Repères économiques: La menace de l`endettement au Canada

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RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
REPÈRES ÉCONOMIQUES
Vue d’ensemble pour les investisseurs
NUMÉRO 7 • JUILLET 2011
La menace de l’endettement au Canada
POINTS SAILLANTS
Vivement propulsée par l’afflux de crédit, l’exubérance
du marché du logement et l’abondance des ressources,
l’économie canadienne a obtenu des résultats qui en
font l’une des économies les plus résistantes parmi
celles des pays développés. Mais bien qu’il s’agisse
d’une situation fort satisfaisante, il ne faut pas s’y
complaire. Pour investir avec succès, il faut évaluer sans
cesse les risques de baisse. Mondialement, le Canada
est aux prises avec les mêmes menaces que les autres
pays, notamment la crise budgétaire en Europe et la
viabilité de la croissance économique aux États-Unis.
Par chance, la liste de risques propres au Canada est
beaucoup plus courte. En haut de celle-ci se trouve
l’alourdissement de la dette des ménages au pays. Il s’agit
d’un sujet fascinant, car la source même du succès relatif du
Canada pendant l’apogée de la crise du crédit, soit le fait que
le secteur bancaire a continué à prêter et que les ménages
ont continué à acheter, pourrait devenir la cause de son
malheur si le fardeau de la dette des ménages, nouvellement
accru, devait s’avérer trop lourd à porter. Le sujet est
aussi d’actualité : la hausse imminente des taux d’intérêt
mettra à l’épreuve la capacité de soutenir l’endettement.
Endettement critique
L’instinct qui nous pousse à craindre pour la viabilité des
finances des ménages canadiens est compréhensible. Les
Canadiens ont succombé à l’attrait du crédit, séduits par les
Figure 1 : Hausse du ratio d’endettement des ménages au Canada
Ratio d'endettement des
ménages (en %)
Eric Lascelles
Économiste en chef
RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
› Le niveau record de la dette des ménages représente un risque majeur pour la reprise
de l’économie canadienne.
› À l’heure actuelle, la dette est étonnamment facile à rembourser vu l’extrême faiblesse
des coûts d’emprunt.
› La hausse des taux d’intérêt changera la situation, rendant ainsi le prix des maisons
beaucoup plus élevé et réduisant la vigueur des dépenses de consommation et de
logement.
› Même si un petit groupe de ménages en subira de lourdes conséquences, il n’y a pas
de risque systémique. La croissance économique sera ralentie, mais non anéantie.
› Les marchés canadiens perdront un peu de leur lustre.
180
É.-U.
Canada
160
R.-U.
Zone euro (non
désaisonnalisé)*
140
120
100
80
2001
2003
2005
2007
2009
2011
* Moyenne mobile sur 4 trimestres
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
faibles taux d’emprunt qui le rendent facilement accessible.
Le crédit des ménages a augmenté de plus d’un tiers depuis
le début de la crise, atteignant une croissance annuelle
moyenne substantielle de 8,1 %. À l’opposé, le revenu
personnel disponible a affiché une hausse de seulement
4,0 % par année. Le crédit ne peut pas indéfiniment
progresser deux fois plus rapidement que le revenu.
La frénésie pour les emprunts a servi à noyer les Canadiens
dans un océan de dettes encore plus grand. Le ratio
d’endettement des ménages au Canada a maintenant
atteint le niveau record de 147 % et continue à augmenter
(figure 1), ce qui place le pays à égalité avec les États-Unis,
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
Même si la croissance du crédit à la consommation a
finalement commencé à ralentir, le crédit hypothécaire
a repris sa progression. Les évaluations des propriétés
canadiennes suscitent des inquiétudes. Depuis le creux
enregistré au début de 2009, le prix des propriétés
existantes a affiché une forte hausse de 31 %, soit 12,2 %
par année. Au cours de la dernière décennie, le prix des
propriétés a progressé de 117 %. À titre comparatif, le
prix des propriétés a chuté de 5 % aux États-Unis depuis
le début de 2009 et n’a augmenté que de un sixième au
cours des dix dernières années1. Par conséquent, la crainte
que la future période de hausse des taux d’intérêt soit
néfaste pour les finances des ménages est compréhensible,
surtout dans un contexte où le marché hypothécaire s’est
progressivement tourné vers les produits à taux variable.
La situation est, jusqu’à maintenant, gérable
Quoi qu’il en soit, la dette des ménages a, jusqu’à
maintenant, été remarquablement facile à gérer. Utilisés
comme test de solidité financière des ménages, les
taux de défaillance sont dans la fourchette des normes
historiques, tant pour les prêts hypothécaires que pour
les cartes de crédit. Les défauts de paiement sur les prêts
hypothécaires se chiffrent actuellement à 0,43 %, contre
une moyenne à long terme de 0,42 % et un faible taux
de 0,24 % dans la période précédant la crise. Les défauts
de paiement sur les cartes de crédit se sont stabilisés à
4,33 %, contre une moyenne à long terme de 3,69 % et
3,01 % dans la période précédant la crise. Une certaine
détérioration est évidente, mais elle n’est pas alarmante.
De plus, le ratio du service de la dette au Canada, c’està-dire la portion des revenus d’un ménage consacrée
au paiement des intérêts de la dette du ménage,
n’a rien d’inquiétant : il se situe à 7,6 %, soit encore
sous la norme historique de 8,1 % (figure 2). Il en va
de même pour le taux de faillites personnelles.
Malgré des ratios d’endettement élevés, les ménages
seraient en fait dans une assez bonne situation, comme
Lorsqu’ils sont évalués en dollars canadiens, les prix des propriétés au Canada
et aux États-Unis affichent un écart impressionnant de 141 % pour la dernière
décennie.
1
2 | REPÈRES ÉCONOMIQUES
Figure 2 : Le ratio du service de la dette des ménages est faible au
Canada
11
10
9
Moyenne historique : 8,1
%
voire légèrement en avance, ainsi que dans le même
territoire que le Royaume-Uni. De surcroît, le fardeau
de la dette aux États-Unis et au Royaume-Uni diminue,
tandis qu’au Canada, il continue de s’alourdir.
8
7
6
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010
Sources : Statistique Canada, RBC GMA
le laissent fortement croire les éléments qui précèdent.
