La prépa pour tous A l'heure où s'ouvrent les admissions post-bac, les classes préparatoires écoles sont très demandées par les lycéens. Ils peuvent choisir une prépa technologique, qui est l'autre voie de l'excellence. « Vous êtes ici pour réussir vos concours ! » explique une professeure de droit devant une vingtaine d'élèves attentifs. Au lycée de la Venise verte, à Niort, Catherine Barré enseigne l'économie et le droit aux élèves de la classe préparatoire économique et commerciale voie technologique (ECT) : « Cette filière permet aux élèves titulaires d'un bac STMG (Sciences et techniques du management et de la gestion) de préparer en deux ans les concours aux grandes écoles de commerce » explique la professeure. Ouverte il y a une vingtaine d'années, cette CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles) permet à des élèves issus de filières moins prestigieuses de prétendre à des écoles réputées : « Le classement Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves) montre que l'ascenseur social ne fonctionne pas en France, explique Laurent Bayenay proviseur de l'établissement. Il était important de maintenir la prépa technologique ». Après avoir connu des difficultés de recrutement (dix-huit élèves en première années) les effectif de la prépa commerce de Niort sont repartis à la hausse avec vingt jeunes scolarisés en première année pour 2015-2016. Un recrutement très diversifié Créée à la fin des années 1970, les CPGE technologiques (voir cicontre) sont réservées à des détenteurs de bacs technologiques. Selon les filières les élèves préparent les concours aux grandes écoles de commerces, d'ingénieurs ou des écoles vétérinaires. « En prépa économique, il y a plusieurs voies différentes, explique Catherine Barré. Il y a la filière destinée exclusivement aux bacheliers scientifiques, une autre pour les élèves issus du bac ES (économique et social) enfin une division est réservée pour les détenteurs d'un baccalauréat STMG ». Ces trois branches de la filière économique et commerciale comportent des cours communs (culture générale, langues etc.) et des enseignements différents en fonction de la prépa où l'élève est inscrit. Et le recrutement de la prépa ECT de la Venise verte est très diversifié socialement et en taux de résultats : « J'avais entre treize et quatorze de moyenne générale en terminale, explique Anthony. J'ai choisi le lycée de la Venise verte pour avoir de bonne connaissance et pourquoi ne pas aller dans une grande école de commerce. » D'autres élèves confient avoir autour des 15 de moyenne au lycée. L'Onisep, (Office national d'information sur les enseignements et les professions) explique que cette filière est destinée aux bons bacheliers STMG ce qui peut s'apparenter à de l'élitisme. Laurent Bayenay s'en défend : « Je n'ai pas l'impression de former une élite. On a montré qu'on peut amener des élèves vers de grandes école de commerces sans qu'ils soient sortis de la cuisse de Jupiter ». Les élèves s'inscrivent dans la même ligne que leur proviseur : « Je trouve que c'est péjoratif de parler d'élite, explique Louis. Certains élèves de première année viennent de milieu moins favorisés. » Quoi qu'il en soit, les classes préparatoires technologiques affichent de bons résultats. Selon l'Aphec (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales), plus de 85% des élèves passé par les classes préparatoires économiques voie technologiques ont intégré des grandes écoles de gestion. "On avoisine les 100% de réussite, se félicite le proviseur de la Venise verte. Beaucoup de nos anciens élèves ont intégré des écoles de commerce prestigieuses comme l'IHECP de Paris. D'autres ont réussi à entrer à l'école de commerce de Lyon". Certains élèves d'ECT aspirent à de grandes carrières dans le monde de la finance : "J'aimerai bien aller dans une école renommée comme KEDGE à Bordeaux, annonce Anthony. Puis à l'avenir, je souhaite être agrégé d'économie pour devenir enseignant." D'autres ne souhaitent pas s'orienter vers le monde de l'économie : "J'ai choisi la prépa ECT pour aller à l'école de commerce de Toulouse, explique Victor. Mais c'est pour avoir un bagage de connaissance solide, car je souhaite devenir militaire." "Un système inégalitaire " François Garçon. Il est auteur d'Enquête sur la formation des élites publié en 2011 chez Perrin. Pourquoi vous insurgez vous contre les classes préparatoire ? Les CPGE témoignent d'une inégalité de traitement dans l'enseignement supérieur français. Un élève qui se présentera au concours des grandes écoles après trois années de licence sera moins bien préparé et aura moins de chance qu'un élève qui en deux ans de classe prépa a bénéficié d'un coaching personnalisé et d'un bachotage intensif. La classe prépa est un système inégalitaire qui couve des élèves qui sont déjà de très bons éléments. Qu'est ce qui ne fonctionne pas dans les classes prépas ? Le principal problème dans ce système, ce sont les professeurs. La majorité ne dispose pas du titre nécessaire pour travailler dans l'enseignement supérieur : le doctorat. L'obtention du doctorat passe par l'écriture d'une thèse qui suppose un repoussement de ses propres connaissances et aller en chercher de nouvelles. C'est différent de l'agrégation, où le candidat passe un concours devant un jury où il répète ce qu'il a appris. Vous reprochez au CPGE d'être trop coûteuses, pourquoi ? Il faut à tout prix supprimer le système des colles. En France, des profs dispensent 200 000 heures de colles et avec ce système, ils arrivent à dégager un treizième ou un quatorzième mois de salaire. Il faut donc stopper ce système qui privilégie des professeurs qui viennent gagner un supplément de salaire et non aider des élèves. Un parcours valorisant Apparue au XVIIIe siècle les classes préparatoires permettent de préparer des concours d'entrée aux grandes écoles. Réservées aux bacheliers scientifiques lors de leur création, les classes préparatoires aux grandes écoles se sont développées au cours du XXe siècle. Il existe trois filières générales (scientifique, économique et littéraire) et quatre filières technologiques (technologie et biologie, technologies et sciences industrielles, ECT et technologie et physique-chimie) furent créées à la fin des années 1970. L'objectif est de préparer les concours d'admissions des grandes écoles. En 2012, le ministère de l'enseignement supérieur soulignait que 82% des élèves passé par une prépa physique sont entrés en école d'ingénieur. Les CPGE sont appréciées des étudiants car elles offrent une formation qui permet aux bacheliers de ne pas se spécialiser trop vite. Les étudiants peuvent également obtenir des équivalences pour rentrer en troisième année d'université. Favoriser les favorisés ? Les CPGE sont les mauvais élèves parmi les filières accessibles aux élèves issus d'un milieu moins aisés. Selon le ministère de l'éducation nationale, 6,5% d'enfants d'ouvriers sont inscrits en classe prépa contre 50% d'enfants de cadres. Ces chiffres confortent les critiques qui décrivent les prépas comme des filières élitistes et discriminantes vis-àvis des moins aisés. Des méthodes dures En classe préparatoire, les enseignants ont recours à des méthodes particulières. Les élèves travaillent jusqu'à 60 heures par semaine. Les professeurs infligent des notes très basses aux étudiants et entretiennent une compétition entre les élèves. Une expérience en classe prépa est appréciée des employeurs, car ça illustre une force de travail selon un conseiller en recrutement. Une filière attractive Les classes préparatoires continuent de séduire les lycéens. En 2011, le ministère de l'enseignement supérieur indiquait que 79 800 étudiants étaient inscrits en CPGE. La filière scientifique est une branche très prisée par les bacheliers avec 41 635 élèves (en première et deuxième année). Les sections économiques et littéraires comptaient un peu moins de 25 000 inscriptions.