« Radicalisation djihadiste » et psychiatrie de l`adolescent

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Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
64
(2016)
522–528
Article
original
«
Radicalisation
djihadiste
»
et
psychiatrie
de
l’adolescent
Jihadist
radicalization
within
teenager’s
psychiatric
care
M.
Ludot,
R.
Radjack
,
M.R.
Moro
Maison
des
adolescents
de
l’hôpital
Cochin,
maison
de
Solenn,
AP–HP,
97,
boulevard
du
Port-Royal,
75014
Paris,
France
Résumé
Introduction.
La
«
radicalisation
djihadiste
»
reste
un
sujet
d’actualité
brûlant,
en
ce
milieu
d’année
2016.
Ce
phénomène
interpelle
de
nombreux
spécialistes,
parmi
lesquels
les
sociologues,
qui
ont
mis
en
évidence
une
diversification
des
méthodes
de
recrutement
terroriste
ces
dernières
années.
Un
nouveau
profil
de
jeunes
«
radicalisés
»
émerge
:
celui
de
jeunes
de
classe
moyenne,
sans
origine
musulmane,
qui
se
convertissent
à
l’islam
avant
de
s’engager
radicalement
pour
certains
d’entre
eux,
venant
ainsi
rompre
avec
leur
filiation.
But.
L’objectif
de
cet
article
est
d’étudier
la
place
de
la
«
radicalisation
djihadiste
»
au
sein
de
la
prise
en
charge
psychiatrique
de
l’adolescent.
Méthodes.
Dans
un
premier
temps,
une
revue
de
littérature
sera
présentée
sur
les
liens
entre
«
radicalisation
djihadiste
»
et
psychiatrie.
Ensuite,
deux
cas
cliniques
d’adolescents
[convertis
à
l’islam
et
pour
qui
la
question
de
la
«
radicalisation
»
s’est
posée]
seront
exposés
pour
illustrer
cette
problématique.
Résultats.
La
littérature
conclut
en
l’absence
de
psychopathologie
pathognomonique
ou
lourde
associée
à
la
«
radicalisation
»
violente.
L’analyse
transversale
des
illustrations
cliniques
permet
d’aborder
la
conversion
religieuse,
la
«
radicalisation
»,
le
sens
de
l’engagement
et
met
en
lumière
des
problématiques
connues
du
champ
de
la
clinique
adolescente
:
les
problématiques
identitaires
et
identificatoires,
la
question
de
l’idéal
du
moi
ou
encore
de
la
filiation
imaginaire.
Conclusion.
S’intéresser
à
la
fac¸on
dont
ce
signifiant
«
radicalisation
»
est
négocié
psychiquement
par
ces
adolescents
fragilisés
interroge
nécessairement
les
cliniciens
que
nous
sommes.
©
2016
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
r´
eserv´
es.
Mots
clés
:
Radicalisation
;
Psychiatrie
;
Adolescence
;
Conversion
;
Identité
;
Identifications
;
Idéal
du
moi
;
Filiation
imaginaire
Abstract
Introduction.
“Jihadist
radicalization”
has
never
been
more
urgent
than
today,
receiving
attention
from
several
specialists
including
social
scientists.
They
recently
highlighted
new
terrorist
methods
(especially
to
shun
intelligence
services)
and
a
new
profile
of
the
radicalized:
young,
middle
class,
with
no
Muslim
origin,
who
quickly
convert
to
Islam
and
commit
themselves
radically
through
Internet
or
within
French
prisons.
Some
questions
appear:
how
does
the
signifier
of
“radicalization”
emerge
in
our
patient’s
symptomatology?
Among
these
teenagers,
what
does
the
radical
Islamic
speech
echo?
Objective.
The
aim
of
this
work
is
to
study
the
place
of
“jihadist
radicalization”
within
teenager’s
psychiatric
care.
The
purpose
is
to
participate
in
the
understanding
of
these
young
people
who
are
converted
and
join
the
“jihadist
radicalization”
under
a
psychopathologic
shape
or
not.
Methods.
This
topic
is
tackled
with
a
complementarist
approach,
in
an
adolescent
department
of
psychiatry,
specialized
in
transcultural
psychiatry.
Two
parts
are
presented:
first,
a
literature
review
on
“radicalization”
and
psychiatry;
then,
two
clinical
cases
concerning
teenagers
undergoing
religious
conversion
and
potentially
“radicalization”,
collected
directly
or
from
medical
records
and
discussions
with
psychiatrists.
Results.
The
literature
review
concludes
to
the
absence
of
a
specific
link
between
“jihadist
radicalization”
and
psychopathology.
A
psychological
vulnerability
could
be
involved
in
some
cases
into
the
violent
radicalization
process.
Clinical
cases
allow
to
discuss
several
key
points:
religious
conversion,
“radicalization”,
specific
sense
of
commitment.
The
transversal
analysis
of
the
cases
highlights
specific
points,
well
known
in
teenage
psychiatry:
identity
and
identification
issues,
ego
ideal,
research
for
authority
and
question
of
filiation.
Auteur
correspondant.