Mais cette bonne situation ne devrait peut-être pas
trop surprendre. Alors que, traditionnellement, on
compare le Canada avec les États-Unis ou le RoyaumeUni, d’autres pays, comme les Pays-Bas, le Danemark
et la Norvège, maintiennent des ratios d’endettement
des ménages beaucoup plus élevés. Il semblerait qu’il
n’y ait pas un seul niveau d’endettement qui puisse
être perçu comme le seuil absolu. Le niveau viable est
tout simplement le niveau que les ménages peuvent se
permettre. Il dépend de la stabilité de l’emploi, de l’âge de
la population, du but de l’emprunt et du coût du crédit.
Au cours des dernières années, chacun de ces paramètres
a été favorable pour les ménages canadiens. Le marché
de l’emploi du Canada s’est bien porté par rapport à celui
des autres pays, ce qui a permis à la plupart des ménages
d’effectuer leurs paiements. L’âge moyen a augmenté au
cours des trois dernières décennies, passant de moins de
30 ans à 40 ans, ce qui a amené le ménage moyen
dans la phase d’endettement maximal. Comme
l’accession à la propriété a dépassé la location, les
Canadiens empruntent de manière disproportionnée
afin d’acheter une propriété. Ils peuvent ainsi
accumuler du capital au lieu de payer un loyer.
Mais ce qui importe le plus, c’est que le coût du crédit est
incroyablement peu élevé. Les taux d’intérêt sont à un creux
record, ou s’en rapprochent, ce qui réduit énormément
les coûts de financement. Ce que l’on ignore avant tout au
sujet de la dette des ménages et de la valeur des logements
au cours des trois dernières décennies, c’est que la baisse
à long terme des taux d’intérêt a été le principal moteur
d’une hausse équivalente des taux d’endettement et du prix
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L’autre côté de la médaille
Les critiques simplistes du ratio d’endettement des
ménages au Canada ont aussi tendance à négliger un
facteur très important : il y a toujours deux côtés à une
médaille. Bien sûr, les ménages canadiens ont des dettes
évaluées à 1,5 fois leurs revenus disponibles annuels.
Toutefois, ils ont des actifs évalués à 7,5 fois ces revenus. En
d’autres termes, ils ont beaucoup plus d’actifs que de dettes
(figure 4) et cet écart, qui constitue leur valeur nette,
continue à croître.
Répartition de la dette
Jusqu’à maintenant, notre analyse s’est surtout concentrée
sur les moyennes. Cependant, le ménage moyen ne déclare
jamais faillite, n’omet pas de faire les versements sur un
prêt et le soutien principal de la famille ne tombe jamais
au chômage. Ce sont des ménages particuliers qui doivent
affronter de tels problèmes. Dans la présente section, nous
entreprendrons une analyse de données plus fragmentées
pour porter plus d’attention aux groupes à risque.
160
16
Ratio d'endettement des ménages (g.)
Taux d'intérêt sur 5 ans (d.)
140
13
120
10
100
7
80
1990
Taux d'intérêt sur 5 ans (en %)
Ratio d'endettement des ménages
(en %)
Fondamentalement, ce n’est ni dans l’intérêt de
l’emprunteur ni dans celui du prêteur d’effectuer des
opérations qui occasionneraient des difficultés financières
pour l’une ou l’autre des parties. Un tel principe n’est
toutefois certainement pas à toute épreuve, comme en
témoigne la débâcle de l’immobilier aux États-Unis. En
effet, les créances avaient été incluses dans des opérations
de titrisation obscures qui ont permis de refiler des prêts
douteux à des investisseurs sans méfiance. De plus, les
emprunteurs avaient mal évalué le risque lié à la baisse
du prix des propriétés et les modalités de leurs emprunts
hypothécaires à haut risque. Dans un contexte normal,
comme dans le contexte canadien, les prêteurs se limitent
à prêter à ceux qui ont, de manière réaliste, les moyens de
rembourser leurs emprunts. À moins d’une perturbation
économique majeure, les difficultés financières pour
les emprunteurs sont, dans un tel cas, plutôt rares.
Figure 3 : La chute des taux a entraîné une hausse de
l’endettement
4
1995
2000
2005
2010
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 4 : La richesse des ménages est toujours élevée au Canada
6.5
Actifs/passifs des ménages
des propriétés (figure 3). Bien qu’aujourd’hui le prix moyen
des propriétés soit de 6,5 fois le revenu personnel par
habitant, contre seulement 3,8 fois en 1980, les versements
hypothécaires mensuels sont maintenant plus abordables.
Chaque baisse de un point de pourcentage des taux
d’intérêt permet de supporter une hausse d’environ 10 % du
prix des propriétés. Le coût d’emprunt est vraiment
le facteur déterminant.
6.0
5.5
5.0
Malgré une diminution du ratio des
actifs sur les passifs, les
Canadiens ont toujours 5,1 fois
plus d'actifs que de passifs
4.5
1990
1995
2000
2005
2010
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Trente pour cent des ménages canadiens n’ont pas de dette.
Une autre tranche de 35 % a une dette minimale de 50 000 $
ou moins. C’est encourageant. Seul le dernier tiers assume
une lourde dette (figure 5). Dans ce dernier tiers, beaucoup
de ménages ont des dettes d’environ trois, quatre, voire
cinq fois leur revenu annuel. Ces ménages ne sont pas
nécessairement si dépensiers qu’il n’y paraît à première
vue : un ménage qui dispose d’un revenu moyen et qui
achète une maison à un prix moyen se retrouve
instantanément avec un ratio d’endettement avoisinant
350 %, en plus de tout solde impayé de ses prêts d’études,
de ses prêts-auto et de ses cartes de crédit. De nos jours, il
n’est pas difficile pour un ménage d’avoir un ratio
d’endettement de 400 %.
Un ménage affichant un tel ratio d’endettement n’est
pas non plus nécessairement en mauvaise posture,
tant qu’il est relativement jeune, qu’il est relativement
REPÈRES ÉCONOMIQUES | 3
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
Âge
En tête de peloton, au moins 82 % des ménages canadiens
âgés de 35 à 44 ans sont endettés, et leur dette s’élèverait en
moyenne à 135 000 $ par ménage. Selon d’autres sources,
ce chiffre pourrait être beaucoup plus élevé, ce qui n’est pas
étonnant. Beaucoup de jeunes ménages ont toujours des
prêts d’études, ont financé un mariage, subviennent aux
besoins de leurs enfants et ont acheté une maison et une
voiture. Heureusement, ils se rapprochent des années où
leurs revenus seront les plus élevés et la plupart pourront
réduire leurs dettes de manière importante au cours des
décennies suivantes. Lorsqu’ils atteignent 65 ans, seuls
50 % ont encore des dettes (figure 6) et celles-ci s’élèvent
en moyenne au montant plus modeste de 41 000 $. En
proportion du revenu, le fardeau est encore plus léger.
