1
Position de thèse
Au début des années 2010, la France compte environ quatre millions de résidents
d’origine algérienne dont deux millions de bi-nationaux
1
. On en trouve 150 000 dans
l’agglomération lyonnaise, parmi lesquels 57 % ont la bi-nationalité
2
. Selon l’INSEE, 3,6 %
des enfants nés en 2011 en France métropolitaine ont un père d’origine algérienne avec la
plus forte proportion dans les départements de Seine-Saint-Denis (9,9 %), des Bouches-du-
Rhône (8,8 %) et du Rhône (7,8 %). Les statistiques disent combien l’histoire franco-
algérienne – dont l’immigration n’est qu’un aspect – a façonné la France autant que
l’Algérie
3
. Elles disent moins comment.
Cette histoire semblait, en effet, écrite pour l’essentiel comme une histoire d’hommes,
quasi-linéaire. Dans un premier temps, jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
l’émigration algérienne provenait d’une société rurale en crise. Puis, dans un deuxième temps,
une émigration davantage prolétaire prenait le relais jusqu’aux années soixante-dix. Enfin,
dans un troisième temps, une communauté algérienne s’implantait en France, relativement
autonome, grâce à la venue des femmes et des enfants
4
. Sociologues et historiens disposent
ainsi d’une catégorie d’analyse chronologique, la « génération » qui permet de répartir et
d’identifier commodément une population. Certes cette catégorie peut être modalisée,
notamment si l’on considère l’origine du phénomène : des Algériens étaient venus en
métropole dès la fin du XIX
e
siècle ou à la faveur du premier conflit mondial
5
, des
Algériennes s’y trouvaient en petit nombre dès les années 1930, légèrement plus nombreuses
dans les années 1950. Mais reste tout de même un penchant souligné par Edgar Morin : « La
connaissance scientifique fut longtemps et demeure souvent conçue comme ayant pour
mission de dissiper l’apparente complexité des phénomènes afin de révéler l’ordre simple
1
Sur ces estimations, lire Gilbert Meynier, « Après l'indépendance: les relations tumultueuses entre l'Algérie et
la France », in Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour, Sylvie Thénault (dir.),
Histoire de l’Algérie coloniale…, op. cit., p. 682. Également : Séverine Labat, La France réinventée. Les
nouveaux bi-nationaux franco-algériens, Paris, Publisud, 2010, 272 p.
2
Chiffres transmis par le consulat de Lyon en novembre 2013.
3
Les chercheurs en histoire tant en France qu’en Algérie émettent un avis de plus en plus éthique sur cette
histoire « franco-algérienne ». L’objectif serait d’aboutir à la réalisation de manuels scolaires bilingues comme
cela existe avec les manuels franco-allemands. Progressivement, des ouvrages initialement rédigés en français
sont traduits en arabes et édités en Algérie ou sont immédiatement conçus par des chercheurs et des maisons
d’édition des deux pays. Sylvie Thénault, « France-Algérie. Pour un traitement commun de la guerre
d’indépendance », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n°85, 2005/1, pp. 119-128 ; Frédéric Abécassis, Gilbert
Meynier (dir.), Pour une histoire franco-algérienne, Paris, La Découverte, 2008, 250 p. ; Abderrahmane
Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour, Sylvie Thénault (dir.), Histoire de l’Algérie
coloniale…, op. cit.
4
Ces trois âges sont ceux décrits par Abdelmalek Sayad, La Double absence..., op. cit., p. 60.
5
Gilbert Meynier, L’Algérie révélée. La première guerre mondiale et le premier quart du XX
e
siècle, Genève,
Droz, 1981, 793 p.