La Constitution - Culture Civique

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Source Cours
cours.htm )
écrit
par O. CAMY ( http://www.droitconstitutionnel.net/Constitution-
La Constitution
Arborescence de l'article
1. La notion de Constitution
A Origine de la Constitution
B Définition de la Constitution
C Types de Constitutions
D Valeur des Constitutions
a) La valeur juridique des Constitutions
b) La supériorité des Constitutions
2. L'élaboration de la Constitution
A le
recours
gouvernement
à
l'assemblée
constituante
ou
au
B le pouvoir constituant
3. La protection de la Constitution
A la procédure spéciale de révision
B la procédure du contrôle de constitutionnalité
a) Origine du contrôle de constitutionnalité des lois
b) Justification du contrôle de constitutionnalité des
lois
4. L'abrogation de la Constitution
A - l'abrogation totale des constitutions écrites
B. au sens formel
1. La notion de Constitution
A Origine de la Constitution
a) L'idée d'une loi suprême dont le contenu est invariable et qui s'impose à toutes les
autres normes juridiques est évidemment religieuse.
L'Ancien Régime admet l'idée d'un droit supérieur d'origine divine qui fonde et limite à la
fois le pouvoir politique. Ce droit tiré de la Bible est dit droit naturel : il est audelà de la
volonté humaine. Le pouvoir royal est donc encadré et finalisé : il faut conduire le peuple
vers une fin temporelle mais aussi spirituelle.
(Opposition avec l'Etat antique où le pouvoir est attaché à la personne du chef et ne vient
pas de Dieu).
Mais si le pouvoir vient de Dieu, est fondé par une loi religieuse, pour autant son titulaire
n'est pas désigné par Dieu. Sa désignation est affaire humaine et peut dépendre du
peuple. L'absolutisme qui affirme que le roi détient son pouvoir immédiatement,
exclusivement et directement de Dieu est une déformation de la doctrine de l'Eglise
catholique.
b) la Constitution sous l'AR
Par imitation de la loi divine, l'AR connaît des lois fondamentales qui sont supérieures aux
lois ordinaires et qui contrairement à elles ne sont ni modifiables, ni révocables par le
Roi. Cependant , d'une certaine façon ces lois fondamentales sont l'œuvre du Roi puisqu'il
est le seul à les promulguer.
D'où un paradoxe encore actuel qui heurte la logique : le Roi fait et est fait par les LF.
Le contenu des LF impose des obligations au pouvoir royal (loi de catholicité) et règle sa
transmission (loi de masculinité).
B Définition de la Constitution
C'est la norme juridique qui contient en général à la fois :
- les principes directeurs de l'ordre juridique étatique : la Constitution définit quels sont
les buts, finalités qui doivent guider les opérateurs du droit
- les règles de base concernant l'aménagement et la transmission du pouvoir d'État : la
Constitution institue des organes d'État qu'on appellera « pouvoirs constitués » (cf. Des
institutions politiques comme le Parlement, le Tribunal constitutionnel) et organise les
mécanismes pacifiques visant à assurer leur renouvellement.
- l'énoncé des libertés fondamentales protégées par l'Etat : ces droits sont généralement
énoncés dans le Préambule de la Constitution qui lui-même contient une Déclaration de
droits ou s'y réfère.
C Types de Constitutions
On distingue principalement 2 types :
1. la Constitution coutumière : Cas fréquent avant le XVIIIe siècle mais rare
aujourd'hui. Ainsi la France de l'Ancien Régime connaissait une Constitution
coutumière embryonnaire : ce sont les lois fondamentales du royaume qui
concernaient notamment la succession au trône et l'inaliénabilité du domaine
royal. Aujourd'hui très peu d'Etats en Occident ont une Constitution coutumière
(Cf. La GB a une Constitution partiellement coutumière) alors qu'ailleurs dans le
monde, cela peut arriver (Cf. Certains Etats musulmans comme l'Arabie Saoudite).
L'organisation politique et les garanties des libertés découlent alors du respect
d'usages répétés (souvent depuis des temps immémoriaux) considérés comme
obligatoires par les organes étatiques et sanctionnés par les tribunaux.