De plus, les emprunteurs d’un certain âge disposent
plus probablement d’une marge de crédit garantie, ce
qui signifie que des actifs garantissent leurs dettes, et
leur taux d’emprunt est plus bas. Malgré tout, des faits
indiquent que le fardeau s’alourdit. Au cours des cinq
dernières années, la proportion de personnes âgées
libres de dettes a chuté de manière importante et la
moyenne de ces dettes s’est accrue de près de 60 %. Le
coût peu élevé du crédit n’est pas passé inaperçu.
Revenu
La plupart des ménages endettés ont également tendance
à être ceux qui disposent des revenus les plus élevés. Il est
beaucoup moins probable que la moyenne des ménages à
faible revenu ait des dettes que la moyenne des ménages à
revenu élevé, et le montant de ces dettes est généralement
bien moindre. Les preuves à cet égard sont éloquentes.
Elles le sont toutefois considérablement moins lorsqu’il
4 | REPÈRES ÉCONOMIQUES
Dette par ménage (en $)
Figure 5 : 65 % des Canadiens ont peu ou pas de dettes
Sans
dette
30 %
Dette
< 50 000 $
35 %
Dette
> 50 000 $
35 %
24
30
36
Proportion de Canadiens selon le montant de leurs dettes
Source : Enquête Canadian Financial Monitor de Ipsos Reid
Figure 6 : Le cycle de vie de la dette
Ménages ayant une dette au
Canada (en %)
fortuné, qu’il dispose de revenus en trop, qu’il a des
perspectives d’emploi stable et que son revenu est
susceptible d’augmenter. Par chance, la plupart des
ménages et des prêteurs semblent tenir naturellement
compte de tels conseils. Il se peut que ces caractéristiques
ne soient pas toutes directement respectées. Toutefois,
des données empiriques établissent que ceux qui sont
les plus endettés sont aussi, selon la tendance, ceux qui
disposent d’actifs particulièrement importants, qui sont
plus jeunes que la moyenne et qui ont un revenu plus
élevé que la moyenne. Normalement, les deux derniers
éléments se traduisent respectivement par un potentiel
de hausse du revenu et des perspectives d’emploi stable.
90
82 %
75
60
50 %
45
30
15
0
35 - 44
Âge
65+
Source : Enquête Canadian Financial Monitor de Ipsos Reid
s’agit de déterminer si les ménages à faible revenu ont
aussi moins de dettes en proportion de leur revenu.
Une étude de l’OCDE qui emploie des microdonnées
de 2005 démontre que le ratio médian d’endettement
des ménages pour les Canadiens dont le revenu se situe
dans le dernier quintile est, remarquablement, dix fois
plus petit que celui des personnes dont le salaire se
situe dans le quintile intermédiaire et, fait étonnant,
dix-huit fois plus petit que celui des Canadiens dont
le salaire est dans le quintile supérieur. C’est tout un
soulagement. Au contraire, des données basées sur un
sondage de 2010 montrent que les ratios d’endettement
des ménages au Canada, du moins pour les ménages qui
ont des dettes, sont plus ou moins proportionnels selon
les fourchettes de revenus. Il n’est pas évident de savoir
quoi penser de ces données contradictoires, même si
l’on tient compte des différences de méthodologies.
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Dans l’ensemble, il est rassurant de savoir que la plupart
des Canadiens semblent tout naturellement limiter leurs
emprunts en fonction de leurs moyens. Aucun groupe
démographique n’est dans une situation manifestement
intenable. Cependant, des indices révèlent que les finances
des ménages commencent à être dans une situation moins
favorable au sein de certains groupes à risque, comme
les personnes âgées et les personnes à faible revenu, ce
qui présente un risque, surtout si les taux augmentent.
L’accessibilité à la propriété en perspective
Le marché du logement a joué un rôle majeur dans la
formation de la dette, puisqu’il constitue le passif des
ménages qui croît le plus rapidement et qui est le
plus important.
Le contexte canadien est truffé de prophéties non
réalisées d’effondrement imminent du marché du
logement. Évidemment, celui-ci n’a toujours pas fait
l’objet d’une correction. Comment a-t-on pu éviter une
correction ? Pour le comprendre, mieux vaut aborder
le concept d’accessibilité à la propriété de la même
manière que les acheteurs. Il ne s’agit pas d’envisager le
prix absolu d’une propriété, mais plutôt de savoir si les
versements mensuels pourront ou non s’insérer dans
le budget d’un ménage. Et, surtout grâce aux faibles
coûts d’emprunts, ils peuvent généralement l’être.
Figure 7 : Écart d’accessibilité à la propriété à court terme au
Canada
% d'écart par rapport à la juste valeur
Bien que les ménages bien nantis aient la plus grande part
de dettes, ils ont aussi fort probablement plus d’actifs pour
y faire face, deux revenus pour servir de tampon en cas de
perte d’emploi et des taux d’intérêt moins élevés puisqu’ils
favorisent les dettes garanties et se tiennent loin des cartes
de crédit. Les ménages les plus pauvres sont sans doute
encore ceux qui s’inquiètent le plus, puisqu’ils consacrent
habituellement une plus grande partie de leur salaire aux
coûts relatifs à l’habitation et, par conséquent, ont moins
de marge de manœuvre lorsque les coûts d’emprunt
augmentent. De plus, leur niveau d’endettement
est celui qui a connu la croissance la plus rapide, en
hausse de 47 % au cours des cinq dernières années.
60
40
Fixe
Le prêt hypothécaire à taux fixe
est légèrement plus cher
Variable
Faible accessibilité à
la propriété
20
0
-20
-40
Bonne
accessibilité à la
propriété
Le prêt hypothécaire
à taux variable est légèrement moins cher
-60
1985 1987 1990 1992 1995 1997 2000 2002 2005 2007 2010
Remarque : Calcul des frais actuels de possession d’une propriété par rapport à la
norme historique.
