Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 2012, 31 (2), 577-584 Le concept de bien public mondial, promoteur d’une bonne gouvernance vétérinaire M. Éloit Organisation mondiale de la santé animale (OIE), 12 rue de Prony, 75017 Paris, France Résumé Originellement lié aux politiques économiques, le concept de bien public a évolué, d’une part d’une application nationale à une reconnaissance mondiale (bien public mondial) et, d’autre part, d’une application à la production de biens à une prise en compte d’enjeux sociétaux (éducation, environnement, etc.) et de droits fondamentaux dont le droit à la santé et à l’alimentation. De par leurs actions, les Services vétérinaires, tels que définis par le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), contribuent à l’amélioration de la santé des animaux et à la réduction des pertes de production. Ils concourent ainsi directement et indirectement tant à la sécurité alimentaire des populations qu’à la préservation de leur santé et de leurs ressources économiques. Ainsi, leur organisation et leur mode de fonctionnement sont-ils des éléments clés d’une gouvernance efficiente, nécessaire pour atteindre ces objectifs. De par sa mission stratégique de normalisation et grâce aux programmes que l’Organisation déploie dans le cadre de son mandat au bénéfice des Services vétérinaires de ses États Membres, l’OIE est un acteur majeur de la coopération et de la gouvernance mondiale dans le domaine de la santé animale et de la santé publique. À ce titre, l’action des Services vétérinaires et de l’OIE mérite d’être reconnue en tant que bien public mondial et d’être soutenue par des investissements publics afin que tous les Services vétérinaires soient en mesure d’appliquer les principes de bonne gouvernance et de respecter les normes internationales relatives à la qualité des Services vétérinaires définies dans le Code sanitaire pour les animaux terrestres et le Code sanitaire pour les animaux aquatiques de l’OIE (Titre 3, respectivement « Qualité des Services vétérinaires » et « Qualité des Services en charge de la santé des animaux aquatiques »). Mots-clés Bien public mondial – Gouvernance – Mondialisation – Normalisation – Santé publique – Santé animale – Services vétérinaires. Introduction largement utilisée pour légitimer la nécessité d’actions publiques. La mondialisation a multiplié les problèmes et complexifié les modalités de leur résolution. Mais elle a aussi mis en lumière les intérêts communs à des ensembles de pays, voire aux citoyens, qu’il s’agisse de stabilité financière, d’environnement, de santé ou d’accès aux savoirs. La notion de « bien public mondial » (BPM) a ainsi progressivement été conceptualisée et est désormais L’application de ce concept de bien public mondial au secteur de l’agriculture, et plus particulièrement de l’élevage, est cruciale dans un contexte de raréfaction de certaines ressources, de changements écologiques des zones de pâturages, d’émergence ou de diffusion de maladies animales au-delà des frontières, et de crises alimentaires durables. Il est donc intéressant d’en rappeler 578 les fondamentaux afin d’en comprendre les tenants et aboutissants, et notamment les implications pour les politiques conduites en faveur des Services vétérinaires et par ces Services. Car seule une utilisation à bon escient permettra de conserver la pertinence du concept pour qu’il demeure une notion protectrice. Les Services vétérinaires nationaux sont des acteurs institutionnels essentiels pour développer et mettre en œuvre les politiques publiques garantissant la préservation des ressources animales et contribuer à la réduction de la pauvreté et de la faim dans le monde. Leurs actions en matière de santé publique humaine contribuent également au bien-être de la planète. C’est pourquoi, les moyens structuraux et conjoncturels qui leur sont alloués pour conduire à bien leurs programmes et assurer leurs responsabilités selon les principes reconnus de « bonne gouvernance » constituent des investissements dont les bénéfices profitent au développement économique et social de la collectivité. À leurs côtés, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) œuvre à l’obtention d’un consensus international pour l’élaboration de normes permettant une régulation des échanges selon des règles sanitaires harmonisées. De plus, l’adoption de normes et de lignes directrices en matière de qualité et de bonne gouvernance des Services vétérinaires contribue à la fédération des politiques et améliore la confiance des bailleurs de fonds dans la capacité des Services vétérinaires à gérer efficacement les crises sanitaires ou à les prévenir pour en minimiser les conséquences lorsque cela est possible. Le concept de bien public mondial La notion de « bien public » (BP) a été longtemps réservée aux biens nationaux et était plutôt appliquée au secteur économique lorsque les défaillances du marché encourageaient, voire