
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (6)
africains et même dans certains pays industrialisés, il
n’existe pas de données statistiques précises sur le nombre
de patients cancéreux.
Le faible nombre de cas dans notre série est dû au fait que
de nombreux patients n’ont pu bénéficier d’un examen
anatomo-pathologique pour des raisons économiques ou
techniques.
Nos chiffres sont alors sous-estimés et doivent être revus à
la hausse.
La prévalence du cancer vésical au Sénégal est de 2,3% de
l’ensemble des cancers ; elle est à peu près identique à celle
observée en Afrique noire (Tableau 3) et dans la série publiée
à Dakar en 1987 par DIAGNE et Collaborateurs (2).
Tableau 3 : Prévalence du cancer vésical dans
certains pays africains d’après Malick (1)
Pays Fréquence Cancer Vésical
Kenya (Linsell, 1968) 1,0%
Ghana (Edington, 1956) 2,1%
Nigéria (Edington, 1967) 2,3%
Sénégal (Dangou 1994) 2,3%
Sénégal (Diagne, 1987) 2,4%
Tanzanie (Linsell, 1968) 2,6%
Soudan (Malick, 1975) 3,1%
Ouganda (Davies, 1965) 4,1%
Mozambique (Pratees, 1958) 7,6%
Egypte (A. Nasr, 1962) 11,0%
La plupart des travaux de la littérature (3, 4 ,5) montre une
prépondérance masculine du cancer de vessie. Mais à
Dakar cela n’a pas été retrouvé.
La répartition des cas selon l’âge fait apparaître que 62,2%
des patients ont moins de 50 ans et l’âge moyen du cancer
vésical est de 46 ans. L’atteinte plus précoce de la femme
ne trouve pas de justification. DIAGNE et co-auteurs (2)
dans une série de 336 observations trouvent que l’âge
moyen de survenue se situe autour de 35 ans.
L’analyse des données ethniques est peu probante et sujette
à de nombreuses cautions.
A Dakar, la population est cosmopolite et on y retrouve un
panorama des différentes ethnies sénégalaises. L’ o r i g i n e
géographique exacte des patients est alors difficile à pré-
ciser.
Les données histopathologiques montrent une prépondé-
rance du Carcinome malpighien (62,2%). Ce chiff r e
concorde avec celui des pays où l’endémie bilharzienne
sévit (1). Mais nos coupes ne retrouvent des lésions bilhar-
ziennes que dans 11 cas. Ce taux est relativement faible
compte tenu de l’importance de l’endémie bilharzienne
sévissant essentiellement dans la partie nord du Sénégal et
dans le bassin casamançais.
Il est à noter que sur une biopsie l’absence d’oeufs de bil-
harzie n’exclut pas une infestation bilharzienne ; l’appré-
ciation d’une relation entre le degré d’infestation et le type
de cancer est alors délicate.
Ceci nous amène à nous interroger sur le rôle étiopatho-
génique de la bilharziose dans la survenue du cancer vési-
cal au Sénégal.
Trois grands groupes de facteurs sont incriminés dans la
genèse du carcinome vésical ; les agents infectieux au 1er
rang desquels arrivent la bilharziose, jouent indubitable-
ment un rôle déterminant.
Mais comme le montrent nos échantillons les lésions bil-
harziennes ne coexistent pas toujours avec le cancer. Les
agents carcinogènes vésicaux “certains” (essentiellement
toxiques) n’ont pas été retrouvés dans les antécédents de
ces patients.
Il est permis de penser qu’en dehors de la bilharziose, en
Afrique un nombre non négligeable d’autres facteurs, en
l’occurrence irrittatifs et viraux concourent à la genèse de
ce néoplasme. L’hypothèse d’une infection virale par un
type du groupe des Papoviridae (HPV) mérite de retenir
l’attention.
CONCLUSION
Le cancer vésical à Dakar présente une physionomie par-
ticulière ; cette étude ne nous apporte aucun fait permettant
d’affirmer de façon formelle l’étiologie exclusivement bil-
harzienne de ces cancers. Mais de nombreuses observa-
tions cliniques et épidémiologiques nous incitent à penser
que la bilharziose vésicale comme du reste les cystites
chroniques diverses, les rétentions d’urine, les lithisases
vésicales et les prédispositions raciales et individuelles,
apportent quelque contribution dans la genèse de ces
tumeurs.
LE CANCER VÉSICAL… 364