Journal N°68 - Parc Naturel Régional du Vercors

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Le magazine du Parc naturel régional - N° 68 | octobre 2015
P. 22 | dossier
L’étude
du changement
climatique
18. É dito
25. Les milieux humides
et leur préservation
19. L e réchauffement
climatique pourrait-il
26. Pour un Vercors
bouleverser nos
plus sobre en
énergie
modes de vie ?
27. Énergies
21. A
griculture et forêt :
participatives
objectif excellence
22. S
ciences en Vercors :
l’étude du changement
climatique
P. 14 | Demain le vercors
P. 28 | VERCORS
Énergie renouvelable, À VIVRE
territoire renouvelé ? De cime en cime
PANORAMA
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
Insolite
Le Vercors est une publication du Parc naturel régional du Vercors
Directrice de la publication : Catherine Brette
Directeur de la rédaction : Jean-Philippe Delorme
Conception - Rédaction - Coordination - Suivi de réalisation :
Raphaële Bruyère
Recherche et conseil iconographique : Sandrine Collavet
Ont collaboré à la rédaction de ce numéro : Jeanne Aimé-Sintès,
Marion Blanchard, Dominique Gimelle, Margot Isk, Corine Lacrampe,
Thierry Lebel, Jeanne Palay, Marie Paturel, Laurent Rivet,
Célia Vaudaine, Michel Wullschleger, Bernard Lelièvre
de la Librairie Mosaïque, Claude Ruel de Cuisine et passion en Vercors,
Terre vivante et le CPIE.
à l’illustration : Marc Perotto.
Contributeurs et / ou relecteurs : Nicolas Antoine, Hélène Barrielle,
Benoît Betton, Olivier Bielakoff, Pierre-Eymard Biron, Armelle
Bouquet, Mireille Delahaye, Patrick Deldon, Stéphane Fayollat,
Dominique Gimelle, Emmanuel Jeanjean, Mathieu Rocheblave.
Remerciements : à toute l’équipe technique du Parc, à l’Office
du tourisme de Lus-la-Croix-Haute et à Jean-Louis Bernezat.
Réalisation : Corinne Tourrasse
Photographie de couverture : Nicolas Biron
Imprimeur : Imprimerie des Deux Ponts
PNR du Vercors : 255, chemin des Fusillés – 38250 Lans-en-Vercors
Tél. 04 76 94 38 26 – www.parc-du-vercors.fr
Dépôt légal à parution : ISSN 2271-2364
Commission paritaire : 2-123ADEP
Une femme assoupie au Pashupatinath, le temple hindou
le plus important du Népal. Pour soutenir le pays,
se rapprocher de l’association Himalayak Solidarité.
photo : Bernard Angelin
plus d’infos : www.himalayak.fr
photo : Musée de la Résistance et Déportation de l’Isère
Soutien au Népal
photo : Stephane Desrousseaux
Les Rochers des Deux Sœurs
dans la montagne de l’Épenet,
autrement dit La Momie du Vercors.
Prendre le maquis
Chantier de la jeunesse du Vercors,
une page du livre Prendre le maquis,
à paraître en mars 2016 aux éditions
Libel, en co-édition avec le réseau
Mémorha dont le Parc du Vercors
est membre.
Sommaire
Un balcon sur le Vercors - P 2 à 17
2Panorama
4Cœur de nature
La Jarjatte, un vallon en beauté
photo : Raphaële Bruyère
7Cas d’espèce
Le retour du castor dans le Royans
8Territoire inspiré
Le Vercors, terre de refuge et de méditation
11Portrait
Incompréhensible
Un homme grandeur nature !
Monter si haut pour un acte si petit :
un petit pin à crochets a été coupé
sur le mont Aiguille. En prenant
une forme rabougrie, l’arbre était
parvenu à s’adapter aux conditions
climatique et de vent.
12Initiatives
Relier, l’or et la pierre
14Demain le Vercors
Énergie renouvelable, territoire renouvelé ?
17Là est la question
La nuit, doit-il faire jour ?
Les pages du syndicat mixte - P 18 à 27
18L’édito
de Catherine Brette
19zoom du conseil scientifique
Le réchauffement climatique pourrait-il
bouleverser nos modes de vie ?
21Décryptage
Agriculture et forêt : objectif excellence
22Dossier
Sciences en Vercors : l’étude du changement
climatique
25Qui fait quoi ?
2
Lionel Terray
et Jacques Soubis
sur le Mont Huntington
en Alaska (1964).
photo : Jean-Louis Bernezat
Le 4 juin dernier, le comité de rédaction
du Journal Le Vercors a proposé
un temps de rencontre avec les rédacteurs
et photographes. Une occasion pour
échanger et mieux se connaître
(croqué par le dessinateur espiègle).
photo : Bernard Bellon
Rencontre de la rédaction
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
Le tétras-lyre
Skieurs, randonneurs, pour une bonne cohabitation,
respectez les zones refuges indiquées par les panneaux
sur les pistes et sentiers.
Les milieux humides et leur préservation
26Une équipe, des métiers
Pour un Vercors plus sobre en énergie
27Les pieds dans le Parc
Énergies participatives
Vercors à vivre - P 28 à 35
28 De cime en cime
30 Le Royans, entre montagnes et rivières
32 Chaud devant… Le Vercors demain ?
34 Aux livres, citoyens !
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
3
photo : Christian Wolf
photo : Marc Pavier
photo : J.-M. Jacquet
photo : Prises 2 vues (m)
Cœur de nature par Jeanne Aimé-Sintès
De la lavande au génépi
Vallon d’extrêmes et de contrastes, la Jarjatte donne au Parc du
Vercors son visage résolument alpin, mais aussi son point culminant drômois, le Rocher Rond, perché à 2 453 mètres. C’est l’un
de ses rares secteurs, avec les crêtes de la bordure orientale du
Vercors, marqué par la présence de l’étage alpin. Là, au-dessus
de 2000 mètres d’altitude, les landes et les pelouses remplacent
la forêt. Benoît Betton, chargé de mission Biodiversité au Parc,
note : « L’influence du Dévoluy donne au vallon de la Jarjatte
une structure géologique différente, qui se lit dans les paysages ». Sur près de 1 500 mètres de dénivelé, « le vallon de la
Jarjatte concentre des milieux et des ambiances très différents,
4
photo : Marc Pavier
À la limite du Vercors, influencé par le
Dévoluy, le vallon de la Jarjatte étonne
par ses spécificités. Les paysages se
démarquent du caractère de plateau,
trait habituel du Parc et s’enivrent de
pics et d’aiguilles émergeant de la forêt.
Un régal lorsque le vallon se pare
de couleurs d’automne…
photo : Christian Wolf
La Jarjatte,
un vallon
en beauté
en quelques heures de marche seulement » explique à son tour
Alain Matheron, maire de Lus-la-Croix-Haute et président de la
Communauté des Communes du Diois. Une impression soulignée également par « le contraste entre un adret sec et ensoleillé
et un ubac plus humide ». La situation climatique du vallon
ajoute sa touche : à la limite entre influences méditerranéenne et
continentale. « Ici se côtoient des ambiances très marquées Sud
et Nord. Ce qui explique, par exemple, la présence de la lavande
et du génépi, presque deux extrêmes » ajoute-t-il. Et puis de
noter : « La Jarjatte offre une très large palette de biodiversité.
Quasiment toutes les espèces faunistiques et floristiques de la
Drôme répondent présentes. »
Quand la nature brouille les pistes…
Pas étonnant que dans ce cadre particulier, quelques raretés se
dévoilent, ajoutant encore une valeur écologique au vallon !
Lus-la-Croix-Haute, première commune forestière de la Drôme,
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
de mieux connaître son fonctionnement à travers des
possède à la Jarjatte les plus beaux spécimens de
La Jarjatte
« fayards » et de sapins, une magnifique hêtraie-sapi- donne au Parc mesures du sol et de la végétation et un suivi therdu Vercors
nière. C’est de cet écrin forestier que se détachent les
mique.
son visage
Aiguilles si caractéristiques du vallon, « qui font partie
résolument
… ou se fait discrète !
du patrimoine géologique du Vercors et de Rhônealpin
Cependant, « la nature n’est pas toujours démonstraAlpes » précise Benoît Betton. Le site de Combe Obscure
tive » explique Alain Matheron. « Même s’il est bien sûr
porte également bien son nom, accueillant un phénomène particulier à l’abri d’un éboulis calcaire dénommé « éboulis
plaisant de surprendre un groupe de chamois jouer sur un névé au
froid ». Sous la face nord de la Rama, la circulation d’air froid à
printemps, la particularité du vallon de la Jarjatte vient de présences beaucoup plus secrètes. » Aux côtés du cortège habituel de
travers les vides du pierrier crée une anomalie thermique froide, à
la faune et de la flore alpine, chamois, marmottes, gentianes…,
seulement 1 500 mètres d’altitude. La flore qu’on y rencontre
d’autres espèces retiennent l’attention. C’est par exemple le cas de
brouille les pistes, puisqu’elle se trouve habituellement…
la sanguisorbe, plante herbacée plutôt discrète qui joue le rôle
1 000 mètres au-dessus ! Aux côtés de bouleaux rabougris, c’est le
« d’étendard de ralliement entre deux espèces qui vivent en comdomaine du lycopode à rameaux annuels (Lycopodium annotinum), qui évoque davantage la toundra que la Drôme, ou de la
plémentarité : l’azuré de la sanguisorbe et la fourmi ». La femelle
cystopéride des Alpes, fougère rare et protégée. Ce milieu particude ce petit papillon bleuté pond en effet ses œufs exclusivement
lier retient l’attention de nombreux chercheurs associés qui tentent
sur la sanguisorbe, où ils trouveront refuge et nourriture. Puis ses
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
5
par Dominique Gimelle CAS D’ESPÈCE
Cœur de nature par Jeanne Aimé-Sintès
Le retour du castor
dans le Royans
Les castors commencent à s’installer sur les bords de la Bourne. Ce sont des castors
d’Eurasie appelés encore « Castor fiber », seule espèce que l’on rencontre en France.
Les castors sont difficiles à voir, en effet ils vivent la nuit et préfèrent les endroits
inaccessibles pour vaquer à leurs occupations.
photo : Christian Wolf
chenilles tombent au sol et sont alors recueillies par des fourmis,
qui les nourrissent et en prennent soin dans leur fourmilière. Au
printemps suivant, des papillons s’envoleront de leur gîte, renouvelant ce surprenant manège autour d’une symbiose entre une
plante et deux insectes.
La Jarjatte gérée durablement
Enclave sud-est du Parc du Vercors, le vallon de la Jarjatte et l’ensemble de la commune de Lus-la-Croix-Haute ont rejoint la belle
aventure du Parc naturel régional du Vercors en 2008. « Notre
adhésion, sur proposition du Parc, peut paraître surprenante dans
une logique de massif » précise Alain Matheron, « mais s’inscrit pleinement dans une logique environnementale ». Plusieurs mesures de
protection assurent une préservation et une gestion durables du
vallon : site classé en 2012 sur près de 3 000 hectares, il est reconnu
en tant que paysage remarquable. La zone de protection géologique
de Combe Obscure va dans le même sens en le protégeant sur
10 hectares. Le vallon de la Jarjatte fait également partie du réseau
Natura 2000 sur plus de 3 600 hectares. Cette mesure de l’Union
Européenne vise à préserver des espèces protégées et à conserver
des milieux, en tenant compte des activités humaines. Dans cette
logique, des contrats Natura 2000 de gestion durable de la forêt
sur 30 ans ont été mis en place.
6
Un mini-village de montagne
Le hameau de la Jarjatte, l’un des vingt-trois ensembles bâtis dispersés sur la commune de Lus-la-Croix-Haute, fonctionne presque
comme un mini-village. Il compte aujourd’hui une trentaine d’habitants à l’année, autour de son cimetière, de son ancienne école,
de sa chapelle et de ses maisons conservées dans leur architecture
originelle. Il accueille également des hébergements touristiques,
ainsi qu’une ferme proposant la vente directe de ses produits fromagers. Maisons bioclimatiques, labels bio et Marque Parc, très
présents dans le hameau, témoignent d’une vraie recherche de
cohérence. Dans un paysage en patchwork, la forêt laisse la place
aux cultures, en fond de vallon, ainsi qu’aux prairies d’altitude. À
la belle saison, l’ensemble des montagnes est occupé par les troupeaux, dont la descente, en octobre, annonce l’automne. Au final,
forêts, falaises, torrents, champs, hameaux… composent « une
montagne vivante que de nombreuses personnes aiment retrouver en toutes saisons, autant pour pratiquer une activité que pour
aller chercher le lait à la ferme. Le vallon de la Jarjatte, c’est à la
fois un terrain d’initiation au ski, à la rando pédestre ou à la via
ferrata et une Mecque de la cascade de glace et du ski de randonnée » conclut Alain Matheron.
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
photo : Mille traces
photo : Christian Wolf
photo : J.-M. Jacquet
L
e retour des castors sur la Bourne –
une espèce sensible à la pollution – est
une preuve de l’amélioration de la
qualité de l’eau. La mise en fonction des
centres de traitement des eaux usées de Villard-de-Lans et de Saint-Nazaire-en-Royans
explique peut-être ce progrès. Une étude de
2009 (de Jean-Pierre Choisy - PNRV) rappelle que des castors ont été réintroduits
près des barrages de Pizancon et de Beauvoir-en-Royans. Vraisemblablement les
nouveaux habitants de la Bourne sont des
enfants du castor de l’Isère.
Chez le castor, la cellule sociale de base
est la famille, composée d’un couple
adulte, des jeunes de plus d’un an et de
ceux de l’année. Les naissances (deux
jeunes par portée en moyenne) ont lieu en
mai après 105 jours de gestation. En
France, l’habitat du castor se situe entre la
plaine et l’étage collinéen (rarement audelà de 800 m d’altitude). Dans le Royans,
ils sont installés entre 180 m et 220 m d’altitude. Une famille occupe en général un
territoire qui varie de 500 m à 3 km le long
d’un cours d’eau selon les ressources alimentaires des berges.
Le régime alimentaire du castor est exclusivement végétarien : écorces, feuilles et
jeunes pousses des plantes ligneuses,
hydrophytes, fruits et végétation herbacée. Environ une trentaine d’espèces
d’arbres peuvent être consommées (Cornouiller sanguin, Noisetier, Orme champêtre...), les Salicacées (Saules et Peupliers)
étant les plus recherchées. L’essentiel des
coupes concerne des arbres et des branches
de 2 à 8 cm de diamètre.