2. la Constitution écrite : C'est le cas le plus fréquent. La Constitution se présente
comme un document assez court qui a été adopté sous la forme d'une loi soit :
1. particulière : loi adoptée par le Parlement à une majorité qualifiée ou par
le peuple directement. Généralement, ce type de Constitution écrite est
précédé d'un Préambule ou d'une Déclaration de Droits. Ex : États-Unis,
France
2. ordinaire : loi votée comme toutes les autres lois par le Parlement à la
majorité simple. Ex : GB pour certains textes constitutionnels (Cf. Grande
Charte de 1215, Bill of Rights de 1689) URSS
D Valeur des Constitutions
a) La valeur juridique des Constitutions
Pendant longtemps, notamment en France ou aux Etats-Unis, la valeur juridique des
Constitutions et de leurs Préambules a été discutée. Le débat est clos aujourd'hui pour ce
qui concerne les Constitutions qui sont considérées non plus comme des textes politiques
mais bien comme des textes juridiques à part entière sanctionnés par le juge.
Concernant les Préambules et les textes solennels auxquels ils renvoient (par exemple la
DDHC de 1789 pour le Préambule de la Constitution française de 1958), la discussion
continue notamment en France. Cela malgré la décision de 1971 du Conseil
constitutionnel qui a admis la valeur juridique et constitutionnelle du préambule de la
Constitution de 1958 et des textes auxquels il fait référence. Une décision dont les
avantages sont largement soulignés par la doctrine (meilleur respect des libertés par le
gouvernement ou le Parlement, Etat de droit consolidé, etc.) mais qui comporte des
inconvénients.
Deux types d'arguments militent contre cette décision :
il semble que le constituant de 1958 n'a jamais admis que le Préambule, simple
texte introductif faisant référence à des textes contradictoires, souvent flous avait
valeur juridique.
on a oublié que la DDHC contenait du droit naturel qui par définition est hors la
volonté des hommes, éternel et immuable. On en a fait du droit positif modifiable
selon les circonstances, interprétable selon des motifs politiques. On l'a donc
fragilisé…
Nota : Sous la IIIe et la IVe République en France les Préambules n'étaient pas
considérés comme du droit. Quant à la DDHC de 1789, on lui conférait de façon implicite
valeur de loi ; ce qui justifiait un contrôle de la conformité des actes administratifs à la
Déclaration par le juge administratif.
b) La supériorité des Constitutions
Généralement, les Constitutions ont une valeur supérieure à celle de toutes les autres
normes de droit interne : lois ordinaires, règlement, actes administratifs... Cela s'explique
par l'importance (au sens matériel) des règles ou principes qu'elles contiennent. Dès lors
toutes les autres normes devront respecter la Constitution et pourront être déclarées
inconstitutionnelles par les tribunaux si elles ne le font pas.
Cependant lorsque la Constitution est contenue elle-même dans une loi ordinaire, elle a la
valeur de cette loi ; c'est-à-dire la valeur de toutes les autres lois malgré son contenu
spécifique. Elle ne bénéficie donc pas d'une supériorité par rapport à ces lois. C'est le cas
en GB.
Nota : il est indiqué généralement que la Constitution est la norme suprême au sein de
l'Etat et à ce titre fonde la validité de l'ordre juridique de cet État. Cela serait vrai
seulement si on pouvait démontrer que la Constitution était la norme ultime. Or, si l'on
admet qu'une règle juridique tire sa validité d'une autre règle juridique (et comment ne
pas l'admettre ?), alors la Constitution n'est pas la norme ultime. Logiquement, elle tire
sa validité d'une norme préexistante qui peut lui être supérieure.
Le courant positiviste dominant (Kelsen) concède qu'il existe bien une norme métaconstitutionnelle mais cette norme doit être supposée. Mais on ne voit pas comment un
ordre juridique pourrait se fonder sur une norme seulement hypothétique. Le courant
jusnaturaliste minoritaire admet l'existence d'un droit naturel immanent à la nature ou
issu de la volonté divine qui justifie de façon ultime le droit posé par la volonté humaine
ou droit positif. Cette position qui a été admise encore sous la Révolution (par exemple
Sieyès) comporte certains inconvénients, notamment le risque du dogmatisme : soit
l'affirmation que les normes juridiques doivent avoir un certain contenu pour être dites
juridiques.