Adresses
e-mail
:
(M.
Ludot).
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2016.08.003
0222-9617/©
2016
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Tous
droits
r´
eserv´
es.
M.
Ludot
et
al.
/
Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
64
(2016)
522–528
523
Conclusion.
Psychiatrists
are
concerned
by
the
“radicalization”
topic,
which
appear
starkly
within
teenager
and
young
adult
symptomatology.
Concern
about
how
“radicalization”
is
psychologically
negotiated
by
some
vulnerable
young
people
is
inevitable
among
clinicians,
even
if
underlying
psychopathology
is
not
necessary
heavy.
Psychiatrists
have
to
deal
with
individual
fates,
to
help
young
people
giving
meaning
to
their
commitment
(religious
or
not),
to
help
restoring
continuity
into
a
period
of
discontinuity
caused
by
pubertal
reorganizations,
to
help
him
or
her
to
access
to
adult’s
status
without
hindering
its
identity
maturation.
The
understanding
of
this
complex
and
global
phenomenon
has
to
be
multidisciplinary
and
on
the
ground,
with
the
help
of
anthropologists,
sociologists,
historians
or
still
imams.
©
2016
Elsevier
Masson
SAS.
All
rights
reserved.
Keywords:
Radicalization;
Psychiatry;
Psychopathology;
Teenagers;
Identity;
Identifications;
Ego
ideal;
Filiation
1.
Introduction
La
France
est
le
pays
européen
qui
compte
le
plus
grand
nombre
de
ressortissants
impliqués
dans
les
filières
djihadistes
en
Syrie
et
en
Irak
[1].
C’est
aussi
un
pays
qui
reste
particulière-
ment
exposé
à
la
menace
terroriste,
en
témoigne
les
nombreux
attentats
ayant
touché
la
France
depuis
1995
et
cette
déclara-
tion
de
l’organisation
terroriste
revendiquant
les
attentats
de
novembre
2015
en
Île-de-France
:
«
La
France
et
ceux
qui
suivent
sa
voie
doivent
savoir
qu’ils
restent
les
principales
cibles
de
l’État
islamique
»
[2].
Selon
le
ministère
de
l’Intérieur,
deux
tiers
des
individus
signalés
auraient
entre
15
et
25
ans
et
25
%
seraient
mineurs.
Les
adolescents
et
jeunes
adultes
sont
donc
les
principaux
concernés.
Les
spécialistes
de
la
question
musulmane
ont
formulé
plusieurs
hypothèses
de
compréhension
à
ce
sujet.
Selon
le
politologue
Kepel
[3],
les
massacres
du
13
novembre
dernier
illustrent
ce
qu’il
nomme
«
le
djihad
de
la
troisième
génération
».
Il
distingue
en
effet
trois
générations
de
djihad.
La
première
serait
celle
du
djihad
en
Afghanistan
(entre
1979
et
1997)
:
un
mouvement
djihadiste
sunnite
se
forme
pour
contrer
l’ennemi
proche
que
constitue
l’Armée
rouge
soviétique
;
la
deuxième
serait
celle
d’Al-Qaïda
sous
Ben
Laden
avec
les
évè-
nements
du
11
septembre
2001
:
il
s’agit
alors
de
lutter
contre
l’ennemi
lointain
que
constitue
l’Amérique
;
la
troisième
généra-
tion
naît
autour
du
Jordanien
Al-Zarquaoui
et
du
Syrien
Al-Souri
à
partir
de
2005
:
un
«
système
réticulaire
pénétrant
par
la
base
»
apparaît,
visant
à
mobiliser
un
grand
nombre
de
jeunes
pour
commettre
des
attentats
contre
l’Europe,
perc¸ue
comme
le
«
ventre
mou
»
de
l’Occident.
Cela
rejoint
la
thèse
de
l’expert
américain
Sageman
[4]
qui
constate
la
dispersion
et
la
décen-
tralisation
de
la
mouvance
djihadiste,
permise
par
l’utilisation
croissante
des
nouvelles
technologies
de
communication
(Inter-
net)
et
qui
aboutira
à
l’avènement
d’un
«
djihad
sans
leader
».
Selon
le
sociologue
Khosrokhavar
[5],
le
début
de
la
guerre
civile
en
Syrie
(en
2013)
marque
un
véritable
tournant
dans
l’histoire
de
la
radicalisation
:
il
constate
qu’en
plus
des
jeunes
«
désaffiliés
»
des
banlieues
viennent
s’ajouter
dans
les
rangs
de
Daech
des
jeunes
de
classe
moyenne.
Et
le
sociologue
insiste
sur
cette
différence
de
profils
:
les
jeunes
de
classe
moyenne
«
ne
souffrent
pas
de
l’ostracisme
dont
la
société
a
accablé
»
les
jeunes
des
banlieues,
ils
ne
vivent
pas
non
plus
«
le
drame
de
la
victimisation
».