légitimaient, l’intervention de la puissance publique (3, 4, 6). Dans ce domaine, les travaux de Paul Samuelson, prix Nobel d’économie en 1970, sur les biens collectifs et sur l’analyse économique des choix publics apparaissent comme la référence historique. Dans les années 1950, Paul Samuelson donnait une définition d’un « bien public » reposant sur deux critères principaux : 1. un critère de non-rivalité des consommations : la consommation d’un bien public par une personne n’entraîne aucune réduction de la consommation des autres personnes ; Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 31 (2) 2. un critère de non-exclusion des utilisations : l’usage ne peut être réservé à certains et le bien est à la disposition de tous. À titre d’exemples : la lumière d’un phare guide indistinctement tous les bateaux naviguant dans la zone ; de même, le contrôle sanitaire des animaux et produits animaux importés dans un pays par les Services vétérinaires bénéficie à la collectivité des éleveurs en abaissant le risque d’introduction de maladies pour le bétail. Ainsi, la production de ces biens publics relève-t-elle de l’intérêt collectif. Mais comme elle est souvent peu intéressante pour des acteurs privés qui visent la rentabilité des investissements, il existe une forte probabilité que ces biens ne soient pas produits, ou le soient en quantité inadéquate. C’est pourquoi leur production par la puissance publique apparaît comme la solution optimale et elle devra être financée par l’impôt. À partir des années 1990, la mondialisation va de pair avec l’augmentation du poids des marchés, des décisions économiques et du rôle des acteurs privés (7). L’ implication des pouvoirs publics, voire leur pouvoir, pour infléchir les lois du marché sont mis en cause. Souvent la recherche d’économies budgétaires et la nécessité de rationaliser les dépenses ont conduit à des restructurations et à la privatisation de certains domaines relevant précédemment de la responsabilité du secteur public. Les conséquences néfastes observées dans de nombreux pays ont généré de profonds mécontentements et l’incapacité des services publics à préserver des biens d’intérêt général a été pointée du doigt. La marchandisation des biens relevant de l’intérêt général trouvait ses limites. Parallèlement, l’émergence de préoccupations citoyennes écologiques, voire la mise en œuvre de politiques écologiques dans de nombreux pays contribuaient à l’utilisation de ce concept dans une autre perspective, qui n’est plus seulement économique. Dans ce contexte, le débat sur les problèmes globaux est renouvelé et le concept de bien public, formulé par Paul Samuelson dans les années 1950 est adapté à la nouvelle donne mondiale. La réflexion menée dans différentes instances accrédite progressivement l’idée que les biens publics les plus fondamentaux ne peuvent désormais être que mondiaux. Mais le consensus sur la définition d’un bien public mondial s’avère difficile : – certains conçoivent le concept de bien public mondial comme un complément à l’ouverture des marchés par l’introduction d’intérêts collectifs (paix et sécurité, 579 Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 31 (2) protection de l’environnement, etc.) et la prise en compte de droits fondamentaux de la personne (droit à la santé, à l’alimentation, etc.) nécessaires pour équilibrer une mondialisation libérale du marché ; – d’autres y voient plutôt un repli et un risque de blocage qui représenteraient un retour à un interventionnisme étatique considéré souvent comme inefficace. De plus, les intérêts nationaux, les spécificités socioculturelles ou les écarts de développement ne facilitent pas l’obtention d’un accord unanime des pays sur une telle définition. Pourtant, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a tenté de donner une définition en vue de conforter la légitimité des Objectifs du millénaire pour le développement. Le PNUD a proposé un classement en trois grandes catégories : les biens publics mondiaux naturels (le climat, la biodiversité, etc.), les biens publics mondiaux d’origine humaine (l’éducation, la culture, etc.) et les biens publics mondiaux résultant de politiques (la paix, la santé, la stabilité financière, etc.) (3). Finalement, même si la typologie des biens pouvant être reconnus comme biens publics mondiaux n’est pas définitivement arrêtée, on peut cependant considérer que ce qui se rapporte à la santé et à la sécurité alimentaire bénéficie d’un consensus suffisant pour qu’il soit accepté – tant par les États que par les organisations régionales et internationales et les acteurs privés – que le concept de bien public mondial est applicable aux programmes de santé. Qu’implique ce concept ? L’universalité En partant de la définition du bien public énoncée par Paul Samuelson, Charles Kindleberger (5) définit les biens publics mondiaux comme « l’ensemble des biens accessibles à tous les États qui n’ont pas nécessairement