C
OMMENT UNE INFIRMIÈRE
DEVIENT-ELLE CHERCHEUR ?
MONIQUE FORMARIOR
ENSEIGNANTE*
INTRODUCTION
Cc titre n’est pas juste, une infirmière ne devient
pas chercheur, car chaque intïrmière qui exerce sa
fonction devrait implicitement faire de la recher-
che. Le mot ,recherchc n’évoque pas ici le sens
que nous lui donnons habituellement : Recherche
fondamentale, expérimentale, laboratoire, il est
pris ici dans son sens large, celui que lui donne
le Dictionnaire Robert :
«
Effort de l’esprit pour
trouver une connaissance
ou
une vérité
sur
des
faits réels
».
Cette définition nous amène à l’axiome suivant : la
recherche n’est rien, la recherche n’a pas de sens si
elle ne sert de base à une science, à une discipline
donnée dont elle est le fondement à la fois de son
corpus de connaissances et de sa pratique. En
conséquence, la recherche ne S’apprend pas. C’est
le paradoxe que nous cultivons pendant ces trois
journées d’études centrées
SUI
l’apprentissage et la
formation.
Cc qui s’apprend, c’est la technique et les outils
utilisés dans la recherche.
La recherche en tant que telle se découvre, s’intègre
au
fur et à mesure que se développent les connais-
sances professionnelles. En effet, ce qui est impor-
tant dans la recherche, c’est la démarche de pensée
scientifique qui doit servir de base à tout
apprentissage
;
allc doit permettre un repérage
épistémologique qui engendre une articulation des
modèles théoriques à la pratique quotidienne et
qui donne une ouverture sur une nouvelle coniïgu-
ration de sens à nos soins.
C’est dire que recherche, connaissances et prati-
ques professionnelles ne sont pas seulement liées,
elles sont fusionnées, la première servant de sup-
port, de dynamisme aux secondes.
Je définirai donc la recherche comme un mode
de pensée scientifique introduisant un rapport au
savoir différent. Mode de pensée qui n’isole plus
pratique et théorie mais qui oblige à faire le lien
entre elles.
La recherche qui produit la connaissance à partir
des bases empiriques existantes, n’a de réel intérêt
pour les patients que si elle est en même temps
agent facilitateur de l’utilisation de cette connais-
sance dans une pratique.
Cc qui compte, ce n’est pas le savoir mais l’usage
que nous en faisons, c’est parce que nous savons
intégrer nos connaissances dans une pratique que
* Enseignante ilu Département d’Enseignement Infirmier
Supérieur.
l’on peut parler d’une véritable science pour les
soins infirmiers.
J’aborderai donc trois parties pour développer cc
thème :
-
La recherche base de l’articulation, théorie-
pratique.
-
Comment développer une pensée scientifique
intégrée aux soins infirmiers.
~
L’npprentissagc de la recherche en formation
de base, de cadre, en université, en formation
continue.
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
BASE DE L’ARTICULATION
THÉORIE-PRATIQUE
Pourquoi ai-je voulu aborder ce point en premier ?
Pour éviter la question que nous nous posons
fréquemment à savoir, la recherche entre-t-elle
dans le champ de la pratique
ou
dans celui de la
théorie ?
La recherche est l’articulation de ces deux champs.
Dans la relation théorie/pratiquc la théorie se défi-
nit en référence et en opposition à la pratique et
clic se trouve souvent et maladroitement assimilée
à toute réflexion et à tout discours
sur
les idées, et la
pratique est souvent réduite à sa seule composante
technique.
Pour éclairer cette disjonction, je m’appuierai
sur
Bachclard qui souligne que la différence de
démarche, qui oppose théorie et pratique n’existe
pas pour le scientifique, elle n’est réelle que pour
le profane. Le mot profane est pris dans son sens
éthymologiquc qui signifie :
«
Hors de temple
».
Pour Bachelard, il s’agit du temple de la pensée
scientifique.
DC la oratiaue. il dit
«
DUC~
au’elle obéit à la
logiqué de l’éffkacité, la pratiqué
wxx~rc
toutes
les failles, toutes les répétitions, toutes les erreurs,
toutes les routines ; elle s’argumente seulement par
son efiïcacité et son service rendu
»
(1).
