6.5. CCD-Mada2016-Industrialisation endogène de l`Afrique

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ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DE LA FRANCOPHONIE
42è Session
Antananarivo (Madagascar) 8-12 Juillet 2016
Commission de la Coopération et du développement
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L’INDUSTRIALISATION ENDOGENE DE L’AFRIQUE : Voies et moyens
Par
Mr Sylvestre OSSIALA et Mme Angélique NGOMA
Introduction
La science économique est venue aider l’homme à poursuivre sa tâche première et
immémoriale qui est « la satisfaction des besoins avec des ressources limitées ». Elle a pour
cela ses fondements et ses outils. Ces outils font que au cœur de toute économie en effet, il y
a la considération des facteurs de production qui œuvrent à l’augmentation de la richesse
nationale généralement exprimée en PIB, augmentation qui in fine, met le pays sur la voie de
la croissance et le fait accéder au développement. La croissance situe l’économie dans les lois
de la dynamique avec au centre les concepts de création, innovation, compétition
internationale ; Même s’il faut reconnaître que la croissance porte en elle les mécanismes de
sa remise en cause, de la récession, des fluctuations, des krach, de la récession…, toute chose
néfaste au développement.
Nous montrerons dans cette étude la réalité complexe du lien entre la croissance et le
développement.
Sur le plan mondial en effet, on note que certains pays ont profité d’une longue période de
croissance pour asseoir leur développement. Mais on relève également une certaine catégorie
de pays pour lesquels ce principe n’a pu donner des résultats similaires. Ils ont certes la
croissance, mais le développement ne semble pas au rendez-vous de leurs efforts ou de leurs
activités. Cette dichotomie crée le déséquilibre dans le système mondial avec d’énormes
conséquences.
Il faut ensuite penser les voies les meilleures pour sortir de ce déséquilibre qui désunit les
peuples et qui pousse l’humanité au désastre. Il s’agit de l’écart entre le monde développé et
le monde en voie de développement. On appréciera alors à cet effet, le poids de l’industrie
dans les performances de certaines économies en comparaison à d’autres.
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I/ Les pays développés et la croissance
Quand les grands économistes tels que Smith, Ricardo et autres Jean-Baptiste Say ont théorisé
sur les mécanismes de la croissance, ils ont mis au cœur de leurs modèles, des postulats
comme : l’existence des facteurs de production (le capital et le travail) ; la création de la
richesse par les entreprises ; l’accès des entreprises à la technologie ; la vente des produits des
entreprises sur un marché existe la demande ; le perfectionnement de la technologie par
l’investissement en Recherche et Développement…
La révolution industrielle occidentale qui a fait accéder les pays européens au développement
s’est appuyée sur ces postulats élaborés par la science économique.
Ainsi à partir du milieu du 19
e
siècle, ces pays ont-ils enregistré des taux de croissance élevés
et soutenus, qui ont impacté leur niveau de vie et crée un effet boule de neige sur le
développement de leurs économies.
Cette évolution historique a pour explication principale l’investissement dans la technologie
textile et agricole, technologie qui a multiplié et élargi la structure de l’offre de ces produits.
On peut aussi mentionner la technologie dans le secteur de la quincaillerie, précurseur de
l’industrie.
Cet ensemble des pays qui ont dominé le monde et donné un sens au bien-fondé de la science
économique, n’ont pas été épargnés par les mêmes dures lois de cette science, principalement
les lois liées à la dynamique et au long terme comme le soulignait Karl Marx.
En effet, conformément à cette théorie de la dynamique économique, ces économies avec des
impacts divers, ont été confrontés aux cycles économiques, aux fluctuations, aux krachs, à la
récession, aux crises dites crises du capitalisme.
Néanmoins bon an, mal an, ces économies ont expérimenté la leçon fondamentale de
l’économie qui enseigne qu’une croissance soutenue et durable peut la faire accéder au
développement économique. Ce n’est pas cependant le cas de toutes les économies,
notamment celles dites en développement.
