CONFÉRENCE-DÉBAT
« schizophrénie(s) et souffrance familiale »
Animée par le Dr Hery RAJAONSON,
Psychiatre, Praticien hospitalier à Jonzac
Mardi 28 février 2012 - Espace Clément Marot (Cahors)
Lot
Le mardi 28 février 2012, une centaine de personnes assistaient à l’Espace Clément Marot à Cahors à
une conférence débat consacrée au thème « schizophrénie(s) et souffrance familiale ». Organisée par lUNAFAM Lot
et l’institut Camille Miret (ICM) en amont de la Semaine d’information sur la santé mentale1, cette rencontre était
animée par le Dr Hery RAJAONSON, psychiatre et praticien hospitalier à Jonzac (Charente-Maritime).
Madeleine MÉHATS, représentante de l’UNAFAM Lot, prit en premier la parole afin d’accueillir le public venu nom-
breux. Elle se réjouit de la collaboration entre deux associations comme l’UNAFAM et l’ICM : « une alliance motif de
grande satisfaction et despoir » car pendant longtemps « la parole des familles a été discréditée et leur souffrance ignorée ».
Jean OUITIS, Directeur général de l’ICM, confirma cette complémentarité, s’appuyant sur la représentation impor-
tante dans la salle du personnel de l’Institut (infirmiers, assistantes sociales, cadres de santé…) et la présence de
proches de patients, ainsi que sur la mise en place récente au sein du Centre hospitalier à Leyme d’une Maison
des usagers à disposition des représentants des associations de familles. Il souligna le renforcement progressif
des liens entre pratique des professionnels et attentes des familles.
Sur ce constat positif, le Dr Rajaonson débutait son intervention en posant une question : que peut-on faire
en hôpital psychiatrique et que peut-on faire à la maison pour lutter contre la schizophrénie, une pathologie
qui ne doit pas être considérée comme une fatalité ?
UNE DES FORMES DE LA PSYCHOSE : LA SCHIZOPHRÉNIE
Pour le Dr RAJAONSON, les psychoses regroupent : schizophrénies, troubles délirants, troubles psychologiques
brefs, épisodes dépressifs majeurs avec caractéristiques psychotiques, troubles bipolaires avec caractéristiques psy-
chotiques.
Nous pouvons tous être sujets à des périodes de lires mais la différence chez un patient psychotique est que
le délire perdure dans le temps. Par exemple, un enfant souffrant d’une forte fièvre peut délirer mais ce comporte-
ment reste bref.
La maladie la plus handicapante est la schizophrénie. Mais comment la détecte-t-on ?
En fait, avant de poser un diagnostic psychotique lié à la schizophrénie, on élimine d’abord toutes les autres patho-
logies. Une fois le diagnostic établi, on cherche à en connaître les causes, c’est pour cette raison que l’on parle de
schizophrénies au pluriel.
LES SYMPTÔMES
Le diagnostic se base sur : des symptômes psychotiques, une certaine durée (au moins 6 mois) et une diminu-
tion du niveau de fonctionnement de l’individu sur le plan social (degré scolaire, professionnel, capacité à se la-
ver…). C’est que l’on se rend compte que le psychiatre doit écouter les familles pour apprécier l’avant / après.
« Avant, il avait des amis, maintenant il s’isole, reste dans sa chambre ». Dans la lutte contre la schizophrénie,
on a besoin les uns des autres.
On distingue les symptômes positifs et les symptômes négatifs.
Ce sont ceux qui sont visibles : les délires, les hallucinations, l’incohérence du langage.
Exemple : un même geste/comportement va susciter des interprétations très différentes : pour toute personne
lambda qui se voit offrir un verre d’eau cela est considéré comme une attention qui lui est portée, pour le patient
psychotique on cherche à l’empoisonner.
Grâce à la prise de médicaments, les symptômes positifs vont finir par disparaître. C’est que les symptômes né-
gatifs surviennent. Le traitement administré ne fait que les révéler.
Face à chacun de ces symptômes, quelle attitude peut-on essayer d’adopter ?
L’affect aplati correspond chez le patient à un manque d’expressivité : le visage est figé quelles que soient les émo-
tions. On va alors essayer de tout faire pour entraîner les muscles du visage. Dans cette logique, sont proposés
des ateliers théâtre, des ateliers maquillage. Mais il est certain que si les soignants n’expliquent pas clairement cela
1 Manifestation nationale se déroulant du 12 au 18 mars 2012.
Les symptômes positifs
Les symptômes négatifs
à l’entourage, à leur Direction, des réactions d’incompréhension naissent, voire des blocages. C’est le reproche
que l’on peut parfois leur faire : ne pas assez communiquer.