De la théorie dissociée de la pratique il dit
«
elle
est polémique, elle obéit à la logique du cheveux
coupé en quatre, elle se fait critique
>>
(2).
Ces oppositions nc sont pas sans engendrer le
conflit, notamment lorsque la logique de la théorie
est importée sans ménagement dans la routine de
la
praUque.
Pour Bachelard, la seule façon de les réunir, c’est de
les faire grandir ensemble dans la même démarche
scientifique
Pour expliciter cette idée, je ferai référence à
Malglaive
(3)
qui publie dans la Revue Française
de Pédagogie, il exprime l’idée que pratique et
théorie sont dans un mouvement circulaire. La
pratique est consommatrice de théorie car, dans la
mesure
où elle ne se veut ni figée, ni anarchique,
ni empirique, elle est soumise aux concepts qui lui
assurent son évolution.
La théorie est dépendante de la pratique puisque
tous les problèmes à étudier sont issus du terrain,
englués dans le terrain et en dernière instance c’est
la pratique qui valide la théorie, car si elle est
inutile, elle sera rejetée par le terrain.
La démarche scientifique jette
un
pont entre le
champ pratique et le champ théorique.
On ne peut passer :
-
de la pratique à la théorie dans une démarche
scientifique qui en fait, n’est rien d’autre qu’un
questionnement intelligent qui parnet une lecture
du réel ou s’exerce la pratique ;
-
de la théorie à la pratique sans une démarche
scientiflquc d’adaptation à la réalité.
Démarche scientifique
articulation
pratique/théorie
J’illustrerai ce.poinr en prenant comme exemple la
démarche de soins qui reste figée pour bien des
soignants au stade intellectuel.
COMMENT UNE INFIRMIÈRE
DEVIENT-ELLE CHERCHEUR ?
II reste, pour qu’elle devienne la base de la pratique
soignante, à lui faire subir une «démarche
scientifique
»
d’adaptation à la réalité de chaque
service et de chaque patient.
Pour conclure, je citerai Bertrand Schwartz :
«
Toute pratique est une intelligence des choses.
Dès qu’elle se systématise, se réfléchit, s’organise,
se
gère
par des lois et des concepts, elle prend
rang dans une visée théorique... Sans cette visée la
pratique est condamnée à une stagnation, à la
routine destructurante
»
(4).
COMMENT DÉVELOPPER
UNE PENSÉE SCIENTIFIQUE
INTÉGRÉE AUX SOINS INFIRMIERS
Intégrer une démarche scientifique
c’est apprendre à penser autrement
Les infirmières n’habitent pas le monde symboli-
quedelapenséescienrifique. Biensûrnousparlions
de démarche rigoureuse, de théories de soins ;
mais, ne nous y trompons pas ! Il faut faire une
différence entre un discours
SUI
la science et un
discours issu de la science.
Ph. Roqueplo dans son livre
c
Le partage du
savoir
»
(j)
donne un titre à ce phénomène du
discours sur la science, il l’appelle la science non
S”C.
Qu’est-ce qu’une science non sue. C’est une science
intégrée à la réalité sous la seule modalité qui soit
possible pour celui qui ne pratique pas la science,
celle du discours, du verbiage et de la représenta-
tion. La science non sue, c’est la science non utilisée
dans une pratique parce que non intégrée à la
culture, à l’éducation, à l’apprentissage.
«
Une éducation scientifique ne consiste pas dans
le fait d’acquérir une culture expérimentale, mais
bien de changer de culture, de renverser les obsta-
cles déjà amoncelés par la vie quotidienne, il faut
procéder à une élimination des éléments
subjectifs
>>,
G. Bachelard (6).
Penser autrement nécessite une rupture
avec la pensée quotidienne
A. Giordan et G. de Vecchi dans
<<
Les origines
du savoir
»
écrivent :
«
Pour accéder à la pensée
scientifique, il faut modifier la grille d’analyse de
l’environnement et admettre la nécessité d’une
autre
approche... il est nécessaire d’aller plus loin
encore et de parler de véritable mutation. Un élé-
ment nouveau ne s’inscrit pas dans la ligne des
connaissances antérieures.
Celles-ci représentent le plus souvent un obstacle
à son intégration, il faut donc une transformation
intellectuelle complète
»
(7).