2. L'élaboration de la Constitution
Dans le droit constitutionnel occidental classique, la Constitution qui est généralement
écrite, supérieure aux autres normes juridiques fait l'objet de procédés d'établissement
particuliers, solennels. Le procédé le plus souvent retenu depuis le XVIIIe siècle consiste
à avoir recours à une Assemblée constituante ou au gouvernement approuvé par le
peuple. Un procédé qui permet de respecter le principe de souveraineté démocratique.
Assemblée ou gouvernement exercent alors le pouvoir constituant au nom du Souverain.
A le recours à l'assemblée constituante ou au gouvernement
a) l'assemblée constituante
On distingue :
l'assemblée constituante spéciale (ou ad hoc) : on convoque une assemblée
spécialement dans le but qu'elle élabore une Constitution. Elle n'a que ce pouvoir à
l'exclusion de tous les autres pouvoirs législatif, de contrôle politique... Ex : la
Convention de Philadelphie qui élabora la Constitution américaine fédérale en 1787.
l'assemblée constituante et législative : l'assemblée élaborant la Constitution est
l'assemblée ordinaire qui fait les lois au sein de l'État. Ex : la France a suivi cette
voie durant la Révolution. Les assemblées de la révolution étaient constituantes et
législatives.
b) le gouvernement approuvé par le peuple
C'est la solution préférée aujourd'hui. Ainsi, la Constitution de 1958 a été élaborée par le
gouvernement du G. de Gaulle sur le fondement d'une loi constitutionnelle du 3 juin 1958.
Ce gouvernement, le dernier de la IVè République devait recueillir l'avis d'un Comité
consultatif en partie désigné par le Parlement. La Constitution a été adoptée par
référendum le 28 septembre.
B le pouvoir constituant
On admet généralement que l'organe qui élabore la Constitution détient un pouvoir
constituant :
originaire (ou inconditionné) notamment à la naissance d'un État ou à l'occasion
d'un changement complet de régime politique (révolution). Dans ce cas l'organe
agit au nom du souverain en toute liberté.
institué (c'est-à-dire conditionné) les conditions étant généralement prévues par la
Constitution précédente ou une loi spéciale. C'est le cas lorsqu'il y a simple révision.
Ici l'organe agit au nom du souverain mais est lié par des obligations, interdits fixés
au préalable.
3. La protection de la Constitution
Cette protection de la Constitution écrite se justifie évidemment par l'importance des
règles ou garanties pour les libertés qu'elle contient. Cette protection peut se manifester
de deux façons. Par la mise en place :
d'une procédure spéciale de révision qui sera longue, complexe pour éviter que la
Constitution ne soit modifiée trop facilement
d'une procédure de contrôle de la conformité à la Constitution des normes qui lui
sont inférieures pour éviter que de telles normes soient édictées et viennent ainsi
enfreindre et modifier implicitement la Constitution.
A la procédure spéciale de révision
Ce sont les Constitutions qui elles-mêmes en général organisent cette procédure spéciale.
Du coup, ces Constitutions deviennent difficiles à modifier. On les dit rigides selon une
expression qui nous vient de MM. Dicey et Bryce (juristes anglais ayant proposé cette
formulation au début du siècle). C'est le cas en France et aux États-Unis.
Trois procédures sont à noter :
1. la révision par le Parlement : Cette révision se fait par le Parlement en
formation spéciale et selon des modalités de vote particulières. Exemple : France
IIIe
République [la révision
est faite par la Chambre des Députés et le Sénat
réunis en une Assemblée appelée Assemblée nationale]. Belgique [Les 2
chambres peuvent effectuer une révision mais après avoir été renouvelées et en
votant à la majorité des 2/3 (art.195)].
2. la révision par une Assemblée spéciale : Cette révision se fait par une
Assemblée spécialement élue à cet effet. Exemple : États-Unis ; la révision peut
être effectuée par une Convention élue à cet effet mais cette procédure se voit
préférer en général la solution du Congrès votant à la majorité des 2/3.
3. l'intervention directe du peuple par la voie du référendum : Généralement,
cette intervention est combinée avec l'utilisation du Parlement ou d'une Assemblée
spéciale.
Exemple : France Ve République article 89. 3 phases sont à distinguer :
- l'initiative ; elle appartient au Président de la République sur proposition du Premier
ministre (projet de révision) ou aux membres du Parlement (proposition de révision).
- l'adoption ; elle appartient au Parlement. Chacune des chambres doit adopter en
termes identiques le texte à la majorité simple.