Les conditions nécessaires à l’implantation du castor sont donc : une densité suffisante de la ripisylve (formations boisées,
buissonnantes et herbacées sur les bords
d’un cours d’eau), la présence permanente d’eau avec une profondeur minimum de 60 cm (l’accès au gîte est
immergé). La pente du cours d’eau et la
vitesse du courant doivent être relativement faibles. La présence de barrages
hydroélectriques infranchissables ou
incontournables est en revanche un facteur qui limite sa colonisation.
L’inventaire de la faune menacée en France
(1994) mentionne le castor comme « espèce
à surveiller ». Depuis, la population est en
expansion. On estime aujourd’hui la population a plus de 14 000 individus sur une cinquantaine de départements. Pour la gestion
de cette espèce, il convient de favoriser
les possibilités de franchissements des
ouvrages, de ménager des « corridors verts »
le long des cours d’eau (une bande arbustive d’au moins 5 m de large de Salicacées),
d’adapter la lutte contre les rongeurs
nuisibles comme le ragondin avec lequel
il est parfois confondu, de réhabiliter les
cours d’eau dégradés et de développer une
gestion soucieuse des équilibres écologiques
dans le cadre notamment de Contrats de
rivière.
Fiche signalétique
Classe : mammifère
Ordre : rongeur
Famille : Castoridés (castoridae)
Poids : 20 à 22 kg en moyenne
Longueur totale du corps : 80 à 110 cm
Queue : 29 à 31 cm pour la partie externe,
aplatie dorso-ventralement et apparence
écailleuse. Base de section circulaire couverte de poils.
Pelage dense, poil brun jaunâtre.
Pattes antérieures (mains) : 5 à 6 cm
de long, 5 cm de large. 5 doigts munis
d’ongles forts et recourbés.
Pattes postérieures (pieds) : 15 cm de
long, 10 cm de large. 5 orteils, palmure
complète.
Formule dentaire : 20 dents, mâchoires
supérieure et inférieure similaires : 2 incisives, 2 prémolaires, 6 molaires.
Longévité : 10 à 15 ans en moyenne ; 15 à
20 ans en captivité.
Période d’activité : crépuscule et nuit.
7
photo : SCIC SA Nouveau Monastère
Le Vercors,
terre de refuge
et de méditation
Le Vercors, éternel refuge spirituel ? Le massif
a très vite séduit moines, chanoines et autres
hommes de foi. Dès le xiie siècle, certains trouvèrent
leur « désert » dans ses contreforts. Les religions
changent, mais cet appel spirituel perdure.
8
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
un temporel (un domaine) toujours plus grand. Elles confient
alors leurs biens fonciers et leur bétail à des laïcs, des paysans
pour l’essentiel. Mais les conflits se multiplient, les procès aussi.
Et la situation s’envenime avec la Réforme de l’exploitation
forestière impulsée par la monarchie et son service des Eaux et
Forêt, grande source de revenus pour tous, moines et laïcs, seigneurs et villageois. Les monastères sont invités à cantonner les
droits d’usage des villageois, c’est-à-dire à en limiter l’exercice
dans le temps et surtout dans l’espace. Les tensions se multiplient. La Révolution met définitivement fin à cette forte présence monastique. Seuls quelques bâtiments témoignent de
cette puissance, à l’instar de l’église abbatiale de Léoncel, inscrite en 1840 sur la première liste des monuments historiques
établie par Prosper Mérimée.
photo : Sebastian Giner
M
assif et altier, le Vercors dresse ses versants abrupts entre
Un système agro-sylvo-pastoral...
Nul besoin de s’enfoncer alors plus profondément dans le Vercors.
le sillon rhodanien et les grandes Alpes. Les premiers
L’isolement est déjà total, la nature potentiellement nourricière et
moines trouvèrent l’isolement et le silence indispensables
l’eau présente. Comme celle du désert, la géographie de l’eau a
à leur retraite spirituelle en s’enfonçant dans quelques plis secrets
pesé sur le choix des sites. Proches de la vallée du Rhône, l’un des
de ses piémonts. On ne sait dire aujourd’hui qui furent les pionniers de ce Vercors monastique. Était-ce ce couvent construit en
axes d’échanges les plus fréquentés de l’époque, et de la ville de
610 dans le vallon de Combeau, haute combe verdoyante proche
Die, devenue siège épiscopal au iiie siècle au même titre que
Valence et Vienne, ces lieux isolés en piémont permettent aux
du col de Menée ? Il fut incendié en 735 par les Sarrasins. Quant
moines de sortir du monde comme l’avaient enseigné leurs
aux premiers chanoines réguliers, mention est faite de leur présence à Sainte-Croix dans le pays de Quint dès 1095. L’heure des
devanciers égyptiens, l’ermite Antoine (251-356) et la communauté de moines créée par Pacôme (286-346). Ils sortent du
puissants pères ermites du Vercors allait alors bientôt sonner ! Des
monde mais leur rôle est de prier pour l’humanité.
Chartreux grimpèrent d’abord dans les Écouges
On retrouve le mythe du désert favorable à l’ascé(1116) pour installer une chartreuse dans l’étroite
La puissance
tisme, à la contemplation et à la prière qui
vallée de la Drévenne, sous les rochers de
d’attraction du
« désert » du Vercors
éloignent les tentations du diable. Les Chartreux
Cumacle dans l’axe de l’entaille s’ouvrant de la
perdure. Depuis
des Écouges ou du Val Sainte-Marie tentent alors
plaine de Saint-Gervais. Vingt-huit ans plus tard,
le Moyen-âge !
de réaliser une synthèse en associant la vie érémid’autres disciples de Saint-Bruno montèrent
tique des pères qui vivent, lisent et prient dans la
jusqu’au fond d’un val étroit ouvert sur le Royans
solitude de maisonnettes individuelles de la maison haute et celle,
pour bâtir une seconde chartreuse, dans un cirque isolé, séparé du
cénobitique (communautaire), des frères convers qui habitent la
vallon principal par un étroit défilé taillé par le ruisseau de Chaillard. Reçue en donation du Dauphin, cette terre accueillit leur
maison basse dite correrie ou courerie. Chez les Cisterciens,
monastère baptisé Chartreuse du Val Sainte-Marie de Bouvante.
moines profès et frères convers vivent en communauté dans un
Douze moines de l’ordre des Cîteaux avaient alors déjà choisi de
même lieu regroupant église, cloître et ailes des moines, des
s’établir au fond de la vallée de la Lyonne, au cœur d’une petite
convers et des services. Dans les deux cas, les moines tirent leur
dépression à plus de 900 mètres d’altitude. Ils y fondèrent Léoncel
subsistance des terres qu’ils occupent. Soucieuse de son salut, la
en 1137, la plus ancienne des abbayes cisterciennes du Vercors.
société féodale se montre généreuse, faisant don de terres, bois et
Enfin d’autres Cisterciens s’aventurèrent au pied de la montagne
alpages. À l’exception du temporel de Valcroissant, entravé dans
de Glandasse, ce lieu grandiose et sévère, à tout juste 6 km de Die.
sa croissance par la présence trop proche du siège épiscopal de
Le monastère fut installé à 650 mètres d’altitude, un peu à l’aval
Die, les autres finissent par étendre leur domaine aux plaines bordières. Tous réalisent d’abord leur exigence d’autarcie en pratide la source d’eau donnant naissance au ruisseau de Valcroissant.
quant le « faire valoir direct » : les domaines sont exploités par les
Il en prit le nom.
L’abbaye cistercienne de Léoncel.
frères convers entrés au monastère pour assumer les tâches matérielles. Ils cultivent des céréales sur les meilleures terres, travaillent vignes et chènevières et pratiquent l’élevage des ovins
pour la laine et le lait, des bœufs, chevaux et mules pour le trait
ou le voyage. La forêt leur permet de satisfaire leurs besoins en
bois divers et en produits de cueillette. Plus tard, ils déploieront
même des activités connexes, comme la métallurgie par l’édification à Bouvante de martinets pour traiter le minerai.
… bousculé dès le xiiie siècle
Dès le xiiie siècle, la vie monastique devient plus difficile : aux
guerres féodales s’ajoutent les épidémies de peste, les pillages
des mercenaires de la guerre de Cent Ans et la revendication de
droits d’usage en alpage et en forêt par les communautés villageoises unies et combatives. Ce fut notamment le cas aux
Écouges. Les moines demandèrent, et obtinrent, en 1294, l’autorisation de délocaliser leur chartreuse à Revesty, au pied de la
montagne, mais ils restèrent en haut pendant encore un siècle
avant de tout quitter en 1391. Même les puissantes Abbaye de
Léoncel ou Chartreuse de Val Sainte-Marie souffrent. Elles
peinent à recruter suffisamment de frères convers pour exploiter
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
photo : Fabian Da Costa
photo : Sebastian Giner
TERRITOIRE INSPIRÉ par Margot Isk & Michel Wullschleger
Le monastère Saint-Antoine à Saint-Laurent-en-Royans.
9
TERRITOIRE INSPIRÉ par Margot Isk & Michel Wullschleger
par Raphaële Bruyère PORTRAIT
Un homme
grandeur
nature !
photo : Fabian Da Costa
Centre d’étude et de pratique du bouddhisme tibétain de Montchardon à Izeron.
Un attrait spirituel renouvelé
Si elle connut son apogée au Moyen-âge, la puissance d’attraction du « désert » du Vercors demeure. Ces espaces continuent de
séduire des hommes et des femmes qui prient et méditent. « Avant
que nous arrivions, un moine bénédictin a vécu en ermite pendant
18 ans, en face, dans les Monts du Matin » témoigne Père Placide
(Deseille), fondateur du Monastère orthodoxe Saint-Antoine-leGrand. C’est avec son compagnon d’ascèse, le Père Séraphin, que
cet ancien moine cistercien devenu orthodoxe s’installe en 1978,
dans la reculée de Combe-Laval cernée de hautes falaises. Légué
par une famille orthodoxe, le lieu, situé à proximité d’un ancien
prieuré antonin, est austère et la maison inhabitée depuis 1912.
D’autres approches spirituelles
et d’ascétisme
Loin de leur référence spirituelle première, certaines pratiques
d’apaisement intérieur connaissent un vrai essor. On compterait
en France deux millions de pratiquants de Yoga, discipline créée
voilà 2500 ans en Inde. Son principe ? Assouplir corps et esprit
par un enchaînement de postures, le travail du souffle et la méditation. On tonifie ainsi son corps tout en calmant son mental.
Pratique de purification de l’organisme (et de l’esprit), le jeûne
fait aussi des émules. En Allemagne, reconnu comme traitement
médical (de l’arthrite et du diabète de type 2 notamment), il est
pratiqué par 15 % de la population. En France, il se déploie essentiellement en formule diète et randonnée pour quelques jours. La
Fédération Jeûne et randonnée recense 6000 adeptes et compte
aujourd’hui 30 organisateurs agréés.
10
Difficile à imaginer lorsque l’on pénètre aujourd’hui dans l’enceinte de ce métachion (dépendance) du monastère Simonos
Patra du Mont Athos ! Père Placide, 89 ans, y poursuit sa vie
d’ascèse avec une poignée de moines orthodoxes. La communauté
vit des dons et de l’accueil de laïcs.
À 35 km de là, au pied des Coulmes, sur la commune d’Izeron,
un autre lieu spirituel rayonne depuis les années 80, le centre
bouddhiste tibétain créé par le docteur Jean-Pierre Schnetzler.
Lorsque le vénérable Lama Teunsang s’installe à Montchardon en
1976 dans ce qui allait devenir Karma Migyur ling, ce n’est alors
qu’une vieille ferme sans chauffage cachée dans un repli du
Vercors à 800 mètres d’altitude. « On a passé 30 ans à tout
construire » résume Frédéric Cattin, son directeur depuis 35 ans.
Porté par une douzaine de bénévoles dévoués, le centre vit aussi
de l’accueil de stagiaires et pratiquants qui fréquentent le temple
consacré par le Dalaï-lama Lama en 1993. Aujourd’hui le rayonnement des monastères ne se mesure plus à l’immensité de leur
domaine temporel, s’élançant, au Moyen-âge, jusqu’aux alpages.
Les temps changent, les sources de la spiritualité sont diverses,
mais aujourd’hui encore, le Vercors joue ce rôle de ressourcement
et de méditation qui prend ses racines dans la richesse de ce passé
spirituel. L’attrait du désert du Vercors a traversé les siècles !
Plus d’infos : www.leoncel-abbaye.com - www.montchardon.org
monasteresaintantoine.fr - www.le-monastere.org
Films Vercors TV sur les Chartreux des Écouges : http://vercorstv.wmaker.tv
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
O
n dit qu’il n’a jamais froid, qu’il ne sent pas la pluie, qu’il
oublie de manger et qu’il oublie le temps s’il est à l’affût
d’un animal. On ne sait pas comment, on ne sait pas
depuis quand, mais dès qu’il y a un combat écologiste à mener qui
compte à ses yeux, on le retrouve partout en France et en Europe.
Jean-Paul Vieron, Popol pour ceux qui le connaissent, est un passionné infatigable.
Il est arrivé dans le Vercors en 1975, c’est à cette date que débute
sa vie de montagnard. Bien loin des années pendant lesquelles
Jean-Paul a travaillé dans la finance en Anjou d’abord, sa région
d’origine, puis au ministère des Finances à Paris après l’obtention
d’un concours interne brillamment réussi. Mais il n’y est pas heureux. Il repense au bocage des alentours de la ferme de ses parents
et de ses « premiers émois naturalistes lorsqu’il se perdait – tout
jeune avec la frousse au ventre dans cette nature un peu étrange ».
Une campagne qu’il dit avoir vu se modifier par le remembrement, et l’arrivée des produits phytosanitaires.
Parti ou viré du ministère, il se forme et prend des responsabilités
dans un foyer de jeunes travailleurs hébergeant des réfugiés
chiliens en 1973. Déjà « éveillé » par mai 68, sa conscience politique passe un cap supplémentaire à ce moment-là. Fort de ces
rencontres, mobilisé contre les injustices, Jean-Paul s’installe près
des Écouges où il « s’émerveille des falaises emblématiques et des
espèces prestigieuses comme le faucon pèlerin et l’aigle royal ».
Aujourd’hui et depuis des années installé dans le Royans, JeanPaul s’est impliqué activement dans les instances de participation
citoyenne sur le territoire du Parc et au-delà.
