Page 1 Document 1 de 1 Cour de cassation Chambre commerciale

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Cour de cassation
Chambre commerciale
5 Janvier 1999
Rejet
N° 96-15.478
Publié au Bulletin
Société Metrobus publicité
société Stephan films
M. Bézard, Président
M. Grimaldi, Rapporteur
Mme Piniot, Avocat général
MM. Odent, Capron, Avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 21 mars 1996), que, par deux contrats du 11 juin 1985, la société Agence Squale
(l'agence) a pris en location, à la société Métrobus publicité (le support), concessionnaire exclusif de la Régie autonome
des transports parisiens pour l'exploitation de la publicité, divers emplacements publicitaires, pendant une période
déterminée, pour le compte de la société Stéphan films (l'annonceur) ; que, n'étant pas payé par l'agence, le support a
adressé ses factures à l'annonceur et, le 16 novembre 1992, l'a assigné en paiement ; que l'annonceur a résisté au motif
qu'il s'était, depuis longtemps, libéré de sa dette auprès de l'agence ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que la société Métrobus publicité reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part,
qu'en constatant que les deux contrats litigieux du 11 juin 1985 mentionnaient que la société Squale agissait à titre de
mandataire ducroire de la société Stéphan films, tout en estimant que le fait que la société Métrobus n'ait facturé que la
société Squale, qu'elle prétendait mandataire, et qu'elle ait convenu avec la société Squale de la rémunération de cette
agence, dont elle avait accepté de conserver la charge, constituait un anomalie par rapport aux règles ordinaires du
mandat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 94 du Code de commerce ; alors,
d'autre part, qu'en se bornant à énoncer que le texte des contrats préimprimés que la société Métrobus avait fait signer le
11 juin 1985 dérogeait aux usages régissant l'activité des agences de publicité en ce qu'il faisait de la société Squale un
mandataire, de surcroît ducroire, de la société Stéphan films, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la société Métrobus, si l'agence, en dévoilant au support l'identité de l'annonceur au nom duquel il avait établi
ouvertement le contrat, ne lui avait pas ainsi révélé l'existence d'un mandat jusque-là limité dans ses effets aux seuls
rapports avec son commettant qui le mettait en mesure et en droit de s'en prévaloir directement à l'égard de ce dernier à
charge de réciprocité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 94, alinéa 2, du
Code de commerce ; alors, de surcroît, que la société Métrobus avait expressément fait valoir dans ses conclusions
d'appel que c'était à tort que la société Stéphan films croyait pouvoir indiquer qu'en matière de publicité, il serait d'usage
que l'agence de publicité soit commissionnaire ducroire du support et non mandataire de l'annonceur ; qu'il résultait très
largement de la jurisprudence que, dans ce type de situations, les agences de publicité agissaient bien en qualité de
mandataire ; que, dès lors, en énonçant que la société Métrobus reconnaissait elle-même que le texte des contrats
préimprimés qu'elle avait fait signer le 11 juin 1985 dérogeait aux usages régissant l'activité des agences de publicité en
ce qu'il faisait de la société Squale un mandataire de surcroît ducroire, de la société Stéphan films, la cour d'appel a
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dénaturé les conclusions de la société Métrobus en violation des articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, encore, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Métrobus faisant valoir que la société Stéphan
films ne versait aux débats aucune pièce tendant à démontrer ses rapports contractuels avec l'agence Squale qui permettait de considérer qu'il s'agissait d'un contrat de commission, la cour d'appel a violé 455 du nouveau Code de procédure
civile ; et alors, enfin, que comme le faisait valoir la société Métrobus dans ses conclusions, les affiches apposées sur les
emplacements loués portaient des messages publicitaires de la société Stéphan films ; que celle-ci, dans ses écritures,
reconnaissait d'ailleurs avoir effectivement rémunéré la société Squale pour les prestations litigieuses ; qu'en décidant
cependant que la société Métrobus ne saurait trouver dans la fourniture des affiches la preuve d'un mandat apparent, la
cour d'appel a violé l'article 1998 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les deux contrats litigieux, portant que l'agence agit en qualité de mandataire de
l'annonceur, dérogeaient aux usages de la profession selon lesquels l'agence est un commissionnaire tenu au paiement
envers le support et que, par suite, il appartient à ce dernier d'apporter la preuve que l'annonceur, qui n'a pas été partie
aux contrats, avait accepté cette dérogation aux usages, le rendant, solidairement avec l'agence, débiteur du support ;