- la ratification ; elle appartient :
-- si c'est un projet de révision : soit au peuple par la voie du référendum, soit au
Congrès (qui est la réunion des 2 chambres à Versailles votant
ensemble à la
majorité des 3/5èmes). Le choix est fait par le président de la république.
-- si c'est une proposition de révision : uniquement au peuple par la voie du
référendum.
Les dernières révisions de la Constitution se sont faites surtout par l'intervention du
Congrès (17 novembre 1993 la réforme du droit d'asile consécutive à l'adoption du traité
de Schengen - 31 juillet 1995 sur l'élargissement du domaine du référendum ordinaire et
l'allongement de la durée de session du Parlement). La réduction du mandat présidentiel
est intervenue par référendum. Mais le taux d'abstention a été tel (plus de 60 %) que l'on
hésitera sans doute à réemployer cette formule.
NOTA Dans le cas rare où une Constitution est contenue dans une loi ordinaire, il n'existe
pas de procédure spéciale pour l'élaborer ou la réviser. On la dit alors souple. C'est le
cas à certains détails prés en Angleterre où le Parlement peut adopter suivant la
procédure ordinaire toutes les lois constitutionnelles écrites et ensuite les modifier, voire
les abroger.
B la procédure du contrôle de constitutionnalité
Cette procédure spéciale presque toujours juridictionnelle a pour but d'empêcher les
normes inférieures (principalement les actes du Législatif) d'enfreindre la Constitution.
Elle a pour conséquence de garantir le fonctionnement normal des institutions politiques
et le respect de nos libertés fondamentales (qui ne sont plus menacées par des lois
pouvant être contraires à nos institutions ou liberticides).
a) Origine du contrôle de constitutionnalité des lois
L'idée d'un contrôle de constitutionnalité des lois n'a été développée et mise en
application que tardivement par les États occidentaux. Elle commence maintenant à
s'universaliser (Cf. le développement des cours constitutionnelles dans les anciens États
communistes d'Europe centrale ou du tiers-monde).
Cette idée est appliquée :
aux États Unis à partir dès le XIXe siècle sur l'initiative de la Cour Suprême (1803,
décision Marbury c. Madison)
en Europe au XXe siècle sur l'initiative du Constituant qui crée un Tribunal
constitutionnel (1920 en Autriche, 1958 en France) chargé de vérifier la conformité
des lois à la Constitution. La France a mis en place ce contrôle très tard sans doute
parce qu'elle a adhéré plus que les autres pays à l'idée que la loi en tant qu'elle
émane du peuple souverain ne doit pas être critiquée. Ainsi sous la Révolution, la
plupart des orateurs avaient rejeté l'idée d'un tribunal constitutionnel chargé de
contrôler les lois (cf. Thibaudeau 24 Thermidor an III « Ce pouvoir monstrueux
serait tout dans l'Etat et en voulant donner un gardien aux pouvoirs publics, on leur
donnerait un maître »).
b) Justification du contrôle de constitutionnalité des lois
La mise en place de ce type de contrôle se justifie ainsi. On ne fait plus confiance aux
autorités politiques, notamment le Parlement pour respecter la Constitution. Ses lois
peuvent être contraires à la Constitution. Il faut donc pouvoir les annuler ou les déclarer
inconstitutionnelles. Conséquence : on permettra à certains organes, de préférence
juridictionnels de contrôler ses lois.
1. Pourquoi le juge ?
Dans la tradition française (Cf. Montesquieu), le juge est considéré comme neutre pour
au moins deux raisons :
A) Le juge est au sein de l'État l'organe qui théoriquement bénéficie de la plus
grande indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Ainsi, il est complètement
séparé des organes législatif et exécutif qui ne peuvent faire pression sur lui ou le
révoquer.
B) Il est censé être un organe, neutre, impartial qui s'oppose à la loi pour des
raisons de droit et non idéologiques (cf. « l'automate » de Montesquieu).
2. Quel contrôle ?
Les juges feront un contrôle de constitutionnalité par rapport à la Constitution au sens
strict ou mieux, par rapport à la Constitution au sens large (Constitution + déclaration des
droits ou préambule). En effet, seul le contrôle par rapport à la Constitution au sens large
permet un respect complet par le législateur des libertés fondamentales.
3. Critique :
Le contrôle juridictionnel de constitutionnalité des lois n'a plus d'adversaires aujourd'hui.