Pour les infirmières rompre avec la pensée quoti-
dienne, c’est rompre avec la tradition, l’autorita-
risme, l’empirisme. Si il me semble nécessaire
d’ébranler l’édifice constitué par les pratiques et
les savoirs empiriques, il est tout aussi nécessaire de
s’ap$uyer sur eux, de les formaliser pour construire
une science. C’est à travers des concepts déjà utili-
sés dans des pratiques usuelles que nous pouvons
questionner la réalité.
Questionner la réalité, c’est accepter
et vouloir changer nos représentations
et nos conceptions
Tous les individus qui mémorisent fonctionnent
avec des représentations forgées par notre histoire
personnelle, notre culture, “os idées de valeur etc.
Elles induisent notre façon d’être au monde. Ce
sont des filtres à travers lesquels chacun de nous
appréhende et construit sa réalité. Pour le milieu
professionnel, plutôt que représentation, j’utilise-
rai le mot conception dans la définition que lui
donne Giorda” et de Vecchi :
«
Par conception
j’entends un processus personnel par lequel l’indi-
vidu structure au fur et à mesure les connaissances
qu’il intègre
»
(8).
La conception est donc le résultat d’une activité de
construction mentale du réel toujours actualisée.
Elle n’est pas statique, elle évolue.
Comment faire évoluer no8 conceptions
La réponse est simple : en les questionnant. Le prêt
à penser n’existe pas dans la démarche scientifique.
C’est une démarche en profondeur qui doit être la
source d’émergence de la pensée professionnelle.
Cela veut dire,
quepour
qu’un changement s’opère
il faut que nous soyons conscients du mécanisme
qui s’instaure, pour que nous puissions le repérer.
Sinon, nous plaquons des nouveaux concepts sut
les anciens, mais nous savons que tôt ou tard les
anciens resurgiront.
Un concept qui nous va bien pourquoi le
questionner ?Pour deux raisons, la réalité n’existe
pas en soi, elle change dès son apparition, et “os
représentations, “os conceptions nous sont per-
sonnelles. Nous pensons comme réalité univer-
selle. Celle qui est à portée de “os yeux, de “os
sens, celle que nous déchiffrons et comprenons
avec nos grilles de lecture de façon instincruelle,
mais la réalité est multiple.
Si nous pouvons vivre notre vie personnelle à
partir de notre propre conception, il en est tout
autre de notre pratique professionnelle qui nous
met sans cesse en relation avec les autres (patients,
collègues, etc,). Elle doit s’appuyer sur une science
commune à tous à partir de concepts scientifiques.
Questionner les concepts c’est accepter le doute
permanent pour aller
wrs
une plus grande vérité.
Questionner les concepts,
c’est dynamiser les savoirs
Une pratique qui ne fait pas évoluer ses concepts
est une pratique tïgée. Or, le propre d’une science
c’est d’être continuellement remodelée
;
le propre
d’un savoir-faire, c’est d’être évolutif, car très vite,
il devient obsolète. Il faut sans cesse en imaginer
un autre. Il “‘y a pas opposition entre continuité
et questionnement, de ces deux pôles naît une
synergie qui porte
SUI
ce que l’on espère, ce que
l’on veut faire évoluer, découvrir de nouveau à
partir de l’existant.
Dans notre profession, nous apprenons les soins
infirmiers comme nous apprenons 1’Histoire de
France. Une analyse de contenu des manuels pro-
fessionnels utilisés ces vingt dernières années, nous
révèle que les soins infirmiers qui nous sont pro-
pres (rôle propre) n’ont pas évolué.
Les Sciences Médicales progressent sans cesse, les
Sciences Humaines se développent rapidement
sous la poussée des chercheurs et les emprunts
que nous faisons à ces disciplines nous donnent
l’illusion de notre propre évolution, mais c’est
faux.
Je citerai l’exemple de la Gériatrie dont les
recherches médicales ont permis une meilleure
connaissance des phénomènes de vieillissement, de
leur prévention et de leur traitement ; les
recherches en Sciences Humaines ont apporté leur
contributionàlaprisecncompteetàlacompréhen-
sio” des personnes âgées mais, qu’en est-il de la
pratique soignante dans les services et les institu-
tions de personnes âgées ?
