Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 2, mars/avril 2006
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Phéochromocytome
et paragangliome
Chromogranines et phéochromocytome
Chromogranins and pheochromocytoma
Y. Anouar*, L. Yon*
L
es chromogranines/sécréto-
granines, également connues
sous le terme générique de
granines, représentent une classe de
protéines sécrétées qui est exprimée
dans les cellules endocrines, neuro-
endocrines et nerveuses. Les prin-
cipales granines sont la chromogra-
nine A (CgA), la chromogranine B
(CgB) et la sécrétogranine II (SgII),
même si plusieurs protéines présen-
tant des caractéristiques physico-
chimiques similaires ont été décrites
(1). Les granines CgA, CgB et SgII
sont constituées d’environ 400 à
650 acides aminés, ont un caractère
acide puisque leur contenu en rési-
dus acides peut atteindre 30 % et
sont codées par des gènes uniques
dont les loci sont situés dans des
régions de chromosomes homo-
logues où l’ordre des gènes est
conservé chez différentes espèces
(tableau, p. 62). L’expression des
différentes granines est associée à
la voie de sécrétion régulée, méca-
nisme cellulaire permettant aux cel-
lules nerveuses et (neuro)endo-
crines de libérer les neuro-
transmetteurs et les hormones en
grande quantité uniquement en
réponse à une stimulation. En effet,
les granines sont des constituants
majeurs des granules dits “à cœur
dense” du fait de leur aspect en
microscopie électronique à trans-
mission (figure 1, p. 62), présents
dans les cellules sécrétrices spécia-
lisées. Dans ces granules de sécré-
tion, les granines sont costockées
avec les hormones, les neurotrans-
metteurs et divers neuropeptides.
De ce fait, leur libération dans le
milieu extracellulaire et dans la cir-
culation est contrôlée par de mul-
tiples facteurs régulateurs qui, géné-
ralement, agissent à la fois sur la
sécrétion du neurotransmetteur ou
de l’hormone spécifique de la cellule
nerveuse ou endocrine et sur celle
d’au moins une granine. À titre
d’exemple, la biosynthèse et la libé-
ration des granines sont contrôlées
de façon gène-spécifique par les
estrogènes dans l’hypophyse (2) ou
par les glucocorticoïdes ou certains
neurotransmetteurs dans la médul-
losurrénale (3). Les mécanismes
moléculaires régissant ces régula-
tions ne sont pas complètement élu-
cidés, même si plusieurs études ont
indiqué l’importance fonctionnelle
d’éléments géniques de type cAMP
response element (CRE) systémati-
quement présents sur les promo-
teurs des gènes des différentes gra-
nines. La spécificité d’expression et
de régulation de chaque gène d’une
granine est probablement dictée par
d’autres éléments géniques et des
facteurs cellulaires spécifiques dont
* Inserm U413, université de Rouen, Mont-
Saint-Aignan.
Les principaux membres de la famille des chromogranines ou gra-
nines sont la chromogranine A (CgA), la chromogranine B (CgB) et la
sécrétogranine II (SgII).
Les granines sont des constituants majoritaires des granules de sécré-
tion des cellules endocrines, neuroendocrines et nerveuses, et sont
colibérées avec les hormones et les neurotransmetteurs après stimu-
lation de ces cellules.
La CgA joue un rôle physiologique dans la formation des grains de
sécrétion dans les cellules chromaffines de la médullosurrénale et l’in-
validation de son gène entraîne une hypertension artérielle.
Les granines donnent naissance à des peptides biologiquement actifs
après maturation dans les grains de sécrétion.
La CgA, la SgII et des peptides dérivés sont fortement exprimés dans
les phéochromocytomes et leurs concentrations sont élevées dans la
circulation de patients atteints de ce type de tumeur. La CgA est un
marqueur plasmatique très sensible pour le diagnostic des phéochro-
mocytomes.
Le dosage tissulaire et plasmatique de peptides dérivés des granines,
tel l’EM66 issu de la maturation de la SgII, est un moyen fiable et pro-
metteur pour établir le diagnostic et le pronostic des phéochromocy-
tomes.
Mots-clés : Chromogranine – Sécrétogranine – Peptide – Phéo-
chromocytome – Diagnostic – Pronostic.
