurs…) donc cela implique une demande. Dès lors que l’ensemble des producteurs fait de
même, le revenu est suffisant pour absorber la vente de ce qui est produit (= pour assurer des débouchés.
Ex : des employés du textile payés peuvent acheter du charbon… « Toute offre crée sa propre demande ».
La monnaie-voile est uniquement un intermédiaire des échanges = « Les produits s’échangent contre des
produits », la monnaie n’est qu’un intermédiaire. Le but final de l’échange économique est d’acheter un autre
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produit. La monnaie n’a pas de rôle majeur :
thésaurisation négligeable : on ne demande pas la monnaie par elle-même, on demande toujours pour
faire des échanges futurs.
c’est parce que toute offre crée sa propre demande que la monnaie a un faible rôle dans la
compréhension de l’économie.
C) La théorie quantitative de la monnaie(TQM), version Fisher (1911)
= toute théorie selon laquelle la quantité de monnaie est à l’origine de l’inflation. Point de départ : on part
d’une évidence comptable : monnaie dépensée = valeur des marchandises achetées.
Ex : on suppose une économie dans laquelle circule un seul billet de 50€. 2 transactions sont effectuées :
achat de 100 baguettes à 0,50€ pièce et 1 four à 50€.
Prix P Quantité Q Valeur
T1 (baguettes) 0,50€ 100 50
T2 (four) 50€ 1 50
Le billet circule dans l’économie (on achète des baguettes, le boulanger le four…). Problème sur l’ensemble
de l’économie : quelle est la quantité de biens produite ? On ne peut pas additionner des biens hétérogènes
=> On va tout transformer pour que les quantités soient additionnelles. Le four sera calculé en équivalent
« unités de pains ». On exprime tous les biens dans la même unité (« bien moyen » = pain)
Prix P Quantité Q Valeur
T1 (baguettes) 0,50€ 100 50
T2 (four) 50€ 100 50
100 + 100 = 200
Au total, la quantité produite (= volume des transactions) = 200.
P = 0,50 : le niveau général des prix
P x T = 100 = la valeur des biens échangés
Quantité de monnaie circulant dans l’économie ? 50 (car un seul billet de 50€)
Combien de fois a-t-il circulé : 2 fois (une pour le pain, une pour le four)
=> Un billet de 50€ a circulé 2 fois.
V = vitesse de circulation = 2
M = quantité monétaire disponible = 50
M x V = valeur des dépenses = 100
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Equation quantitative : MV (valeur des dépenses) = PT (valeur des achats)
Tous les économistes sont d’accord là-dessus. Fisher pose des hypothèses pour trouver une explication à
l’inflation :
Hypothèse 1 : T (dépend de la capacité de production, machines, nombre de travailleurs…) est constant
parce qu’on est au niveau de plein-emploi mais il ne va pas dépendre de V, M et P.
Hypothèse 2 : V est constante (stable) à court terme = on est au maximum de ce qui peut être techniquement
produit. V dépend de facteurs culturels et techniques qui évoluent lentement. Ex : avant 1972 le salaire était
hebdomadaire, depuis 1972 il est mensuel => V est plus élevée (toutes les semaines on peut consommer).
ΔX = variation de X = Xt – Xt-1
Hypothèse 3 : la BC contrôle librement ΔM (= l’offre de M)
Grâce à ces trois hypothèses, on peut fournir une explication causale de l’inflation.
MV = PT
V ne bouge pas
M peut varier si la BC le veut
T ne bouge pas
=> inflation ΔP possible seulement avec une variation de M => seulement si la quantité de M est
modifiée ) => on passe d’une relation d’égalité à une relation de causalité. Il y a variation
proportionnelle de M et P : ΔM => ΔP
=> Pour la théorie quantitative de la monnaie, l’inflation est un phénomène monétaire
D) La vision dichotomique
C’est une analyse qui sépare entre deux phases : réelle et monétaire.
Sphère « réelle » Sphère monétaire
Production, emploi, investissement,
consommation => liée à des quantités physiques
Quantité de monnaie, inflation…
Prix relatifs (ex : 1 table = 2 chaises) Prix absolus (permettent d’analyser la
quantité de monnaie, l’inflation…)
Théories de la valeur expliquent la sphère réelle Théorie quantitative de la monnaie
=> Il faut les analyser séparément.
Conséquence (inspire un certain nombre de banques centrales) :
La monnaie est exogène (= engendrée par l’extérieur) = c’est la BC qui va avoir l’initiative de créer l’offre de
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monnaie. C’est elle qui est responsable de l’inflation parce que c’est elle qui fait varier l’offre).