Nous apprenons les soins infirmiers par la méthode
magistrale,etlaméthodeessai-tâtonnement,
erreur
selon le modèle pédagogique du maître et de
I’ap-
prenti. C’est une méthode efficace pour appréhen-
der des contenus, mais no” pour les questionner et
les faire évoluer.
Donner une vision évolutive aux soins infirmiers,
c’est introduire la notion difficile mais tellement
essentielle d’une vérité provisoire parce qu’en
devenir.
L’accession à une pensée scientifique passe par le
questionnement qui interroge le réel, transforme
le vécu, l’expérience et les connaissances théori-
ques en savoir et explique les conditions d’émer-
gence du présent.
Cette attitude de la pensée scientifique qui en ques-
tionnant le réel permet de le connaître, de le véri-
fier, de le contrôler, de l’évaluer, de le critiquer,
amène à éliminer le prêt à penser, le déjà construit
et confère aux sciences leur précarité, mais en même
temps leur solidité.
Penser scientifiquement,
c’est accepter l’ouverture
FI. Vidal dans son livre
«
L’instant créatif
»
(9) dit
de la recherche scientifique que c’est avant tout
une affaire d’éveil et de curiosité intellectuelle.
Je donnerai deux sens au mot
«
éveil
»
:
-
Celui que nous lui connaissons habituellement
qui,synonymed’ouvertured’esprit, consisteàinté-
rioriser ce qui nous est extérieur. Le philusophe
grec Héraclite avait divisé le monde en deux sortes
de gens : les gens éveillés et les gens endormis. II
définit les éveillés comme des personnes debout,
les yeux ouverts
SUI
le monde. Les endormis au
contraire, ne sont pas interpellés par leur être au
monde. Ils sont repliés sur eux-mêmes, aveuglés
par leur propre intériorité.
-
Le deuxième sens du mot
«
éveil
»
c’est celui
que lui a donné Socrate, le sens de la maïeutique
par lequel l’individu explicite son savoir implicite,
c’est-à-dire qu’il va extérioriser ce qui est son
intériorité ; non plus dans le domaine des représen-
tations, mais dans celui des savoirs acquis par
l’intelligence et l’expérience.
Cette notion d’éveil avec ces deux composantes est
fondamentale pour les soins infirmiers, qtie ce soit
pour l’ouverture SUI le monde, pour accueillir des
idées, des pratiques scientifiques nouvelles de les
utiliser, où que ce soit pour expliciter, formaliser
ce que nous savons empiriquement et qui fait notre
compétence propre et la porter à la connaissance
d’autrui.
La notion d’éveil implique sous-jacente l’accepta-
tion du changement. Sans développer ce concept,
je soulignerai simplement la distinction que font
les éthnologues quand ils parlent du changement.
Ils différencient le changement créateur du change-
ment réducteur. Je pourrai résumer ce dernier par
la formule lapidaire
:
il faut se
méfteer
de changer
son cheval borgne contre un aveugle.
Le changement créateur est basé
SUI
la volonté
délibérée de réduire les écarts existants entre les
objectifs d’un système et les pratiques courantes,
d’analyser, les problèmes et de les résoudre en
créant de nouvelles méthodes pour les appréhender
et les contrôler.
L’APPRENTISSAGE DE LA RECHERCHE
-
En
formation
de base
Que doivent apprendre les élèves infirmières
?
Quand ? Comment ? pour devenir de futures pro-
fessionnelles ouvertes à la démarche scientifique
prenant en main leur propre évolution profcssion-
“elle dans une dynamique des savoirs et des
pratiques
?
Un livre ne suffirait pas pour répondre à cette
question et je n’en développerai qu’un tout petit
aspect. Pour ce faire, je partirai d’une réalité.
Très récemment dans une réunion, une Directrice
d’Ecole de Cadres faisait part de ses constatations :
parmi les infirmières qui se présentent dans son
école, qui envisagent un avenir de cadre enseignant
ou soignant,
80
%
d’entre elles ne lisent pas un
livre professionnel par an et
j
0
%
ne lisent pas une
seule revue professionnelle.
La question que nous pouvons nous poser est de
savoir comment dans un métier tel que le nôtre
où les responsabilités sont énormes, peut-on se
contenter d’un savoir qui devient obsolète
rapidement ? D’où vient cette inappétence
intellectuelle ?