un intérêt individuel à les produire ». Dans un domaine non économique, cette notion s’applique parfaitement à l’environnement, à la qualité de l’air, de l’eau, etc. Cette définition souligne le caractère universel de ces biens mais soulève également une question qui n’existe pas pour les biens publics nationaux, à savoir celle de la coordination entre les États liée à l’universalité du bien public mondial, puisqu’il n’existe pas d’autorité supranationale compétente pour gérer les problèmes inhérents à la promotion et à la défense des biens publics mondiaux. La dimension intemporelle ou transgénérationnelle Les résultats positifs d’une gestion réussie ou, a contrario, les conséquences néfastes d’une mauvaise gestion des biens publics mondiaux, sont le plus souvent observables à moyen ou long terme. Le décalage temporel entre un évènement et son impact implique que la gestion des biens publics mondiaux doit prendre en compte non seulement l’intérêt de la génération présente, mais aussi celui des générations futures (2). Ainsi, les effets sur l’environnement et la santé de l’utilisation irraisonnée de produits chimiques, les déforestations massives pour gagner de nouvelles zones de culture ou de pâturage, ou la surpêche de certaines espèces de poissons modifiant l’équilibre de la chaîne alimentaire marine, sont quelques exemples connus illustrant cette notion. L’ universalité et la dimension intemporelle des biens publics mondiaux redonnent une signification particulière à la coopération internationale et à la gouvernance des pouvoirs publics. En effet, l’exclusion de certaines populations dans l’accès à ces biens (eau, alimentation, santé, éducation, par exemple) tient souvent à un défaut de politique de régulation internationale lorsque le niveau national est lui-même défaillant. La coopération internationale doit permettre (et faciliter) la coordination entre les partenaires, et en premier lieu les États. Les organisations internationales constituent un lieu de concertation offrant une capacité d’expertise indépendante et elles peuvent orchestrer la recherche du consensus. Toutefois, la plupart des analyses soulignent que la coopération internationale ne doit pas prédominer sur le principe de subsidiarité, afin de maintenir un lien entre la composante « coopération internationale des biens publics mondiaux » et la composante « biens publics nationaux ». Une bonne gouvernance doit permettre de conforter les capacités des pouvoirs publics à gérer de façon efficace et équitable. C’est pourquoi, ces mécanismes constituent désormais des priorités pour la plupart des organisations internationales, quel que soit leur mandat, à l’image : a) de la mise en place d’un partenariat mondial en tant qu’un des huit Objectifs du millénaire pour le développement définis par le PNUD, b) des éléments essentiels au bon fonctionnement des systèmes de santé prônés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou c) des normes relatives à la qualité des Services vétérinaires élaborées par l’OIE. 580 L’agriculture et l’élevage, des priorités pour nourrir la planète : la santé animale, bien public mondial L’ agriculture et l’élevage ne sont pas considérés, en tant que tels, comme des biens publics mondiaux mais ils sont indirectement concernés du fait de leur impact sur la santé humaine et animale. En effet, certains biens publics mondiaux sont interdépendants et des synergies peuvent même apporter des bénéfices mutuels. Des progrès dans un domaine peuvent engendrer des améliorations dans d’autres secteurs. La santé animale a pu ainsi être prise en compte grâce aux interconnections avec les enjeux : – de santé publique, liés aux zoonoses, – de protection de l’environnement et de la biodiversité, liés aux maladies et à la préservation de la faune sauvage, – du développement durable, compte tenu de l’évolution des systèmes de production. Depuis plusieurs années, les crises alimentaires ont rappelé aux décideurs mondiaux que « nourrir la planète » restait une priorité primaire essentielle alors que les trois quarts des familles pauvres ne subsistent que par leur production agricole vivrière et que l’impact des maladies animales sur leur cheptel obère significativement leurs ressources et l’avenir de leurs enfants. Désormais, non seulement la santé mais aussi l’agriculture et l’élevage sont des sujets inscrits systématiquement à l’agenda des grandes instances internationales G8 et G20. Améliorer la production agricole est reconnu comme une nécessité pour lutter contre la faim et la pauvreté. La première réunion des ministres de l’Agriculture du G20, tenue à Paris les 22 et 23 juin 2011 en est l’expression la plus parfaite. Face à une situation toujours préoccupante, les ministres ont rappelé la nécessité de politiques agricoles plus efficaces à l’échelle mondiale et nationale et le besoin d’une meilleure coordination internationale (8). Les ministres ont notamment insisté « sur