ΔM => D > 0 => ΔP
Exemple de la BCE : elle doit assurer la stabilité des prix en régulant l’offre de monnaie dans l’économie ) =>
elle ne s’occupe que des prix (pas la croissance économique, pas les transactions…)
II. La tradition intégrationniste
A) Fondements de la demande de monnaie
Encaisse monétaire (dans le cadre de la tradition intégrationniste) = monnaie que l’on va considérer comme
la demande de monnaie = la quantité de monnaie que l’on possède.
Encaisse réelle = M/P
Illusion monétaire = être victime d’une illusion monétaire, c’est raisonner seulement avec M et non M/P
1€ = 1/P => M€ = M/P
Equation de Cambridge
Même base de départ : MV = PT
<=> M/P = (1/V) x T
<=> avec 1/V = k et T = Y, on a M/P = kY ou M = kPY
Si on considère que la causalité va dans l’autre sens (kY = M/P), on considère que c’est en fonction de leur
revenu Y que les agents vont demander l’encaisse réelle => inversion de la causalité :
En fonction de leur revenu Y et de k,
Les agents demandent M/P pour réaliser leurs transactions
-> interaction entre la sphère réelle (Y) et la sphère monétaire (M)
Pourquoi ? Quelles hypothèses ont changé ?
On refuse l’hypothèse 1 : sous-emploi (Y ou T peut varier) et l’hypothèse 3 (offre de monnaie répond aux
besoins des agents économiques). On peut maintenir ou non l’hypothèse 2, mais k = pourcentage du revenu
qui est thésaurisé (conservé sous la forme de monnaie).
B) La demande de monnaie (Keynes, 1936)
Say : la monnaie est un intermédiaire entre les échanges et rien d’autre.
Keynes : au contraire, il y a trois motifs pour lesquels on va demander de la monnaie :
Motif de transaction : Keynes a remarqué qu’il peut y avoir un décalage temporel entre les recettes et les
dépenses => la demande de monnaie est fonction croissante du revenu (+ le revenu augmente, + on a
besoin de transactions => + la demande de monnaie augmente).
Motif de précaution : volonté de demande de la monnaie en cas de dépense imprévue ou en cas de baisse
des revenus imprévus (fonction croissante du revenu : + on est riche, + on peut avoir d’épargne sous
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forme de monnaie)
Motif de spéculation : conserver de la monnaie pour profiter d’occasions de spéculations sur les marchés
financiers (fonction décroissante du taux d’intérêt) = les titres sont rémunérés par le taux d’intérêt. Si le
taux d’intérêt est bas, il y a beaucoup de monnaie et peu de titres ; si le taux d’intérêt est élevé, il y a peu
de monnaie et beaucoup de titres.
Il y a un arbitrage monnaie / titres financiers. La monnaie n’est pas rémunérée alors que les titres financiers
le sont. Pourquoi les agents continuent-ils à conserver de la monnaie sur eux au lieu de la placer ? Avantages
de la monnaie :
Elle a une valeur nominale constante, alors qu’il y a un risque de variation avec les prix.
La monnaie a une disponibilité immédiate pour les paiements (perte de frais et de temps avec les titres)
=> « préférence pour la liquidité »
C) Les causes « réelles » de l’inflation
=> on est dans une vision non-dichomatique actuelle = interactions entre « réel » et « monétaire ».
Y est variable est V aussi. ΔP varie à la suite de ΔM et ΔY (ou ΔV). La source de l’inflation peut être la
monnaie ou la production et la recette.
La monnaie est endogène : la BC répond aux demandes des agents.
D > 0 (au départ) => ΔM et ΔY => ΔP
D) Rôle de la BC
(du point de vue des intégrationnistes)
Adapte l’offre de monnaie à la demande de monnaie (besoins de transactions des agents)
Si la BC ne répond pas à cette demandes des agents, le risque est de casser le mouvement de la
croissance économique (ΔY)
Inversement, si elle injecte trop de monnaie dans l’économie par rapport à ce que demandent les
agents, le risque est une inflation excessive avec une nouvelle monnaie.
=> La BC a aussi un objectif de croissance économique
Par ΔM, possibilité d’agir sur les prix mais aussi sur la production Y, donc sur l’emploi et le chômage. La
Fed (BC des États-Unis) est une banque centrale qui a cette vision : elle doit assurer la stabilité des prix
et la croissance économique ΔY => vision non quantitativiste.
Conclusion :
Efficacité de la politique monétaire (= comment faire varier ΔM) pour relancer la production ? Trois réponses :
a) réponse quantitativiste stricte : aucune efficacité pour relancer la production (Fisher 1911, Nouvelle Ecole
Classique : Barro, Lucas)
b) « dichotomie faible » : oui à court terme, non à long terme (Friedman et monétaristes)
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