Pour
le
politologue
Roy
[6],
il
s’agit
bien
d’une
«
révolte
générationnelle
»,
d’une
«
dérive
»
:
celle
de
jeunes
de
la
seconde
génération
d’immigrés
certes,
dans
une
situation
de
précarité
sociale,
ayant
connu
la
petite
délinquance
mais
éga-
lement
celle
«
plus
personnelle,
plus
psychologique
et
moins
liée
à
l’environnement
social
»
des
jeunes
qui
se
convertissent.
Ainsi,
un
distinguo
s’opère
entre
d’une
part,
les
jeunes
musul-
mans
animés
par
une
«
haine
de
la
société
»,
motivée
par
le
sentiment
d’être
exclus
et
«
victimes
d’une
profonde
injus-
tice
sociale
»
[5].
Ils
mènent
un
combat
qui
ne
peut
en
aucun
cas
être
dissocié
des
contextes
géopolitique
et
social
actuels.
D’autre
part,
les
jeunes
des
classes
moyennes
qui
viennent
s’ajouter
aux
islamistes
radicaux
:
ils
ne
sont
généralement
pas
d’origine
musulmane
et
se
convertissent
à
l’islam
radical
dans
une
démarche
tout
à
fait
personnelle,
venant
ainsi
rompre
de
manière
radicale
avec
leur
filiation.
C’est
au
sein
de
cette
popu-
lation
que
ce
travail
[7]
s’est
pensé
pour
la
psychiatre
que
je
suis,
l’inscription
dans
les
enjeux
géopolitiques
étant
moins
évidente
et
les
motivations
personnelles
plus
criantes
;
parce
qu’également,
ce
sont
ces
individus
qui
peuvent
être
davantage
pris
en
charge
sur
le
plan
psychiatrique,
dans
certains
cas
en
plus
d’une
prise
en
charge
sécuritaire.
Plusieurs
questions
se
posent
à
nous
:
comment
le
signifiant
«
radicalisation
»
émerge-t-il
dans
la
clinique
de
nos
patients
?
Parmi
ces
adolescents,
à
quoi
le
discours
islamique
radical
pourrait-il
faire
écho
?
L’objectif
de
cet
article
est
d’étudier
la
place
de
la
«
radica-
lisation
djihadiste
»
au
sein
de
la
prise
en
charge
psychiatrique
de
l’adolescent.
Le
but
étant
de
participer
à
la
compréhension
de
ces
jeunes
qui
se
convertissent
et
épousent
la
problématique
de
la
radicalisation
djihadiste
sous
une
forme
psychopatholo-
gique
ou
non.
Il
s’agit,
comme
le
dit
Zagury
[8],
qui
met
en
garde
contre
les
risques
de
réductionnisme
psychologique
et
psychiatrique
de
«
rendre
compte
des
processus
psychiques
qui
facilitent
et
renforcent
la
radicalisation
pour
tenter
d’entrevoir
ce
qui
pourrait
permettre
de
faire
le
chemin
à
l’envers,
au
moins
pour
quelques-uns
d’entre
eux
».
Dans
un
premier
temps,
les
résultats
d’une
revue
de
littérature
du
champ
des
sciences
humaines
et
sociales
seront
présentés
sur
les
liens
entre
«
radicalisation
djihadiste
»
et
psychiatrie
;
ensuite,
seront
présentées
deux
illustrations
cliniques
visant
à
illustrer
la
manière
dont
la
radicalisation
peut
être
«
négociée
»
psychiquement
par
certains
jeunes
fragilisés.
524
M.
Ludot
et
al.
/
Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
64
(2016)
522–528
2.
Revue
de
littérature
complémentariste
2.1.
Définir
la
«
radicalisation
djihadiste
»
Il
convient
de
définir
au
mieux
ce
champ
sémantique,
particu-
lièrement
politisé
ces
derniers
mois,
pour
limiter
les
amalgames.
Les
définitions
de
la
«
radicalisation
»
sont
multiples
et
hétéro-
gènes
dans
la
littérature
et
les
documents
officiels.
Le
terme
de
«
radicalisation
»
a
émergé
de
la
littérature
inter-
nationale
il
y
a
3–4
ans,
supplantant
ainsi
progressivement
celui
de
terrorisme.
Pour
Khosrokhavar
[9],
la
«
radicalisation
»
se
définit
comme
«
l’articulation
entre
une
idéologie
extrémiste
et
une
logique
d’action
violente
».
Rappelons
que
ce
terme
n’est
pas
réservé
à
l’islam
radical
et
qu’il
s’applique
à
d’autres
idéo-
logies
que
sont
en
autres
le
néonazisme
et
le
néofascisme
en
Europe.
Il
est
important
de
noter
que
la
«
radicalisation
»
n’est
pas
nécessairement
violente,
elle
n’aboutit
pas
forcément
à
des
actes
terroristes
[10].
Le
terme
de
«
radicalisation
violente
»
semble
souvent
plus
adapté
pour
qualifier
le
phénomène
étudié
[11].
Le
Professeur
en
psychiatrie
transculturelle
et
en
épidémiologie,
Bhui,
distingue
ainsi
plusieurs
terminologies
:
la
«
radicalisa-
tion
»,
la
«
radicalisation
violente
»
et
le
«
terrorisme
».