Keywords: Chromogranin – Secretogranin – Peptide – Pheochro-
mocytoma – Diagnosis – Prognosis.
points FORTS
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et paragangliome
Phéochromocytome
l’existence a été suggérée par plu-
sieurs études (4), mais dont l’iden-
tité reste inconnue.
La fonction des granines est demeu-
rée énigmatique durant de nom-
breuses années après leur identi-
fication. Toutefois, des avancées
majeures ont été réalisées récem-
ment dans la compréhension de leur
rôle, que ce soit sur le plan intracel-
lulaire dans la formation des gra-
nules de sécrétion ou extracellulaire
en tant que peptides biologiquement
actifs.
Fonctions intracellulaires
des granines
La séquence des granines est riche
en résidus acides qui peuvent repré-
senter jusqu’au tiers de la composi-
tion globale en acides aminés. Des
expériences in vitro ont permis de
montrer que cette propriété des gra-
nines est à la base de leur capacité
à s’agréger en présence de concen-
trations élevées de calcium à pH
acide, conditions caractéristiques du
milieu intragranulaire (5). Ces obser-
vations ont permis de suggérer que
les granines pourraient être impli-
quées dans la formation des grains
de sécrétion. En effet, les granines
peuvent jouer un rôle de protéines
chaperonnes facilitant l’agrégation
et le stockage du contenu des vési-
cules de sécrétion lors de leur bour-
geonnement à partir de l’appareil de
Golgi (figure 2). Cette hypothèse
est restée longtemps débattue, jus-
qu’à ce que l’équipe de Y.P. Loh (6)
ait montré en 2001 que l’inhibition
de l’expression de la CgA entraî-
nait une diminution importante du
nombre de vésicules de sécrétion et
de la libération hormonale dans des
cellules neuroendocrines. D’autres
études ont ensuite montré que la
CgB et la SgII sont également
capables d’induire la formation de
structures apparentées aux grains de
sécrétion dans des cellules normale-
ment dépourvues de voie de sécré-
CgA CgB SgII
Localisation chromosomique 14q32 20pter-p12 2q35-q36
Résidus
Précurseur 457 677 617
Protéine mature 439 657 590
Masse moléculaire (kD)
a
Calculée 49 76 68
Apparente 74 120 86
Résidus acides (% E + D) 21+4 18+6 13+7
Point isoélectrique (pHi) 4,37 4,83 4,47
Sites multibasiques
b
10 15 9
Pont disulfure 17-38 16-37 Non
CgA : chromogranine A ; CgB : chromogranine B ; SgII : sécrétogranine II.
aLa masse moléculaire est déduite de la structure primaire. La masse moléculaire apparente est déterminée
par électrophorèse sur gel de polyacrylamide-SDS.
bLes sites multibasiques correspondent aux sites contenant deux résidus R ou K consécutifs ou plus.
Tableau. Propriétés des granines chez l’homme.
Figure 1. Photographies prises en microscopie électronique illustrant le confinement des gra-
nines dans les granules de sécrétion (flèches orange) de cellules endocrines et neuroendo-
crines : des réactions immunocytochimiques révèlent la présence de la SgII (grains noirs dans
les vésicules denses aux électrons) dans une cellule chromaffine (Ch) de la médullosurré-
nale, ainsi que dans les cellules gonadotrope (Gn) et lactotrope (PRL) de l’hypophyse.
Figure 2. Schéma illustrant le rôle intracellulaire de la CgA et de la CgB dans l’empaque-
tage des hormones et neurotransmetteurs au cours de la formation des grains de sécrétion.
Les granines s’agrègent dans le trans-Golgi et interagissent en même temps, par l’intermé-
diaire de leur région N-terminale, avec la membrane des granules. Elles permettent ainsi le
tri des produits qui seront libérés par la voie régulée et le bourgeonnement des vésicules de
sécrétion renfermant ces produits. RER = réticulum endoplasmique rugueux.
RER
Cis-Golgi
Voie de sécrétion
constitutive
Voie de sécrétion régulée
Trans-Golgi
CgA
CgB
Hormones
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 2, mars/avril 2006
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Phéochromocytome
et paragangliome
tion régulée (7, 8). Ces données
obtenues dans des modèles cellu-
laires ont été récemment confirmées
par des expériences d’invalidation
du gène de la CgA in vivo. Une pre-
mière étude utilisant des animaux
transgéniques a permis de montrer
que l’expression de la CgA est
directement corrélée à la capacité de
cellules sécrétrices, telles que les
cellules chromaffines de la médul-
losurrénale, à générer des vésicules
de sécrétion (9). Dans une autre
étude où le gène de la CgA a été
invalidé par recombinaison homo-
logue, les auteurs ont montré que
non seulement la formation des gra-
nules est affectée chez les souris
transgéniques, mais qu’en plus la
pression artérielle est élevée chez
ces animaux et que le taux des caté-
cholamines est effondré dans la
médullosurrénale, alors qu’il est
augmenté dans le sang, suggérant
que l’absence de CgA est respon-
sable d’une libération accrue de
catécholamines entraînant une source
d’hypertension (10). L’ensemble de
ces données obtenues in vitro et in
vivo plaide en faveur d’un rôle phy-
siologique des granines, notamment
la CgA, dans le stockage et la libé-
ration des hormones.
D’autres rôles intracellulaires ont
été proposés pour certaines gra-
nines. À titre d’exemple, il a été
montré que la CgA et la CgB sont
impliquées dans la mobilisation du
Ca2+ intracellulaire, puisque ces
granines se lient au récepteur des
inositols phosphates présents sur la
membrane des grains de sécrétion
pour faciliter la libération de Ca2+
(11). Il a également été montré
qu’une fraction immunoréactive de
la CgB présente dans les cellules
PC12 est localisée dans le noyau,
et que la granine est capable de sti-
muler ou d’inhiber la transcription
de différents gènes, y compris des
facteurs de transcription, lorsque
son gène est transfecté dans des
lignées cellulaires de neuroblas-
tome (12). La signification physio-
logique de ces résultats n’est pas
encore claire.
Fonctions extracellulaires
des granines
La possibilité que les granines puis-
sent être des précurseurs de peptides
actifs a été proposée lorsqu’un pep-
tide isolé à partir du pancréas,
appelé pancréastatine (PST) et
capable d’inhiber la libération d’in-
suline, a été identifié comme étant
un fragment de la CgA. En effet, le
clonage pour la première fois d’une
granine, la CgA, a révélé que cette
protéine contenait de nombreux
sites dibasiques de clivage par des
prohormones convertases (PC) et
que la PST pouvait être un produit
de maturation de la CgA à la suite
de l’action de ces enzymes (13). La
présence de sites de maturation pou-
vant donner naissance à des pep-
tides a été retrouvée dans d’autres
granines telles que la CgB et la
SgII, et des peptides dérivés de ces
granines exerçant des activités bio-
logiques ont été identifiés dans de
nombreux tissus. Ainsi, la CgA est
également le précurseur de peptides
appelés vasostatine (VST) et cates-
tatine (CST) (1). La VST inhibe la
vasoconstriction de vaisseaux san-
guins humains isolés et l’adhésion
de cellules musculaires lisses d’ar-
tères coronariennes. La CST inhibe
la libération de catécholamines à
partir des cellules chromaffines de
la médullosurrénale en bloquant le
récepteur nicotinique de l’acétyl-
choline, principal régulateur phy-
siologique de cette glande. Des
résultats récents indiquent que des
variations de la concentration de ce
peptide seraient à l’origine de cas
d’hypertension artérielle (14).
D’autre part, la VST et la CST sont
dotées d’activités antimicrobienne
et antifongique et pourraient être
impliquées dans la défense contre
des agents pathogènes (15). Parmi
les autres peptides dérivés des gra-
nines exerçant des activités biolo-
giques, citons également l’exemple
de la sécrétoneurine (SN), un pep-
tide de 33 acides aminés dérivé de
la SgII qui joue un rôle important
dans la communication entre le sys-
tème neuroendocrine et le système
immunitaire (16).
La caractérisation moléculaire des
granines chez des espèces infra-
mamaliennes a permis ces dernières
années de découvrir de nouveaux
peptides dont les séquences ont été
conservées au cours de l’évolution,
témoignant de rôles importants qui
restent encore à déterminer (17).
