Cours de philosophie de M.Basch – Le bonheur
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du bonheur. Nietzsche a violemment critiqué cette volonté de domestiquer nos instincts et
de fuir à tout prix la souffrance en y voyant le symptôme d’un affaiblissement de la vie. Pour
Nietzsche, les ascètes n’aiment pas la vie ; ils cachent leur dégoût pour celle-ci en
adoptant un mode de vie pathologique qui légitime la faiblesse.
Rétablissons rapidement la réalité des faits : l'idéal ascétique a sa source dans l’instinct de défense
et de salut d'une vie en voie de dégénération, qui cherche à subsister par tous les moyens et lutte
pour son existence ; il indique une inhibition et une fatigue physiologiques partielles contre
quoi les instincts de vie les plus profonds, restés intacts, ne cessent de combattre par
l'invention de nouveaux moyens. L’idéal ascétique est l'un de ces moyens : il en va donc tout
à l'inverse de ce que pensent ses adorateurs, - en lui et par lui, la vie lutte avec la mort contre
la mort : l'idéal ascétique est une ruse de la conservation de la vie. Qu'il ait pu gagner en
puissance jusqu'à dominer l'homme, comme nous l’enseigne l’histoire, notamment partout
où la civilisation et la domestication de l'homme se sont accomplies, cela révèle un fait
important, l'état morbide du type d'homme existant jusqu'ici, en tout cas de l'homme
domestique ; la lutte physiologique de l'homme contre la mort (plus exactement : contre le
dégoût de la vie, contre la fatigue, contre le désir de la « fin »).
Nietzsche, Généalogie de la morale
Plutôt que de se méfier des désirs, il vaudrait mieux les exalter et les vivre pleinement,
comme André Gide, inspiré par Nietzsche, propose de le faire dans les Nourritures terrestres :
Nathanaël, je t’enseignerai la ferveur. Une existence pathétique, Nathanaël, plutôt que la
tranquillité. Je ne souhaite pas d’autre repos que celui du sommeil de la mort. J’ai peur que
tout désir, toute énergie que je n’aurais pas satisfaits durant ma vie, pour leur survie ne me
tourmentent. J’espère, après avoir exprimé sur cette terre tout ce qui attendait en moi,
satisfait, mourir complètement désespéré. […]
Nourritures !
Je m’attends à vous, nourritures !
Ma faim ne se posera pas à mi-route ;
Elle ne se taira que satisfaite ;
Des morales n’en sauraient venir à bout
Et de privations je n’ai jamais pu nourrir que mon âme.
Satisfactions ! je vous cherche.
Vous êtes belles comme les aurores d’été.
Et si notre âme a valu quelque chose, c'est qu'elle a brûlé plus ardemment que quelques
autres.
IV) La conquête du bonheur par l’action (cf. également le prezi sur l’éthique d’Aristote)
L’idée centrale des propos sur le bonheur est que le bonheur ne peut jamais s’obtenir
passivement ; on ne reçoit pas le bonheur, on le conquiert. C’est uniquement par l’action
volontaire que l’homme peut atteindre le bonheur. Par conséquent, il nous faut éliminer
autant que possible toutes les sources de passivité, et en premier lieu les passions, pour que
nous puissions jouir librement des activités qui animent notre volonté.
Faire et non pas subir, tel est le fond de l'agréable. Mais parce que les sucreries donnent un
petit plaisir sans qu'on ait autre chose à faire qu'à les laisser fondre, beaucoup de gens