II/ les pays en développement, notamment africains, et la croissance
Il est observé, selon la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, que certains
pays connaissent des taux de croissance de grande importance, sans connaître le
développement ; ceci contrairement aux enseignements de la science économique. Ces pays,
pour la plupart, sont localisés en Afrique Subsaharienne.
Il convient de se saisir de ce paradoxe pour en démêler l’écheveau et dégager quelques pistes
de solution.
Il sera alors possible de réfléchir à jeter les bases d’une croissance inclusive, durable, créatrice
d’emplois et susceptible d’engendrer le développement économique de ces pays ; gage de la
stabilité et de l’équilibre du monde.
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Cette réflexion peut se décliner selon les linéaments ci-après.
Il s’agit ici de s’interroger sur les spécificités de ces économies qui, à première vue, sont
toutes productrices des matières premières d’une part et sous-industrialisées d’autre part. De
se poser la question de savoir pourquoi les taux de croissance aussi importants sont sans effets
sur les leviers de l’emploi et du développement. Et comment s’en sortir.
Pour se développer, il faut un modèle, une vision claire, un chemin à suivre. Le
développement de l’Afrique souffre de beaucoup de travers dont le « flou sur son modèle de
croissance et de développement ».
Cette Afrique qui se heurte à la pensée de Sénèque, avertissant que « lorsqu’on ignore on
va, aucun vent n’est le bon vent », doit évacuer impérativement cette contrainte en se donnant
intellectuellement les moyens de tracer la voie. Alors que les pays comme la Chine et autres
dragons et tigres asiatiques, ont élaboré leur paradigme de développement, l’Afrique s’englue
dans ce débat d’idées, en avançant pour mieux reculer.
En recourant à l’apport des sociologues, il ressort cependant que le développement repose sur
deux piliers : le vouloir et le pouvoir.
Il revient à l’Afrique de répondre aux interrogations de l’humanité entière sur sa volonté de
développement et sa capacité à se développer.
Pour y répondre avec fécondité, il est nécessaire que ce continent se définisse comme :
- L’Afrique, continent des défis ;
- L’Afrique, continent du futur ;
- L’Afrique, continent des futures victoires.
A partir de ce triptyque, l’Afrique peut alors se donner un horizon et adopter une attitude :
- L’Afrique, demain ;
- L’Afrique, debout.
Oui, l’ « Afrique, debout », munie de « l’incitation, de l’idée et des projets », animée par une
« volonté farouche » et dotée de la « raison, qui est le bien le mieux partagé au monde », oui,
l’Afrique une fois debout, pourra se donner les moyens intellectuels de son orientation dans le
labyrinthe du développement, comme nous le communie le sénégalais Moustapha Niasse.
Mais avant cela, faisons parler les faits sur sa croissance actuellement à deux chiffres mais
qui, hélas, n’influe pas sur les agrégats macroéconomiques de ces pays.
A/ Les faits
En 1750, aucun institut de statistiques économiques n’était en mesure de mentionner le taux
de croissance d’un pays africain.
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Depuis la volonté proclamée par la presque totalité des pays africains d’accéder à l’émergence
économique à l’horizon 2020, les économies de ce continent affichent des taux de croissance
impressionnants de près de deux chiffres.
Les secteurs fondamentaux de l’économie sont concernés par cette croissance. En effet les
industries extractives, le bâtiment, les infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires,
les projets structurants portent cette croissance.
Les statistiques de la Banque mondiale, de la Banque Africaine de veloppement, de la
Coface, des cabinets comme le cabinet Boston Consulting Group, le Mohamed Ibrahim
Foundation… nous inondent et permettent de saisir ce phénomène qualitatif au sein de ces
économies, proclamées « économies du siècle ».
D’année en année, en effet, les sommes considérables sont engagées pour la réalisation de
travaux dans ces économies et c’est à se demander qui des pays africains fait mieux que les
autres et occupe le premier rang.
Les résultats attendus de ces programmes d’investissements visent l’émergence à moyen
terme et le développement à long terme avec un impact significatif sur les indicateurs de
développement humain : meilleur habitat, seuil critique de formation des agents économiques,
emploi et réduction du chômage, réduction de la pauvreté, traitement salarial accru, accès à la
santé, amélioration de l’hygiène alimentaire…
Les données de la Banque Mondiale et des autres organisations de cotation montrent un
décalage frappant entre l’ampleur de ces investissements et la faiblesse des indicateurs ci-
dessus mentionnés.