En
effet,
la
radicalisation
des
opinions
n’équivaut
pas
à
la
radicalisation
des
comportements
ni
à
la
violence.
McCauley
et
Moskalenko
[12]
démontrent
l’existence
de
douze
mécanismes
en
jeu
dans
l’escalade
de
la
«
radicalisation
»
et
l’avènement
du
terrorisme.
Quant
au
«
djihad
»,
il
renvoie
d’abord
au
déploiement
d’un
effort
individuel,
c’est
le
combat
contre
les
passions
de
l’âme
:
on
parle
de
djihad
«
majeur
».
Il
renvoie
également
au
fait
de
s’engager
dans
la
guerre
pour
la
promotion
de
l’islam
contre
les
infidèles
:
on
parle
alors
de
djihad
«
mineur
».
Cette
distinc-
tion
est
attribuée
à
un
hadith
du
Prophète.
La
théorie
du
djihad
comme
croisade
religieuse
contre
les
infidèles
n’apparaît
qu’au
IXesiècle
[13].
La
«
radicalisation
djihadiste
»
pourrait
en
un
certain
sens
concerner
les
trois
religions
monothéistes
:
en
effet
l’anthropologue
Nader
[14]
compare
le
djihad
de
l’islam
aux
croisades
du
christianisme
et
au
recrutement
Mahal
(le
recru-
tement
de
juifs
non
israéliens
résidant
sur
le
territoire
ou
à
l’étranger
dans
l’armée
israélienne
pour
contrer
la
Palestine).
2.2.
«
Radicalisation
djihadiste
»
et
psychiatrie
Un
état
des
connaissances
actuel
sur
la
«
radicalisation
»
et
la
psychopathologie
s’impose,
à
partir
de
la
littérature
anglo-
saxonne
essentiellement.
Nous
avons
interrogé
les
moteurs
de
recherche
Pubmed,
Psycinfo
et
Google
Scholar
depuis
l’année
2002
jusqu’à
début
2016
à
partir
des
mots
clés
suivants
:
radi-
calization,
psychology,
psychiatry,
psychopathology
and
mental
health
disease.
Des
articles
ont
été
retenus
à
partir
de
revues
aussi
diverses
que
celles
de
psychologie
politique,
de
psychologie
sociale,
d’anthropologie
ou
de
psychiatrie
[7].
La
littérature
de
sciences
humaines
et
sociales
a
toujours
été
très
impliquée
dans
ce
domaine,
privilégiant
d’abord
les
théo-
ries
de
psychologie
sociale.
Néanmoins,
se
développent
depuis
quelques
années,
au
sein
même
de
cette
littérature,
des
théories
psychologiques
individuelles
permettant
aux
professionnels
de
santé
mentale
de
prendre
progressivement
leur
place
dans
la
compréhension
du
phénomène.
En
Angleterre,
Bhui
et
al.
[15]
se
sont
beaucoup
interrogés
sur
les
facteurs
prédisposant
à
la
«
radicalisation
violente
».
Ils
partent
de
l’observation
suivante
:
les
actes
terroristes
ne
sont
plus
le
fait
exclusif
de
groupes
islamiques
radicaux
étrangers
mais
de
«
terroristes
maisons
»,
comme
lors
des
attaques
de
juillet
2005
à
Londres.
L’approche
de
santé
publique
lui
paraît
donc
la
plus
pertinente
pour
repérer
au
sein
de
la
population
les
individus
vulnérables
au
recrutement
djihadiste.
Dans
une
large
enquête
transversale
de
2014,
il
étudie
un
échantillon
représen-
tatif
de
population
dans
deux
villes
anglaises.
Chez
608
hommes
et
femmes
âgés
de
18
à
45
ans,
originaires
du
Bangladesh
et
du
Pakistan
mais
ayant
un
héritage
musulman,
Bhui
et
al.
évaluent
la
«
sympathie
»
pour
les
actes
de
protestation
violente
et
de
terrorisme
et
proposent
cette
mesure
comme
nouvelle
méthode
d’évaluation
de
la
vulnérabilité
à
la
«
radicalisation
violente
»
[15].
Au
Canada,
Hassan
et
al.
[16]
étudient
l’impact
du
senti-
ment
de
discrimination
sur
la
santé
mentale
et
le
soutien
à
la
radicalisation.
La
littérature
conclut
[7],
en
l’état
actuel
des
connaissances,
en
l’absence
de
psychopathologie
lourde
(c’est-à-dire
du
registre
psychotique
et
psychopathique)
et
pathognomonique
associée
au
phénomène
de
«
radicalisation
violente
».
Ainsi,
Kruglanski
et
Fishman,
cités
par
Bénézech
et
Estano
[17]
affirment
que
«
le
terrorisme
n’est
pas
une
sorte
de
psychopathologie
[.
.
.],
les
ter-
roristes
ne
sont
pas
fous
[.
.
.],
un
profil
spécifique
de
personnalité
qui
caractériserait
un
terroriste
n’existe
pas
».
Une
certaine
«
vulnérabilité
psychologique
»
prédisposerait
certains
jeunes
plutôt
que
d’autres
à
s’engager
de
cette
manière.
La
psychopathologie
pourrait
davantage
se
penser
chez
ceux
qui
s’engagent
seuls,
sans
le
support
d’une
organisation
ter-
roriste.
Ainsi
pour
Bénézech
et
Estano
[17],
«
c’est
parmi
les
auteurs
solitaires
que
l’on
risque
de
retrouver
la
plus
grande
variété
psychopathologique,
allant
de
la
normalité
à
des
troubles
schizophréniques
ou
de
l’humeur
».
Pour
Zagury
[8],
l’immense
majorité
des
radicalisés
ne
relève
pas
de
la
psychose
délirante
et
de
l’irresponsabilité
pénale.
Pour
autant,
quelques
schizophrènes
peuvent
aussi
bien
s’emparer
de
l’air
du
temps
pour
«
colorer
de
références
djihadistes
leur
passage
à
l’acte
criminel
».
Il
fait
l’hypothèse
qu’il
pourrait
s’agir
des
seuls
loups
solitaires.
Les
jeunes,
qui
se
convertissent,
de
plus
en
plus
nombreux
à
rejoindre
les
rangs
de
Daech,
seraient
également
plus
fragiles
psychologiquement.
Nous
allons
voir
comment,
via
deux
illustrations
cliniques,
la
«
radicalisation
»
peut
être
«
négociée
»
psychiquement
par
certains
jeunes
fragilisés,
sans
qu’il
s’agisse
nécessairement
de
psychopathologie
lourde.
3.
Fragments
cliniques
Les
vignettes
qui
suivent
illustrent
les
cas
d’adolescents,
pour
lesquels
la
problématique
de
la
«
radicalisation
djihadiste
»
s’est
posée
aux
professionnels
de
santé
mentale.
Le
premier
cas
a
été
M.
Ludot
et
al.
/
Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
64
(2016)
522–528
525
recueilli
à
partir
d’un
dossier
médical
et
analysé
rétrospective-
ment,
avec
le
support
d’échanges
avec
le
psychiatre
référent.
Le
deuxième
cas
provient
d’une
rencontre
clinique
de
ma
part.
3.1.
Ninon,
à
la
recherche
d’une
nouvelle
filiation
?
Ninon
est
une
adolescente
de
15
ans
et
demi
lorsqu’elle
consulte
dans
un
centre
médico-psychologique
(CMP)
de
ban-
lieue
parisienne
en
janvier
2012.
Accompagnée
par
ses
parents,
elle
est
adressée
par
son
médecin
généraliste
au
décours
de
crises
clastiques
et
pour
une
déscolarisation
progressive,
dans
un
contexte
de
consommation
de
cannabis.
Ninon
est
une
jeune
fille
métisse,
d’origine
vénézuélienne,
abandonnée
à
la
naissance
par
sa
mère
biologique.
Ses
parents
adoptifs,
tous
deux
franc¸ais,
se
séparent
alors
que
Ninon
est
âgée
de
7
ans.
D’abord
sous
la
garde
exclusive
de
sa
mère,
une
garde
alternée
est
mise
en
place
depuis
peu.
L’adolescente
est
scolarisée
en
classe
de
3elorsqu’elle
rencontre
l’équipe
du
CMP.
Son
histoire
de
vie
est
tout
à
fait
singulière
:
Ninon
a
été
adoptée
nourrisson
à
l’âge
de
deux
mois
au
Venezuela,
à
partir
d’un
orphelinat
catholique
accompagnant
les
femmes
enceintes
vers
un
accouchement
sous
X.
Le
prénom
donné
par
sa
mère
biologique
était
Andréa,
ses
parents
adoptifs
l’ont
renommée
Ninon,
et
nous
verrons
qu’elle-même
se
renommera
ultérieu-
rement.
Elle
ne
sait
rien
de
sa
mère
biologique
jusque
début
novembre
2012
elle
part
au
Venezuela
accompagnée
par
sa
mère
adoptive
pour
consulter
le
recueil
de
renseignements
:
elle
visite
l’orphelinat
et
apprend
que
sa
mère
biologique
avait
22
ans
lorsqu’elle
a
accouché
et
qu’elle
était
«
célibataire
»,
«
pauvre
»,
et
«
femme
de
ménage
».
Durant
les
consultations
familiales,
Ninon
se
dit
«
frustrée
»,
disant
ne
pas
supporter
d’avoir
été
abandonnée.
Elle
évoque
d’emblée
auprès
des
thérapeutes
ses
questionnements
identi-
taires,
le
manque
d’une
«
matrice
»
sur
laquelle
s’appuyer.
Se
qualifiant
de
jeune
fille
«
métisse
»,
l’identification
à
ses
parents
adoptifs
semble
problématique
du
fait
de
la
différence
phénoty-
pique.
Elle
évite
le
plus
possible
le
contact
de
ses
parents,
sort
beaucoup
auprès
de
ceux
qu’elle
nomme
les
«
racailles
»
(pour
attribuer
à
ses
amis
le
qualificatif
qu’elle
fantasme
être
pensé
par
ses
parents)
qui
lui
offrent
un
cadre
contenant.