l’importance, en matière de santé publique, animale et végétale, de renforcer les réseaux internationaux et régionaux, l’établissement de normes internationales tenant compte des différences nationales et régionales, les systèmes d’information, de surveillance et de traçabilité, la bonne gouvernance et les services officiels, car ils permettent de détecter Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 31 (2) précocement et de réagir rapidement aux menaces biologiques, facilitent les flux commerciaux et contribuent à la sécurité alimentaire mondiale. [Les ministres ont encouragé] les organisations internationales, notamment l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’OMS, l’OIE, la Commission du Codex Alimentarius (Codex), la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à poursuivre leurs efforts de coopération permettant ainsi une meilleure mobilisation des financements publics et privés pour des programmes et initiatives. » L’orientation des engagements des principaux bailleurs de fonds publics (Banque mondiale, Union européenne) ou privés (fondations) témoigne de la prise en compte de cette nouvelle approche. La prévention et le contrôle des maladies animales transmissibles et le risque pour les populations sont considérés comme relevant de l’intérêt général international. Et l’intérêt d’encourager les programmes de prévention pour diminuer les risques est également un message entendu (11). « Mieux vaut prévenir que guérir » ! La crise économique et sociale liée à l’influenza aviaire dans les années 2005-2006 a vraisemblablement permis cette prise de conscience, confortée par plusieurs études économiques internationales rappelant le coût exorbitant des crises sanitaires dues à des maladies animales. Ainsi, trois études économiques commanditées par l’OIE sur la prévention et le contrôle des maladies animales dans le monde, cofinancées par la Banque mondiale et présentées lors d’une conférence organisée conjointement par la Banque mondiale et l’OIE en collaboration avec la FAO, ont-elles mis en évidence que le coût de la prévention de ces maladies grâce à des réseaux de surveillance appropriés d’éleveurs et de vétérinaires, restait extrêmement faible comparé à celui des crises (cf. Partie I : Analyse économique – Coûts comparés de la prévention et de l’éradication des foyers). Ces études ont également souligné l’importance de la gouvernance vétérinaire (9). Dans la même ligne, le rapport publié par la Banque mondiale en 2010 sous le titre People, Pathogens and Our Planet; Volume 1: Towards a One Health Approach for Controlling Zoonotic Diseases (1) a mis en exergue, chiffres à l’appui, que les maladies animales ont un impact économique essentiel sur la pauvreté et un impact significatif sur la santé des populations, handicapant l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement. À titre d’exemple, les rédacteurs du rapport estiment que les crises liées à l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et à la grippe aviaire due au virus H5N1 ont coûté plus de 20 milliards de dollars US au titre des pertes économiques directes au cours de la dernière décennie, et 581 Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 31 (2) plus de 200 milliards de dollars US en pertes indirectes (fermeture de frontières, pertes de marchés, contrôle des flux commerciaux, diminution du tourisme, etc.). Bien sûr, cela est sans compter le coût récurrent des nombreuses maladies d’élevage, de dimension zoonotique (brucellose, tuberculose, etc.) ou non (mammites, parasitisme, etc.) qui dégradent la productivité des élevages et grèvent les revenus des éleveurs et des professionnels associés. En conséquence, toutes actions visant à prévenir l’émergence puis à contenir la propagation des maladies animales apparaissent comme pouvant contribuer à limiter les pertes économiques. Dans ce cadre, les investissements consentis pour soutenir l’organisation structurée de Services vétérinaires publics et d’organisations professionnelles privées travaillant dans un partenariat réciproquement bénéfique sont analysés par les grands bailleurs de fonds mondiaux comme des investissements de protection du bien public mondial qu’est la santé animale. Les Services vétérinaires œuvrent pour la santé animale, bien public mondial Dans un monde où les frontières sont ouvertes et les échanges transfrontaliers de plus en plus nombreux, la probabilité qu’une défaillance locale se répercute au-delà du territoire national est haute. Les spécialistes s’accordent pour reconnaître qu’un développement national responsable est le point de départ et la pierre angulaire d’une mondialisation durable, selon la formule « La coopération internationale commence chez soi ». Selon la définition donnée par le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’OIE (10), les Services vétérinaires s’entendent comme « les organismes publics ou privés qui assurent – sous la responsabilité