Je donnerai deux sens au mot
«
éveil
»
:
-
Celui que nous lui connaissons habituellement
qui,synonymed’ouvertured’esprit, consisteàinté-
rioriser ce qui nous est extérieur. Le philusophe
grec Héraclite avait divisé le monde en deux sortes
de gens : les gens éveillés et les gens endormis. II
définit les éveillés comme des personnes debout,
les yeux ouverts
SUI
le monde. Les endormis au
contraire, ne sont pas interpellés par leur être au
monde. Ils sont repliés sur eux-mêmes, aveuglés
par leur propre intériorité.
-
Le deuxième sens du mot
«
éveil
»
c’est celui
que lui a donné Socrate, le sens de la maïeutique
par lequel l’individu explicite son savoir implicite,
c’est-à-dire qu’il va extérioriser ce qui est son
intériorité ; non plus dans le domaine des représen-
tations, mais dans celui des savoirs acquis par
l’intelligence et l’expérience.
Cette notion d’éveil avec ces deux composantes est
fondamentale pour les soins infirmiers, qtie ce soit
pour l’ouverture SUI le monde, pour accueillir des
idées, des pratiques scientifiques nouvelles de les
utiliser, où que ce soit pour expliciter, formaliser
ce que nous savons empiriquement et qui fait notre
compétence propre et la porter à la connaissance
d’autrui.
La notion d’éveil implique sous-jacente l’accepta-
tion du changement. Sans développer ce concept,
je soulignerai simplement la distinction que font
les éthnologues quand ils parlent du changement.
Ils différencient le changement créateur du change-
ment réducteur. Je pourrai résumer ce dernier par
la formule lapidaire
:
il faut se
méfteer
de changer
son cheval borgne contre un aveugle.
Le changement créateur est basé
SUI
la volonté
délibérée de réduire les écarts existants entre les
objectifs d’un système et les pratiques courantes,
d’analyser, les problèmes et de les résoudre en
créant de nouvelles méthodes pour les appréhender
et les contrôler.
L’APPRENTISSAGE DE LA RECHERCHE
-
En
formation
de base
Que doivent apprendre les élèves infirmières
?
Quand ? Comment ? pour devenir de futures pro-
fessionnelles ouvertes à la démarche scientifique
prenant en main leur propre évolution profcssion-
“elle dans une dynamique des savoirs et des
pratiques
?
Un livre ne suffirait pas pour répondre à cette
question et je n’en développerai qu’un tout petit
aspect. Pour ce faire, je partirai d’une réalité.
Très récemment dans une réunion, une Directrice
d’Ecole de Cadres faisait part de ses constatations :
parmi les infirmières qui se présentent dans son
école, qui envisagent un avenir de cadre enseignant
ou soignant,
80
%
d’entre elles ne lisent pas un
livre professionnel par an et
j
0
%
ne lisent pas une
seule revue professionnelle.
La question que nous pouvons nous poser est de
savoir comment dans un métier tel que le nôtre
où les responsabilités sont énormes, peut-on se
contenter d’un savoir qui devient obsolète
rapidement ? D’où vient cette inappétence
intellectuelle ?
Je ne me laisserai pas abuser par de fausses raisons :
les infirmières n’ont pas le temps de lire, elles sont
trop.fari&ées, etc.
L’expérience prouve que lorsqu’elles en ont
cotn-
pris l’absolue nécessité, les infirmières se donnent
les moyens (formation continue, cours, lectures,
etc.) de faire progresser leurs connaissances et
d’enrichir leur savoir. Il faut chercher la réponse à
cette
ciuestion
au niveau même de ses racines,
c’est-à-dire dans l’apprentissage.
C’est un truismede direqueles études d’infirmières
sont des études de contenus quand on voit la
densité des programmes. Mais est-ce que l’étude
des contenus exclu qu’il y ait en même temps
développement de la curiosité intellectuelle,
ques-
tionnement, prise en charge par l’apprenant de sa
propre formation, responsabilité de son savoir et
de son évolution, de son actualisation en fonction
du contexte où il exerce sa pratique ?
Toutes ces activités intellectuelles sont la base de
la démarche scientifique et elles ne peuvent être
entreprises que par l’apprenant lui-même, et cela à
trois conditions :
1
-
Que le modèle transmissif de connaissances
ne relègue pas au second plan la démarche mentale
et affective propre à chaque apprenant, leurs repré-
sentations, leur créativité, leur possibilité d’assimi-
lation et d’intégration des savoirs. L’apprenant
doit avoir
uwpart
active dans la construction de
ses compétences.
z
-
Si nous voulons que l’apprenant reproduise
et poursuive sa quête de connaissances tout au long
de sa vie professionnelle, il doit arriver à repérer
au cours de son apprentissage à la fois le contenu
et le mécanisme de cet apprentissage. Les contenus
s’oublient, mais le repérage épistémologique struc-
ture la démarche de pensée.
C’est ce qui permet de dire que de l’apprentissage
(répéter et apprendre) nous passons à la formation
qui donne une forme, qui modèle.
Aider l’acteur à apprendre son rôle c’est d’abord
lui apprendre à apprendre et à comprendre et
ensuite lui donner la réplique au niveau des conte-
nus.
Apprendre à apprendre nécessite nous l’avons vu
que le non initié ne soit plus récepteur passif auquel
on adapte un langage mais, qu’il puisse intervenir
dans laconstruction et le modelage de sa formation.
L’apprenant doit s’approprier les connaissances
et les concepts ; cela
va
à l’encontre du gavage
intellectuel. A partir des situations didactiques
auxquelles il est confronté, il doit pouvoir analyser
(questionner, reformuler, faire des liens) pour son
propre compte les problèmes et ainsi décortiquer
le savoir en le reconstruisant. Il faut être convaincu
que la conception scientifique ne s’élabore pas à