Elle
maintient
ses
amis
dans
la
méconnaissance
de
son
adoption
et
évite
donc
soi-
gneusement
qu’ils
rencontrent
ses
parents
«
blancs
».
À
ses
amis,
elle
dit
d’ailleurs
être
d’origine
tunisienne.
Ninon
recherche
la
présence
des
«
non-blancs
»,
ceux
des
classes
défavorisées,
des
groupes
des
cités
et
des
migrants.
La
consommation
de
toxiques
est
à
ce
moment-là
particulièrement
importante.
Fin
2012,
elle
annonce
lors
de
la
consultation
et
devant
ses
parents
s’être
«
convertie
à
l’islam
»
pour
avoir
«
des
structures
»
c’est-à-dire
un
cadre
contenant.
Elle
explique
en
effet
avoir
depuis
peu
«
une
nouvelle
bande
»
constituée
d’amis
musulmans
qui
instaurent
un
certain
nombre
de
règles,
lui
ayant
notam-
ment
permis
d’arrêter
le
cannabis.
Sa
conversion
s’est
faite
sans
l’accord
de
ses
parents
par
un
supposé
imam,
à
l’occasion
d’une
cérémonie.
Elle
apprend
l’arabe
et
lors
de
ses
disputes
avec
son
père
lui
profère
quelques
insultes
dans
cette
langue.
Elle
porte
désormais
le
voile.
De
fac¸on
contemporaine
à
la
conversion
de
sa
fille,
le
père
se
convertit
au
catholicisme.
La
mère
de
son
côté,
inquiète,
saisit
la
justice
pour
conversion
rapide
d’une
mineure
sans
autorisation
parentale.
Ninon
exprime
le
sentiment
d’une
rupture
de
filiation.
Elle
a,
d’ailleurs,
changé
de
prénom
pour
les
copains
:
d’abord
Andréa
puis
Ninon,
elle
se
fera
désormais
appeler
Djenaba.
En
juin
2013,
le
père
signale
la
disparition
inquiétante
de
sa
fille
et
dans
sa
déclaration
mentionne
sa
conversion
récente.
En
2015,
Ninon
fait
l’objet
d’un
signalement
auprès
de
la
préfecture
de
police,
elle
est
fichée
S
(pour
«
atteinte
à
la
sûreté
de
l’état
»).
3.2.
Mattis,
un
repenti
au
service
de
l’islam
radical
?
Mattis
est
un
jeune
adolescent
de
14
ans
qui
consulte
dans
une
Maison
des
adolescents
de
banlieue
parisienne
en
juillet
2015.
Cette
démarche
est
à
l’initiative
de
ses
parents
qui
suspectent
la
«
radicalisation
»
de
leur
fils
et
qui
supposent
une
souffrance
psychique
sous-jacente
devant
être
prise
en
charge.
Mattis
est
l’aîné
d’une
fratrie
de
trois
enfants,
ses
parents
se
sont
séparés
lorsqu’il
avait
7
ans.
Il
vit
chez
sa
mère
avec
ses
deux
petites
sœurs
Diane
et
Clémentine,
respectivement
de
3
et
5
ans
ses
cadettes.
Il
est
déscolarisé
de
sa
classe
de
4e.
En
avril
2015,
les
parents
de
Mattis
découvrent
sur
son
portable
la
consultation
de
sites
qu’ils
jugent
«
inquiétants
»
autour
de
la
religion
musulmane,
puis
des
vidéos
de
plus
en
plus
extrémistes.
Ils
surprennent
des
échanges
réguliers
sur
les
réseaux
sociaux
avec
un
individu
localisé
en
banlieue
parisienne,
d’idéologie
«
djihadiste
».
Les
parents
décrivent
Mattis
comme
«
sous
l’emprise
d’un
rabatteur
»,
se
comportant
«
comme
un
toxicomane
»
essayant
de
se
procurer
par
tous
les
moyens
des
accès
à
Internet
pour
maintenir
le
contact
avec
lui.
Sur
conseils
du
médecin
généraliste,
Mattis
est
accompagné
par
ses
parents
à
la
Maison
des
adolescents
avec
l’idée
que
soit
évaluée
l’indication
d’une
hospitalisation.
Dès
la
première
consultation,
les
parents
nous
livrent
leur
interprétation
:
la
relation
d’emprise
actuelle
avec
le
rabatteur
djihadiste
viendrait
faire
écho
à
une
relation
d’emprise
dont
Mat-
tis
aurait
été
victime
à
l’école
primaire
de
la
part
de
son
meilleur
ami
Lounes,
de
deux
ans
son
aîné.
Lorsque
nous
rencontrons
Mattis
seul,
il
est
peu
loquace
;
la
tête
baissée,
il
la
relève
régulièrement
pour
regarder
d’un
air
candide
quelques
secondes
son
interlocuteur.
Ses
réponses
sont
succinctes
«
je
sais
pas,
oui,
non
».