et le contrôle de l’Autorité vétérinaire gouvernementale – la mise en œuvre, sur le territoire d’un pays, des mesures relatives à la protection de la santé et du bien-être des animaux terrestres et aquatiques ». Les Services vétérinaires sont en première ligne pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques sanitaires et des programmes de lutte contre les maladies animales. Les objectifs de réduction des pertes de production, de protection de la santé du cheptel et indirectement de la santé publique par la prévention des zoonoses et des infections d’origine alimentaire, conduisent les Services vétérinaires à inscrire leur action dans des politiques plus larges de lutte contre la faim, de réduction de la pauvreté et de développement économique. À ce titre, ils sont des acteurs essentiels pour la préservation de l’état de santé des cheptels. C’est pourquoi, il est primordial que les politiques publiques soutiennent le développement et le renforcement de Services vétérinaires nationaux structurés, ayant les ressources humaines et les moyens financiers adaptés à leurs missions et fonctionnant selon une chaîne de responsabilité hiérarchisée. Toute défaillance des moyens ou l’éclatement des missions entre plusieurs services relevant d’autorités différentes ne peuvent qu’avoir des conséquences négatives sur la pérennité et l’efficience des programmes de santé animale. Dès lors que la santé animale est considérée comme un bien public, et dans un monde interdépendant où l’harmonisation des politiques de santé et de bien-être animal est devenue nécessaire pour une gestion collective des maladies transfrontalières, il est souhaitable que ces politiques s’inscrivent dans un cadre durable selon une programmation cadre qui perdure au-delà des clivages politiques nationaux ou des à-coups économiques. Le rôle de l’OIE Dans son discours prononcé lors du G20 des Ministres de l’Agriculture (Paris, juin 2011), Monsieur Le Maire, Ministre français déclarait : « Nous sommes convaincus qu’une gouvernance mondiale forte est indispensable pour atteindre la sécurité alimentaire mondiale », témoignant ainsi que le « comment » de la gestion de la mondialisation préoccupe les décideurs politiques. La préconisation d’un renforcement de la coopération internationale conforte les organisations internationales, telles que l’OIE, dans leur mandat pour favoriser l’interaction institutionnelle (8). Les pays sont invités à dépasser les enjeux nationaux et les instances internationales leur apportent un lieu de concertation. Reconnue par l’OMC comme l’organisation internationale en charge de l’élaboration des normes sanitaires pour les échanges internationaux des animaux terrestres et aquatiques et de leurs produits dans le cadre du mandat confié par l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS), l’OIE a une légitimité dans la production d’un droit international en la matière. La représentativité de l’OIE qui regroupe 178 Pays Membres rend cet encadrement normatif d’autant plus significatif et efficace. Par ailleurs, au regard des caractéristiques d’universalité et de la dimension transgénérationnelle du concept de « bien 582 public mondial », l’OIE exerce son mandat et met en œuvre les orientations de son Plan stratégique : – en veillant à associer tous les Pays Membres aux travaux préparatoires avant l’adoption démocratique des normes sanitaires compilées dans les Codes et Manuels, selon la règle « un Pays Membre, une voix », – en favorisant le dialogue et l’adoption des normes internationales et des recommandations par consensus, – en veillant à la représentativité équilibrée des Pays Membres dans les organes statutaires, les Commissions spécialisées et les groupes de travail, – en établissant et animant un réseau des Délégués et de leurs points focaux nationaux qui bénéficient de séminaires de formation visant à renforcer les capacités techniques des Services vétérinaires nationaux, – en s’engageant à l’appui de programmes porteurs d’avenir tels que la modernisation des législations vétérinaires nationales ou l’amélioration de la qualité de l’enseignement vétérinaire. L’ OIE a également souhaité être un lieu de concertation entre les États et les acteurs non institutionnels. À ce titre, une politique de coopération avec de nombreuses organisations professionnelles d’envergure mondiale ou régionale a été développée pour soutenir le partenariat entre le secteur public et le secteur privé, qui est fortement encouragé au niveau des Services vétérinaires nationaux. La constance de cette politique ainsi que la qualité scientifique des recommandations et des normes établies, l’indépendance de l’expertise au regard des intérêts particuliers nationaux ou économiques, et la transparence des informations sanitaires diffusées, sont des gages de confiance pour les Pays Membres et pour les bailleurs de fonds qui soutiennent les programmes engagés par l’OIE grâce aux contributions