Sources : ACI, Statistique Canada, RBC GMA
historique2. Pour un emprunt hypothécaire à taux variable,
nous calculons que le versement mensuel sur un nouvel
emprunt est, en fait, trop bas de 8 %, ce qui revient à dire
que ceux qui obtiennent des emprunts hypothécaires
à taux variable trouvent encore que les valeurs des
propriétés sont assez abordables (quoique beaucoup moins
qu’au printemps 2009, à l’époque où les valeurs étaient
de 38 % moins élevées que la normale). Ces résultats
étonnants expliquent en grande partie l’enthousiasme
soutenu pour l’achat de propriétés, même si les prix ont
augmenté. Les propriétés ne sont pas si chères en ce
moment selon les paramètres importants (figure 7).
Accessibilité à long terme
Bien sûr, les taux d’intérêt ne seront pas toujours
incroyablement bas et le principal changement qui se
profile à l’horizon est la hausse des coûts d’emprunt par
l’intermédiaire de la Banque du Canada. Notre mesure
de l’accessibilité se fonde sur les frais de possession
mensuels et ceux-ci se détérioreront inévitablement une
fois que les taux d’intérêt commenceront à progresser.
Dans l’hypothèse d’un retour à des taux hypothécaires
normaux (la moyenne de 1995 jusqu’à ce jour), nous
calculons que l’accessibilité à long terme sera bien
pire que l’accessibilité à court terme (figure 8).
Accessibilité à court terme
Nous estimons que, pour un emprunt hypothécaire à
taux fixe, le versement mensuel moyen sur un nouvel
emprunt n’est pas plus de 5 % plus élevé que la norme
2
Reste à savoir si nos calculs relatifs à l’accessibilité sont trop optimistes ou trop
pessimistes. Nous utilisons le revenu disponible moyen par personne active, le prix
moyen d’une propriété, un acompte de 25 %, une période d’amortissement de 25
ans et un taux hypothécaire moyen. L’hypothèse relative à l’acompte est peut-être
légèrement généreuse étant donné le comportement des dernières années, mais
celle relative à la période d’amortissement est quelque peu frugale, ce qui finit
par s’annuler. Ces données liées à l’accessibilité sont comparées aux moyennes
enregistrées depuis 1985.
REPÈRES ÉCONOMIQUES | 5
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
Les moyennes nationales peuvent parfois cacher des
divergences sur le plan régional, particulièrement dans les
marchés les plus dynamiques comme Vancouver et Toronto.
De notre point de vue, ce n’est pas par hasard que certaines
des plus grosses villes au Canada soient celles qui ont la
pire accessibilité. Et c’est une caractéristique commune
sur le plan mondial. Elle reflète l’attrait qu’exercent les
grandes villes pour des raisons économiques, culturelles
et familiales. Par conséquent, il n’est pas étonnant
que l’endettement des ménages ait tendance à être
plus important en Alberta, en Colombie-Britannique
et en Ontario. Est-il possible que certains marchés du
logement dans ces provinces aient trop progressé ?
Vancouver
Le prix des propriétés de Vancouver a affiché une hausse
effarante de 23 % au cours de la dernière année, ce qui
n’est qu’une poursuite d’une tendance démesurée. Sans
surprise, l’accessibilité en a souffert. Même aux taux
d’intérêt actuels, les frais de possession sont de 30 %
supérieurs à la norme historique pour un emprunt
hypothécaire à taux fixe et de 22 % pour un prêt
hypothécaire à taux variable. Les prévisions d’accessibilité
lorsque les taux d’intérêt se seront normalisés sont encore
plus sombres : les prix des propriétés de Vancouver seront
de 40 % trop élevés pour les emprunts à taux fixe et de
38 % trop élevés pour les emprunts à taux variable.
Vancouver est, sans conteste, un marché où les prix
sont extraordinairement élevés. Une certaine prime est
sans doute justifiée par la beauté de la ville, son climat
attrayant, sa superficie limitée et les investissements
asiatiques. Notre méthodologie tient toutefois déjà
compte, indirectement, de ces facteurs : elle fait la
comparaison entre les frais de possession d’une propriété
à Vancouver par rapport à la norme historique de
Vancouver, et non pas par rapport à l’échelle nationale.
Même lors des meilleures années, les Vancouvérois
devaient déjà débourser 50 % de plus que les autres.
6 | REPÈRES ÉCONOMIQUES
% d'écart par rapport à la juste valeur
Accessibilité régionale
Figure 8 : Écart d’accessibilité à la propriété à long terme au
Canada
Fixe
50
Variable
40
Les prêts hypothécaires à
taux fixe et à taux variable
sont assez chers
30
Faible accessibilité
à la propriété
20
10
0
-10
Bonne
accessibilité
à la propriété
-20
-30
-40
1985 1987 1990 1992 1995 1997 2000 2002 2005 2007 2010
Remarque : Calcul des frais de possession d’une propriété une fois que les coûts
d’emprunt sont revenus à un niveau normal par rapport à la norme historique.
Sources : ACI, Statistique Canada, RBC GMA
Figure 9 : Le prix des propriétés de Vancouver augmente plus
rapidement dans le premier quintile
Hausse du prix des propriétés en
2009 - 2010 (en %)
C’est là le problème. Pour un emprunt hypothécaire
à taux fixe, un retour aux coûts d’emprunt normaux
historiques rendrait les propriétés 18 % trop chères pour
les nouveaux acheteurs. Pour un emprunt hypothécaire
à taux variable, elles seraient 14 % trop chères.
30
24
18
Propriétés isolées
Copropriétés
26 %
21 %
15 %
12 %
12
10 %
4%
6
0
Propriétés
moyennes
Propriétés dans le
premier quintile
Autres
propriétés
Source : Urban Futures
Toutefois, l’étendue de la surévaluation du prix des
propriétés à Vancouver est probablement exagérée. Des
anecdotes récentes et des données empiriques (qui datent
légèrement) confirment une déviation du marché du
logement de Vancouver. Les prix des propriétés ont dépassé
la stratosphère pour les 20 % des propriétés se trouvant
dans le quintile supérieur, mais pour les 80 % restants, les
prix sont demeurés à des niveaux plus raisonnables. Par
exemple, le prix moyen des copropriétés de Vancouver a
augmenté de 12 % entre 2009 et 2010. Toutefois, les prix
des copropriétés du quintile supérieur ont augmenté de
26 %, alors que ceux des 80 % restants n’ont progressé que
de 4 %. De la même manière, pour les propriétés isolées,
le gain moyen entre 2009 et 2010 s’est chiffré à 15 %.