Or si on ne collabore pas avec les familles, dans les 8 mois on constate des rechutes. Il faut impérativement inclu-
re les proches dans les soins.
L’alogie se caractérise par des difficultés au niveau de la conversation. Environ 45 secondes sont cessaires
au malade atteint de schizophrénie pour rassembler ses idées et les exprimer. De ce fait, il existe un décalage
dans la discussion, sans compter que le discours est pauvre et les réponses sont brèves. Il faut donc faire preuve
de patience, de pardon. Si on n’est pas informé, on finit par être découragé et on a uniquement l’impression
d’une perte d’énergie. En élaborant un projet médical précis, on amène progressivement l’individu à répondre de
manière plus étoffée. Les promenades proposées aux patients entrent, par exemple, dans cette logique.
Les familles associent fréquemment l’apathie (mollesse, nonchalance) du patient aux médicaments. Cette situa-
tion provoque souvent colère, énervement, des sentiments que l’on renvoie vers le médecin psychiatre. Le risque
est la suspension du traitement. Si l’apathie est perçue comme un symptôme de la pathologie, on réagit différem-
ment, on éprouve de la compassion, on incite à poursuivre la médication.
Dans le cadre des soins, les ateliers cuisine peuvent aider à combattre l’apathie.
Un autre symptôme négatif est le déficit d’attention. Pour un patient schizophrène, il est difficile de se concen-
trer plus de 15 minutes. Il retient uniquement les démonstrations visuelles et non les démonstrations verbales.
Devant de tels symptômes, le personnel soignant doit être innovant, créatif, il doit être encouragé dans
ce sens, tout en argumentant systématiquement ses initiatives auprès à la fois de sa hiérarchie, du patient et de
son entourage. Intervenant comme formateur à l’institut Camille Miret, le Dr RAJAONSON salue d’ailleurs à plu-
sieurs reprises l’implication des salariés et leur professionnalisme.
UNE SEULE ET MÊME ÉQUIPE
Pour le Dr RAJAONSON, les proches constituent « la 3ème force », les deux autres étant les patients et les soi-
gnants. Ces trois « équipes » ne doivent en former qu’une seule afin de ne pas disperser leur énergie.
D’un côté, se trouvent la schizophrénie, les délires, l’alogie, l’apathie…, de l’autre, les familles, les patients,
les soignants, les collectivités, les associations. « Soit on gagne tous ensemble, soit on perd tous ensemble ».
Ce que l’on essaie d’obtenir c’est le match nul.
Il est facile de rejeter la faute sur l’autre. On doit
être unis contre la maladie et surtout ne pas oublier
que le patient est un individu avant tout. Trop sou-
vent, on ne voit même plus le malade mais seulement
l’expression de sa maladie. L’ennemi, c’est elle et
non lui.
Pour avoir un poids dans la Société, être écoutés par
ceux qui font les lois, il est nécessaire de se fédérer.
Les soignants doivent expliquer davantage ce
qu’ils font, communiquer plus avec l’entourage
sur les soins prodigués, l’importance du suivi
médicamenteux... Les familles, elles, doivent
essayer de mettre leur colère de côté et accep-
ter de donner du temps aux professionnels pour
voir les premiers effets apparaître.
L’image d’une équipe de foot est employée par le Dr RAJAONSON
pour bien rappeler dans quel camp on se situe.
LES CAUSES DE LA SCHIZOPHRÉNIE
A l’origine de tout, on trouve : «hyperactivité dopaminergique au niveau du système limbique du système
nerveux central ». Pour expliquer ces termes scientifiques, le Dr RAJAONSON utilise une image : s’appuyant sur
un dessin, il prend l’exemple de l’électricité qui passe entre deux neurones. C’est la dopamine qui permet
ce transfert.
Chez un patient schizophrène, les neurones situés en amont produisent trop de dopamine qui remplit ensuite
les neurones en aval, c’est ce qui entraîne la perception de voix, les délires… On va par conséquent chercher à
réguler ce flux. Aujourd’hui la science ne permet pas de pallier complètement ce dysfonctionnement mais
elle parvient à empêcher le « gavage » des neurones en aval en mettant en place une sorte de bouclier de protec-
tion. Ce bouclier ce sont les médicaments dont on dispose actuellement. D’où l’importance de prendre le traite-
ment prescrit à des heures régulières.
LES INTERVENTIONS DANS LA SALLE
Très émue, la première personne à s’exprimer fut la maman d’un malade atteint de schizophrénie. Elle évoqua
sa souffrance, son impuissance face à l’agressivité de son fils envers elle. Se décrivant comme « une esclave »,
elle demanda ce qu’elle pouvait faire.
Réponse du Dr RAJAONSON = les patients psychotiques sont méfiants, la maladie les rend méfiants. Ils se sentent
en danger permanent. La maladie oblige le fils de cette dame à adopter un comportement paranoïaque avec elle.
Conseils : voir le psychiatre pour augmenter le dosage des médicaments, parler avec l’équipe soignante, penser
aussi à soi en requérant l’HDT (Hospitalisation à la demande d’un tiers) si nécessaire.
Une bénévole rappelle également à l’attention des familles présentes dans la salle que l’UNAFAM existe et propo-
se des groupes de parole et des ateliers d’entraide.
Une personne constate que nous évoluons dans une société il y a un manque de communication malgré tous
les moyens technologiques à disposition aujourd’hui. Dans le monde rural, il n’y a pas d’espace se parler et
beaucoup trop de pudeur pour cela. Souhait émis : que les groupes de parole aillent aussi vers la population
rurale.
Remarque du Dr RAJAONSON = il demande pardon au nom de la psychiatrie de ne pas s’occuper de tous. Mais
les familles doivent voter, parler tout haut afin qu’elles soient entendues. Il faut réunir nos forces.
Madeleine MÉHATS intervient pour demander aux soignants de « prescrire » l’UNAFAM auprès des familles, tandis
que quelqu’un souligne que les proches doivent oser poser des questions, faire la démarche de venir s’informer.
« C’est le même problème pour la maladie d’Alzheimer. Beaucoup de gens ne veulent pas participer aux groupes
de parole. Il faut aller au devant des autres » insiste un autre interlocuteur.
Concernant la peur des rechutes, le Dr RAJAONSON indique qu’elles font partie du cheminement normal.
La question à se poser est : « comment améliorer les choses ? ». On aborde ici la notion de responsabilité indi-
viduelle. En s’interrogeant sur le « qui est responsable ? », on se trompe, il faut se questionner sur
le « comment ? ». Comment faire en sorte que celui qui souffre aille mieux ? Cela ne sert à rien de renvoyer
la responsabilité sur quiconque.
« Mais que faire si le patient ne veut pas être aidé ? », demande Madeleine MÉHATS (UNAFAM).
Réponse du Dr RAJAONSON = il faut se poser systématiquement trois questions : est-ce que ce que je fais est lé-
gal ? éthique ? médical ? Si on répond non à un des ces points, cela signifie qu’on n’en a pas le droit.
Sur le plan médical, il est nécessaire d’associer les familles, on a le droit de les informer si cela s’avère être une
aide réelle dans la démarche thérapeutique. « On ne peut pas se cacher derrière le secret médical ». L’essentiel
c’est donc la déontologie.
En France on ne peut pas soigner les gens sans leur consentement. La liberté prime. D’un point de vue juridique
donc, on trouve des limites. L’Hospitalisation à la demande d’un tiers est possible, mais quand un individu re-
trouve sa conscience il est susceptible de refuser les soins, c’est son droit.
En matière d’éthique, peut-on accepter de soigner quelqu’un qui ne le souhaite pas ?
Face à ces remarques, le seul moyen réel de progresser consiste à faire du lobbying pour provoquer une modifi-
cation des lois.
Une dernière question est posée par un parent : s’il y a une dénégation totale de la maladie, que faire ?
Réponse du Dr RAJAONSON = dans le cadre de l’ « acceptation » d’un deuil on commence systématiquement par
une phase de déni. Puis suit la colère et enfin la tristesse. Le rôle des proches et des soignants est d’accompa-
gner ce cheminement.
En conclusion, le Dr RAJAONSON termine sur cette phrase résumant tout : « En psychiatrie on doit s’occuper
de la souffrance de tout le monde ».
Mai 2012. Imprimé par nos soins. Ne pas jeter sur la voie publique. Crédits photos : Institut Camille Miret.
Après ce dernier point consacré aux causes neurologiques de la schizophrénie et après avoir été largement
applaudi pour la qualité et la clarté de ses explications, le Dr RAJAONSON donnait la parole à la salle.
L'institut Camille Miret est une association à but non lucratif, participant au service public hospitalier. Elle est spécialisée
dans la prise en charge de la santé mentale dans le département du Lot.
Renseignements institut Camille Miret : tél. 05 65 10 20 30, e-mail : [email protected]
Site internet : www.icm46.fr
L’UNAFAM (Union NAtionale de Familles et Amis de personnes Malades et handicapées psychiques) est une association recon-
nue d’utilité publique qui accueille, écoute, informe et soutient dans la durée les familles confrontées aux troubles psychi-
ques d’un des leurs. Renseignements UNAFAM Lot : tél. 05 65 22 03 98, e-mail : 46@unafam.org
Site internet : www.unafam.org
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