qu'il retient encore que n'est établi, à la charge de l'annonceur, aucun mandat de contracter en son nom, aucun mandat de
paiement et aucun mandat apparent ; qu'ainsi, abstraction faite du motif critiqué par la troisième branche qui est surabondant, la cour d'appel, qui n'a pas commis la contradiction reprochée par la première branche et qui n'avait pas à
répondre aux conclusions dont fait état la quatrième branche, par lesquelles la société Métrobus publicité lui demandait
d'inverser la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses
cinq branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Métrobus publicité reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Stéphan
films la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le pourvoi, que l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en
abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur
grossière équipollente au dol ; qu'il en résulte que la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue par les premiers
juges malgré l'infirmation dont leur décision a été l'objet ; que, dès lors en statuant de la sorte, l'arrêt infirmatif attaqué a
violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'infirmation de la décision de première instance n'empêche pas le juge d'appel de retenir l'abus dans
l'exercice de l'action ; que, dès lors que le moyen ne conteste pas que l'arrêt a énuméré les fautes " lourdes " commises
par la société Métrobus publicité dans l'exercice de son action dirigée contre la société Stéphan films, la cour d'appel a
légalement justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Contentieux Judiciaire
Numéro JurisData : 1999-000022
Abstract
Contrats et obligations, contrat de publicité, intermédiaires, locations d'emplacements publicitaires par une
agence, location auprès d'un support, support concessionnaire exclusif de la RATP, location pour le compte
d'annonceurs, débiteur de la rémunération du support, paiement des factures par l'annonceur (non), qualité
de l'agence, qualification de mandataire ducroire de l'annonceur, dérogation contractuelle aux usages de la
profession, usages faisant de l'agence un commissionnaire tenu au paiement envers le support, dérogation
rendant l'annonceur solidairement débiteur, acceptation de la dérogation par l'annonceur tiers au contrat (non),
charge de la preuve incombant au support, preuve non-rapportée, mandat de contracter au nom de l'annonceur
(non), mandat de paiement (non), existence d'un mandat apparent (non), rejet.
Résumé
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Les contrats portant qu'une agence avait pris en location divers emplacements publicitaires en qualité de mandataire de l'annonceur, dérogeant aux usages de la profession selon lesquels l'agence est un commissionnaire tenu
au paiement envers le support, il appartenait à ce dernier d'apporter la preuve que l'annonceur, tiers aux conventions, avait accepté cette dérogation aux usages le rendant solidairement débiteur avec l'agence, preuve non rapportée en l'espèce. Retenant encore qu'aucun mandat de contracter en son nom, aucun mandat de paiement et
aucun mandat apparent n'avaient été confiés au support, la cour d'appel a légalement justifié sa décision rejetant
sa demande en paiement contre l'annonceur qui s'était depuis longtemps libéré de la dette auprès de l'agence.
Titrage
PUBLICITE COMMERCIALE, Contrat de publicité, Contrat conclu entre le support et l'agence, Paiement,
Obligation de l'annonceur (non).
APPEL CIVIL, Exercice abusif, Décision de première instance ayant accueilli la demande d'une partie, Condamnation par la cour d'appel à des dommages-intérêts.
ACTION EN JUSTICE, Exercice abusif, Faute, Partie ayant triomphé en première instance.
Sommaire
Est justifié l'arrêt qui rejette la demande en paiement adressée par un support publicitaire, concessionnaire exclusif de la RATP, à un annonceur qui avait réglé l'agence de publicité, son contractant, au motif que le contrat
portait que l'agence agissait en qualité de mandataire de l'annonceur dérogeant aux usages de la profession selon
lesquelles l'agence est un commissionnaire tenu au paiement envers le support, qu'il appartient au support d'apporter la preuve que l'annonceur qui n'a pas été partie au contrat a accepté cette dérogation aux usages le rendant
solidairement avec l'agence débiteur du support et encore qu'il n'est établi à la charge de l'annonceur aucun
mandat de contracter en son nom, aucun mandat de paiement et aucun mandat apparent.
L'infirmation de la décision de première instance n'empêche pas le juge d'appel de retenir l'abus dans l'exercice
de l'action.
Décision Antérieure
Cour d'appel PARIS Chambre 5 section B 21 mars 1996
Jurisprudence :
À rapprocher : Cour de cassation, Chambre commerciale, 1 octobre 1997, Bulletin 1997, IV, n° 233, p. 204
(rejet), et l'arrêt cité.
Publication :
Bulletin civil 1999 IV N° 5 PAGE 5
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