La
conversion
à
l’islam
semble
pour
lui
une
démarche
person-
nelle
deux
ans
auparavant,
c’est-à-dire
bien
avant
sa
rencontre
avec
le
rabatteur
en
juin
dernier.
Il
ne
s’agit,
d’ailleurs,
pas
d’un
rabatteur
selon
lui
mais
d’un
«
simple
musulman
»,
une
sorte
de
«
guide
»
rencontré
sur
les
réseaux
sociaux
et
qui
lui
permet-
tait
de
mieux
connaître
la
religion
musulmane.
Son
intérêt
pour
l’islam
a
débuté
sur
Internet
et
dans
des
livres.
Il
ne
peut
pas
expliquer
la
raison
de
son
engagement
mais
peut
dire
y
avoir
trouvé
une
aide,
«
au
niveau
du
moral
»
notamment.
Questionné
justement
sur
son
état
thymique,
il
s’insurge
parlant
de
«
honte
»
à
l’évocation
de
tels
affects,
au
vu
de
sa
qualité
de
vie.
S’agissant
de
ses
rapports
avec
la
religion
musulmane,
il
se
rend
seul
à
la
mosquée
une
fois
par
semaine,
prie
cinq
fois
par
jour
et
mange
halal
depuis
quelques
temps.
Il
exprime
souvent
à
ses
parents
son
526
M.
Ludot
et
al.
/
Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
64
(2016)
522–528
désir
de
devenir
quelqu’un
de
«
bon
».
Les
parents
expriment
leur
inquiétude
quant
à
certains
propos
de
Mattis,
s’agissant
de
la
charia
notamment
dont
il
peut
dire
qu’il
aimerait
la
voir
appliquée
en
France.
Mattis
nous
dit
ne
pas
comprendre
les
raisons
d’une
telle
émulation
autour
de
sa
conversion,
encore
moins
que
la
psy-
chiatrie
puisse
le
concerner.
Il
nous
dit
ne
pas
se
reconnaître
à
la
place
qu’on
lui
assigne,
celle
d’un
adolescent
à
risque
de
s’engager
pour
le
djihad.
Néanmoins,
il
y
a
quelques
mois,
le
lien
est
fait
(via
les
réseaux
sociaux)
entre
Mattis
et
l’un
des
commanditaires
d’un
des
attentats
commis
en
France.
4.
Discussion
4.1.
Conversion
ou
«
radicalisation
»
?
On
peut
dire
que
ces
deux
adolescents
se
sont
convertis
à
l’islam
:
en
effet,
ils
ont
adopté
les
croyances
et
rites
de
l’islam
à
l’occasion
d’une
profession
de
foi
récitée
devant
un
imam.
Comment
distinguer,
via
cette
conversion,
une
affiliation
reli-
gieuse
«
classique
»
d’une
affiliation
religieuse
«
à
risque
»
?
Il
s’agit
pour
Hefez
[18]
de
s’interroger
sur
le
maintien
ou
non
de
la
liberté
de
conscience
de
l’adolescent.
Cela
fait
écho
aux
méca-
nismes
d’endoctrinement
à
l’œuvre
dans
les
dérives
sectaires
[19].
L’anthropologue
Bouzar
[20],
pour
faire
la
différence
entre
un
musulman
pratiquant
et
quelqu’un
qui
bascule
dans
la
«
radi-
calisation
djihadiste
»
recherche
les
«
comportements
de
rupture
dans
les
relations
amicales,
dans
la
scolarisation,
dans
les
loisirs
et
aussi
dans
les
relations
familiales
»,
ruptures
qui
«
précèdent
les
choix
extrêmes
».
4.2.
Quel
est
le
sens
de
l’engagement
?
S’agissant
de
Ninon,
peu
d’éléments
sont
connus,
s’agissant
de
son
rapport
à
la
religion
musulmane.
Elle
peut
dire
que
son
nouveau
groupe
d’amis
musulmans
lui
a
permis,
de
par
les
règles
imposées,
d’arrêter
sa
consommation
de
cannabis.
À
aucun
moment,
il
n’est
fait
état
d’une
vision
radicale
de
l’islam.
La
religion
musulmane
semble
lui
permettre
de
s’affilier
autrement,
singulièrement,
à
distance
de
sa
mère
biologique
(dont
on
sait
qu’elle
l’a
confiée
dans
un
orphelinat
catholique).
Elle
se
distancie
également
de
ses
parents
adoptifs,
dont
on
ignore
l’éducation
religieuse,
mais
dont
on
sait
que
le
père,
au
décours
immédiat
de
la
conversion
à
l’islam
de
sa
fille,
se
conver-
tira
au
catholicisme,
mettant
en
acte
avec
force
la
rupture
d’appartenance
que
sa
fille
lui
imposait.
Elle
se
renomme,
d’un
prénom
ni
vénézuélien
ni
franc¸ais,
d’un
prénom
qui
s’inscrit
dans
son
nouveau
groupe
d’appartenance.
Plus
qu’une
question
d’affiliation,
il
s’agirait
davantage
d’un
enjeu
de
néo-filiation.
