DOSSIER PEDAGOGIQUE
L’Avare
Molière
Distribution
Mise en scène : Michel Dezoteux
Avec
Karim Barras : Valère
Frédéric Dezoteux : La Merluche, le commissaire, Maître Simon
Raphaële Germser : Marianne, Dame Claude
Erwin Grünspan : Cléante
Christian Hecq : Harpagon
Denis Laujol : La Flèche
Anne-Marie Loop : Frosine
Blaise Ludik : Maître Jacques
Fanny Marcq : Elise
Achille Ridolfi : Brin d’avoine, Anselme
Un spectacle du Théâtre Varia. En coproduction avec le Manège.Mons – Centre Dramatique
et la Rose des Vents – Scène Nationale de Villeneuve d’Ascq
Dates : du 22 septembre au 3 octobre 2006
Lieu : Aula Magna
Durée du spectacle : 2 h sans entracte
Réservations : 0800/25 325
Contact écoles :
Adrienne Gérard
0473/936.976 – 010/47.07.11 – [email protected]
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I. Molière, Paris, 1622 – 1673
Fils de Jean Poquelin, valet de chambre et tapissier ordinaire de la Maison du Roi,
Jean-Baptiste Poquelin, qui prendra plus tard le pseudonyme de Molière, fait d’excellentes
études au Collège de Clermont (futur lycée Louis Le Grand). Mais dès 1643, il renonce à
l’avenir bourgeois que lui garantit la jouissance héréditaire de la charge paternelle pour
s’associer par contrat avec neuf comédiens, dont Madeleine Béjart et fonder la troupe de
« L’Illustre Théâtre ». Après des débuts difficiles à Paris, de 1646 à 1658, la troupe parcourt
la province française. En 1661, elle déménage dans la salle du Théâtre du Palais Royal et
devient la Troupe du Roy. La comédie de L’Avare y a été représentée pour la première fois
le 9 du mois de septembre 1668.
Harpagon est un riche bourgeois, veuf et tyrannique. Avare
jusqu’à l’obsession, il ne vit que pour l’argent bien que père
de deux enfants, Cléante et Elise.
Cléante aime Mariane, jeune fille sans fortune.
Elise aime Valère, un gentilhomme qui pour rester auprès de
sa belle, s’est fait engager en qualité d’intendant du père.
Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes si
Harpagon n’en avait décidé autrement.
Car voilà. Monsieur Harpagon a décidé :
1/ d’enterrer (au sens propre) son argent
et donc de « veiller » son magot.
2/ d’épouser Mariane.
3/ de marier sa fille à Anselme,
un vieillard de ses amis.
4/ de donner femme à son fils,
en la personne d’une certaine veuve.
De quoi méchamment contrarier les amoureux … et
comiquement l’histoire. Surtout si on ajoute à celle-ci, entre
autres ingrédients et sans aucune économie : de l’argent,
encore de l’argent, de savoureux quiproquos, autant de
vilains mensonges, de belles intrigues, des grosses colères,
des disputes tonitruantes, des ruptures fracassantes, un
valet narquois (le bien nommé La flèche), une entreprenante
entremetteuse, un fin cuisinier … et une fin heureuse !
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II. Trois raisons pour justifier l’entreprise de monter L’Avare
Si l’on excepte une co-mise en scène d’un George Dandin qu’il a faite avec Marcel
Delval en 1985, on peut dire que Michel Dezoteux met pour la première fois en scène une
pièce de Molière, et pas n’importe laquelle : L’avare, le classique des classiques mille fois
visité et revisité. La belle affaire ! Il faut donc non pas une, mais au moins trois raisons pour
justifier l’entreprise :
La première, nous dit Michel Dezoteux, est bien sûr d’avoir trouvé en la personne de
Christian Hecq l’acteur pour jouer l’avare.
La deuxième est la pièce elle-même et le désir de la traiter vraiment pour ce qu’elle
est et sans fausse déférence. « Pour Harpagon tout se monnaie et Molière nous dit au
cinquième acte que si tout a un prix, il est des choses qui ne doivent pas être, qui ne seront
jamais des marchandises, des produits à vendre. Et cela même au sein de familles que
l’auteur nous présente riches et bourgeoises, les plus susceptibles donc de mercantilisme.