Un naturaliste hors normes
En 1979, il passe le diplôme d’accompagnateur en moyenne montagne. Henri-Jacques Sentis se souvient : « En plein examen, JeanPaul arrive la tête en sang, rayonnant, et balayant mon inquiétude
d’un revers de la main, il me dit “C’est pas grave, j’ai trouvé la
balise !” C’est tout lui ! Il lui arrive aussi de disparaître totalement…
il est tout simplement en bivouac devant un terrier de blaireau ! »
À cette époque, Jean-Paul est un précurseur de la randonnée naturaliste aux Parcs de la Vanoise, du Vercors, pour des clubs et associations… en tant que directeur adjoint de centres de vacances.
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
photo : J.-P. Vieron
Jean-Paul Vieron cite Théodore Monod :
« Celui qui cueille une fleur, dérange
une étoile », et cela convient bien
à cet homme discret sur lui-même.
Si Pierre-Eymard Biron, conservateur de la Réserve des HautsPlateaux salue ses « connaissances naturalistes inouïes », JeanPaul dit avoir toujours eu le souci de « créer l’émotion en plus de
l’apport scientifique » auprès des publics qu’il accompagnait.
Un militant du quotidien
« Génial agitateur », « naturaliste incontournable » pour certains.
« desperado » dit Jean-Paul de lui-même. Son indépendance
d’esprit n’a pas fait l’affaire avec le programme de l’Office national de la chasse qu’il voulait intégrer… Ambassadeur du Parc, il
fait partie des fondateurs ou membres actifs de nombreuses associations comme la FRAPNA, le CORA, le CPIE, Mille traces, la
FAUP, Faune et flore du Royans, la LPO… Il a transformé sa maison en refuge et relais vétérinaire ce qui a souvent donné lieu à
des situations burlesques. Il a œuvré aux réintroductions du
gypaète barbu en Haute-Savoie et du bouquetin à Archiane et
dans le Royans. Il pointe d’ailleurs « la grande contradiction et la
responsabilité de notre espèce d’avoir à tenter de réintroduire
celles qu’elle fait disparaître peu à peu ».
Pierre-Eymard Biron affirme : « C’est un homme d’utilité publique,
incapable de rentrer dans le rang, un homme des grandes
causes. » Dans les bistrots pour rencontrer les chasseurs réunis et
critiquer certaines pratiques de chasse, chez les éleveurs pour
échanger sur la réapparition du loup qu’il défend, de maison en
maison pour transmettre des informations… François Brunsvick
ajoute : « Il a une connaissance et une compréhension intimes de
la nature et des hommes. » Et tous de constater que non seulement, il n’a peur de rien ni de personne mais ses prises de position
ne sont jamais violentes.
Aujourd’hui, alors qu’une maladie l’handicape sérieusement
pour communiquer et peut le gêner dans la marche, Popol
aurait bien pu semer ses amis, au retour de la Fête de la Charbonnière, plus alerte qu’eux en montagne et dans la nuit noire.
« Militant dans l’âme » donc, rien n’arrête Jean-Paul et l’énergie
de ses convictions.
Merci à ses amis cités pêle-mêle dans ce portrait.
11
INITIATIVES par Marie Paturel
L
Un vieux mur de pierres, un livre aux pages jaunies, une sculpture ternie
par les siècles : les objets et les bâtiments racontent une histoire, notre histoire.
Détenteurs d’un savoir-faire séculaire, quelques artisans soignent les témoins
de notre passé. Rencontre avec trois passionnés.
L’atelier Zador
de Pascal
Damange
12
photo : atelierzador.odexpo.com
I
l scintille dans la lumière et suscite toutes les convoitises depuis
des siècles. Il fut même l’objet de véritables ruées porteuses d’un
espoir universel : la richesse. L’or, matière noble par excellence,
est devenu un étalon sur la planète toute entière. Mais il est aussi
un matériau travaillé avec minutie par des artisans qui, au-delà
de leur fascination pour ce métal tant convoité, éprouvent aussi
envers lui un indéniable respect. « On ne dompte pas l’or. C’est l’or
qui vous dompte », affirme Pascal Damange, doreur à Crest
depuis neuf ans.
Enfant puis adulte, Pascal Damange n’a jamais cessé de voir de l’or
partout autour de lui. « Lorsqu’on y prête attention, on réalise que
l’or est omniprésent dans notre vie quotidienne. Après une première
carrière professionnelle, j’ai décidé de changer radicalement de vie
et de me former au métier de doreur. C’est ainsi que je suis devenu
artisan à 34 ans », raconte ce travailleur solitaire qui évolue non
seulement dans son atelier drômois mais aussi sur des chantiers.
La dorure est effectivement plurielle, non seulement parce qu’il
existe une vaste palette d’ors, mais aussi parce qu’il ne s’agit pas
toujours de restaurer dans le confort de l’atelier. « J’aime quitter parfois mon atelier et découvrir des lieux exceptionnels comme des
hôtels particuliers, des palais, des villas privées. J’y rencontre
d’autres corps de métier auxquels je succède sur les chantiers car la
dorure intervient toujours à la fin, sans poussière. » Pour obtenir une
surface parfaite, le travail se révèle long, complexe et minutieux.
Après une première étape de blanchissage réalisée à l’aide d’apprêts
composés de carbonate de calcium et de colle de peau de lapin, un
adoucissage permet de retrouver une surface lisse. « Puis on procède à la reparure qui consiste à remodeler les sculptures empâtées, et ensuite au nettoyage, au jaunissage et à l’assiettage avec
du bol d’Arménie, notamment composé d’argile kaolinique »,
explique Pascal Damange. Ce n’est qu’en dernière instance que l’or
est appliqué, soit à l’eau, soit à l’huile. « Mais la plus belle dorure est
à l’eau », affirme l’artisan crestois. « Si les étapes préliminaires ne
sont pas réalisées correctement, la dorure, qui ne fait que 2 à 3
microns d’épaisseur, est forcément ratée. L’or ne tolère pas l’imperfection. » Dans le cas d’une restauration, une ultime opération
consiste à patiner l’objet pour lui donner un air ancien.
Être doreur, ce n’est pas seulement travailler une matière noble.
C’est aussi participer à la préservation du patrimoine et apprendre
tous les jours comment préserver au mieux notre héritage. « La
restauration nécessite le respect de l’objet. Il faut que notre travail
soit réversible afin qu’un doreur puisse voir, dans 30 ou 40 ans, ce
que nous avons fait. C’est pourquoi nous n’utilisons que des produits naturels et aucun élément chimique », ajoute Pascal
Damange. « Ce qui me fait le plus plaisir, c’est lorsqu’un client me
dit que je n’ai rien fait à son objet. Pourquoi ? Parce que cela signifie que ma restauration ne se voit pas, donc qu’elle est réussie. »
Rénover, réhabiliter, restaurer :
quelle différence ?
• La rénovation consiste à remettre à neuf un bâtiment ou un
objet vétuste et peut aller jusqu’à la destruction totale en vue
d’une nouvelle construction, sans aucune préoccupation de
restauration.
• La réhabilitation remet aux normes actuelles (confort, hygiène,
sécurité) un bâtiment ancien.
• La restauration redonne à un bâtiment ou un objet son caractère originel en employant les matériaux, voire les méthodes,
d’époque. Elle exige des savoir-faire spécifiques, un respect de
l’objet ou du bâti ainsi qu’une réversibilité. Autrement dit, toute
intervention doit permettre de retrouver l’état initial de l’objet
ou du bâtiment.
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
’univers du livre, Valérie Servien le connaît comme sa poche.
Il y a quelques années, licenciée de son emploi dans une
librairie de Romans-sur-Isère, elle pousse la porte de la boutique attenante : un atelier de relieurs. Pendant dix ans, Valérie
Servien officie donc dans l’atelier, apprenant sur le tas le savoirfaire et les secrets de la reliure. « Je faisais alors beaucoup de restauration de papiers, tandis que je ne fais plus de restauration à
proprement parler aujourd’hui », évoque Valérie Servien. « Je travaille davantage dans la réparation, ce qui signifie que je soigne
les livres abîmés sans forcément respecter les principes et
méthodes datant de l’époque du livre. » Dans son atelier de SaintMartin-en-Vercors, Valérie Servien démonte les livres, récupère les
cahiers, recoud, cartonne, refait les couvertures. Objectif ? « Protéger les documents et les rendre de nouveau consultables. Parfois,
on m’apporte de véritables chiffons et je leur redonne une nouvelle jeunesse ! »
Passionnée par son métier, Valérie Servien souligne la transmission de son savoir-faire qu’elle a appris aux côtés des artisans qui
l’ont embauchée après un licenciement. Elle-même partage aussi
ses connaissances avec des stagiaires et enseigne également à
Saint-Ismier, dans la banlieue grenobloise. « Je travaille dans
cette école en binôme avec une relieuse qui m’apprend beaucoup », se réjouit Valérie Servien, assoiffée de nouvelles techniques
et astuces pour mieux travailler le
papier et les matériaux de couvrure. « Les matières, les caractéristiques techniques et les couleurs des matériaux
sont très différentes.
Ce métier comporte
une forte dimension
créative car on peut
superposer des papiers,
utiliser des matières
variées, jouer sur les
coloris, travailler le cuir,
s’amuser à écrire le titre
en sortant des sentiers battus. » Valérie Servien a ainsi
laissé courir son imagination pour réaliser le livre d’or du Mémorial de la Résistance qui, sans être une œuvre de restauration,
reste en prise directe avec la mémoire collective. « Je suis toujours
troublée de constater que des livres très anciens peuvent être
mieux conservés que des supports modernes qui, finalement,
risquent de disparaître très rapidement. Je suis sensible aux
choses qui laissent des traces dans le temps. »
Pierre-Jean Combier,
un tailleur pour l’éclat des pierres
L
’image du tailleur de pierre nous plonge
plusieurs siècles en arrière et attise nos souvenirs d’enfants fans des aventures d’Obélix, le célèbre tailleur de menhir. Le métier de
Pierre-Jean Combier n’a pourtant rien à voir
avec le personnage de Goscinny et Uderzo. « Je
travaille non seulement la pierre pour restaurer
le patrimoine, qu’il soit classé ou non, mais aussi
différents enduits à base de chaux naturelle et
de sable local », explique l’artisan installé à La
Motte Fanjas.
Depuis une dizaine d’années, Pierre-Jean Combier intervient à la fois chez des particuliers et
sur des édifices tels que des églises, des remparts
ou encore des châteaux. Pour faire face à l’ampleur des travaux et être en mesure de répondre
aux appels d’offres, l’entreprise originelle s’est
progressivement agrandie pour rassembler
aujourd’hui une équipe de 16 personnes réparties dans les
bureaux, dans l’atelier et sur les chantiers. « Je tourne désormais
chaque jour sur les différents chantiers, mais je ne travaille plus la
pierre au quotidien », précise Pierre-Jean Combier qui emploie
notamment des tailleurs de pierre en atelier, des maçons de pierre
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
et des enduiseurs. « Il faut s’adapter à chaque
bâtiment et faire du sur-mesure tout en respectant un cahier des charges très précis, notamment lorsqu’il s’agit d’un chantier encadré par
les architectes des Bâtiments de France. »
Pour redonner leur éclat aux vieux édifices, le
recours à des techniques ancestrales s’avère
nécessaire et les matériaux naturels continuent à
être les meilleurs alliés. « Pour les pierres dures
comme le calcaire, nous nous approvisionnons
dans le Nord Isère. Pour les pierres plus tendres,
telles que la molasse, nous utilisons du grès
d’Espagne ou des Vosges. Quant aux enduits,
il s’agit de la chaux de Saint-Astier ou du pisé
composé d’argile et de sable », précise PierreJean Combier qui a récemment restauré l’abbaye de Léoncel, l’église de Saint-Agnan-enVercors ou encore le clocher de l’église de SaintJulien-en-Vercors. Modeler la pierre et la terre, c’est recourir à des
matériaux sains et résistants qui assurent une pérennité à la restauration et aux bâtiments. « Lorsqu’une pierre est bien choisie,
bien taillée et bien travaillée, elle peut tenir pendant des siècles ! »
conclut Pierre-Jean Combier avec enthousiasme.
photo : DR
Relier, l’or et la pierre
13
photos : DR
L’atelier de reliure du tilleul
de Valérie Servien
DEMAIN LE VERCORS par Laurent Rivet
Énergie renouvelable,
territoire renouvelé ?
Côté Parc
Les ambitions sont là. Devenir un « territoire à énergie positive » dit TEPOS d’ici
2050 (voir encadré), un engagement qui
va bien au-delà du Paquet Énergie Climat.
À la fois territoire de montagne, d’accueil
touristique été-hiver et d’expérimentation,
le Parc est naturellement très sensible aux
enjeux climatiques et environnementaux.
Dès 2008, la promotion des économies
d’énergies et des énergies renouvelables,
comptait, d’ailleurs, parmi les vingt objectifs stratégiques du territoire inscrits dans
sa Charte avec l’ambition d’atteindre 55 %
d’autosuffisance énergétique.
Et les atouts ne manquent pas. Comme le
rappelle Emmanuel Jeanjean, nouveau
chargé de mission Énergie et mobilité du
Parc : « Le Vercors compte deux principales
sources d’énergie renouvelable déjà largement valorisées : l’hydroélectricité avec les
centrales de la Bourne et de l’Isère et le bois
énergie. » Historiquement, dès le début du
xxe siècle, le Vercors s’est tourné vers l’hydroélectricité. Sa production est d’ores et
déjà optimisée pour atteindre, aujourd’hui,
600 GWh annuels. « Le bois énergie est
en constante progression, avec plus de
150 installations de chauffage automatique
dont 70 équipements publics et une dizaine
de projets en cours sur le territoire pour
un total d’environ 11 Mégawatts installés
en 2012 » précise-t-il. Si le potentiel boisénergie reste très important, d’autres
sources telles que le solaire thermique
Nouveaux objectifs européens
Paquet Énergie Climat 2030
2020
-20 %
Réduction des émissions de gaz
à effet de serre
Augmentation de la part des énergies
renouvelables dans la consommation
d’énergie finale
S
i les grands objectifs climatiques se
dessinent à l’échelle du monde, et
pour nous, à celle de l’Europe, c’est
bien sur chaque territoire que nous réussirons à les atteindre.