Il en a eu autrefois. Ainsi, les partisans du droit constitutionnel marxiste-léniniste étaient
favorables à un contrôle de constitutionnalité confié au Parlement et non au juge.
Pourquoi ?
le juge n'étant pas élu ou désigné démocratiquement, on ne doit pas lui donner le
pouvoir de s'opposer à la loi qui elle émane d'organes exprimant la volonté du
peuple
la Constitution émanant tout comme la loi de la volonté du Peuple souverain, il est
absurde de faire contrôler par un juge l'une par l'autre. Cela revient à considérer
que la manifestation la plus ancienne de cette volonté (sous forme de Constitution)
doit toujours l'emporter sur les manifestations les plus récentes (sous forme de
lois). Il vaut mieux que le Parlement fasse prévaloir l'une ou l'autre selon l'intérêt
général.
Ces arguments sont recevables mais ils ne débouchent pas sur une alternative fiable. Un
autocontrôle du Parlement serait sans doute plus légitime et progressiste mais il serait
nécessairement politisé et inefficace (le Parlement aurait-il le courage de se critiquer luimême ?).
c) exercice du contrôle
Le contrôle de constitutionnalité effectué par un juge peut intervenir selon deux
mécanismes très différents :
1- le contrôle par voie d'exception
Définition : C'est un contrôle effectué par un juge ordinaire, non spécialisé à
l'occasion d'une quelconque action en justice. Le justiciable invoquera le non
respect de la Constitution (= une exception d'inconstitutionnalité) par la loi
appliquée à son cas. Et le juge en conséquence vérifiera si cette loi est conforme ou
non à la Constitution.
Origine : Le contrôle par voie d'exception est né et s'est développé aux États-Unis
au XIXe siècle. Dans une décision Marbury contre Madison (1803), la Cour Suprême
américaine a considéré que le juge ordinaire avait le pouvoir de faire un tel
contrôle. La cour a estimé que ce contrôle était inhérent à la fonction de juger. Car
le juge doit toujours faire prévaloir la norme supérieure sur la norme inférieure ; ici
la Constitution sur la loi. En cas de contradiction, il ne fera pas application de la loi.
Dans la pratique, les juges ordinaires américains sont habilités à examiner le respect des
lois par rapport à la Constitution d'un État fédéré ou par rapport à la Constitution
fédérale. La Cour suprême n'intervient qu'en dernier recours comme juge d'appel.
Effets : Le contrôle par voie d'exception est toujours un contrôle :
a posteriori, c'est-à-dire qu'il intervient après que la loi a été promulguée
et donc entrée en vigueur. Ce qui a un avantage : la systématicité (toutes
les lois potentiellement sont susceptibles d'être contrôlées) et un
inconvénient : l'insécurité juridique (toutes les lois quelle que soit leur
antériorité peuvent être déclarées institutionnelles ce qui fragilise l'ordre
juridique).
incident, c'est-à-dire qu'il n'a d'effet que pour les parties concernées par
l'action en justice. La loi n'est pas annulée. Simplement ses effets sont
suspendus pour les préjudiciables. Elle reste valable, applicable à tout le
reste de la population.
2- le contrôle par voie d'action
Définition : c'est un contrôle effectué par un juge spécialisé devant lequel à
l'occasion d'un recours, on lui demandera de vérifier la constitutionnalité d'une loi.
Ce juge spécialisé siège dans un tribunal ou une cour constitutionnelle. Le juge
ordinaire est incompétent dans ce domaine.
Origine : c'est un contrôle qui été mis en place et développé en Europe au XXe
siècle. L'Autriche dès 1920 a pour la première fois instauré un tribunal
constitutionnel, puis a été suivie notamment par l'Espagne républicaine en 1931. La
France n'a créé un véritable contrôle de constitutionnalité qu'en 1958 avec la mise
en place d'un Conseil constitutionnel composé de 9 juges nommés par le président
de la République, les présidents de l'Assemblée Nationale et du Sénat.
