Sommaire
L’instrumentarium « classique »
Permanences et nouveautés
Aléas, transformations et restauration des instruments
La forme sonate
Les claviers
Les claviers à l’époque de W.A : Mozart
Les différents instruments à clavier
Le principe de l’échappement
Brèves notices sur les facteurs des pianoforte exposés
Les cordes
Mozart et l’écriture pour la famille des violons
Les instruments à cordes frottés de la seconde partie du 18e siècle
Les origines du quatuor
Musique galante et musique construite
Schéma et lexique du violon
La lutherie italienne
Brèves notices sur les luthiers dont les instruments sont exposés
La lutherie austro-allemande
Brèves notices sur les luthiers dont les instruments sont exposés
Arbre généalogique des luthiers Klotz
Iconographie : étiquettes de violons des luthiers Klotz
La lutherie française au 18e siècle
Brèves notices sur les luthiers dont les instruments sont exposés
Les archets
Les partitions et les compositeurs secondaires
Notices relatives aux pièces exposées
L’instrumentarium « classique »
Permanences et nouveautés
Au 18e siècle, le rapport entre les interprètes et les compositeurs d’une part, les
instruments joués d’autre part, n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser.
Ainsi, dans les deux domaines abordés dans cette exposition, à savoir les
instruments à cordes frappées et à cordes frottées, les musiciens qui
composent ou jouent la musique la créent et l’interprètent en réalité autant sur
des instruments encore rattachés à l’époque baroque que sur des instruments
fabriqués par leurs contemporains.
De plus, les nouveaux instruments ne s’inscrivent pas dans une rupture avec le
passé. Leur fonctionnement, leur matériau, leur réglage, voire leur mécanique,
sont enracinés dans les traditions constructives antérieures. Le résultat sonore
qu’ils restituent est de ce fait fort différent de celui auquel nous ont habitués
les instruments sur lesquels on joue majoritairement aujourd’hui.
Un jeu qui voudrait s’approcher le plus fidèlement possible de ce que devait
être la musique de la seconde moitié du 18e siècle devrait donc tenir compte de
nombreux facteurs tels l’usage d’un style concordant avec la période ou encore
le respect de la diversité des instruments, utilisés selon le temps et le lieu.
Ainsi, un portrait de Saverio Dalla Rosa nous représente Mozart, âgé de 14 ans,
jouant une épinette italienne, en 1770 à Vérone. L’instrument, signé du facteur
vénitien Johannis Celestini, est daté de 1587. La partition posée sur le lutrin
porte l’inscription Molto Allegro, mouvement d’une œuvre qui pourrait
appartenir à la partition pour clavier KV 72a, que Wolfgang Amadeus est alors
en train de composer.
Par ailleurs, Johann Andreas Stein construit en 1777 un instrument qui combine
le son du clavecin avec celui du pianoforte, preuve intéressante de l’intérêt que
l’on continue alors à manifester envers le clavecin et de la curiosité que l’on a
mise parallèlement à développer cette génération d’instruments à cordes
frappées, initiée dès 1698 avec l’invention de Bartolomeo Cristofori. Cet
assemblage très étroit de deux sonorités en un même instrument, encore dans
le dernier quart du 18e siècle, illustre bien le fait que le pianoforte n’a pas
chassé le clavecin.
Dans le domaine des cordes, il en va de même. Léopold Mozart jouait un violon
signé Jakob Stainer et fabriqué dans la seconde moitié du 17e siècle. Le violon
de Wolfgang Amadeus portait une étiquette du même facteur; pourtant,
l’instrument a été fabriqué par Aegidius Klotz et date de la seconde moitié du
18e siècle. Ce « faux » est certes la preuve de la déférence que l’on avait
envers les luthiers du passé, mais il marque aussi concrètement l’intérêt que
les musiciens avaient à jouer des instruments antérieurs à leur époque.
Aléas, transformations et restauration des instruments
Les instruments d’autrefois ne nous sont que rarement parvenus dans leur
intégralité. Outre de nombreuses pertes, on constate non seulement des
dégâts, mais aussi des interventions humaines volontaires, pour adapter
l’instrument aux nouvelles esthétiques sonores, le rendre visuellement
présentable ou le remettre en état de jeu. Très tôt, des modifications
importantes ont été apportées pour répondre à des besoins fonctionnels
commandés par l’évolution de l’écriture musicale ou le style de jeu. Beaucoup
d’instruments ont donc été soit restaurés, soit consciemment transformés afin
de les mettre au goût du jour. De manière générale, cette attitude est ancienne
et intrinsèquement rattachée à la fonction primordiale de l’instrument de
musique, fait pour être entendu avant de se présenter comme un bel objet.