Je ne me laisserai pas abuser par de fausses raisons :
les infirmières n’ont pas le temps de lire, elles sont
trop.fari&ées, etc.
L’expérience prouve que lorsqu’elles en ont
cotn-
pris l’absolue nécessité, les infirmières se donnent
les moyens (formation continue, cours, lectures,
etc.) de faire progresser leurs connaissances et
d’enrichir leur savoir. Il faut chercher la réponse à
cette
ciuestion
au niveau même de ses racines,
c’est-à-dire dans l’apprentissage.
C’est un truismede direqueles études d’infirmières
sont des études de contenus quand on voit la
densité des programmes. Mais est-ce que l’étude
des contenus exclu qu’il y ait en même temps
développement de la curiosité intellectuelle,
ques-
tionnement, prise en charge par l’apprenant de sa
propre formation, responsabilité de son savoir et
de son évolution, de son actualisation en fonction
du contexte où il exerce sa pratique ?
Toutes ces activités intellectuelles sont la base de
la démarche scientifique et elles ne peuvent être
entreprises que par l’apprenant lui-même, et cela à
trois conditions :
1
-
Que le modèle transmissif de connaissances
ne relègue pas au second plan la démarche mentale
et affective propre à chaque apprenant, leurs repré-
sentations, leur créativité, leur possibilité d’assimi-
lation et d’intégration des savoirs. L’apprenant
doit avoir
uwpart
active dans la construction de
ses compétences.
z
-
Si nous voulons que l’apprenant reproduise
et poursuive sa quête de connaissances tout au long
de sa vie professionnelle, il doit arriver à repérer
au cours de son apprentissage à la fois le contenu
et le mécanisme de cet apprentissage. Les contenus
s’oublient, mais le repérage épistémologique struc-
ture la démarche de pensée.
C’est ce qui permet de dire que de l’apprentissage
(répéter et apprendre) nous passons à la formation
qui donne une forme, qui modèle.
Aider l’acteur à apprendre son rôle c’est d’abord
lui apprendre à apprendre et à comprendre et
ensuite lui donner la réplique au niveau des conte-
nus.
Apprendre à apprendre nécessite nous l’avons vu
que le non initié ne soit plus récepteur passif auquel
on adapte un langage mais, qu’il puisse intervenir
dans laconstruction et le modelage de sa formation.
L’apprenant doit s’approprier les connaissances
et les concepts ; cela
va
à l’encontre du gavage
intellectuel. A partir des situations didactiques
auxquelles il est confronté, il doit pouvoir analyser
(questionner, reformuler, faire des liens) pour son
propre compte les problèmes et ainsi décortiquer
le savoir en le reconstruisant. Il faut être convaincu
que la conception scientifique ne s’élabore pas à
partir d’un thème, mais dans une confrontation à
la réalité.
Je rappelle les quatre phrases de la construction de
la pensée scientifique qui passe par :
. la prise en compte des conceptions des apprc-
riants,
. que celles-ci ne peuvent évoluer qu’à partir d’un
questionnement,
. un enrichissement par des concepts nouveaux,
. des activités de confrontation
avec
les faits réels
du terrain.
C’est cc processus qui permet de développer un
esprit scientifique, de chercher des éléments nou-
veaux de réponses théoriques, d’établir de nouvel-
les relations avec les acquis ponctuels et cela
avec
les représentations préalables.
Cc processus de structuration engendre une acti-
vité continuelle de remodelage permanent permet-
tant de ne pas figer la connaissance et cela, non
seulement pendant la période d’apprentissage,
mais tant au long de la vie professionnelle qui
devient elle-même apprentissage.
3
-
La troisième condition pour que l’apprenant
entre dans un processus de démarche scientifique
nécessite de lui apprendre à requestionner son
savoir et le savoir professionnel. Dans leur livre
«Le partage du savoir
»
A. Giordan et G. de
Vecchi développent l’idée que beaucoup d’appre-
riants savent répondre aux questions mais que peu
savent se les poser car il est beaucoup plus difficile
d’apprendre à poser les questions que d’y répondre.
La formation de la pensée scientifique réside dans
le va et vient définit par Ph. Roqucplo :
«
Apprendre à critiquer la pensée par les faits et les
faits par la pensée dans tous les domaines où se
déploie notre existence
»
(10).
