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Qu’est-ce que parler veut dire ?
Conférence Jean Noël DUMONT
Université d’été diocèse de Valence (Août 2009)
Jean Noël Dumont est professeur de philosophie à Lyon, il intervient dans la Drôme auprès du
public des « Apprentis philosophes ».
Chez les Grecs, le sceptre est donné à celui qui prend la parole. Celui qui prend la parole exerce
une responsabilité humaine. Prendre la parole, c’est la plénitude de la responsabilité humaine.
Toute situation humaine fondamentale est liée à une parole. Les mots que nous prononçons nous
engagent. Cela nous conduit à la prudence : beaucoup de paroles sont bavardages, bruit,
grossièreté, sons ; N’assistons nous pas aujourd’hui à un état d’abandon et de profanation de la
parole ?
Socrate et la parole : entre mythe et rhétorique.
Socrate nous fait réfléchir. Il a refusé d’écrire. Il reste pure parole ; Il a fait naître l’interrogation
philosophique en se frayant un chemin entre mythe et rhétorique.
Le mythe est une parole sacrée. La philosophie est une parole critique. Ceci condamnera à mort
Socrate. Socrate a interrogé, ce qui était sacrilège.
La rhétorique, c’est le discours politique. On vote pour celui qui parle le mieux. La rhétorique met
les foules en mouvement. Les professeurs de rhétorique apprennent à débattre.
- LE MYTHE
Parole fondatrice, parole qui rassemble. Parole reçue qui vient de plus loin que nous. Il n’y a pas
d’auteur : on raconte.
Acte de transmission : la communauté accepte de transmettre. Cette parole nous précède. Elle
fonde la communauté qui récite et transmet.
Le mythe dit quelque chose sur le fondement du monde. Il met le monde en ordre.
Le mythe exprime ce qui est toujours vrai, ce qui se passe à l’origine.
Par exemple lors des guerres médiques (Grecs contre Perses), quand Eschyle rapporte cet
évènement historique, il le rapporte comme mobilisant les forces cosmiques opposant gens de la
terre et gens des mers.
Les mythes établissent des grilles de lecture : telle nation est…
Or Socrate va poser la question : le mythe dit-il vrai ?
Poser cette question c’est rompre avec la naïveté. C’est passer du NOUS au JE.
Cela passe par l’interprétation et l’affirmation individuelle.
Quand Chéréphon consulte l’oracle de Delphes pour connaître quel homme est le plus savant
(sage). L’oracle répond « Socrate ». Cette réponse est rapportée à Socrate.
3 réactions auraient été possibles pour Socrate :
- Croire l’oracle et s’en flatter : l’oracle le dit donc je le suis
- Négliger l’avis de l’oracle : Bof ! Ces oracles sont pur délire ou superstition populaire.
- Se poser la question : qu’a voulu dire l’oracle ? c’est la voie prise par Socrate. Il cherche à y
répondre en enquêtant ; il veut vérifier si des gens savants sont plus savants que lui. Ce qui
amène la question : Qu’est-ce que le savoir ou la sagesse ?
Si c’est savoir que l’on ne sait rien, alors Socrate est plus savant qu’eux, car eux savent !
J’écoute le mythe et je me demande en quoi je peux le faire mien.