Concrètement, notre pays a signé un engagement européen en 2014, le « Paquet
Énergie Climat ». Il comporte trois objectifs
d’ici 2030 : réduire de 40 % nos émissions
de gaz à effet de serre (CO2) – par rapport
au niveau d’émission de 1990 – et atteindre
27 % d’énergies renouvelables dans notre
consommation énergétique. Le troisième
demande 30 % d’économies d’énergie supplémentaires. Le but est de contenir l’augmentation de la température globale de la
planète à moins de 2 °C d’ici 2050. Pour
l’instant, le compte n’y est pas… Nous
sommes actuellement sur une tendance
d’augmentation de 3 °C à 4 °C… Au-delà de
2 °C, les spécialistes du GIEC1 estiment que
le climat serait hors de contrôle.
1. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est un organisme intergouvernemental, ouvert à tous les pays membres de l’ONU.
14
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
20 %
27 %
-20 %
-27 %
Réduction des consommations d’énergie
(pour la production d’eau chaude) et le
solaire photovoltaïque (pour la production d’électricité) et pourquoi pas l’éolien
s’annoncent prometteuses avec de nouvelles formes d’exploitation comme les
Centrales Villageoises (voir rubrique « Les
pieds dans le Parc »).
« Une centrale
dans chaque village »
photo : DR
La France, du 30 novembre au 11 décembre 2015, accueillera à Paris la conférence
de l’ONU sur le climat dite « COP 21 » ou Conference of the Parties. Les « parties »
sont les pays assis autour de la table de négociation sur le climat. À cette occasion,
le nôtre se doit d’être exemplaire. Mais comment le Vercors aborde cette question ?
-40 %
au moins
TEPOS. Quésaco ?
C’est une info de dernière minute ! Le
Parc du Vercors a décidé de devenir un
TEPOS ou Territoire à Énergie POSitive.
Il s’engage à réduire ses consommations
de 50 % d’ici 2050, et à produire le reste
par des énergies renouvelables. Les
priorités : les transports et l’habitat qui
représentent environ 80 % de la consommation d’énergie finale. Trois territoires
en partie dans le Parc du Vercors sont
déjà reconnus TEPOS par la Région et
l’ADEME : la communauté de communes
du Trièves, le Pays Sud Grésivaudan et
Biovallée. Chacun de ces territoires s’est
doté d’une stratégie, d’un plan d’actions
et d’une animation territoriale qui leur
permettent de se mettre en route vers
l’autosuffisance énergétique. Depuis très
récemment, les TEPOS ont été reconnus
« Territoires à énergie positive pour la
croissance verte » (TEPCV) par le ministère de l’Énergie.
2030
Yves Chazalet, élu à Combovin (Gervanne)
et délégué du Parc a une vision, celle d’une
énergie produite localement pour son territoire. Au-delà de la production d’électricité,
ce pionnier de la Centrale Villageoise Photovoltaïque y voit un catalyseur de réflexion,
de prise de conscience et d’action. Avec plusieurs élus et habitants de la Gervanne, ils
lancent, fin 2010, l’idée de créer localement
et de manière participative de l’électricité
photovoltaïque sur toitures évitant ainsi des
installations au sol gourmandes en foncier,
peu intégrées au paysage. Grâce à l’engagement de toutes les parties prenantes
(voir rubrique « Les pieds dans le Parc »), le
projet a donné lieu à la création d’une
entreprise coopérative sous statut de SAS
(Société par Actions Simplifiée) en 2012
dont l’objectif est de produire de l’énergie
tout en rémunérant ses actionnaires
locaux. Elle est présidée par René Druguet,
maire de Plan-de-Baix.
Cette nouvelle manière d’envisager son
avenir énergétique marque bien la volonté
de ne pas vivre sous la totale dépendance
des énergies traditionnelles ou des grands
opérateurs industriels. Comme le rêve Yves
Chazalet « l’idéal serait de créer une centrale villageoise dans chaque village ! »,
de prendre son destin en main « pour une
énergie accessible à tous avant que des
bouleversements sur l’approvisionnement
ou le coût de l’énergie n’interviennent sur
lesquels nous n’aurons aucune prise ».
Plus d’infos : un film de Vercors TV
http://vercorstv.wmaker.tv
Enercoop,
le Parc adhère
Le parc achète son électricité à Enercoop. Cette coopérative s’approvisionne
directement et à 100 % auprès de producteurs d’énergie renouvelable : solaire,
éolienne, hydraulique et biogaz.
15
DEMAIN LE VERCORS par Laurent Rivet
photo : Les Ailes de Taillard/Ph.Heitz
par Marion Blanchard LÀ EST LA QUESTION
200 personnes participent à une visite guidée du site du projet éolien participatif des Ailes de Taillard (PNR du Pilat, Loire).
À dupliquer pour toutes
les énergies ?
En tournant le regard vers le Parc du Pilat,
on s’aperçoit que oui. Et, de surcroît, à propos d’une source d’énergie renouvelable
sensible, l’éolien. Cécile Hausherr, responsable du Pôle Économie durable, explique
que le permis de construire d’un ambitieux
parc de 10 éoliennes – « Les ailes de Taillard » est en cours de dépôt. « Ce projet n’a
pu avancer que grâce à trois éléments clés :
la participation des citoyens et des élus y
compris les plus impactés par les éoliennes ;
une implantation mûrement réfléchie sur le
plan paysager et de la biodiversité ; une
société privée – Quadran, en l’occurrence –
capable d’adapter son modèle économique
à la création d’une SAS intégrant des
citoyens et des collectivités. » Et du temps.
Des premières études à la demande du permis de construire, six années se sont écoulées. Quatre projets éoliens en Vercors,
notamment sur les territoires de la Gervanne et du Trièves, en sont au stade de
l’idée. Le Pilat fera-t-il école en Vercors ?
Oui mais…
La bonne calorie, c’est celle que l’on ne
consomme pas ! Emmanuel Jeanjean rappelle que « réduire la facture énergétique,
c’est l’enjeu essentiel. Beaucoup reste à
faire pour adapter le bâti aux normes
actuelles dans les stations, par exemple.
Penser autonomie énergétique et énergies
renouvelables sans limiter la consommation en amont, cela ne peut pas fonctionner. C’est aussi un véritable enjeu économique car les entreprises locales ont, sur
place, un marché très important, côté
réhabilitation/isolation et production de la
ressource bois et solaire. »
L’association Négawatt propose, d’ailleurs,
une intéressante démarche en trois temps –
non dissociables – pour parvenir à l’autonomie énergétique : sobriété (ce qui relève
du comportement individuel et de l’organisation collective), efficacité (amélioration
des performances techniques des appareils,
des véhicules, des bâtiments) et le complément par les énergies renouvelables.
Comment s’y prendre pour économiser l’énergie ? Deux exemples pour passer à l’acte…
• Les Langlet de Villard-de-Lans,
après la construction de leur maison à
ossature bois, se lancent, en 2011, dans le
concours des familles à énergie positive
au sein de l’équipe « Vercors ». Organisé
par l’Ageden – Espace Info Énergie – et
financé par l’ADEME et les collectivités
impliquées, cette « compétition » valorise,
par équipe, celles et ceux qui s’engagent
par leur comportement à réduire d’au
moins 8 % leur consommation sur 6 mois,
mesures à l’appui. « Nous avons acquis
des réflexes et réfléchi à nos gestes. Pas
tant pour la question économique que
pour l’aspect citoyen, responsable. Je
débranche, par exemple, ma machine à
laver qui consomme même à l’arrêt. Je l’ai
découvert grâce au concours » explique Élisabeth Langlet. Leur maison construite par
des artisans du Vercors, « made in Vercors »
16
poursuit-elle est aussi un choix délibéré, une
fierté. Et comme « pendulaire », elle ne prend
plus sa voiture pour se rendre dans la vallée
mais le bus. « C’est deux fois plus long mais
beaucoup moins fatigant et je fais de belles
rencontres. »
http://isere.familles-a-energie-positive.fr
• La ferme du Pescher à Omblèze,
engagée depuis 40 ans. son histoire mérite
le détour. De son isolement qui n’a d’égal que
sa beauté, elle en tire une force : l’exemplarité et l’indépendance énergétique puisque
le raccordement au réseau électrique n’était
pas envisageable. Dotée au départ de 18 m2
de panneaux photovoltaïques – grâce au
concours du Parc –, devenus 36 m2, il y a dix
ans, d’une pico centrale hydraulique, d’un four
à bois pour le potier et d’un groupe électrogène de secours (au cas où), les activités de la
photo : Stephane Desrousseaux
Ils l’ont fait !
ferme s’organisent autour de la fromagerie, de
l’accueil touristique et de la poterie. À tel point
qu’elle attire beaucoup de visiteurs souhaitant
imiter la démarche. « Le secret, c’est l’attitude,
vivre simplement en éliminant les appareils qui
consomment trop comme la bouilloire ou la
machine à café, en partageant le congélateur.
Si une famille ne joue pas le jeu, elle met en péril
les autres… Le plus grand gisement d’énergie
se trouve dans l’économie de son utilisation »
explique Florence Rety de la ferme du Pescher.
www.lafermedupescher.com
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
La nuit, doit-il faire jour ?
Le 10 octobre a lieu le 7e Jour de la Nuit.
Une manifestation destinée à sensibiliser
au problème des pollutions lumineuses,
dont l’éclairage public est le principal
responsable. Un éclairage public
également montré du doigt
dans le budget des communes…
Emmanuel Berrod, chargé du programme Nuit de Noé
au sein de l’association Noé conservation.
Valéry Friol, maire de Saint-Thomas-en-Royans.
La loi Grenelle II a prévu des dispositions visant à réduire les nuisances lumineuses. Qu’entend-on par « nuisances lumineuses » ?
Emmanuel Berrod : Les nuisances évoquent quelque chose de temporaire (le fait d’être ébloui par exemple), contrairement à la pollution
lumineuse dont les effets sont durables : cela concerne essentiellement l’astronomie et la biodiversité. On parlera donc plutôt des pollutions. Il y a eu beaucoup d’études sur le sujet et ce que l’on connaît
le mieux, ce sont les impacts directs de la lumière artificielle sur la
biodiversité. Les cycles biologiques des espèces sont déréglés par
la lumière artificielle. Ainsi, les insectes sont attirés par les lampes
tout comme les oiseaux nocturnes qui les chassent ; à l’inverse, les
chauves-souris sont lucifuges, elles vont fuir la lumière. Les effets
indirects, plus difficiles à évaluer, sont ceux qui touchent le comportement, comme la modification des périodes de reproduction. Plus globalement, on peut se demander quel est l’effet sur l’écosystème ?
Valéry Friol : Les nuisances lumineuses générées par l’éclairage
public existent, c’est un fait. Sur notre commune, depuis cette
année, nous éteignons la nuit, mais c’est dans une optique de
réduction des coûts. De la même façon, nous essayons de privilégier les nouvelles technologies pour l’éclairage public.
L’interdiction des ampoules à vapeur de mercure depuis le mois
d’avril et celle des ampoules halogènes à partir de 2018 devrait
conduire à une forte augmentation des ventes de LED : quels
avantages et inconvénients peuvent présenter ces LED ?
E. B. : Les LED présentent un intérêt économique évident, puisqu’elles
permettent de réduire la consommation de moitié. On peut faire
varier leur intensité en la réduisant de 70 %, ce qui est très intéressant pour l’éclairage public. Mais on ne connaît pas bien l’impact de
ces LED sur la vue, ni sur la biodiversité. L’autre inconvénient des
LED est qu’avec l’explosion de ce marché, on trouve des produits de
mauvaise qualité : il faut que les collectivités soient vigilantes. Et
surtout, qu’elles investissent dans cette technologie pour remplacer
et non pour ajouter de l’éclairage.
V. F. : Nous avons été sollicités dès 2013 par une entreprise fournisseur de LED intelligentes, c’est-à-dire que leur intensité lumineuse
peut varier de 10 à 100 % et que tout est géré depuis un ordinateur
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
ou un smartphone. Nous avons mis en place ce système sur
14 points lumineux dans le village depuis mars 2014. Chaque
point lumineux est indépendant et peut donc être programmé différemment. C’est une expérience grandeur nature qui n’a rien
coûté à la commune. Après un an et demi, on constate une baisse
sensible de la consommation et beaucoup moins d’interventions
dues à des pannes, mais pour que ce soit valable, il faudrait que
l’ensemble de la commune soit équipé. C’est un investissement
important, difficile à envisager pour une petite commune comme
la nôtre. Le procédé est récent, on manque de recul, mais à ce jour
le bilan est positif.
Les maires ont l’obligation de garantir des rues commodes et
sûres dans leur commune : est-ce compatible avec la nécessité
de réduire les pollutions visuelles et réaliser des économies
d’énergie ?
E. B. : Les problématiques ne sont pas les mêmes en fonction de la
taille de la commune et de ce que l’on appelle les « usages et les
besoins ». On pourra envisager plus facilement d’éteindre une partie
de la nuit l’éclairage dans un quartier résidentiel que dans une rue
où se trouvent des commerces nocturnes. De la même façon, une
extinction nocturne est envisageable dans des villages ou des
petites villes, alors que cela provoquerait une sensation d’insécurité
plus importante dans une grande ville. On peut aussi réduire l’intensité de l’éclairage public ou mettre en place, notamment dans les
grandes villes, un système de détection de présence humaine. Les
LED offrent cette souplesse.
V. F. : Si nous avons pris la décision d’éteindre une partie de la nuit
cette année, ce n’est pas de gaieté de cœur. La population, surtout
les personnes âgées, a un sentiment d’insécurité. Éteindre la nuit
permet de réduire la facture, mais ce n’est pas forcément une bonne
solution. Ce qui me semble beaucoup plus intéressant aujourd’hui,
en attendant de pouvoir peut-être généraliser la technologie dont
nous avons bénéficié, c’est d’éclairer avec des intensités plus faibles.
17
par Thierry Lebel zoom du conseil scientifique
édito
25. Les milieux humides et leur préservation
26. Pour un Vercors plus sobre en énergie
27. Énergies participatives
de Catherine Brette
Présidente du Parc naturel régional du Vercors
Une façon simple pour chacun de faire un geste pour la planète
Certains de nos aliments parcourent des kilomètres avant d’arriver dans
notre assiette. Si bien que nos choix alimentaires ont un impact sur le modèle
économique de l’agriculture et – de façon plus ou moins importante – sur
le réchauffement climatique de notre planète. Dans cette période de
préparation de la conférence internationale sur le climat qui se déroulera à
Paris la première quinzaine du mois de décembre, il est bon de se rappeler
tout ce qui procède d’une attitude responsable face à cette problématique.