La situation des élèves infirmières confrontées à la
fois à la réalité des stages et de l’école doit
pcrmcttrc
cc va et vient intellectuel.
Ces trois conditions réunies doivent conférer à
l’apprenant une compréhension en profondeur des
phénomènes et de leur mode d’apprentissage et
non plus seulement une simple mémorisation.
Nous pouvons penser, que si l’élève doit décorti-
qucr
tout son savoir pour le reconstruire, trois ans
d’études ne suffiront pas. Mais cependant, si nous
sommes convaincus qu’apprendre à apprendre,
apprendre à comprendre, apprendre à questionner
sont la base d’une démarche de pensée scientifique
et d’une compétence professionnelle durable, nous
devons nous donner les moyens de le faire acquérir
aux apprenants.
Nous
savons
qu’au-delà des programmes toute
formation s’analyse en terme d’objectifs pédagogi-
ques et que cela détermine des priorités dans la
formation et dans l’enseignement et détermine des
profils pédagogiques.
Je reprendrai les trois profils
ou
<<
modèles de
formation
»
que définit
G.
Ferry dans son livre
«
Le trajet de la Formation
»
(I I).
A partir d’un même programme, il montre que
chaque modèle de formation peut être centré
sur
un
champ différent selon les objectifs pédagogiques
poursuivis :
~
Modèle centré
sur
les acquisitions et les
contc-
nus théoriques. Il y a peu de confrontation au
champ pratique et celui-ci ne donne pratiquement
jamais lieu à des réajustements théoriques.
-
Modèle centré
su
la démarche. L’accent est
mis sur le développement de la personnalité et la
façon dont chaque apprenant va entreprendre sa
propre démarche d’acquisition de savoirs. Dans cc
domaine, l’intervention du formateur sort du cadre
traditionnel de transmcttcur de savoirs, il est un
facilitateur et un révélateur.
-
Modèle centré
SUI
I’analvse
I’obicctifpriori-
taire n’est plus I’acquisition’de connai&nc& mais
«
celui qui se forme entreprend et poursuit tout au
long de sa carrière un travail
sur
lui-même de
destructuration de la connaissance et de
reconstruction autour de la réalité en fonction
des situations singulières qu’il traverse ou qu’il
rencontre
>>
(12).
Des modèles que propose Ferry, le deuxième et le
troisième sont adaptés à l’acquisition d’une
démarche de pensée scientiftque. Ces deux modèles
sont progressifs et complémentaires. En école de
base, il semble
que
mettre l’accent sur le deuxième
modèle est indispensable comme, centrer une
année cadre sur l’analyse devient dans notre
contcxtc social, une priorité.
Il ne faut pas nier que dans cc type de pédagogie,
le formateur est mis en état d’insécurité car lui
aussi, à mut moment, il peut être
«
tequestionné
».
Il ne faudrait pas déduire hativement que le forma-
teur est devenu inutile ou obsolète ; au contraire,
il a sa place plus que jamais indispensable. Elle ne
se situe plus devant l’apprenant, mais à son côté
car si cc dernier doit s’approprier le savoir, ct nul
ne peut le faire à sa place, il ne lui est pas possible
de le découvrir seul. Un médiateur doit favoriser
cette rencontre. II y a donc un accompagnement
important de l’apprenant pour lui permettre le
va
et vient du champ pratique au champ théorique.
Cc qui implique que le formateur soit aussi à l’aise
dans le champ des pratiques que dans celui des
méthodes.
Pour conclure sur l’apprentissage de la démarche
de pensée scientifique
cn
école de base, j’évoquerai
que, si l’acquisition correcte de certains outils de
recherche (entretien, observation) sont indispensa-
bles car ils sont la base de toute démarche scientifi-
que (à commencer par la démarche de soins) il ne
faut pas être trop ambitieux quant aux performan-
ces de recherche que l’on peut attendre des élèves
infirmières. Le travail de fin d’études peut être un
moyen de contrôler l’intégration et l’utilisation
d’une démarche de pensée scientifique, soit dans
son
approche déductive
ou
inductive.
J
A
PÉcoJe
de Cadrer
c
serai brève
sur
cc point, car j’ai déjà évoqué
que le modèle de formation doit être centré
SUI
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