Nota : Le Conseil constitutionnel comme tout tribunal constitutionnel exerce
principalement le contrôle de conformité des lois ordinaires à la Constitution. Ce contrôle
a fait l'objet de deux extensions, l'une par rapport à son objet, l'autre par rapport à son
déclenchement :
objet. Elle est intervenue en 1971 à la suite d'une décision du Conseil
constitutionnel concernant la liberté d'association. Le Conseil a admis qu'il devait
faire un contrôle par rapport à la Constitution au sens large, c'est-à-dire la
Constitution et son Préambule qui renvoie lui-même à la DDHC de 1789 et au
Préambule de 1946 ; ce qui revenait à considérer que ces derniers textes et les
libertés fondamentales qu'ils contiennent avaient valeur constitutionnelle.
déclenchement. Une réforme constitutionnelle de 1974 a permis que le Conseil
constitutionnel soit saisi en plus des autorités déjà prévues (Le Président de la
république, le Premier ministre, les Présidents des 2 chambres), par 60 députés et
60 sénateurs.
Aujourd'hui le Conseil constitutionnel est concurrencé dans
son rôle de protecteur des libertés par le juge ordinaire
lorsque ce dernier exerce un contrôle de conventionnalité
de la loi par rapport aux traités (notamment la Convention
européenne des droits de l'homme). Voir sur ce point
l'article de D. Rousseau.
Effets : Le contrôle par voie d'action est :
- soit a posteriori, soit a priori. Dans le premier
constitutionnel pourra contrôler une loi déjà promulguée
Italie, en Allemagne...). Dans le deuxième cas, celui
contrôle intervient après le vote de la loi et avant sa
contrôle a priori a un inconvénient et un avantage.
cas, le Tribunal
(par exemple en
de la France, le
promulgation. Le
L'inconvénient est qu'il n'est pas systématique (car certaines lois n'ayant pas
fait l'objet d'un recours ne seront jamais contrôlées). L'avantage est qu'il
crée un sentiment de sécurité juridique (car avant même de produire des
effets, ces lois seront suspendues et d'autre part, les personnes juridiques
seront sûres que les lois qui leur sont appliquées ne seront pas remises en
cause).
- toujours non incident ; c'est-à-dire que les effets de la décision
concerneront toute la population et pas seulement les auteurs du recours. La
loi est annulée ou bien déclarée non valable pour tous.
NOTA Une réforme constitutionnelle qui a échoué en 1988 (en raison de l'opposition du
Sénat) a proposé l'élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel. Il s'agit de
permettre au citoyen ordinaire de saisir indirectement le Conseil. La procédure
fonctionnerait en 3 temps.
1. devant un juge ordinaire, tout citoyen pourrait invoquer une violation de ses droits
fondamentaux (= de la Constitution au sens large) par la loi qu'on lui applique
2. si le juge estime la question sérieuse, il la transmet devant la juridiction la plus
haute : le CE ou la C de C selon le type de droit ou de juridiction concerné (droit
privé ou droit public)
3. Si ces tribunaux jugent la question recevable, ils la transmettent au Conseil
constitutionnel.
Notons que cette réforme très complexe à mettre en œuvre ne change pas
fondamentalement la nature de notre contrôle de constitutionnalité des lois ; il reste
malgré les apparences un contrôle par voie d'action qui existera a priori et a posteriori.
4. L'abrogation de la Constitution
La Constitution peut être totalement ou partiellement abrogée. Cela ne pose pas de
difficultés particulières dans le cas de constitutions coutumières. Apparaissent alors de
façon plus ou moins progressive, des coutumes contraires aux coutumes
constitutionnelles existantes qui peuvent les abroger ou les remplacer facilement car elles
ont même valeur juridique. Dans le second cas, celui des Constitutions écrites, cette
abrogation partielle ou totale doit être soigneusement organisée et contrôlée sans quoi
des dérapages peuvent intervenir.
A - l'abrogation totale des constitutions écrites
Elle conduit à la disparition pure et simple d'une Constitution écrite. Deux situations sont à
distinguer :
1. l'acte juridique contraire : Par une manifestation de volonté, (qui prend la forme
généralement d'une loi constitutionnelle), il est décidé de mettre fin à une
Constitution en procédant à une révision totale. Exemple : loi du 10 juillet 1940, loi
du 3 juin 1958.
2. le fait juridique contraire : Un fait annoncé par la Constitution peut conduire à sa
disparition automatique. Exemple : L'article 146 de la Loi Fondamentale de la
R.F.A. prévoit que cette loi cessera d'exister si la réunification de la Nation
allemande a lieu. Cela n'a pas eu lieu dans les faits puisque lorsque la réunification
est intervenue, le Gouvernement allemand approuvé par référendum a préféré
prolonger l'existence de la Loi fondamentale qui est maintenant appliquée sur les
territoires de l'ex R.D.A. Le processus d'élaboration d'une nouvelle Constitution
valable pour l'Allemagne réunifiée n'a pas été enclenché comme prévu.