Ainsi, par exemple, manger des produits locaux et de saison est une façon
simple pour chacun d’entre nous de faire un geste pour le climat. Cela
contribue du même coup à maintenir et développer sur notre territoire
une agriculture durable. La Fête du Bleu qui s’est déroulée avec un grand
succès en août dernier à Villard-de-Lans correspond à cette dynamique. Cette fête, conçue par le Parc du Vercors
il y a 15 ans pour accompagner le lancement de l’AOC Bleu du Vercors Sassenage, a montré de quelle façon le
territoire est capable d’innovation dans le domaine. Pour négocier avantageusement les enjeux et mutations en
cours, c’est sans relâche que nous devons faire la preuve de notre capacité collective d’innovation sociétale et
territoriale pour qu’« Une autre vie s’invente ici ».
Le Parc du Vercors, les territoires des CDDRA* Royans-Vercors et Sud Grésivaudan ont été retenus par la Région
Rhône-Alpes pour un programme européen Leader intitulé « TERRES D’ÉChOS ». Conçu pour « agir en faveur d’une
économie de proximité », ce programme s’appuie sur deux enjeux d’avenir complémentaires pour le territoire :
l’économie rurale et une stratégie alimentaire durable. Ce qui signifie, en d’autres termes : consolider l’emploi
local, préserver les productions et savoir-faire du territoire, accompagner la mutation des modes d’exploitation
agricole et la sobriété énergétique, enfin renforcer les coopérations à toutes les échelles territoriales. Gageons
que ce programme nous aidera à relever ces défis pour valoriser et développer nos atouts.
*Contrats de Développement Durable de Rhône-Alpes.
Protéger les oiseaux de l’Isère !
La Ligue pour la Protection des Oiseaux, ERDF, le Département de l’Isère,
le Parc national des Écrins, les Parcs régionaux du Vercors et de Chartreuse
ont mis en place un partenariat visant à réduire l’impact des réseaux
électriques sur l’avifaune. Une plaquette de présentation est parue
avant l’été pour présenter les actions et inciter chacun à participer
au recensement des cas de mortalité d’oiseaux en transmettant
ses observations à la LPO Isère (date, localisation exacte, photo) :
[email protected] – tél. : 04 76 51 78 03 - www.faune-isere.org
18
Film gagnant !
Le film « Mission P.O.I.A », une fiction institutionnelle décalée produite
par le Parc naturel régional du Vercors raconte comment s’est déroulé
le programme de diversification touristique du Vercors. Financé par
l’Europe, l’État, la Région Rhône-Alpes, et les collectivités locales dans
le cadre du CIMA – POIA, il a reçu, en juin 2015, le Totem d’argent aux
« Deauville Green Awards » dans la catégorie « films d’entreprises et
institutionnels ».
Film réalisé par le collectif grenoblois Keep It Up
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
PHOTO : Thierry Lebel
Au Sahel, les populations sont dépendantes pour leur survie d’une eau rare et difficile d’accès.
Le réchauffement
climatique pourrait-il
bouleverser nos modes
de vie ?
hivernales pourraient augmenter, mais
dans tous les cas la limite pluie/neige,
qui est déjà remontée significativement,
remontera encore. La durée d’enneigement à 1 500 m devrait en être réduite de
plusieurs semaines. Par contre, on ne peut
exclure que le cumul de neige tombant en
une saison au-dessus de 2 000 mètres se
maintienne. Les activités économiques
conditionnées par le climat – dont notamment le tourisme hivernal et l’agriculture
– vont donc se trouver fortement impactées. Les paysages vont se transformer,
particulièrement les glaciers, dont la fonte
va s’accélérer du fait de vagues de chaleur
accrues en été – même si une hausse des
précipitations neigeuses en haute altitude
l’hiver pourrait amortir un peu ce processus. Les zones de végétation vont, elles
aussi, évoluer, avec une remontée de la
forêt et le retrait en altitude des pelouses
alpines.
Le réchauffement climatique est une réalité avérée, qui va aller en
s’accentuant. Cela pourrait faire franchir à notre planète des points
de rupture amenant à de nouveaux équilibres environnementaux
auxquels nous devrons nous adapter.
L
a réalité du réchauffement climatique
planétaire, présent et futur, ainsi que
son origine anthropique, ne sont
plus contestées par aucun scientifique
indépendant travaillant dans le domaine
des sciences du climat et de l’environnement. À la Conférence scientifique (« Our
Common Future under Climate Change »)
qui s’est tenue à Paris du 7 au 10 juillet
dernier, tous les ministres et décideurs
qui sont intervenus en ouverture ou en
clôture ont pris acte de cette réalité et
engagé les chercheurs à œuvrer pour que
les enjeux sociétaux du réchauffement
climatique soient mieux perçus par tous.
Toutes les régions de la planète seront
affectées par le réchauffement climatique. Un point très important à avoir
en tête est que le réchauffement sur
les continents est bien plus élevé que la
hausse moyenne de 0,8°C déjà enregistrée depuis le début du xxe siècle pour
l’ensemble de la planète. Sur les Alpes,
par exemple, on est actuellement aux
alentours de +1,7 à +1,8°C, et dans les
scénarios moyens on dépassera certainement +3°C à l’horizon 2100, soit
une remontée de la limite pluie/neige de
450 mètres. Si rien n’est fait pour ralentir nos émissions de CO2 et autres gaz à
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
Mesures météorologiques
sur le glacier de Saint
Sorlin par le laboratoire
grenoblois LTHE.
PHOTO : Thierry Lebel
PHOTO :
PNRV / Raphaële Bruyère
19. Le réchauffement climatique pourrait-il
bouleverser nos modes de vie ?
21. Agriculture et forêt : objectif excellence
22.Sciences en Vercors : l’étude du
changement climatique
effet de serre (GES), cette augmentation
pourrait aller jusqu’à +6°C sur les Alpes,
soit une remontée de la limite pluie/
neige de 900 mètres.
Quels que soient les scénarios d’émission, la réalité sera plus complexe que les
chiffres moyens indiqués ci-dessus. En
effet le réchauffement sera plus marqué
en été qu’en hiver, et les précipitations
L’exemple alpin permet de pointer trois
éléments essentiels du réchauffement
climatique et de ses effets :
1 • La communauté scientifique peut
s’appuyer aujourd’hui sur des acquis
solides concernant l’évolution du climat
à l’échelle globale, le premier d’entre
eux ayant trait à des hausses de températures constatées et prévues d’une
rapidité jamais connue depuis l’existence
d’Homo Sapiens.
2 • Par contre, de nombreuses incertitudes apparaissent concernant les
impacts localisés de cette évolution
globale, à la fois du fait de fortes disparités régionales et des interactions entre
changement climatique et autres changements environnementaux ou socioéconomiques.
3 • De faibles modifications climatiques
peuvent avoir de fortes conséquences en
matière de disponibilité des ressources
en eau, d’exposition aux risques liés aux
sécheresses et aux inondations, ou de
menaces sur la biodiversité.
19
zoom du conseil scientifique par Thierry Lebel
Un nuage de lignes de grains, principal source de pluie au Sahel dont les modifications sont associées
au changement climatique.
>> Thierry Lebel >>>> portrait
PHOTO :
CNRS Photothèque-Cyril Frésillon
Appartenant à une génération qui a vu
l’émergence sociétale des questions environnementales, Thierry Lebel s’est passionné
très jeune pour les problématiques de développement durable. Il commence sa carrière scientifique au début des
années 1980 par une thèse consacrée aux crues extrêmes en région
méditerranéenne, prolongée par un séjour postdoctoral à Boulder
aux États-Unis, à l’époque « La Mecque » des sciences du climat. Il
intègre l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) en
1985 où il étudie les interactions entre variabilité climatique et
cycle de l’eau au Sahel. C’est dans ce cadre qu’il effectue un premier séjour de 4 ans au Niger et reçoit un prix de l’Académie des
Sciences. Fort de cette expérience, il lance, avec un confrère du
CNRS, un ambitieux programme d’observation et de modélisation
du système climatique régional d’Afrique de l’Ouest. Le projet
AMMA (Analyses Multidisciplinaires de la Mousson Africaine) voit
le jour en 2002 et durera jusqu’en 2010. Ayant regroupé près d’un
millier de scientifiques, AMMA a été le premier projet d’une telle
ampleur jamais mené dans le monde, ce qui vaut à Thierry Lebel
de recevoir la Médaille d’argent du CNRS en 2011.
20
Depuis 2008, il dirige le Laboratoire d’étude des Transferts en
Hydrologie et Environnement (LTHE) à l’Université de Grenoble. Ce
laboratoire mène des recherches pour mieux comprendre l’impact
du changement climatique sur le cycle de l’eau dans les régions de
montagne (Alpes, Andes, Himalaya), ouvrant ainsi de nouveaux
horizons scientifiques. Avec le conservateur de la Réserve des HautsPlateaux du Vercors, Pierre-Eymard Biron, il a ainsi été à l’initiative
d’un observatoire éco-climatique visant à documenter l’impact du
réchauffement climatique (1,6° C depuis le début du xxe siècle) sur
cet espace naturel emblématique. Pratiquant assidu d’activités de
montagne, Thierry Lebel vit à Lans-en-Vercors. Convaincu de la
nécessité de mieux insérer la recherche scientifique dans la société,
il s’implique à différents niveaux. Il est ainsi membre du Conseil
scientifique du Parc naturel régional du Vercors depuis 2009. Il a
participé à la COP20 à Lima et est coordinateur du collectif COP21Université Grenoble-Alpes. Son plus grand défi est de tenter de faire
comprendre simplement les enjeux complexes du réchauffement
climatique, que ce soit à travers des conférences grand public ou
en contribuant à différentes revues.
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
PNRV / Raphaële Bruyère
PHOTO :
L’existence de singularités et de points de
bascule (appelés tipping points en anglais)
dans le fonctionnement du Système
Terre limite notre capacité à formuler
des prédictions détaillées et localisées
des dérèglements climatiques à venir. Un
point de bascule typique est la disparition
des glaciers. Le recul glaciaire en altitude
est irrégulier car, s’il est avant tout dû
à la hausse des températures, il dépend
également des variations du régime de
précipitation et de la topographie sousglaciaire – entre autres. Mais tant que le
glacier existe, une baisse des températures et/ou une hausse des précipitations
neigeuses peuvent produire des ré-avancées du front du glacier, assez rapides.
Par contre, il suffit que le glacier passe
sous une certaine taille critique pour que
sa disparition soit inéluctable. Une fois le
glacier disparu, le système bascule dans
un autre régime d’équilibre et il faudra
des changements de température et de
précipitations bien plus extrêmes que
ceux qui ont présidé à sa disparition pour
que le glacier voie à nouveau le jour.
Le franchissement de points de basde l’environnement, mais la plupart nous
cule aux effets spectaculaires a déjà été
sont inconnus car nous ne les avons jamais
observé dans le passé : par exemple, il y
approchés. La communauté scientifique
a environ 5000 ans, le Sahara était vert,
doit donc aujourd’hui faire face à un
il s’est transformé en désert en quelques
double défi : 1 • purement scientifique
centaines d’années, entraînant l’ensablevisant à identifier ces points de bascule
ment du fleuve Niger qui a changé de
et des méthodes pour détecter quand
cours sur plusieurs milliers de kilomètres.
on s’en approche ; 2 • sociétal, visant à
De même, aujourd’hui, si aucune mesure
convaincre les décideurs politiques et écon’est prise pour lutter contre le réchaufnomiques qu’il serait dangereux de laisser
fement et l’acidification des
dériver les températures, car
océans, on peut redouter la
la probabilité d’approcher et
Une fois
de franchir des points de basdisparition des récifs coralle glacier
liens, qui ont mis des millécule nous conduirait dans un
disparu, le
naires pour se construire. En
monde inconnu au fonctionnesystème
fait, il existe des points de basment duquel nous ne sommes
bascule dans
cule à toutes les échelles et un autre régime pas certains de pouvoir nous
d’équilibre
dans tous les compartiments
adapter.
PHOTO : Thierry Lebel
Prédire et anticiper les points
de bascule, un enjeu majeur
par Marion Blanchard DÉCRYPTAGE
Agriculture et forêt : objectif excellence
Comment concilier agriculture et maintien de la biodiversité ?
Dans un parc naturel régional plus qu’ailleurs,
aujourd’hui plus que jamais, agriculture
et développement durable doivent avancer
« main dans la main ».
Rencontre avec Brigitte Briel, vice-présidente
du Parc en charge des productions durables.
Quels sont les principaux objectifs du Parc dans le domaine
des productions durables ?
Les productions durables recouvrent deux domaines distincts
et fondamentaux pour notre territoire : l’agriculture et la forêt.
L’agriculture, dont les fonctions sont multiples, façonne les paysages du Vercors. Quant à la forêt, patrimoine remarquable, elle
recouvre 65 % de la surface du massif et assure, entre autres,
une fonction de protection majeure contre les risques d’érosion
de la montagne (éboulement, avalanche…) et de protection
environnementale (qualité de l’eau…).
Vitalité des territoires, gestion de la biodiversité, ouverture
et maintien des paysages, obtention de revenus décents pour
les agriculteurs et les exploitants…, les objectifs sont multiples
et s’inscrivent dans cette volonté de construire un projet de
développement territorial durable en concertation avec les
acteurs. C’est l’excellence à long terme qui est visée.
En plus de façonner les paysages, on a l’impression que
l’agriculture est un élément très important de l’économie
touristique. Est-ce une réalité ?
Au sein du Parc, l’agriculture et la forêt constituent les bases
de l’économie du massif. Au-delà de leur vocation première de
production, elles assurent des fonctions sociales et environnementales. En plus de la vitalité qu’elles impulsent, du lien social
qu’elles créent et des services qu’elles maintiennent, elles contribuent fortement, par la sauvegarde des ressources, des paysages,
du patrimoine naturel et culturel à l’attractivité résidentielle et
touristique. Un tourisme éco-responsable « inspiré Vercors ».
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
On a pris conscience de l’importance de la biodiversité en même
temps que l’on a fait le constat de son érosion continue et irréversible. Elle est ainsi devenue un cadre de réflexion sur la question des relations entre l’homme et les autres espèces. Face aux
enjeux de demain (changement climatique, disparition des énergies
fossiles…), nous devons absolument réinventer nos modes de production et de consommation dans le respect de la biodiversité.
L’enjeu est d’épargner les ressources naturelles (eau, sol, énergie
fossile, air…) d’une part en préservant la biodiversité et d’autre
part en la considérant justement comme un facteur de production. Des actions structurantes portées par le Parc vont dans le
sens d’une cohabitation harmonieuse entre agriculture et biodiversité : l’accompagnement des mesures agro-environnementales
et climatiques, la gestion des contrats de rivière (Vercors Eau
Pure 1 & 2), les incitations à une utilisation rationnelle de l’énergie,
l’animation des sites Natura 2000, la promotion des ressources
locales (photovoltaïques, bois-énergie)… C’est la haute valeur
naturelle qui est visée par le Parc pour son agriculture et sa forêt,
ce qui se traduit par des productions à très faibles intrants sur
une part importante des surfaces exploitées.