Ainsi, les clavecins du 17e siècle ont souvent été ravalés au 18e siècle pour
augmenter leur étendue sonore vers le grave et vers l’aigu. Plus radicalement,
des violes de gambe ont été « violoncellisées » en toute bonne foi au 19e siècle,
puisque l’instrument initial était considéré comme « passé de mode » et que les
compositeurs ne s’y intéressaient plus.
Dans une telle perspective, on pouvait donc légitimement conclure à l’inutilité
de ces instruments en l’état et s’octroyer le droit de leur accorder une seconde
vie en les transformant. Cela a fait partie de l’histoire, comme les mutations
architecturales qu’ont subies les divers bâtiments au cours des siècles ou les
ajustements décoratifs de nombreux objets. Il serait incorrect de porter un
jugement de valeur sur l’ensemble du processus sans regarder de près chaque
cas, ni se référer à l’époque et aux circonstances qui ont motivé les
modifications.
Ainsi donc, on peut constater que la rupture amorcée vers la fin du 18e siècle,
dans la pensée et dans les structures politiques et économiques, a
parallèlement amené de profonds bouleversements dans l’instrumentarium
baroque, stimulant la création d’instruments dérivés des premiers ou apportant
de nombreuses modifications aux instruments traditionnels. Le pianoforte, qui
prend peu à peu le relais du clavecin, peut être considéré comme une mutation
du premier, dont il conserve au début beaucoup de particularités. Il se
caractérise en effet par une mécanique très directe et légère, des étouffoirs liés
de manière étroite au mouvement de frappe, des marteaux à nu ou recouverts
simplement de cuir, soit autant d’éléments conjugués qui conservent à des
degrés divers le son cristallin de la corde pincée et la grande rapidité de jeux de
l’instrument initial. Là aussi, certains clavecins ont pu, dans le vaste
mouvement d’évolution du goût, être convertis en pianoforte, alors que
d’autres, plus tard, seront écartés de la vie musicale ou même disparaîtront.
La confiance en les sciences et les techniques développée au 19e siècle, étayée
parfois par une pensée évolutionniste, imposera l’idée que l’on avance
forcément vers un progrès. Curieusement, au cœur même d’un siècle pourtant
historicisant, la notion « fataliste » d’un perfectionnement esthétique et
technique, vers lequel se dirige la civilisation, parvient à s’immiscer dans
l’intérêt et la curiosité historiques. Ainsi, de même que l’architecte Viollet-le-
Duc « améliore » le gothique en créant plus ou moins consciemment un
nouveau style, les facteurs de « cuivres » reconstruisent et adaptent des
trompettes pseudo-baroques en leur ajoutant des pistons. A l’époque
romantique et post-romantique, le retour au passé, qui s’est souvent arrêté aux
sources musicales écrites (cf. la Bachgesellschaft), n’a que rarement été
accompagné par une recherche approfondie des modes d’interprétation anciens
ou une observation suivie des traditions constructives. C’est sans doute encore
le même état d’esprit qui a généralisé l’utilisation d’instruments issus de la
génération romantique pour la musique baroque et classique et qui, sitôt après
1950, a introduit pour les violons, violoncelles et altos, l’usage de cordes en
métal pour l’ensemble du répertoire.
La vaste réflexion amorcée dans le domaine des arts plastiques et de
l’architecture, qui a cherché, principalement dès le milieu du 20e siècle, à
établir des règles de comportement face aux témoignages du passé et en
relation avec leur conservation, n’a pas trouvé un parallèle en organologie. De
nos jours, en dehors du monde des musées, de colloques spécifiques et
d’initiatives privées ponctuelles, cette attitude ne s’est pas encore généralisée.
Ce phénomène tient à diverses causes. Pour les facteurs, ce qui joue
généralement le rôle d’une tradition en organologie repose sur des
connaissance relativement récentes, vieille d’un siècle, voire un siècle et demi,
et s’appuie sur l’observation d’instruments souvent notoirement transformés.
L’isolement des constructeurs et des restaurateurs d’instruments se conjugue
avec la liberté d’intervention dont ils jouissent. Ceci diverge de la situation qui
prévaut ailleurs, dans le domaine des monuments historiques ou dans celui des
objets d’art, où s’exercent certains contrôles, ou encore face au marché de l’art
où une autorégulation s’impose. Le degré d’authenticité bonifie l’objet tandis
que sa dénaturation le pénalise. De plus, la part peu importante accordée aux
connaissances historiques dans la formation des intervenants freine une
sensibilisation pourtant souhaitable. En outre, l’attrait des musiciens pour des
instruments anciens, mais cependant jouables avec une technique moderne, a
contraint et oblige encore les facteurs à satisfaire à des exigences allant à
l’opposé d’une attitude conservative. Enfin, la valeur financière parfois
importante de ces instruments modernisés (Stradivarius et autres violons
italiens des 17e et 18e siècles) tient un rôle complexe qui ne parvient pas
1 / 36 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !