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Pour soutenir cette thèse nous nous plaçons dans le cadre de la théorie de l’équilibre institutionnel et
reprenons l’idée d’une trappe à sous-développement, d’un piège. Certain pays serait piégé par leur histoire ou
leur dépendance du chemin suivi
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.
En dehors des autres facteurs l’histoire détermine aussi les résultats économiques à travers d'autres
facteurs
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. De l'histoire d'une société dépendent sa technologie, le savoir-faire de ses masses laborieuses et ses
institutions. L'impact des événements passes ne s'amenuise pas toujours avec le temps. Parfois, ces événements
conditionnent un état stable particulier de l'économie.
L'histoire conditionne aussi les résultats à travers les croyances. Un exemple évident est celui des
anticipations (au moins en partie) projectives: le fait de s'attendre a ce que les gens se comportent a l'avenir
comme ils se sont comportés dans le passé. Cependant, même si les anticipations sont tout à fait rationnelles,
l'ombre de l'histoire peut rester vivace. Ainsi, par exemple, les révélations de la corruption ou des escroqueries
impliquant un certain nombre de dirigeants africains (Mobutu du Zaïre, Bokassa de la Centre Afrique, Bongo du
Gabon, Eyadema du Togo,…) ont dégradé la réputation de tout le continent africain. L’idée est qu’une telle
situation a amoindri la motivation de chaque dirigeant africain à se comporter honnêtement dans l'avenir. En
suivant Tirole (1996) nous suppose que la réputation d'un membre du groupe (par exemple un ministre au sein
d'un gouvernement africain) dépend de son propre comportement passé, et aussi, sachant que l'on scrute son
parcours avec attention, du comportement passé du groupe. Une révélation sur un comportement malhonnête,
dans le passé, de la part d'un membre quelconque du gouvernement, fera que tout agent mettra davantage de
temps pour gagner une réputation d'honnêteté. Ce qui réduira la motivation de l'individu à être honnête, et pourra
créer un cercle vicieux de corruption dans lequel « les nouveaux membres d'un gouvernement ou d’une
administration risquent de souffrir a cause du pèche originel de leurs ainés, bien après que ces derniers ne soient
plus là ».
Cette notion des pièges de sous développement n’est pas nouvelle, elle a émergé au tout début de la
littérature sur l’économie du développement, et est associée en particulier aux contributions initiales de Young
(1928), Rosenstein-Rodan (1943) et Nurkse (1953). Ensuite, cette hypothèse a été explorée par les analystes de
la croissance étudiant la notion de « clubs de convergence » à la suite des contributions empiriques
d’Abramovitz (1986) et de Baumol (1986). Enfin, elle est devenue à la mode, et est maintenant connue comme
l’hypothèse de « trappe à pauvreté » (Kraay et Radatz, 2005).
La tendance naturelle d’un pays ayant de mauvaises institutions est de toujours revenir vers la trappe de
pauvreté, même si de bonnes réformes ont été menées. Cette trappe à pauvreté trouve, dans notre schéma
institutionnaliste son origine dans ce qui ressemble à une trappe institutionnelle. Les institutions empêchent les
bonnes réformes de se développer. Ils pervertissent toutes les actions qui sont engagées dans le pays. Elles
corrompent.
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L’idée est que la valeur d'une variable dans le futur dépend de sa valeur dans le passe.
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Si l'histoire compte, c'est aussi parce qu'elle conditionne la confrontation aux modèles culturels, laquelle façonne les préférences. Des
changements intervenant dans la manière dont les membres d'une génération gagnent leur vie peuvent avoir une influence sur la génération
suivante, sur sa manière d'élever les enfants, sur l'éducation scolaire, sur les règles informelles d'apprentissage telles que le conformisme, sur
les modèles et sur les normes sociales.