Cependant, les prix des propriétés du quintile supérieur
ont augmenté de 21 %, alors que ceux des 80 % restants ont
affiché une progression plus raisonnable de 10 % (figure 9).
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
Dans l’ensemble, le marché du logement de Vancouver
paraît assez survolté. Même en excluant les propriétés
du quintile supérieur, l’accessibilité est bien pire que
dans le reste du pays et semble s’être détériorée plus
rapidement. Un écart d’accessibilité important et croissant
demeure dans la ville et devrait être perçu comme
un présage pour le reste du pays. Peu importe ce qui
arrive dans celui-ci, Vancouver devrait mener le bal.
Toronto
Par chance, le marché du logement de Toronto ne
semble pas aussi débridé que celui de Vancouver. Il est
vrai que les prix des propriétés ont progressé de 9 %
au cours de la dernière année. Toutefois, l’accessibilité
compte tenu des coûts d’emprunt actuels est plutôt
normale. Les propriétés sont 7 % trop chères dans le cas
d’un emprunt hypothécaire à taux fixe et 4 % trop bon
marché dans le cas d’un emprunt hypothécaire à taux
variable. Bien sûr, l’accessibilité à long terme est bien
pire, puisque la hausse des taux d’intérêt se traduira par
des prix qui deviennent 21 % trop élevés pour les taux
fixes et 18 % trop élevés dans le cas des taux variables.
Calgary et Edmonton
Calgary et Edmonton sont souvent considérées comme
d’autres endroits à problèmes éventuels au sein du
marché du logement canadien. Les deux villes sont
passées par les cycles classiques d’expansion suivie d’un
effondrement au cours des dernières années, suivant le
sort du pétrole et du gaz. Globalement, les constatations
qui s’appliquent à Toronto s’appliquent aussi à ces villes.
Les prix des propriétés sont peut-être légèrement trop
élevés actuellement, mais devraient être beaucoup trop
élevés une fois que les taux d’intérêt augmenteront.
Conséquences
Les prix des propriétés ne peuvent manifestement pas
augmenter beaucoup plus ; ce sera du moins le cas une
fois que les taux auront entrepris leur ascension. Dans
le meilleur des cas, il y aura une stagnation de plusieurs
Figure 10 : Prix des propriétés existantes au Canada
Prix des propriétés existantes
(en milliers de dollars)
Mais il ne s’agit que d’une mince consolation, car
le marché des propriétés de luxe est sans doute le
moins vulnérable aux hausses de taux. En effet,
une partie disproportionnée de ces propriétés sont
achetées comptant et les emprunteurs fortunés
disposent habituellement d’un surplus de revenu.
400
Au mieux, le prix des propriétés sera stable au
cours des prochaines années ; au pire, il
pourrait subir un léger recul
300
200
100
1990
1995
2000
2005
2010
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
années alors qu’une croissance du revenu fera rétrécir
graduellement l’écart d’accessibilité. Il est tout aussi
probable qu’un déclin modéré de 10 % ou moins survienne,
scénario qui sera d’autant plus plausible si les prix
continuent à augmenter jusqu’à la première hausse
de taux (figure 10).
Il est cependant peu probable que le marché du logement
se fissure de lui-même, car les frais de possession
actuels sont supportables sur le plan national et sont
très différents de ce qu’ils étaient à la fin des années
1980, alors qu’une très faible accessibilité à la propriété
a entraîné un déclin sur plusieurs années. La hausse des
taux d’intérêt sera le catalyseur, et plus elle sera retardée,
pire sera le problème de l’accessibilité dans le futur.
Entre-temps, l’introduction, petit à petit, de réformes
réglementaires sur le marché du logement au cours
des dernières années a légèrement freiné le marché.
Tests de solidité financière des ménages
Nous ajustons maintenant notre microscope à la plus haute
définition pour examiner les difficultés qu’affronteront
les ménages dans un contexte de hausse des coûts
d’emprunt. Plusieurs sources fournissent des données
utiles et appréciées, notamment la Revue du système
financier de la Banque du Canada, diverses publications
de l’Association canadienne des conseillers hypothécaires
accrédités (ACCHA), l’enquête Canadian Financial
Monitor de Ipsos Reid et une panoplie de publications
de Statistique Canada, de la Banque des Règlements
Internationaux, du Fonds monétaire international et de la
Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
REPÈRES ÉCONOMIQUES | 7
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
Comment se fait-il qu’autant de Canadiens puissent
absorber une hausse de taux sans être passablement
accablés ? D’abord, la plupart des ménages canadiens
disposent d’une certaine marge de manœuvre, sous la
forme d’un écart entre leurs revenus et leurs dépenses, et
peuvent donc supporter une hausse des coûts d’emprunt.
Deuxièmement, la majorité de ceux qui détiennent
actuellement un emprunt hypothécaire ont un taux fixe
et ne seront pas du tout touchés par ces hausses avant
plusieurs années. Troisième, il ne faut jamais sous-estimer
l’effort que les gens peuvent faire pour éviter d’être en
défaut de paiement ou de devoir déménager, y compris
renégocier les modalités de leur emprunt hypothécaire,
faire un meilleur budget, emprunter à la famille ou trouver
un deuxième emploi (ou faire travailler un deuxième
membre du ménage). Finalement, le spectre d’un déclin du
prix des propriétés est sans importance pour la question
des tests de solidité financière des ménages : il n’a aucun
effet sur l’accessibilité pour les propriétaires existants, mais
il a de bons côtés pour les futurs acheteurs. Ce sont plutôt
les titulaires d’emprunts hypothécaires à taux variable et les
récents acheteurs qui devront en subir les conséquences.
Excédent de capacité
La plupart des ménages qui ont un emprunt hypothécaire
peuvent se permettre de payer plus qu’ils ne le font.
Au cours de la dernière année, 25 % des titulaires d’un
emprunt hypothécaire ont augmenté leurs versements
mensuels habituels et 24 % ont effectué un versement
forfaitaire. De plus, pour environ 60 % des emprunteurs,
les versements mensuels étaient beaucoup plus élevés que
3
À notre avis, le taux de croissance du revenu pourrait être plus rapide que les prévisions de la Banque du Canada, mais une hausse des taux d’emprunt pourrait l’être
aussi (la Banque du Canada utilise des prévisions basées sur le marché qui sont
extrêmement prudentes). Les facteurs s’annulent entre eux, ce qui signifie que les
estimations finales sont probablement très près de la réalité.