La science économique enseigne qu’au-delà d’un taux de croissance de 2%, l’économie
générale est impactée sensiblement notamment en terme d’emploi. Alors que se passe-t-il
dans les économies de ces pays ?
De manière plus précise, l’Afrique connaît depuis deux décennies une croissance élevée qui la
place derrière l’Asie dans le classement mondial avec un taux de croissance moyen annuel de
plus de 4%. Les pics de 10%, 9%, 8%, et 6% ont été atteints par les pays comme le Tchad, la
Côte d’Ivoire, la RDC et le Niger ou le Congo.
Le Nigéria affiche un taux de croissance tel que son PIB dépasse celui de l’Afrique du Sud et
en fait la première économie du continent à l’aune de cet indicateur.
En dépit de toutes ces performances, le chômage ne recule pas en Afrique, ou recule de
manière très insignifiante. La pauvreté qui en est le corollaire prospère ; ainsi l’incidence de
cette croissance sur ce fléau reste faible en Afrique comparativement à d’autres parties du
monde pour certaines raisons que nous allons tenter d’élucider, dont en particulier sa sous
industrialisation.
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B/ L’explication de la croissance sans emplois en Afrique
On essayera d’expliquer ce paradoxe en parcourant les enseignements de la science
économique et en dégageant l’atypisme des économies africaines.
B.1 L’apparition de la science économique et ses apports
Les historiens de la pensée économique comme Henri Denis, Marc Bloch, Paul Bairoch…ont
considéré les travaux du docteur Quesnay avec son tableau économique de 1758 et ceux
d’Adam Smith dont la division du travail et surtout le rôle de l’industrie dans l’augmentation
de l’offre, comme le point d’émergence de la science économique. Mais que dit ce tableau ?
Ce tableau porte en lui la philosophie qu’il existe des liens, des interactions entre secteurs
économiques. Ainsi l’amélioration ou l’impulsion d’un secteur accroît la demande dans les
autres secteurs dans un processus auto-entretenu. L’agriculture impacte les secteurs comme le
textile (meilleures conditions de vie), la production de fer…Et l’industrie réagit à l’agriculture
à travers l’impulsion de la sidérurgie, l’amélioration des équipements techniques, le
développement de l’industrie chimique pour les engrais…
A ce stade, il sied de souligner que le circuit économique se comprend mieux en
l’appréhendant comme un rouage fait de cinq fonctions qui sont la fonction de production, la
fonction de consommation, la fonction d’épargne, la fonction d’investissement et la fonction
de répartition ou de redistribution qui est consubstantielle de la gestion du budget de l’Etat.
Ces fonctions tissent des liens entre les secteurs qui y sont associés.
On s’aperçoit que les économies africaines biaisent ce tableau dans la mesure les
enchaînements imaginés par ces économistes « physiocrates » disqualifient ces économies qui
pèchent par l’« amputation » des secteurs économiques entiers.
Il manque à ces économies une industrie endogène dont notamment l’industrie du fer.
De manière endogène en effet, ces économies n’ont pas de sidérurgie, ni de haut-fourneaux,
pas de métallurgie, pas de laboratoires chimiques ni de fabrication d’engrais agricoles et
moins encore d’industrie d’armement pour protéger ce que les autres leur envient…
Ce sont-là les fondamentaux du circuit économique tels que décrits par la science économique
qui font défaut à l’Afrique ; cette Afrique qui finalement, ne vit que de l’économie des
matières premières dont les producteurs, les mécanismes de fonctionnement et l’emploi lui
échappent.
Et avec l’amputation de tant de secteurs dans son circuit économique, on comprend le manque
à gagner en terme d’emploi qui caractérise ces économies.
B2. L’atypisme des économies africaines
L’amont du système où domine l’offre est biaisée en Afrique et le système ne fonctionne dans
ce continent que grâce à sa perforation par les importations, surtout les importations des biens
de production.
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