versées au Fonds mondial de l’OIE pour la santé et le bien-être des animaux. Depuis de nombreuses années, l’OIE promeut l’application d’un cadre juridique adapté et l’allocation de ressources aux Services vétérinaires qui ont souvent un besoin urgent d’être soutenus afin d’être dotés des infrastructures et des capacités pour permettre à leur pays de mieux tirer parti des bénéfices de l’Accord SPS de l’OMC et de mieux protéger la santé animale et la santé publique. Cette politique de l’OIE part du constat qu’il faut aider les pays qui pourraient être « le maillon faible » en matière de lutte Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 31 (2) contre les épizooties et les maladies transmissibles et, ainsi, représenteraient un risque majeur pour les pays avoisinants voire le monde entier. La déclinaison opérationnelle de cet objectif stratégique passe par une politique active de soutien aux Services vétérinaires nationaux et la mise en place d’actions telles que : – le processus PVS, qui correspond à un programme mondial en faveur du développement durable des Services vétérinaires nationaux, – des programmes régionaux de renforcement des capacités des Services vétérinaires des Membres de l’OIE dans les domaines de la surveillance et du contrôle des maladies animales, de la détection précoce des foyers. Ces programmes favorisent également la mise en réseau entre les Délégués des pays auprès de l’OIE et les points focaux nationaux de l’OIE, – des programmes de jumelage entre laboratoires de diagnostic des maladies qui sollicitent un transfert de savoir-faire et les Centres de référence de l’OIE. De plus amples informations sur ces programmes et initiatives sont disponibles sur le site Web de l’OIE (www.oie.int). À ce jour, plus de 120 pays ont bénéficié du soutien de l’OIE, qui leur permet de progresser vers une meilleure gouvernance et, pour certains d’entre eux, d’avoir davantage d’atouts pour obtenir des appuis financiers à l’issue de tables rondes avec des bailleurs de fonds. Conclusion L’OIE considère les Services vétérinaires comme des acteurs primordiaux pour la préservation et l’amélioration de la santé animale, bien public mondial. Leur mise en conformité au regard des normes internationales en matière de gouvernance, d’organisation, de ressources, de capacités et d’interactions avec les acteurs paraprofessionnels est une priorité qui doit être reconnue pour l’attribution des investissements publics. 583 Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 31 (2) El concepto de bien público mundial, promesa de buen gobierno veterinario M. Éloit Resumen El concepto de bien público, ligado originalmente a las políticas económicas, ha experimentado una evolución que lo ha conducido, por una parte, del ámbito nacional al planetario (bien público “mundial”) y, por la otra, de su aplicación a la producción de bienes a la condición de gran envite social (educación, medio ambiente, etc.) y de derechos fundamentales como el derecho a la salud o a la alimentación. Por sus actividades, los Servicios Veterinarios, como vienen definidos en el Código Sanitario para los Animales Terrestres de la Organización Mundial de Sanidad Animal (OIE), contribuyen a mejorar la salud de los animales y a reducir las pérdidas productivas. Contribuyen así, directa e indirectamente, tanto a la seguridad alimentaria de las poblaciones como a la protección de su salud y sus recursos económicos. De ahí que su organización y modo de funcionamiento sean elementos clave para un buen gobierno eficaz, elemento a su vez indispensable para alcanzar dichos objetivos. Por su misión estratégica de normalización, y gracias a los programas que aplica como parte de su mandato en beneficio de los Servicios Veterinarios de sus Estados Miembros, la OIE es una pieza básica de la cooperación y el buen gobierno mundial en materia de sanidad animal y salud pública. En este sentido, se debería reconocer que la labor de los Servicios Veterinarios y de la OIE constituye un bien público mundial y merece como tal apoyo económico, en forma de inversiones públicas, para que todos los Servicios Veterinarios estén en condiciones de aplicar los principios de buen gobierno y cumplir las normas internacionales sobre calidad de los Servicios Veterinarios enunciadas en el Código Sanitario para los Animales Terrestres y el Código Sanitario para los Animales Acuáticos de la OIE (Título 3, respectivamente: “Calidad de los Servicios Veterinarios” y “Calidad de los Servicios de sanidad de los animales acuáticos”). Palabras clave Bien público mundial – Buen gobierno – Mundialización – Normalización – Salud pública – Sanidad animal – Servicios Veterinarios. 584 Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 31 (2) Bibliographie 1. Banque mondiale (2010). – People, Pathogens and Our Planet; Volume 1: Towards a One Health Approach for Controlling Zoonotic Diseases. 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