Certains de ces peptides tels que
l’EM66 dérivé de la SgII ou le
WE14 dérivé de la CgA sont pré-
sents dans des tissus endocrines tels
que l’hypophyse ou la surrénale
(18-20).
Granines
et phéochromocytome
Les granines et les peptides issus de
leur maturation sont exprimés dans
de nombreuses tumeurs neuroendo-
crines telles que les carcinoïdes gas-
tro-intestinaux, les carcinomes
médullaires thyroïdiens, les adé-
nomes hypophysaires, les carci-
nomes bronchiques et mammaires
et les phéochromocytomes (1). La
détection aisée de ces protéines et
leur sécrétion dans la circulation ont
permis d’envisager leur utilisation
en tant que marqueurs de certaines
néoplasies neuroendocrines. L’inté-
rêt s’est porté principalement sur la
CgA, puisque cette protéine a été la
première identifiée de cette famille,
plus de quinze ans avant toute autre
granine.
Dosage de la CgA
La mise au point d’un dosage radio-
immunologique de la CgA circu-
lante chez des patients atteints d’un
phéochromocytome a permis de
démontrer l’intérêt de cette protéine
en biologie clinique (21). Ce pre-
mier dosage de la CgA utilisait un
traceur marqué à l’iode 125, de la
CgA humaine purifiée à partir d’un
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 2, mars/avril 2006
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et paragangliome
Phéochromocytome
phéochromocytome et un anticorps
polyclonal. Par la suite, de nom-
breuses équipes ont développé des
méthodes de dosage de la CgA utili-
sant d’autres traceurs (enzyma-
tiques), d’autres anticorps (mono-
clonaux, polyclonaux) et d’autres
standards (CgA bovine). Des résul-
tats divergents par rapport à la
méthode de référence ont été consta-
tés, principalement en raison du
niveau de purification variable du
traceur et des différents anticorps
utilisés susceptibles de reconnaître
des épitopes distincts. Il est généra-
lement recommandé d’utiliser des
dosages immunométriques fondés
sur l’emploi d’anticorps dirigés
contre la partie médiane de la CgA,
puisque cette protéine est soumise à
une protéolyse précoce sur ces extré-
mités carboxy- et amino-terminales.
Actuellement, trois trousses de
dosage plasmatique de la CgA sont
commercialisées par DakoCytoma-
tion, Cis-Bio International et Euro-
diagnostica. La sensibilité et la spé-
cificité diagnostique de chacune de
ces trousses testées sur une série de
46 patients atteints de tumeurs neu-
roendocrines ont montré que, selon
la trousse utilisée, la sensibilité
variait de 67 à 93 % et la spécificité
de 85 à 96 % (22) ! Ces observations
doivent donc être prises en compte
par le clinicien pour l’interprétation
des tests diagnostiques.
Sensibilité et spécificité du
dosage plasmatique de la CgA
Chez les patients porteurs de
tumeurs neuroendocrines, la sensibi-
lité du dosage de la CgA circulante
dépend principalement de trois para-
mètres : le volume tumoral, le siège
de la tumeur primitive et l’existence
d’une sécrétion hormonale associée.
Les phéochromocytomes surréna-
liens font partie de la catégorie des
tumeurs neuroendocrines à forte
sécrétion de CgA et pour lesquelles
la sensibilité du dosage de la pro-
téine varie de 76 à 100 %. D’autre
part, il a été montré que les concen-
trations de CgA sont corrélées de
façon linéaire à la taille de la tumeur
(23). On peut donc s’attendre à des
valeurs normales (faux négatifs)
dans les petites tumeurs, par
exemple la majorité des paragan-
gliomes de la tête et du cou. Par
ailleurs, comme mentionné précé-
demment, les concentrations circu-
lantes de CgA sont directement cor-
rélées à l’existence d’une sécrétion,
et on peut donc également s’attendre
à des valeurs normales dans certains
paragangliomes non sécrétants. De
fait, une étude portant sur une série
de 25 patients atteints de paragan-
gliomes rapporte une sensibilité du
dosage de la CgA de 8 % seulement,
alors que l’énolase spécifique du
neurone, un autre marqueur général
des tumeurs neuroendocrines, pré-
sente une sensibilité presque
cinq fois supérieure (24). La mesure
de la CgA plasmatique peut égale-
ment être à l’origine de faux positifs
dus à un stress majeur, une insuffi-
sance rénale ou une hypergastriné-
mie secondaire (inhibiteurs de la
pompe à protons, gastrite atro-
phique, maladie de Biermer).
Dans 9 cas sur 10, les patients por-
teurs d’un phéochromocytome pré-
sentent des signes d’hypertension
artérielle témoignant de l’hypersé-
crétion de noradrénaline. Plusieurs
études ont donc été menées afin
d’évaluer la spécificité du dosage de
la CgA à partir de patients atteints
d’hypertension artérielle essentielle.
Des résultats contradictoires ont été
observés, certaines études rappor-
tant une élévation des concentra-
tions de CgA (25, 26) alors que
d’autres ne relevaient aucune diffé-
rence significative vis-à-vis de
témoins normotendus (23, 27).
Dosage d’autres granines et
peptides dérivés
Bien que la CgA soit un marqueur
fiable couramment utilisé en cli-
nique, la détection immunohistochi-
mique et la quantification plasma-
tique d’autres granines ou de
peptides dérivés peuvent également
avoir un intérêt pour le diagnostic
des tumeurs neuroendocrines (1). À
titre d’exemple, les prolactinomes
présentent une immunoréactivité de
type CgB et SgII, mais sont dépour-
vues de CgA. D’autres néoplasmes
neuroendocrines produisent de
faibles quantités de CgA et, dans
ces cas, la sensibilité du dosage de
cette granine est faible, i.e. 25 %
pour les cancers médullaires de la
thyroïde et les tumeurs à cellule de
Merkel, et 10 % pour les insuli-
nomes et les paragangliomes. Une
étude menée sur une série de
tumeurs gastro-intestinales a
démontré l’importance de combiner
plusieurs marqueurs de la famille
des granines, puisque les néoplasies
rectales exprimaient plus fréquem-
ment la SgII que la CgA (28). De
nombreux travaux sont en cours
pour caractériser de nouveaux mar-
queurs dérivés des granines. Une
étude menée sur 27 échantillons
plasmatiques a révélé une sensibi-
lité identique, de l’ordre de 80 %, de
la CgA et du peptide dérivé WE14
pour le diagnostic des phéochromo-
cytomes, alors que ce peptide est
plus sensible que la CgA pour le
dépistage des paragangliomes
(résultats non publiés). D’autre part,
des études d’immunohistochimie et
d’immunoblot ont permis de mettre
en évidence la présence de la SgII
dans les phéochromocytomes à des
concentrations comparables à celles
de la CgA (29, 30). Enfin, R. Ischia
et al. (31) ont montré que les
concentrations sériques de la SN
augmentent d’un facteur 5 chez les
patients porteurs d’un phéochromo-
cytome.
La mise au point d’un dosage radio-
immunologique du peptide EM66
“flanquant” la SN au sein de la SgII
a permis de démontrer une sensibi-
lité de 100 % de ce dosage pour le
diagnostic des phéochromocytomes
(figure 3, p. 65), et de montrer
qu’après exérèse de la tumeur les
taux d’EM66 reviennent rapidement
à des niveaux contrôles (32). Bien
que ces résultats aient été obtenus à
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 2, mars/avril 2006
65
Phéochromocytome
et paragangliome
partir d’un faible échantillonnage et
nécessitent d’être confirmés à une
plus large échelle, il est clair que,
dans les cas de phéochromocytome,
mais également d’autres tumeurs
neuroendocrines, la mesure de pep-
tides dérivés des granines tels que
l’EM66, la SN ou le WE14 pourrait
être combinée à celle d’autres mar-
queurs biologiques pour la prise en
charge et le suivi des patients.
Les phéochromocytomes
malins
La majorité des phéochromocy-
tomes (80-90 %) est bénigne et
curable par exérèse chirurgicale,
mais certains sont d’emblée ou
secondairement d’évolution maligne
et incurables. À l’heure actuelle, le
seul critère indiscutable de mali-
gnité est la présence de métastases
ganglionnaires ou à distance (33).
Certains paramètres ont une valeur
d’orientation du diagnostic vers une
tumeur maligne, même si ces don-
nées restent à valider dans des séries
conséquentes. En effet, une classifi-
cation histopathologique permettant
de différencier les phéochromocy-
tomes bénins et malins a été propo-
sée sur la base de divers paramètres
tels que le site ectopique, le volume
de la tumeur, l’invasion vasculaire,
les nécroses ou l’activité mitotique
(Ki67/Mib-1) (34). Toutefois, aucun
marqueur biologique n’est dispo-
nible actuellement en clinique pour
discriminer sans ambiguïté les deux
types de phéochromocytomes. Le
groupe de D.T. O’Connor (35) a
observé une augmentation statisti-
quement significative des concen-
trations plasmatiques de la CgA
chez les patients atteints d’un phéo-
chromocytome malin comparé à
ceux atteints d’une tumeur bénigne
(188 versus 2 932 ng/ml), et que
100 % des patients présentant une
concentration supérieure à 600 ng/ml
étaient porteurs d’un néoplasme
malin. D’autre part, il a été montré
que la noradrénaline et la CgA
constituaient des marqueurs sen-
sibles de la réponse au traitement
par chimiothérapie, i.e. cycles de
21 jours d’administration de cyclo-
phosphamide/vincristine/dacar-
bazine, et de la rechute des patients
atteints d’un phéochromocytome
malin. D’un point de vue histopa-
thologique, l’utilisation en immuno-
histochimie d’une série de 11 anti-
corps dirigés contre différentes
régions de la CgA, de la CgB et de
la SgII n’a révélé aucune différence
quantitative entre phéochromocy-
tomes bénins et malins. Néanmoins,
dans cette série, deux anticorps diri-
gés contre les parties C-terminales
de la CgB (CgB647-657) et de la SN
ont permis de mettre en évidence de
larges cellules fusiformes immuno-
marquées qui semblent spécifiques
des néoplasmes malins (30).
Le dosage de l’EM66 dans une série
de 10 phéochromocytomes (6 bénins
et 4 malins) a révélé que les concen-
trations de ce peptide étaient signi-
ficativement plus élevées dans les
phéochromocytomes bénins par
rapport aux tumeurs malignes (36).
Ces résultats ont été confirmés
récemment dans une plus large série
(21 bénins et 7 malins) (figure 4).
En fait, la malignité des phéochro-
mocytomes est associée à une
réduction du taux d’expression des
ARNm de la SgII et des prohor-
mones convertases PC1 et PC2
conduisant à une diminution des
concentrations des produits de
maturation de la SgII tel l’EM66
(37). Ces observations méritent
d’être approfondies afin de démon-
trer si les peptides dérivés des gra-
nines peuvent représenter des outils
cliniques pour l’évaluation du pro-
nostic des phéochromocytomes.
Conclusion
Combiné à la mesure des catéchola-
mines urinaires ou plasmatiques, le
dosage des concentrations de gra-
nines, par exemple la CgA, et de
certains peptides dérivés, tel l’EM66,
dans les phéochromocytomes et les
tumeurs apparentées comme les
paragangliomes représente un outil
clinique intéressant pour affirmer le
diagnostic et évaluer le pronostic de
ces tumeurs du tissu chromaffine.
Les résultats préliminaires obtenus
avec le dosage du peptide EM66
sont très prometteurs et demandent
à être validés dans des cohortes
importantes. Les recherches sur les
granines CgA, CgB et SgII, dont la
fonction était restée indéterminée
pendant plusieurs décennies, ont
connu des développements impor-
tants ces dernières années, mais le
rôle que jouent ces protéines au
EM66 (ng/ml)
contrôles phéos
6
8
4
2
55
35
15
Figure 3. Diagramme de dispersion des
concentrations du peptide EM66 mesurées
à partir d’échantillons plasmatiques de
volontaires sains (contrôles) et de patients
atteints de phéochromocytomes (phéos). Les
barres représentent les valeurs médianes de
chaque groupe.
EM66 (ng/mg protéine)
ninsmalins
104
103
102
10
1
Figure 4. Diagramme de dispersion des
concentrations du peptide EM66 mesurées
à partir d’extraits tissulaires de phéochro-
mocytomes bénins ou malins. Les barres
représentent les valeurs médianes de
chaque groupe.
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