8 | REPÈRES ÉCONOMIQUES
Figure 11 : Test de résistance des ménages à l’endettement
% des ménages dont le fardeau de la
dette est critique
La Banque du Canada estime que le pourcentage des
ménages canadiens qui sont dans une situation critique,
soit ceux qui consacrent plus de 40 % de leur revenu brut
au service de la dette, passera d’environ 6,4 % actuellement
à 7,5 % au milieu de 20133. Selon une simulation de
l’ACCHA, qui se concentre sur les nouveaux venus sur le
marché hypothécaire, nous calculons qu’une normalisation
des taux ferait passer ce pourcentage de 10,9 % à 12,4 %
dans ce sous-groupe particulièrement vulnérable. Les deux
estimations révèlent des hausses importantes (figure 11)
et placent plus de Canadiens dans une situation difficile,
mais aucune ne prédit une catastrophe économique.
15
12
12,4 %
Maintenant
10,9 %
Prévisions
7,5 %
9
6,4 %
6
3
0
Ensemble
des ménages
Nouveaux venus sur le
marché hypothécaire
Remarque : L’ensemble des ménages est la portion des ménages qui consacre plus de
40 % de leurs revenus bruts au service de la dette.
Les nouveaux venus sont la portion des nouveaux venus sur le marché hypothécaire
qui consacrent plus de 40 % de leurs revenus bruts au service de la dette et aux
impôts fonciers.
Sources : Banque du Canada, ACCHA, RBC GMA
le minimum requis, ce qui leur donne la possibilité de les
réduire si nécessaire. Étonnamment, il a fallu en moyenne
les deux tiers du temps initialement prévu pour rembourser
un emprunt hypothécaire entre 1990 et 2011, ce qui illustre
la magie des hausses de revenus (et, pour être honnête, un
déclin durable des taux d’intérêt qui ne se répétera pas).
Par le passé, les titulaires d’emprunts hypothécaires ont
dépensé une plus petite part de leurs revenus en frais de
logement que l’ont fait les locataires, ce qui donne une idée
de l’excédent de capacité dont ils disposent4. Les locataires
sont environ trois fois plus susceptibles d’être dans une
situation critique vis-à-vis du logement (définie comme
la portion de leurs revenus attribuée au logement) que les
propriétaires. Sans surprise, presque la totalité du faible
nombre de propriétaires qui déclarent être dans une telle
situation critique a un revenu qui se situe dans le dernier
quintile. La plupart des propriétaires dont les revenus
se situent dans la moyenne ou au-dessus de celle-ci
disposent d’une marge de manœuvre plus que suffisante.
Fait intéressant, même ceux qui ont des revenus plus
faibles ne se trouvent souvent que temporairement dans
une situation critique. D’après des données de 2002 à
2004, moins de la moitié de ceux qui ont des revenus
se situant dans le dernier quintile devait assumer des
frais de logement élevés pendant ces trois années.
4
Étant donné qu’une partie d’un versement hypothécaire est, en fait, de l’épargne
forcée (évitant ainsi d’avoir à épargner autant par d’autres moyens), c’est doublement vrai : les titulaires d’un emprunt hypothécaire pourraient, théoriquement, se
permettre de consacrer, sur une longue période, une plus grande part de leur revenu à
leur logement que les locataires.
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
Les risques sont bien maîtrisés pour les deux tiers des
Canadiens titulaires d’un emprunt hypothécaire à taux fixe.
Si l’on présume qu’ils ont une échéance normale de cinq
ans, la grande majorité de ceux dont l’emprunt doit être
renouvelé au cours des trois prochaines années profiteront
d’une réduction des coûts d’emprunt, ce qui est conforme à
ce qui s’est passé au cours des deux dernières années, alors
que 77 % des renouvellements se sont soldés par un taux
d’intérêt plus bas en moyenne de 80 points de base. Ceux
dont l’emprunt vient à échéance à compter de 2015 sont
plus susceptibles de se retrouver avec un taux mensuel plus
élevé. Toutefois, il s’agit d’un fait a) plutôt éloigné et encore
plutôt fondé sur des suppositions ; b) qui sera atténué
par trois années de hausses de revenus des ménages.
Figure 12 : Hiérarchie des risques sur le marché hypothécaire
Nouveaux prêts
hypothécaires à
taux variable
LA HAUSSE DES RISQUES DÉCOULE
DE LA HAUSSE DES TAUX
Hypothèques à taux fixe
Hypothèques à taux variable
Le risque est plus grand et plus imminent pour les 35 %
de Canadiens qui détiennent un emprunt hypothécaire
à taux variable (figure 12). Évidemment, leurs coûts
d’emprunt augmenteront plus facilement lorsque les
taux d’intérêt entameront leur hausse. Mais même là, les
risques sont plus nuancés. Une part assez importante
de ces emprunteurs ne devra pas immédiatement faire
face à une augmentation de leurs coûts d’emprunt,
puisque l’un des produits hypothécaires populaires
permet de conserver les versements mensuels initiaux
en compensant la progression du versement lié aux
intérêts par une réduction du versement lié au capital.
La plupart de ceux qui ont ce type d’emprunt l’ont
contracté alors que les taux étaient élevés. Une hausse
de ceux-ci ne signifiera donc qu’un simple retour à un
versement d’un montant qu’ils pouvaient déjà assumer
auparavant. En ce moment, les emprunts hypothécaires à
taux variable sont moins chers que ceux à taux fixe, ce qui
veut dire qu’au début, la hausse des versements mensuels
ne fera qu’égaliser les coûts avec ceux des emprunts à taux
fixe. Nous avons déjà établi que la plupart des titulaires
d’un emprunt hypothécaire disposaient d’une marge de
manœuvre en cas d’accroissement du versement mensuel.
Finalement, la grande majorité des propriétaires canadiens
possède une valeur nette importante de leur propriété
(en moyenne près de 50 %) et pourrait tout simplement
la vendre et en acheter une moins chère si le financement
mensuel devenait vraiment trop élevé. Le défaut de
paiement et la faillite ne sont pas vraiment les premières
options qui s’offrent au petit nombre de ménages qui ne
Nouveaux prêts
hypothécaires à
taux fixe
Prêts
hypothécaires
à taux variable
préexistants
Prêts
hypothécaires
à taux fixe
préexistants
Source : RBC GMA
pourraient assumer leurs nouveaux versements
hypothécaires.
Nouveaux acheteurs
Le risque est manifestement plus grand pour les
nouveaux acheteurs, et ce, pour plusieurs raisons. En
moyenne, ils sont au début de leur carrière et leurs
revenus n’ont pas encore atteint leur maximum. Au
début, ils ont souvent une valeur nette immobilière
peu élevée, puisqu’ils n’ont pas payé un acompte
important et qu’ils n’ont pas encore fait beaucoup de
versements. De plus, ils n’ont pas encore bénéficié de
la hausse des prix des propriétés. Leur endettement en
est probablement au point le plus élevé à vie. Le groupe
le plus récent a également favorisé les emprunts à taux
variable contrairement aux générations précédentes. Tous
ces facteurs font en sorte que les nouveaux acheteurs
sont particulièrement vulnérables aux hausses de taux
d’intérêt et aux baisses des prix des propriétés.
Même là, la situation n’est pas aussi critique qu’elle
en a l’air à première vue. Il est vrai qu’environ 3 % des
REPÈRES ÉCONOMIQUES | 9
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
Canadiens titulaires d’un emprunt hypothécaire ont une
valeur nette négative, tandis que 10 % ont une valeur nette
qui se chiffre entre 0 et 15 %. Ces emprunteurs pourraient
donc être sensibles à une correction importante des prix
des propriétés. Les récents acheteurs seraient les plus
touchés. Cependant, une valeur nette immobilière négative
n’a, en soi, que des conséquences limitées. En effet, elle
n’a pas d’incidence sur le versement mensuel. Il est aussi
difficile pour les Canadiens, du point de vue de la loi,
d’abandonner leur emprunt hypothécaire et leur propriété.
L’accessibilité à la propriété de ceux qui détiennent
un emprunt à taux fixe sur 5 ans ne sera pas touchée
par la montée des taux pendant la majeure partie
de ces cinq années. Ensuite, les hausses du revenu
nominal et l’accroissement de la valeur nette devraient
résoudre la majeure partie des problèmes.
Le groupe le plus à risque se compose sans aucun
doute des ménages titulaires d’un nouvel emprunt
hypothécaire à taux variable (figure 13). Ils bénéficient
d’une valeur nette minimale et doivent composer avec
des coûts d’emprunt élevés. Toutefois, les risques sont
probablement surestimés. Premièrement, étant donné
la récente approbation de leur emprunt hypothécaire,
leur situation d’emploi et leur situation financière sont
probablement très saines. Deuxièmement, dans le
processus d’approbation hypothécaire, leur capacité à
assumer le service de la dette est vérifiée directement
à l’aide d’une variété de critères de revenu. Ces critères
incluent un coussin pour assurer une protection contre les
événements néfastes comme les augmentations de taux,
ce qui veut dire que le groupe des nouveaux acheteurs
peut supporter au moins une hausse modérée des coûts
d’emprunt. Troisièmement, en raison d’une modification
de la réglementation en 2010, ceux qui demandent un
emprunt hypothécaire à taux variable doivent d’abord
obtenir une approbation pour le taux fixe sur 5 ans en
vigueur. Dans le contexte actuel, cette approbation
garantit la capacité d’assumer une hausse d’au moins
100 points de base des coûts d’emprunt. Quatrièmement,
l’acompte minimal a été porté à 5 % de la valeur de la
propriété il y a déjà plusieurs années, ce qui procure une
protection additionnelle contre une valeur nette négative.
L’état de la solidité financière
Les arguments qui précèdent laissent entendre que le
risque de hausse des taux d’intérêt est supportable pour
10 | REPÈRES ÉCONOMIQUES
Figure 13 : Évaluation du risque pour les nouveaux titulaires d’un
prêt hypothécaire à taux variable*
MAUVAISES NOUVELLES
BONNES NOUVELLES
• Exposition à la hausse des coûts
d’emprunt
• La plupart des titulaires d’un prêt
hypothécaire ont une certaine
marge de manœuvre pour
assumer des versements plus
élevés
• Valeur nette initiale peu élevée
• Revenu du ménage plus bas que
la moyenne
• Endettement au point le plus
élevé dans la vie
• Les versements sont actuellement
moindres que ceux des titulaires
d’un prêt hypothécaire à taux fixe
• Une valeur nette peu élevée n’a
qu’une incidence limitée sur
l’accessibilité
• L’approbation hypothécaire est
récente ; donc, les revenus sont
suffisants et les finances, en
santé
• L’examen de la demande a été
fait d’après le coût d’un prêt
hypothécaire à taux fixe plus
élevé ; donc, les titulaires peuvent
assumer une hausse des taux
.
* Dans un contexte de hausse des coûts d’emprunt
Source : RBC GMA
la grande majorité des Canadiens. Vancouver constitue
probablement une exception marquante, puisqu’elle
semble dans une situation assez effervescente et comporte
un potentiel de baisse beaucoup plus important.
Il est inévitable que les taux de défaillance sur les
emprunts hypothécaires augmentent modérément
par suite d’un ralentissement du marché du logement,
tout comme des paramètres comme le taux de faillites
personnelles. Une partie des pertes sera refilée aux
prêteurs. Toutefois, en raison de la manière dont le
marché hypothécaire est construit au Canada, le secteur
bancaire lui-même devrait être remarquablement protégé
des conséquences directes d’une telle évolution. D’une
part, les grandes banques canadiennes exercent leurs
activités à l’échelle nationale et sont donc mieux protégées
contre les chutes rapides de marchés particuliers.
D’autre part, tout prêt hypothécaire pour lequel la mise
de fonds est de moins de 20 % est assuré par la SCHL (ou,
plus rarement, par un assureur privé) et, par conséquent,
les pertes qui en découlent sont en grande partie assumées
par la SCHL plutôt que par les banques. Loin d’être
une répétition des événements dramatiques entourant
Freddie Mac et Fannie Mae aux États-Unis, la SCHL
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
Les organismes de réglementation méritent des éloges
pour leurs modifications, au cours des dernières années,
de la réglementation relative aux prêts hypothécaires,
puisque ces étapes ont permis d’atténuer les risques.
Cependant, ils pourraient en faire davantage. Toutes les
nouvelles demandes de prêts hypothécaires devraient non
seulement faire l’objet d’une vérification à l’aide d’un taux
fixe sur 5 ans, mais aussi à l’aide du taux fixe historique
normal sur cinq ans, voire à l’aide du taux en vigueur
majoré de quelques points de pourcentage. Par ailleurs,
les seuils de service de la dette employés pour établir si
le revenu est suffisant (ratio d’endettement brut et ratio
d’endettement total) devraient être légèrement plus bas
pour laisser une marge de manœuvre supplémentaire
en cas de hausse des taux ou de diminution du revenu.
Conclusion
Banque du Canada
La Banque du Canada est sans doute un peu en retard
pour resserrer sa politique monétaire (figure 14). Ce
commentaire s’appuie à la fois sur le niveau des prix
des propriétés et l’ensemble de l’économie. Dans les
deux cas, l’erreur fondamentale a été de sous-estimer
l’attrait exercé par le crédit à bas prix, lequel est demeuré
inchangé au Canada au pire de la crise du crédit, même
quand cet attrait s’est volatilisé aux États-Unis.
Le fait que la croissance du crédit des ménages a ralenti
ne signifie pas que le problème a été correctement
résolu. Le crédit augmente plus lentement parce
que les ménages se heurtent aux limites de ce qu’ils
peuvent se permettre. Le crédit hypothécaire, quant
à lui, ne ralentit presque pas, car les Canadiens
tiennent à tout prix à profiter des taux d’emprunt
exceptionnels et de la hausse des prix des propriétés.
Il existe une croyance populaire selon laquelle la
Banque du Canada ne peut pas se permettre de relever
les taux d’intérêt, car une telle mesure aurait un effet
trop néfaste pour les titulaires de prêts hypothécaires.
En réalité, c’est le contraire qui est vrai. La Banque du
Figure 14 : Taux cible des fonds à un jour de la Banque du Canada
5
4
La Banque du Canada
commencera probablement
bientôt à augmenter ses
taux d'intérêt
3
%
demeure bien capitalisée et profite de la reconnaissance
totale explicite du gouvernement du Canada. Dans le
pire des cas, le gouvernement pourrait transférer des
fonds à la SCHL, comme au début des années 1980.
Les risques systémiques sont donc assez faibles.
2
1
0
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Sources : Banque du Canada, RBC GMA
Canada ne peut se permettre de repousser les hausses
de taux d’intérêt pour exactement la même raison. Plus
la Banque attend, plus les emprunteurs dont la situation
est à la limite entreront sur le marché et seront frappés
de plein fouet lorsque les taux augmenteront, et plus
les prix des propriétés continueront de progresser audessus du point d’équilibre, avant de chuter par la suite.
Des règles macroprudentielles devraient normalement être
prévues pour maintenir le marché du logement au centre
et laisser la banque centrale en périphérie. Cependant, les
taux d’intérêt sont si anormalement bas que les effets d’un
cadre réglementaire plus strict ont été presque entièrement
occultés par l’attrait des faibles coûts d’emprunt. Même si
l’on est d’accord avec le fait que les banques centrales ne
devraient pas s’occuper de cibler les bulles d’actifs, il est
tout aussi vrai qu’elles ne devraient pas les occasionner
en premier lieu, ce qui est sans doute le cas ici.
Conséquences économiques
En ce moment, le marché du logement du Canada
contribue à la robustesse de l’économie et, pour l’instant,
représente un risque de hausse de la croissance. Toutefois,
une fois que les taux auront commencé à augmenter dans
un futur relativement peu éloigné, il devrait se transformer
en un puissant frein, ce qui aura plusieurs conséquences.
Selon nos calculs, les dépenses des consommateurs
devraient ralentir de manière importante. Les
ménages devront réallouer une partie de leur revenu
auparavant réservée aux dépenses et la consacrer aux
versements mensuels plus élevés sur leurs emprunts
(au rythme actuel, le ratio du service de la dette du
REPÈRES ÉCONOMIQUES | 11
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
À son tour, la croissance du PIB global devrait ralentir en
raison de la diminution de la croissance des dépenses
des consommateurs, d’un déclin des investissements
résidentiels (actuellement élevés) en proportion du PIB
(figure 15), de la réduction de la mobilité de la maind’œuvre et de la baisse des revenus du gouvernement
attribuables à l’immobilier. Il est peu probable que
ces événements provoquent carrément une récession
ou compromettent totalement la reprise économique
en cours, mais on devrait en ressentir les effets et
l’incidence devrait être passablement défavorable.
Répercussions sur le marché
Le but premier de la présente étude a été d’établir si
les placements canadiens sont grandement menacés
par l’endettement élevé des ménages. Il n’est pas
facile de répondre à cette question. En ce moment, les
ménages sont dans une bonne situation, mais celle-ci
pourrait se détériorer lorsque les taux augmenteront et
créer des problèmes d’accessibilité. Ces problèmes ne
semblent pas de nature systémique, ce qui signifie qu’ils
n’entraîneront pas une chute du secteur bancaire et qu’ils
ne menacent pas la viabilité de la reprise économique.
Toutefois, nous prévoyons que la croissance économique
s’en trouvera à coup sûr ralentie, ce qui fera perdre
12 | REPÈRES ÉCONOMIQUES
Figure 15 : Les investissements résidentiels se replieront vers un niveau normal
Écart en points de pourcentage par
rapport à la moyenne historique*
Canada excédera la moyenne historique au cours des
18 prochains mois et continuera sa progression par
la suite). Ils demanderont aussi moins de crédit en
raison de la hausse des coûts d’emprunt. Finalement,
la chute des prix des propriétés créera un effet
d’appauvrissement qui fera augmenter le taux d’épargne
personnelle pour compenser la perte de richesse.
2
Investissements résidentiels en proportion du PIB au Canada
1
0
-1
-2
1985
1990
1995
2000
2005
2010
* Moyenne : du T1-1981 au T1-2011
Sources : Statistique Canada, RBC GMA un peu de lustre aux actions canadiennes et modère
nos perspectives négatives envers les obligations.
Dans l’ensemble, nous maintenons des prévisions
optimistes prudentes relativement aux actions
canadiennes, puisque le secteur bancaire est bien protégé
et que le secteur des ressources devrait rester en grande
partie intact. Et ces deux secteurs constituent deux
principaux moteurs du marché canadien. Il est cependant
indéniable que certains secteurs, comme les ceux de la
consommation et du logement, tout particulièrement,
pourraient perdre de leur vigueur. Nos prévisions
relatives aux obligations sont modérément négatives,
mais surtout en raison des éventuelles hausses de taux
de la Banque du Canada qu’à cause d’inquiétudes liées
à la solvabilité du gouvernement ou des sociétés.
RBC GESTION MONDIALE D’ACTIFS
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