B l'abrogation partielle des Constitutions écrites
L'abrogation partielle doit normalement se faire par le biais d'une révision
constitutionnelle dont la procédure est organisée par la Constitution elle-même. Mais, il
arrive qu'on aboutisse au même résultat par le biais d'usages ou de pratiques contraires
à la Constitution. Il s'agit alors d'une révision de fait. Le processus est le suivant :
certains organes constitutionnels (faisant partie généralement de l'Exécutif), de façon
unilatérale ou conjointe, prennent l'habitude de ne pas appliquer certains articles de la
Constitution. Soit, ils n'obéissent pas à certaines obligations constitutionnelles, soit ils se
donnent des compétences non prévues par la Constitution. Il y aura un faussement ou
une violation de la Constitution favorisé généralement par 2 facteurs :
1. la Constitution est rédigée à certains endroits de façon maladroite ou ambiguë.
Cela permet alors à certains acteurs politiques d'imposer plus facilement une
interprétation contestable de certains articles de la Constitution.
2. il n'existe pas de tribunal constitutionnel pour contrôler leurs actes ou si ce tribunal
existe, sa compétence ne s'étend pas jusque-là.
Certains auteurs de plus en plus nombreux considèrent que ces pratiques ou usages ont
pu générer des normes constitutionnelles à part entière (soit des coutumes
constitutionnelles contra legem) qui peuvent déroger légitimement à la Constitution
écrite. Dès lors, on pourrait parler d'une révision de droit et non plus de fait. Cette
solution n'est pas acceptable pour plusieurs raisons :
la caractéristique et la justification d'une Constitution écrite
et supérieure aux
autres normes de droit interne est d'être une loi possédant une forme spécifique et
une puissance renforcée. Dès lors, il y a incompatibilité entre Constitution et
coutume car les actes coutumiers ne possèdent pas de forme particulière et de
force équivalente ou supérieure à la loi constitutionnelle écrite.
la coutume est encore plus illégitime dans le cadre des Constitutions rigides car ici
la suprématie formelle de la Constitution est consacrée par l'existence d'une
procédure spéciale de révision. On ne saurait donc admettre que la simple
répétition d'actes formellement inférieurs considérés comme obligatoires par leurs
auteurs puissent avoir pour effet de la compléter ou de la modifier.
les éléments constitutifs des coutumes contra legem, soit la repetitio et l'opinio juris
ne sont généralement pas réunis ; ce qui ne permet pas d'attester à coup sûr de
l'existence d'un fait coutumier.
Ces phénomènes sont par essence politiques et non juridiques. Il s'agit de situations de
fait et non de droit. Les pratiques et usages en questions n'ont pu ne générer que des
normes politiques, appelées « conventions de la Constitution » non obligatoires et
non sanctionnées par les juges.
4. Critique de la notion de Constitution
A. au sens matériel
On peut s’interroger sur la prétention des Constitutions modernes à constituer, instituer
ex nihilo un Etat. Cela implique une conception totalitaire, artificialiste du droit qui n’est
jamais remise en cause.
B. au sens formel
La prétendue suprématie ou encore le caractère ultime des Constitutions au sens formel
doivent être remis en cause. Le droit ne peut s’arrêter à une norme posée par la volonté
humaine.
Si l’on admet que le droit ne peut exister que s’il existe déjà du droit, la Constitution
positive ne saurait avoir de valeur juridique qu’à condition d’avoir été produite en vertu
d’une norme qui lui est supérieure. Sauf à concéder que la validité de la Constitution et
de l’ordre juridique qu’elle instaure n’est pas justifiée, cette norme doit bien exister. Or, il
est impossible de décrire phénoménalement cette norme. Il n’existe pas de norme supra
ou métaconstitutionnelle qui ait été posée par quelque organe compétent. Nous n’en
trouvons pas de trace historique. Il doit donc exister une norme située au-dessus de la
Constitution qui n’a pas de réalité empirique (notamment linguistique) tout en étant
juridique. Hélas, ce problème est tout simplement écarté par les juristes positivistes. .
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