L’amour a-t-il un prix ? Combien coûte un homme, une femme ? Que valent les sentiments,
la bonté, la bienveillance, la santé, le plaisir reçu ou donné ? Que vaut le théâtre ? Sont-ce
seulement des marchandises ? Ne les tue-t-on pas simplement en les réduisant ainsi ? Par
les temps qui sont les nôtres cela reste une leçon à peine dissimulée au sein d’un canevas
dramatique protégeant amoureusement ces trésors de valeurs universelles comme un film
de Charlot qu’on salue d’abord d’un rire avant de laisser ces joyeux éclats se ponctuer
d’émotion et d’indignation ».
La troisième raison est la volonté d’offrir aux spectateurs une version ouverte et riche
à travers une adaptation libre et au service de l’esprit de la comédie tentant de rétablir
l’équilibre entre plaisir, divertissement, qualité artistique et humaine du propos. « On peut
tenter de plaire sans veulerie ni avilissement. On peut tenter de divertir dans la simplicité, la
justesse et l’intelligence. Ces types humains décrits par Molière valent qu’on s’y arrête, qu’on
les regarde, qu’on en rie. Ils sont nos ridicules, nos égoïsmes, cette petite crasse de bêtise
qui nous colle au quotidien, qui nous rend pitoyables, nous laisse croire glorieux et nous rend
la vie possible. Humain éternellement, tendrement et bêtement humain. Car peut-être
devons-nous lutter contre la connerie de notre humanité mais aussi apprendre à vivre avec
elle, avec nous. C’est là ce qui nous reste des œuvres des grands auteurs ».
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III. De l’importance du rire
Monter L’Avare consiste à chercher à raconter l’histoire !
La contrarier ou chercher à en tordre le fond pour dire quelque chose qui aurait à voir
avec un quelconque reflet actuel du monde ne mène qu’à des impasses.
C’est une démarche qui n’aboutit pas, ou en tout cas, qui n’aboutit pas si on veut
garder le texte dans son intégralité, et surtout dans sa langue, laquelle produit un indéniable
effet d’éloignement d’avec le monde actuel.
Dès lors, c’est avec cette langue qu’il nous faut raconter l’histoire et pour la raconter,
il nous faut travailler sur les caractères de chacun des personnages de la pièce, au sens où
chacun des personnages de la pièce est en soi plus un « caractère » qu’un personnage.
C’est dans cela qu’il faut chercher le type de jeu : dans le caractère de chacun.
La pièce est encore très proche de la Commedia Dell’Arte. Par moment, on sent que
c’est une farce qui se rapproche de la comédie, mais qu’elle n’en est pas encore
complètement une. Je dirais qu’elle est une pièce hétéroclite dans sa texture même. Elle
n’est pas une œuvre littéraire comme le théâtre de Shakespeare peut l’être par exemple. Elle
est tissée de diverses manières, tantôt annonciatrice d’un genre nouveau, tantôt
traditionnelle de la commedia dell’Arte et tantôt pur délire d’improvisations d’acteurs ou farce.
Il y a aussi par exemple des personnages qui apparaissent pour disparaître aussitôt : je ne
dirais pas que ceux-ci ne servent à rien, puisque souvent, ils servent de point d’appui à un
détail du texte, mais en même temps, on a parfois l’impression qu’ils sont là, peut-être
simplement parce qu’ils faisaient partie de la troupe de Molière et qu’ils étaient donc intégrés
au scénario. Allez savoir.
En tout cas, c’est cela que nous tentons de construire scène après scène et de
restituer, cette hétérogénéité car si nous suivons ce fil hétéroclite, l’histoire se raconte
beaucoup plus que si nous tentions d’apposer sur le tout une couche d’homogénéité.
L’avare, Harpagon donc, est avare jusqu’à l’obsession et cette obsession le conduit à
une solitude totale, voire morbide. Il est avare, mais il est aussi acariâtre, très acariâtre. En
même temps, il y a une faille dans cette carapace : Harpagon aime à être flatté. Même si ce
penchant à la flatterie ne le conduit jamais à perdre son avarice, il va par contre être utilisé
par son environnement.
Car comme Harpagon est au centre de l’histoire, ses traits de caractère vont avoir un
effet d’entraînement chez tous les autres personnages. Les traits de caractère d’Harpagon
constituent l’argument autour duquel la machine théâtrale va se mettre en place et se
décliner.
Chacun des autres personnages va donc se comporter et se déterminer en fonction
du caractère d’Harpagon, de ce que chacun veut de lui et selon son degré de relation avec
lui : le fils et la fille par rapport au père ; le valet par rapport au maître ; le cuisinier, la Flèche,
etc. Chacun va user de sa tactique pour arriver à ses propres fins, et tenter de détourner
Harpagon des siennes : en vain d’ailleurs, puisque la fin arrivera par un tout autre biais. Et
la tactique de chacun donne à chacun un trait de caractère qui le détermine à son tour.
C’est le rouage comique de la pièce. C’est là qu’elle est une comédie : nous savons
ainsi, nous spectateurs, des choses que Harpagon ne sait pas. Il n’y a pas de suspens, mais
il y a des intrigues (au sens de gens qui intriguent pour arriver à leurs fins), et bien sûr, des
quiproquos.
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Harpagon, on pourrait dire que c’est un « Pantalon ».
Le quatuor d’amoureux serait issu, lui, de la comédie.
On retrouve aussi l’image du chevalier blanc, celui qui va flatter pour s’en sortir.
Le fils d’Harpagon, lui, est plutôt dans l’énervement face au père ; cela l’amène à
avancer à l’aveuglette, à suivre ses pulsions plus qu’à être stratégique ou réfléchi.
Le rôle du fin stratège reviendrait plutôt à La Flèche, lequel vient du personnage
d’Arlequin au sens où il est un valet, mais il est aussi représentatif du peuple et cette
représentativité n’est pas idéalisée.
Avec Maître Jacques, nous sommes en pleine Commedia dell’Arte avec les
bastonnades et les coups de pied au cul.
Frosine est une servante, personnage moliéresque typique, terrienne et de bon sens,
mais elle annonce aussi et déjà l’entremetteuse ou la marieuse des pièces romantiques.
Il y a aussi de l’arroseur arrosé, de la tête à claques, de la galéjade pure, du conflit de
génération, de l’hypocrisie à la pelle. On peut trouver dans la pièce un vieil ancêtre de
Coluche qui croiserait par-ci, par-là, un personnage romantique.
Sauf que, bien entendu, nous sommes à une certaine époque et que le tout est ancré
dans cette réalité d’époque.
Est-ce Paris ou une ville de Province ?
L’univers en tout cas n’est pas bien brillant, même si comme toujours ou souvent au
théâtre, une forme d’humanité se dégage du tout et surtout, me semble-t-il, du conflit qui
oppose « les jeunes et le vieux » et qui constitue le pôle d’opposition théâtrale à la logique
implacable d’Harpagon.
Que faisait Molière d’autre que de jouer L’avare devant la « Cour du Roy » et d’offrir à
cette dernière un divertissement ?
On peut d’autant penser cela que Molière ayant précédemment froissé son mécène
avec Tartuffe, il lui était peut-être nécessaire qu’il s’en tienne à carreau avec la pièce
suivante, afin de maintenir à flot son équipe ! Une question de survie en quelque sorte,
même si par ailleurs, on sent qu’il ne peut s’empêcher « d’attaquer par des peintures
ridicules les vices de son siècle » ou encore que « le théâtre partout et toujours reste un art
subversif », comme il le disait.
Et c’est peut-être là qu’il y a en Molière quelque chose qui nous ressemble et nous
attire toujours en lui et c’est ce qu’il me plairait le plus : arriver à faire sortir ce côté subversif
de la pièce et à le faire entendre ou découvrir aux jeunes à qui on n’aurait appris que la
matière littéraire de l’œuvre.
Car le rire est subversif. D’où l’importance du rire. Et si cela divertit, tant mieux.
Mais en rirons-nous ou cela nous divertira-t-il ?
Le chemin est long du projet à la chose. A ce jour, nous avons parcouru un bon bout
de la route. Reste à tracer jusqu’au bout …
Michel Dezoteux
14 Janvier 2005.
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