L’adolescente
a
trouvé
une
nouvelle
famille
d’adoption
:
le
groupe
d’amis
musulmans
qui
a
fonction
de
contenance
familiale,
avec
des
règles,
une
protection,
des
limites
et
une
place.
Cette
question
religieuse
semble
avoir
été
très
peu
élabo-
rée
par
l’adolescente
et
sonne
davantage
comme
un
passage
à
l’acte
à
l’égard
de
la
dualité
de
son
appartenance,
à
l’égard
de
sa
famille
d’origine
et
de
sa
famille
adoptive.
En
revanche,
dans
l’imaginaire
parental,
cette
conversion
a
valeur
de
«
radi-
calisation
»
:
la
mère
signale
cette
conversion
aux
autorités
compétentes,
le
père
fait
état
dans
une
déclaration
de
fugue,
de
la
conversion
récente
de
sa
fille
à
l’islam,
laissant
fantasmer
une
disparition
au
service
de
la
religion
et
donc
potentiellement
une
«
radicalisation
djihadiste
».
Rappelons
qu’elle
a,
néanmoins,
été
signalée
à
la
préfecture
de
police
et
qu’elle
fait
l’objet
d’un
fichier
S.
Quant
à
Mattis,
il
rapporte
un
soulagement
apporté
par
la
reli-
gion
musulmane.
Le
jeune
adolescent
tient
des
propos
radicaux
disant
notamment
vouloir
que
la
charia
soit
appliquée
en
France
et
visualise
de
fac¸on
addictive
des
vidéos
djihadistes.
Abusé
enfant
par
un
individu
musulman,
Mattis
va
se
conver-
tir
quelques
années
plus
tard
à
l’islam,
sous
le
regard
effaré
de
ses
parents.
L’identification
à
l’agresseur
au
sens
l’entend
Ferenczi
pourrait
être
à
l’œuvre
dans
l’organisation
psychique
de
Mattis,
dans
les
suites
du
traumatisme
majeur
que
constitue
son
agression
à
l’âge
de
10
ans.
Selon
Ferenczi,
cette
identifica-
tion
est
de
type
primaire
et
l’enfant
va
introjecter
la
culpabilité
de
l’agresseur
dans
une
sorte
de
surmoi
destructeur
[21].
La
culpa-
bilité
est
très
présente
dans
le
discours
de
Mattis
et
la
volonté
de
se
«
racheter
»
palpable.
Mattis
dira
notamment
à
plusieurs
reprises
à
ses
parents
vouloir
devenir
«
quelqu’un
de
bon
».
Le
sentiment
de
culpabilité
tend
vers
le
besoin
de
s’infliger
des
contentions
pulsionnelles
et
des
autopunitions
et
c’est
dans
ce
contexte
que
la
radicalisation
peut
trouver
preneur,
propo-
sant
«
la
projection
d’un
dictateur
intérieur
vers
l’extérieur
»
[22].
C’est
le
cas
de
«
ceux
dont
le
surmoi
est
plus
cruel
que
les
exigences
provenant
du
dehors,
aussi
les
commandements
et
les
châtiments
d’un
chef
sévère
dans
la
réalité
les
libèrent-ils
de
leur
culpabilité
».
Benslama
[22]
rappelle
que
certains
jeunes
ne
demandent
qu’à
être
«
assignés
à
un
cadre
autoritaire
qui
les
soulage
du
désarroi
de
leur
liberté
et
de
leur
responsabilité
per-
sonnelle
».
Il
rappelle
également
que
Freud
avait
situé
la
névrose
obsessionnelle
comme
«
effet
de
l’angoisse
devant
le
surmoi
».
Il
s’agirait
de
ce
qu’il
nomme
le
«
blasphème
inconscient
».
La
«
radicalisation
islamique
»
pourrait
se
comprendre
chez
Mattis
comme
permettant
de
soulager
sa
culpabilité,
de
se
purifier,
par
les
rituels
de
prières
et
les
ablutions
notamment.
Le
caractère
obsessionnel
qui
l’accompagne
le
prive
de
sa
liberté,
l’enferme
dans
une
souffrance
psychique
qui
ne
peut
être
partagée.
Ses
liens
mis
en
évidence
récemment
avec
l’un
des
commanditaires
d’un
des
attentats
en
France
attestent
de
la
dangerosité
de
sa
radicalisation.
4.3.
Écho
aux
problématiques
adolescentes
4.3.1.
Remaniements
des
identifications
et
quête
d’un
idéal
Ces
patients
ont
pour
point
commun
de
se
situer
dans
la
période
développementale
de
l’adolescence,
période
marquée
comme
le
dit
Kestemberg
par
une
«
interrogation
anxieuse
de
l’identité
»,
le
remaniement
des
identifications
(avec
le
rejet
des
figures
parentales)
et
la
quête
d’un
idéal
[23].
Les
idéaux
collectifs,
tout
particulièrement
ceux
qui
sont
peu
nuancés,
viennent
s’inscrire
chez
les
adolescents
dans
la
recherche
d’un
idéal
du
moi,
chaque
fois
que
les
imagos
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