Lors de la prochaine conférence sur le climat qui se tiendra à
Paris à la fin de l’année, la préservation des ressources sera
au cœur des débats. Quel rôle le Parc peut-il jouer pour intégrer
cette problématique à celle du développement de l’agriculture ?
C’est principalement autour de la gestion de l’eau que le Parc
sera acteur de la préservation des ressources. Le Vercors possède
peu d’eau de surface parce qu’en milieu karstique, elle s’infiltre
profondément. Sans trop plein, les sources ne coulent pas, ce
qui rend l’étiage estival dans les cours d’eau très prononcé. En
outre, les versants sud présentent un déficit chronique en eau.
L’aggravation prévisible des pénuries rend nécessaire le développement de cultures plus sobres et/ou à plus forte valeur ajoutée.
Mais la diversification des cultures suppose l’existence simultanée
de débouchés économiques locaux valorisant les productions
nouvelles, ce qui reste souvent à inventer. S’appuyant sur la créativité et le dynamisme du monde agricole et forestier, le Parc
favorisera les productions de qualité dans des milieux de qualité.
21
PHOTO : Bernard Bellon
dossier par Jeanne Aimé-Sintès
Sciences en Vercors :
l’étude du changement climatique
Le changement climatique est devenu une réalité dans le Vercors, comme partout ailleurs.
Mais comment l’étudier, le mesurer et agir en conséquence ? C’est l’une des missions du Parc,
territoire privilégié d’études scientifiques et de questionnements sur le climat de demain.
L
e Vercors va connaître des bouleversements climatiques certains »
affirme Pierre-Eymard Biron,
Conservateur de la Réserve naturelle des
Hauts-Plateaux du Vercors. « Cependant,
nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour quantifier ce changement, car
le climat s’étudie sur de longues séries ».
À cette échelle, les aléas climatiques et
la manière dont nous vivons la météo au
quotidien se voient gommés. Et, s’il faut
plus qu’un été de canicule pour affirmer
que réchauffement climatique il y a, il
convient également de mettre en place
un véritable protocole scientifique permettant de croiser diverses données, sur
un pas de temps suffisamment long ! Ce
géologue de formation, passionné par le
dialogue entre chercheurs d’horizons
variés poursuit : « Avec l’Observatoire
bioclimatique du Parc, l’étude du changement du climat dans le Vercors a
débuté il y a 10 ans. Les résultats commencent à dessiner des tendances, qu’il
reste à préciser ». Tour d’horizon d’un
programme de recherche aussi passionnant qu’indispensable et qui permettra,
demain, d’apporter des éléments aux
élus, aux habitants et aux professionnels,
sur l’adaptation de nos activités au changement du climat.
Carrefour climatique et zones
de combat
Le massif du Vercors, et notamment la
Réserve naturelle des Hauts-Plateaux,
forment un lieu idéal pour mesurer et
comprendre les conséquences des changements climatiques. « Nous savons que
le changement climatique va être assez
visible sur des territoires particuliers,
comme le Vercors, où les carrefours des
influences climatiques et les étages de la
22
Station météo sur la Réserve
des Hauts-Plateaux avec capteurs :
ils permettent de mesurer
la température, la force
et la direction du vent,
l’épaisseur de la neige.
Un lagopède alpin avec son plumage d’hiver.
PHOTO : PNRV / garderie
«
végétation vont se déplacer » explique
Pierre-Eymard Biron. Dans un contexte
montagnard, le Vercors se situe à la croisée des influences océanique à l’Ouest,
continentale à l’Est et méditerranéenne
au Sud. Or cette dernière semble commencer à gagner du terrain… Un indice :
la progression de la cigale jusque sur les
Hauts-Plateaux ! Sur ce secteur, la « zone
de combat » est actuellement très étendue, favorisant un milieu dit « en
mosaïque ». Cette zone de passage, entre
l’étage montagnard, domaine de la forêt
et l’étage subalpin et ses pelouses, risque
d’être bouleversée. Une des conséquences probables du changement
climatique sera son déplacement en altitude et sa diminution en surface. Quel
avenir pour le tétras-lyre qui utilise tout
spécialement ce milieu ? Autre répercussion plausible, la disparition de l’étage
alpin hébergeant le lagopède. Ces deux
espèces, appelées reliques glaciaires,
risquent bien de s’éteindre à terme dans
le Vercors…
Enfin, l’existence même de la Réserve
naturelle des Hauts-Plateaux, dont une
partie est classée en Réserve Biologique
Intégrale (RBI), explique cette attention
particulière portée à l’étude et à la
recherche. Sa vocation scientifique et
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
son statut durable de protection en
font naturellement un terrain
d’étude. Face aux enjeux à venir, le
Parc a donc choisi d’orienter une
part importante de ses recherches
autour de l’angle climatique, dans
une approche transversale. En équipant le territoire de six stations météo,
dont trois très élaborées, il offre ainsi à
ses partenaires scientifiques un véritable
laboratoire à ciel ouvert. Plusieurs
équipes s’en sont emparées : le LTHE
(Laboratoire de Transfert Hydraulique en
Environnement), l’IRSTEA (Institut
National de Recherche en Sciences et
Technologies pour l’Environnement et
l’Agriculture) et le LECA (Laboratoire
d’écologie Alpine). Ensemble, ils ont été
labellisés par le CNRS « Zone Atelier »
pour leur action de recherche tournée
vers le changement climatique et ses
conséquences. Outre le Vercors, cette
démarche concerne d’autres zones des
Alpes.
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
le vercors
Influences
continentales
Influences
océaniques
Influences
méditerranéennes
Coup de chaud sur le Vercors ?
Trois stations principales, Darbounouse
à 1 300 m d’altitude au Nord, Gerland à
1 500 m en position centrale et le Jardin
du Roi, à 1 800 m au sud, complétées par
trois enregistreurs situés dans la Réserve
Biologique Intégrale, consignent inlassablement températures, humidité, pluviométrie, vitesse et direction du vent,
rayonnement. En complément, trois
sources sont étudiées depuis cinq ans
autour de la station de Gerland
afin d’en suivre l’évolution
hydraulique. Ces batteries de
mesures, plus ou moins détaillées selon les stations, permettent d’apporter quelques
orientations. Mais Pierre-Eymard
Biron insiste : « Les résultats
actuels sont à prendre avec des pincettes et ne dessinent que des tendances qu’il reste à confirmer avec le
temps. » Les températures moyennes de
l’année sur les trois stations sont semblables et il semble que les différences
d’altitude soient compensées par la latitude, mais l’amplitude thermique est bien
plus importante au Nord, au climat continental, qu’au Sud, marqué par un climat
méditerranéen. Ce constat confirme la
notion de carrefour climatique. « Nous
n’avons pas assez de recul pour constater
l’augmentation des températures.
Cependant, nous avons l’impression que
les températures nocturnes augmentent,
23
dossier par Jeanne Aimé-Sintès
QUI FAIT QUOI ?
avec globalement moins de fraîcheur la
nuit, donc moins de rosée. Quelles sont
les conséquences sur la ressource en eau
et donc sur la faune, la flore et l’activité
pastorale ? » s’interroge le conservateur
de la Réserve. Enfin, le régime des vents
semble avoir changé. C’est ce que les
chercheurs ont commencé à mettre en
évidence, en étudiant en parallèle les
mesures des stations locales avec les
données régionales sur 100 ans. Le vent
dominant d’Ouest pourrait avoir cédé la
place au vent du Sud, parfois violent.
Les milieux humides et leur préservation
Quels que soient les usages et enjeux dans
l’aménagement du territoire, la préservation
de la ressource en eau passe par la préservation
des milieux humides qui est ainsi l’affaire de tous.
Qu’est-ce qu’un milieu humide ?
Le Vercors, terrain laboratoire
pour ADAMONT
Les principaux facteurs de leur disparition
La plus grande part des milieux humides a disparu par remblai,
et a été urbanisée (constructions, infrastructures) ou drainée
et cultivée. D’autres pratiques ont des impacts lourds : la pollution par les produits phytosanitaires et les rejets industriels,
l’utilisation exagérée de fertilisants, organiques ou minéraux...
En Vercors, des quartiers récents sont construits en détournant et comblant les sources ou sur des marais remblayés. Les
sols humides sont drainés pour l’agriculture, afin d’améliorer
leur valeur fourragère ou d’augmenter la surface agricole. Les
prairies riveraines des cours d’eau sont gagnées sur de grands
marais, défrichés et drainés par les agriculteurs des siècles
passés.
Des milieux aujourd’hui reconnus et protégés
Au cours du xxe siècle, plus de la moitié des milieux humides en
Europe et dans le monde a disparu, provoquant la disparition ou
la raréfaction de très nombreuses espèces animales et végétales. Les milieux humides sont les seuls milieux naturels à faire
l’objet d’une convention internationale pour leur conservation :
la convention de Ramsar (1975), 2 000 sites protégés à travers le monde. Au niveau national, le code de l’environnement
définit l’objectif d’une gestion équilibrée de la ressource en
eau (Art. L.211-1). Il affirme notamment un principe : la préservation et la gestion durable des zones humides sont d’intérêt
général. Chaque département a cartographié les principales
zones humides, afin qu’elles soient peu à peu protégées dans
les PLU et PLUI.
L’Androsace lactea.
Préservation en Vercors
PHOTO : PNRV / garderie
PHOTO : Irstea
ADAMONT (Impacts du Changement Climatique et Adaptation
en territoire de Montagne) est une action de recherche pluridisciplinaire qui, de 2015 à 2017, mobilisera le Parc du Vercors et
une équipe d’une trentaine de chercheurs de l’IRSTEA (Institut
National de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture). Agronomes, sociologues, géographes,
économistes, forestiers, écologues ou encore spécialistes des
risques naturels vont croiser les données produites dans le Parc
sous l’angle du changement climatique. Dans le même temps, ils
animeront des ateliers-rencontres sur différents thèmes (agriculture, tourisme, gestion de la ressource en eau...). L’objectif :
recueillir et traduire les pratiques d’adaptation déjà existantes.
De leur côté, les chercheurs de Météo-France, associés au projet,
cherchent à régionaliser les grands scénarios climatiques qui se
dessinent aujourd’hui.
Au final, il s’agira d’apporter aux élus, professionnels et habitants
une véritable boîte à outils, donnant des clés de lecture pour anticiper le changement climatique, et proposer des pratiques d’adaptation. Pourquoi le Parc du Vercors ? Dans les zones de montagne,
les changements liés au climat sont visibles plus vite, si bien que
la montagne devient une véritable sentinelle du changement climatique. Le Parc, partie prenante, a intégré ADAMONT à sa problématique générale de recherche sur le changement climatique
et participe à son animation, en mobilisant les forces vives du
territoire. Un séminaire de lancement a eu lieu le 22 juin dernier,
réunissant sur la journée plus de 90 personnes, chercheurs, élus
et socioprofessionnels du Vercors.
Station météo Jardin
du roi sur la Réserve.
C’est un sol habituellement inondé ou gorgé d’eau douce, salée
ou saumâtre de façon permanente ou temporaire. Il est parfois
proche de cours d’eau avec lesquels il existe des liens étroits.
Appelé aussi zone humide, il en existe une grande diversité :
marais, mares naturelles, tourbières, prairies, plaines alluviales,
landes et forêts humides, lacs, étangs... ; en bordure des côtes :
lagunes, vasières, mangroves...
Les mesures purement climatiques et
hydrologiques sont complétées par l’observation de la progression d’espèces
comme la cigale et le suivi d’espèces
végétales par les éco-gardes du Parc, sous
la responsabilité du Conservatoire botanique alpin. Plantes discrètes, l’Androsace
lactea, le Carex mucronata et le Lichopodium annotinum, une sorte de fougère,
sont devenues toutes trois rares en Vercors et risquent de disparaître du fait du
changement du climat. Côté oiseaux,
plusieurs suivis sont menés tant sur
l’écoute et la présence des espèces que
sur les dates de migration ou de ponte,
notamment avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) et le CREA (Centre
de Recherche des Écosystèmes d’Altitude). Là encore, de grands bouleversements sont attendus. Mais c’est sur la
question de la ressource en eau que
Pierre-Eymard Biron s’interroge le plus.
Un risque de pénurie estivale pourrait
apparaître, non pas du fait de pluies moins
abondantes, mais plutôt d’une moindre
restitution de l’eau hivernale, liée à moins
de neige ou à une fonte plus rapide du
manteau neigeux. « La question de l’eau
se pose directement pour l’ensemble des
activités, du pastoralisme en passant par
le tourisme, mais aussi au quotidien pour
les habitants du Vercors » conclut-il.
Plus d’infos :
sur le site du Parc
http://urlz.fr/2rGa
24
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
Dans le cadre d’un Contrat de Rivière intitulé Vercors Eau Pure II
financé par les collectivités maîtres d’ouvrage, l’Agence de l’eau,
la Région Rhône-Alpes, les Départements de la Drôme et de
l’Isère, le Parc du Vercors réalise avec les collectivités locales un
programme d’actions pour la qualité de l’eau et la préservation
ou la restauration des cours d’eau et des zones humides encore
existantes. Les élus et partenaires se réunissent régulièrement
dans un Comité de rivière pour faciliter les échanges et permettre une concertation locale.
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
PHOTO : PNRV / Mireille Delahaye
PHOTO : PNRV / garderie
Vivre avec le changement
climatique
La Bourne au Pont des Aniers en juillet 2015 pendant la sécheresse, à gauche
une parcelle de prairie humide avec sa végétation très reconnaissable : saules,
épilobes roses, reine des prés blanche, menthes aquatiques, petits joncs.
Les milieux humides en France, en Isère, en Vercors
Ils couvrent environ 5 % du territoire national, soit 2 à 3 millions
d’ha. Selon le Conservatoire des Espaces naturels de l’Isère,
ils représentent 45 400 ha en Isère (6 % du département). Le
Parc du Vercors a recensé (2004) environ 230 zones humides
d’une surface supérieure à un hectare dans le bassin versant
de la Bourne et de ses affluents le Méaudret, la Vernaison, et la
Lyonne, ainsi que sur le Furon et l’Isère soit une superficie d’un
peu plus de 2 400 ha. Un plan de gestion des prairies humides
est prévu par le Parc entre 2015 et 2017, ainsi qu’un inventaire
participatif des zones de petite taille.
Une réserve d’eau douce
Les milieux humides aident à recharger les nappes souterraines. Dans le Vercors, ils ralentissent la « fuite » de l’eau vers
les plaines alentours et assurent une réserve essentielle en
milieu karstique.
Un pouvoir d’épuration qui améliore la qualité de l’eau
Une partie des végétaux inféodés aux zones humides jouent
un rôle de filtres : ils retiennent ou transforment les éléments
nutritifs en excès (nitrates, phosphates), les particules fines et
certains polluants (pesticides).
Ils agissent comme des éponges naturelles
Absorbant les précipitations, ils atténuent la violence des
crues en ralentissant et en stockant les eaux, qu’ils restituent
en période de sécheresse.
Un milieu indispensable à la biodiversité
Ils constituent des habitats privilégiés pour de nombreuses
espèces animales et végétales : en France, l’ensemble des
batraciens et des poissons d’eau douce, une part importante
des insectes et des invertébrés, la moitié des oiseaux et de
nombreuses espèces végétales y sont inféodés.
25
Une équipe, des métiers par Corine Lacrampe
par Laurent Rivet LES PIEDS DANS LE PARC
Énergies participatives
Arrivé sur le plateau du Vercors au printemps 2015, Emmanuel Jeanjean est chargé de mission
Énergie et Mobilité au Parc du Vercors. Il vise un Vercors plus sobre, efficace et renouvelable.
Un peu de technique mais surtout un état d’esprit et une manière de vivre.
S’approprier localement
l’énergie ? Citoyens et élus,
étroitement associés,
ont bénéficié d’un
accompagnement du Parc
pendant 4 ans. La Centrale
Villageoise Photovoltaïque
(CVP) en Gervanne a montré
l’exemple !
Au quotidien, sa mission consiste à sensibiliser les élus des collectivités locales sur ce qui peut être mené dans le domaine de
la maîtrise de l’énergie et de la production d’énergies renouvelables, à leur apporter les informations techniques, financières et organisationnelles. Il qualifie sa mission en termes
de diagnostic, appui, accompagnement et coordination des
initiatives, proche du terrain. Dans le Queyras, la taille du territoire et les projets naissants nécessitaient un accompagnement
systématique. Au Parc du Vercors, qui compte 85 communes,
les choses sont bien différentes : les initiatives sont depuis
longtemps foisonnantes. Impossible d’être partout ! Emmanuel
Vers d’autres aventures
Un coup de chapeau à trois membres de l’équipe
qui partent vers d’autres aventures. Les trente
et quelques années au cours desquelles Serge
Charruau a travaillé au Parc n’ont jamais entamé la
passion qu’il nourrit pour les questions de mobilité
et d’énergie dont il était chargé lors de sa dernière mission. De cette période, il dit retenir le
« superbe » outil d’aménagement, de concertation
et d’innovation en lien avec les élus. Il a choisi
de partir avant l’âge de la retraite pour mener
des projets personnels toujours en lien avec le
territoire. Il nous en dira peut-être plus bientôt…
26
Guy Caullireau, le grand monsieur, vient de
partir à la retraite. Après avoir été instituteur,
régisseur d’expositions au Musée Dauphinois et
garde dans les Parcs nationaux des Écrins et de
la Vanoise, il a arpenté et préservé la Réserve
naturelle des Hauts-Plateaux pendant près
de 20 ans. Aujourd’hui, toujours habitant de
Méaudre où il est né, il a décidé de se consacrer
à ses petits enfants et à ses loisirs préférés, la
sculpture sur bois et le jardinage.
En avril 2007, Marion Rochas devient assistante
des secteurs Agriculture et « Alimentation, Santé
et Territoires ». Dès le début, elle l’avait dit : son
projet personnel était de devenir agricultrice
et elle consacrerait une partie de son temps à
l’élaboration de cet objectif. Le GAEC Ferme
du Pic Saint Michel est né en 2011. Elle a pu
rejoindre à plein temps son mari le 1er janvier
2015. Ils vendent des fromages de chèvre à la
ferme et sur les marchés. Très investie sur le
territoire, Marion est administratrice de l’APAP,
membre du bureau de l’Office du tourisme
de Lans, du comité de pilotage du réseau des
fermes ouvertes « Prenez la clé des champs »…
Plus d’infos : www.chevreriedupicsaintmichel.fr
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
I
nitié en 2011, ce projet de CVP vient
d’être inauguré le 13 juin dernier par
René Druguet, président de la société
Centrale Photovoltaïque Villageoise,
et maire de Plan-de-Baix. Six toitures
recouvertes de panneaux photovoltaïques, intégrés au bâti, viennent d’être
raccordées au réseau électrique. Elles
couvriront la consommation d’environ
50 personnes.
Cette belle aventure est partie d’une
initiative de la Commission Énergie du
Parc du Vercors. Avec une idée en tête,
« produire de l’énergie photovoltaïque de
façon participative et citoyenne plutôt
que de répondre de manière passive aux
sollicitations multiples d’investisseurs »
explique Serge Charruau, alors chargé
de mission Énergie du Parc. Prendre son
destin énergétique en main, en quelque
sorte ! Il est donc décidé de lancer le
projet autour d’un groupe d’élus et de
citoyens de la Gervanne. La question est
complexe. Sans accompagnement, le
risque d’échec du projet reste très élevé.
Entre en scène un deuxième acteur,
Rhônalpénergie-environnement (RAEE).
Experte en la matière, l’association majoritairement soutenue par la Région,
apporte son soutien dans la recherche
de financements (européens, régionaux
et départementaux) mais également
sur toutes les questions techniques et
réglementaires. Un vrai casse-tête car
l’opération est pionnière et ce mode de
fonctionnement participatif perturbe
quelque peu les us et coutumes des
grands acteurs de l’énergie.
Parc et RAEE travaillent de concert avec
le CAUE, l’ADIL (Agence D’Information
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
Discours de René Druguet entouré notamment de Gérard Gagnier, vice-président du Parc du Vercors
et de Jean Serret, président de la communauté de communes Val de Drôme.
PHOTO : Centrales Villageoises Gervanne Raye
Conseil, appui et coordination
Jeanjean se concentre donc sur des projets cohérents pour l’ensemble du Parc
ou sur ceux qui, bien que locaux, sont
fortement innovants.
Depuis six mois en poste, il prend en main
ses premiers dossiers. Il accompagne des
réflexions et des projets collectivités /
habitants pour la production d’énergies
renouvelables. Suite à l’étude initiée par
le Parc en 2013-2014 sur la mobilité et
les transports en Vercors, il projette la
mise en place d’un centre ressource sur
la mobilité en 2016 (sous forme d’un site
Internet). Avec 10 000 déplacements
quotidiens en moyenne entre le Nord du
plateau et l’agglomération grenobloise
et les déplacements très importants en
périodes touristiques, l’enjeu est de taille.
Il faudra aussi faciliter les déplacements à l’intérieur même du
territoire. Plusieurs alternatives à la voiture individuelle se développent : promotion du vélo et de la marche à pied, optimisation
des transports en commun, covoiturage, auto-stop organisé ou
autopartage. Enfin, il prépare pour cet automne la candidature
TEPOS (Territoires à Énergie POSitive) en lien étroit avec les
communautés de communes du Parc. L’objectif est de produire
localement autant d’énergie que celle qui est consommée d’ici
à 2050. Emmanuel précise : « Le taux d’équipement en énergie
renouvelable est important en Vercors. En 2008, par rapport
aux moyennes régionales, il était 3 fois plus important pour le
solaire thermique et 15 fois plus important pour les installations bois énergie. Nous devons aujourd’hui refaire un état des
lieux et nous fixer de nouveaux objectifs déclinés par filières.
La démarche TEPOS va nous y aider. Le Vercors a des atouts :
des ressources naturelles et 20 ans de mobilisation des acteurs
locaux sur l’énergie. »
PHOTO : DR
I
l a débuté sa carrière dans les années 90
au Laboratoire de Glaciologie à Grenoble
et par une mission d’un an en Antarctique. Il travaillait sur les variations climatiques que les glaciers nous enseignent.
Assez vite, il passe de l’analyse des problèmes à la recherche de solutions en
s’orientant vers le domaine de l’énergie.
Il travaille pendant une dizaine d’années
à Rhônalpénergie-Environnement à Lyon et
connaît ainsi bien la région et ses acteurs.
Il a développé des projets sur l’efficacité
énergétique des bâtiments, l’éolien, ou
encore sur l’éducation à l’énergie... Avant
son arrivée au Parc du Vercors, il était en
charge de l’énergie et du climat au Parc
du Queyras. Dans ce parc de haute montagne (de seulement 10 communes), il y
avait tout à faire ! Pendant quatre ans, en concertation avec les
acteurs du territoire, il a élaboré un plan climat énergie visant à
l’autosuffisance énergétique. Il a également lancé un projet de
centrales villageoises avec une dizaine de toitures photovoltaïques.
PHOTO : PNRV / Emmanuel Jeanjean
Pour un Vercors plus sobre en énergie
sur le Logement), ERDF. Un comité de
pilotage voit le jour. Le Parc conduit les
études paysagères et architecturales,
s’implique dans l’animation. Les réunions
avec la population s’enchaînent. « Une par
mois pendant deux ans » précise Carole
Thourigny qui a assuré la démarche participative, « l’objectif était à la fois de
mobiliser, de former aux questions énergétiques, d’avancer étape par étape, pour
créer les bases d’une structure d’exploitation de l’énergie photovoltaïque ».
Dominique Jacques, chargé de mission
RAEE pour le projet résume : « L’idée
n’était pas de transformer les citoyens
en spécialistes mais de les entourer des
meilleurs spécialistes pour faire réussir le
projet et, surtout, qu’il soit reproductible. »
Plus d’infos : www.centralesvillageoises.fr
Focus : Une histoire qui commençait mal
Fin 2009, un grand projet de centrale photovoltaïque porté par le CEA-Liten
divise le plateau. Prévus sur la commune de Lans-en-Vercors, les panneaux
devaient être installés sur une vingtaine d’hectares pris sur la forêt. Le projet
échoue mais la réflexion s’engage. Pour Michèle Eybalin, vice-présidente du
Parc et présidente de la Commission énergie à l’époque, la question ne se
pose pas sur le fond mais sur la forme, « les énergies renouvelables, oui mais
pas n’importe comment ! »
Le Parc veut se doter de principes sur la question de l’énergie : les projets
devront intégrer la participation des citoyens, être au service du développement des territoires dans une logique d’intercommunalité. Ça tombe bien,
dans le même temps, des élus de la Gervanne proposent une idée, celle d’un
projet « territoire et énergie » sur la base d’ateliers participatifs. La dynamique
aboutira, quatre ans après, à la création de la première Centrale Villageoise
Photovoltaïque.
27
VERCORS À VIVRE
VERCORS À VIVRE
De cime en cime
Le topo
Promenade
en raquettes
à Gresse-enVercors
Hommage : 50 anniversaire
de la disparition de Lionel Terray
dans le Vercors
e
réaliser différentes escalades avec l’un de
ses professeurs (membre du Groupe de
Haute Montagne).
Revenu à Grenoble dans la maison familiale pour écrire Les conquérants de l’inutile , il nous livre le récit de sa vie en 1961
(éditions Gallimard). Ce livre est considéré
par beaucoup comme une référence dans
la bibliothèque « montagne ». Michel Guérin, fondateur de la maison d’éditions éponyme spécialisée dans les récits d’alpinisme, entame sa toute nouvelle collection
par sa réédition en 1995.
Au début des années 60, Lionel Terray se
jette à corps perdu dans un entraînement
en escalade à faire pâlir les plus jeunes.
Le 19 septembre 1965, il fait une chute mortelle avec Marc Martinetti (jeune guide très
doué de Chamonix) dans les Arêtes du Gerbier (la fissure en arc de cercle).
Lionel Terray aura marqué l’histoire des
grandes voies du Vercors. Plus encore le
Vercors aura été le lieu du cycle de sa vie
avec ses débuts et sa fin tant regrettée.
50 ans après, en cette année 2015, différents événements à Grenoble et au Gua
ont donné l’occasion de redécouvrir cet
homme d’exception mais aussi les Arêtes
Durée du circuit : 2 h 30
Dénivelé : + 166 m / - 166 m
Distance : 9 km
Niveau : facile à moyen
également accessible :
à pied, à cheval, en VTT
N
500 m
PHOTO : Jean-Louis Bernezat
Cela peut surprendre de parler de Lionel
Terray dans le Vercors !
Lui qui marqua l’alpinisme français d’après
guerre avec une énergie peu comparable
dans les montagnes les plus difficiles (rappelons la 3e ascension des Grandes Jorasses,
2e à l’Eiger, 1res au Fitz Roy, Makalu, Chomo
Lonzo, Annapurna), n’est pourtant pas
étranger à certains sommets du massif.
C’est son enfance grenobloise, rue SaintLaurent, dans la maison familiale accrochée aux pentes de la Bastille, et sa passion naissante pour la montagne qui le
fera venir aux 3 Pucelles dès l’âge de
15 ans. Dans des conditions qu’il qualifiera
lui-même de catastrophiques, il réalise en
tête de cordée l’ascension du couloir
Grange avec des chaussures à clous, passant sans assurance dans la fameuse fissure sandwich ! Il y reviendra deux autres
fois dans des conditions plus honorables
notamment à 20 ans avec Gaston Rébuffat pour ouvrir une variante.
À la fin des années 30, il passe deux
années très heureuses au lycée de Villardde-Lans où l’enseignement déjà orienté sur
les sports de nature lui laisse la possibilité
de former un groupe de randonnée et de
du Gerbier qui voient, depuis 1927, l’évolution et l’attrait toujours vivace de l’escalade et de l’alpinisme.
Bibliographie :
•L
es conquérants de l’Inutile, Lionel Terray,
Éditions Guérin, 1995 (réédition).
• Annapurna, une affaire de cordée,
David Roberts, Éditions Guérin, 2000.
• Le Gerbier-face Est, 2019 m, Manu Rivaud,
Montagnes Magazine, 22/9/2012 :
http://www.montagnes-magazine.com/
topos-gerbier-face-est
• 3 Pucelles : http://hotroc.free.fr/topo63.htm
PHOTO : OT Trièves
À Gresse-en-Vercors,
un jeu interactif sur la Réserve
28
Depuis le mois de juin dernier, une table interactive est installée à l’office
du tourisme de Gresse-en-Vercors, l’une des portes majeures d’entrée sur
la Réserve des Hauts-Plateaux. Première du genre dans le Parc, elle
apporte de nombreuses informations sur la biodiversité de la Réserve.
Alain Rougale, maire de Gresse-en-Vercors, fait remarquer que cette
approche qui réunit connaissance, jeu et modernité, plaît tout autant
aux très jeunes qu’aux anciens. Un éco-garde du Parc du Vercors, David
Leroy, était présent tous les lundis matins en juillet et août pour y jouer
avec les visiteurs et échanger sur les randonnées du secteur. Cette table
interactive et la muséographie associée sont nées d’un partenariat entre
la commune et le Parc du Vercors mis en œuvre par le CPIE.
C’est à voir
Au départ du circuit et pratiquement
tout au long du parcours, contemplez la
vue magnifique sur la chaîne de montagne du balcon est du Vercors, surnommée aussi les Dolomites françaises,
avec le Grand Veymont comme point
culminant.
Le départ de cette balade en raquettes
s’effectue depuis le parking du lieu-dit
« Champ de l’Herse ». Tout en vous laissant guider par le balisage peinture
de la Librairie Mosaïque
Au loin… jadis...
William Henry Hudson, éd. de la Table Ronde, 328 p., 14 €, 2015.
William Henry Hudson, écrivain, naturaliste et ornithologue de
renom est né en argentine en 1841 et décédé à Londres en 1922.
Dans cet ouvrage, écrit à l’âge de 77 ans,
il se remémore ses premières années de
jeunesse passées dans l’hacienda de ses
parents. Les portraits de ses voisins,
riches ou pauvres, de sa famille alternent
avec la description minutieuse des
paysages de la pampa, jusque dans ses
moindres détails, ceux de la flore et de
la faune. Il nous fait revivre avec talent
et sensibilité la naissance de sa passion
pour les oiseaux : un livre tonique et
rafraîchissant.
suivez-les : www.librairiemosaique.fr
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
Après avoir traversé le ruisseau de l’Aulanier, le chemin rejoint la route puis le
« Pas du Bru ».
Une fois à « Combe Rouge », ralliez
« Aux Fayolles » puis « Côte Emblay »,
de là possibilité d’emprunter sur la
droite le chemin qui mène à « Gressette » pour rejoindre ensuite « Girard »
et le parking point de départ de ce sympathique circuit.
La carte - Extrait cartographique issue du carto-guide Promenades et randonnées en
Vercors Trièves, collection PNRV. En vente dans les Offices du tourisme et à la maison du Parc.
Le coup de cœur
Plus d’infos : Office du tourisme - Gresse-en-Vercors - 04 76 34 33 40
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
jaune-vert, vous êtes invités à suivre les
panneaux directionnels en passant par
les lieux-dits « Girard » puis « Côte
Emblay » et « Aux Fayolles ».
À « Combe Rouge », prendre la direction
du « Col de l’Allimas », la vue sur le
célèbre Mont-Aiguille est spectaculaire.
Le retour au « Champ de l’Herse »
s’effectue entre prairies et sous-bois
jusqu’à « Uclaire ».
Conseils de prudence
en montagne
Les risques en montagne sont réels même à basse altitude. Il convient
de toujours prendre quelques précautions :
1.Contacter les services de Météo France montagne et tenir
compte du risque d’avalanche ;
2. Faire appel à des professionnels pour pratiquer le hors-piste ;
3. Dans la mesure du possible, ne pas partir seul ;
4.Bien définir son parcours en fonction de son niveau et de ses
capacités physiques et techniques ;
5.Se munir du matériel adapté : DVA (détecteur de victime d’avalanche). La pelle, le piolet et la sonde sont indissociables et indispensables dès que l’on s’éloigne du domaine balisé et sécurisé des
stations ;
6.Informer son entourage de sa destination et de son heure ou
date de retour présumé ;
7. Veiller à être couvert en responsabilité civile ;
8.Ne pas suivre n’importe quelles traces : elles ne sont pas un gage
de sécurité ;
9.En cas de doute sur la stabilité de la neige, ne passer qu’un par
un, se surveiller mutuellement ;
10.En cas d’accident, prévenir immédiatement les secours, le numéro
d’urgence est le 112.
29
Jaco’Pain
PHOTO : Fabian Da Costa
La boulangerie
café restau bio
Jaco’Pain, c’est une boulangerie bio, mais aussi
beaucoup plus que cela : un lieu d’échanges où
l’on est toujours accueilli avec le sourire. Marielle
Villeneuve et Sylvain Faure ont repris la boulangerie de Saint-Thomas-en-Royans en 1991, et
depuis ils élaborent un pain au levain naturel
avec une cuisson au four à bois. Leur production
est vendue sur place, ainsi que sur les marchés,
les foires et les magasins bio. Depuis 2001, ils ont
agrandi leur boulangerie et proposent également
un coin épicerie, un salon de thé, ainsi qu’une restauration le midi, sur place ou à emporter, à base
de produits bio et locaux. Jaco’Pain accueille
aussi des événements ou des festivals comme
Textes en l’air, Alimenterre ou Les pieds dans le
plat. Un lieu chaleureux et militant, en phase
avec l’âme du Royans…
Sur les contreforts ouest du Vercors, à cheval entre
Drôme et Isère, le Royans est marqué par la présence
de l’eau, qui a façonné des gorges spectaculaires et des
grottes féeriques. Zoom sur ce territoire qui regorge de
richesses touristiques et de produits de qualité.
R
are dans le Vercors central, l’eau s’infiltre dans le sol calcaire et ressort notamment
dans le Royans, où elle a creusé d’impressionnantes gorges comme celles de la
Bourne, des Petits et Grands Goulets (Vernaison), ou de Combe Laval (Cholet). Dans
ces gorges se faufilent de célèbres routes à encorbellement, traits d’union audacieux entre
le Royans et le cœur du Vercors.
En sourdine, l’eau fait aussi entendre sa petite musique, sculptant de belles grottes
comme celles de Choranche ou de Thaïs. La grotte de Choranche recèle des lacs aux
reflets émeraude et de grandes salles constellées de concrétions. Celle de Thaïs, à
quelques mètres sous le village de Saint-Nazaire-en-Royans, présente un intérêt historique car elle fut habitée pendant la Préhistoire. Dans ce village, un aqueduc construit à
la fin du xixe siècle pour irriguer la plaine de Valence avec l’eau de la Bourne permet de
marcher sur l’eau ! Tandis qu’un ascenseur panoramique mène à un déambulatoire à 35
mètres au-dessus du canal. Une croisière en bateau à roue donne l’occasion de naviguer
paisiblement sur l’Isère jusqu’au village de La Sône, avec les falaises du Vercors en toile de
fond. Le Royans abrite un Musée de l’eau, situé à Pont-en-Royans, à l’entrée des gorges
de la Bourne. Un éclairage original de l’eau sous toutes ses formes. Autre curiosité de
Pont-en-Royans, les maisons suspendues au-dessus de la Bourne datent du xvie siècle et
font partie du patrimoine classé.
Territoire fertile car bien irrigué par les eaux du Vercors, le Royans abrite une agriculture
et des produits de qualité, parfois inattendus, dont voici quelques exemples.
30
Domaine Mayoussier
Le vin du Royans
Si l’agriculture du Royans est surtout consacrée à la noix de Grenoble (AOP), le vigneron
Antoine Dépierre a fait le pari de créer un vin
du Royans sur la terre de ses ancêtres, à
Auberives-en-Royans. Le domaine Mayoussier a vu le jour en 2012, faisant revivre une
ancienne tradition viticole locale. Antoine
Dépierre a choisi de planter principalement
des cépages autochtones, comme du viognier et du syrah, en étant le plus proche
possible de la nature : travail du sol avec
l’aide d’un cheval, taille et récolte à la main,
aucun pesticide ni désherbant, et le moins
possible de traitements. Après une première
vendange artisanale en 2014, la deuxième
s’annonce belle cette année, avec environ
4 000 bouteilles de vin blanc et rouge. Un
vin fruité qui a du corps, comme le Royans !
plus d’infos : www.facebook.com/
DomaineMayoussier
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
plus d’infos : www.jacopain.fr
Pisciculture Paol
Les truites bio
de la Lyonne
PHOTO : Jeanne Palay
PHOTO : Sylvain Yver
PHOTO : DR
Le Royans,
entre montagnes
et rivières
photo : Fotolia - MSPhotographic
VERCORS À VIVRE par Jeanne Palay
Installée à Saint-Jean-en-Royans, la pisciculture
Paol est alimentée par la rivière Lyonne, et dirigée par Stéphane Paol depuis 2008. Dans ses
bassins, il fait un élevage bio de truites arc-en-ciel, de truites fario et de saumons de
fontaine. Avec ses six salariés, il s’occupe de tout le processus, depuis la reproduction des poissons jusqu’à la transformation en produits finis : filets fumés, gravelax
(poisson mariné), quenelles, soupes… La particularité de cette pisciculture : le poisson sous vide, qui peut être commercialisé dans toutes les boutiques disposant
d’une vitrine frigorifique (pas besoin d’un banc de glace). Une façon originale de
vendre du poisson qui fonctionne bien !
Le livre
de Terre vivante
L’autoconstruction écologique, Toutes
les clés pour mener à bien son chantier.
C. Philippe Lequenne, éd. Terre Vivante, octobre 2015,
192 pages, 23 € - collection Conseils d’expert.
Rédigé par un professionnel du bâtiment écologique, cet ouvrage fait le point
sur tout ce qu’il faut savoir avant de se lancer dans un projet d’autoconstruction,
totale ou partielle. Des étapes préliminaires (organisation, choix des matériaux,
démarches administratives) au chantier (gros-œuvre, isolation, électricité, chauffage), des cas concrets sous forme de fiches et un témoignage très inspirant
donnent toutes les informations pour débuter un chantier.
La Scop Terre vivante accompagne les particuliers pour vivre l’écologie au quotidien, grâce à des livres, un magazine, et un Centre de formation.
L’idée recette
de Cuisine et passion en Vercors
Tourte vertaco
La tourte vertaco est appropriée à la fraîcheur des dîners de l’automne et de l’hiver.
Les choses simples étant bien souvent les
meilleures, elle est composée d’une simple
garniture de côtes de blettes et de Bleu du
Vercors. La voici pourtant gourmande et
copieuse, savoureuse dans son mélange
savamment dosé.
>
La pâte brisée
300 g de farine
5 g de sel fin
150 g de beurre mou
1 œuf
>
La garniture
5 belles côtes de blettes
200 g de poitrine fumée
1 oignon
200 g de Bleu
du Vercors-Sassenage
50 g de noix
2 pommes
2 œufs
10 cl de crème fraîche
huile de noix
1. Préparer la pâte brisée. Ne pas trop la
pétrir et la garder au frais au moins une
heure.
2. Nettoyer et détailler assez finement les
côtes de blettes (vert et blanc), les faire revenir à feu moyen dans une poêle creuse type
wok avec un peu d’huile de noix. Ajouter les
dés de poitrine fumée et l’oignon émincé.
3. Ajouter ensuite le Bleu du Vercors-Sassenage, les noix grossièrement hachées, les
pommes émincées. Terminer par l’ajout de
2 œufs entiers et la crème fraîche ou du lait
concentré non sucré.
4. Garnir un moule de 24 cm de diamètre
avec les deux tiers de la pâte brisée préalablement étalée.
5. Déposer la garniture à l’intérieur et recouvrir avec le tiers de pâte restant.
6. Dorer avec un jaune d’œuf et cuire
45 minutes à 180° C.
Servir avec une salade.
Plus d’informations sur l’association :
www.cuisineetpassionenvercors.com
plus d’infos : www.terrevivante.org
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
31
VERCORS À VIVRE par Célia Vaudaine
Chaud devant…
Le Vercors demain ?
Le festival « Chaud devant… Le Vercors demain ? » se tiendra pour la première fois
sur le plateau du Vercors du 6 au 13 novembre 2015. Au programme, une série
de manifestations sur le changement climatique et la volonté d’influer
durablement sur les comportements…
Encore en construction, ce programme
est susceptible d’être modifié.
Vendredi 6 novembre
• 20h30 : Cinéma Home de Yann ArthusBertrand suivi d’un débat, entrée libre.
> Organisé par Ciné-Village à la salle des
fêtes de Méaudre.
Lundi 9 novembre
• 19h30 : Visite guidée de l’exposition
Chaud devant ! Le climat demain (réalisée
en 2014 par les élèves de 2de du Lycée Jean
Prévost)
>H
all du lycée.
Les invités de la table ronde sont des scientifiques de renommée internationale, qui ont
contribué à l’élaboration de rapports du
GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) et sont
membres du groupe de travail COP 21-UGA,
qui propose à l’échelle locale des moments
de réflexion, de débat et d’échanges sur les
changements climatiques.
Mardi 10 novembre
• 20h30 : Cinéma Sacrée croissance de
Marie-Monique Robin. La projection sera
suivie d’un débat animé par le CCFD-Terre
Solidaire.
Synopsis : Face à la crise et aux risques
écologiques, il faut repenser de fond en
comble notre modèle de société fondé sur
la croissance. Locales et solidaires, des
solutions alternatives existent. Le nouveau
documentaire de Marie-Monique Robin
témoigne de celles qui vont – peut-être –
orienter notre futur.
Jeudi 12 novembre
• 20h : GrOs déBat – Rencontre participative
Quelles adaptations sur le plateau du Vercors ? Animation Parc naturel régional du
Vercors, CPIE et Cité scolaire Jean Prévost.
> Salle des Fêtes d’Autrans.
2e volet d’un cycle de conférences sur les
changements climatiques, portant sur les
déplacements et les modes de production
et de consommation d’énergie sur le plateau du Vercors.
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
La nature expliquée
aux enfants
par le CPIE Vercors
Le soleil est l’énergie de notre terre, sa lumière et sa chaleur sont nécessaires à la
vie des animaux et des plantes. L’alimentation, notre énergie, en dépend directement. Depuis toujours les hommes essaient de se rendre la vie plus agréable : se
chauffer, cuire ses aliments, s’éclairer et se déplacer. Ils inventent alors des
machines utilisant des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) donc épuisables,
ou nucléaires. Elles sont polluantes voire dangereuses. Les énergies renouvelables
sont inépuisables, non polluantes. Elles utilisent les éléments naturels : soleil,
vent, eau, végétaux et forment cinq familles : le solaire, l’éolien, l’hydroénergie, la
géothermie et la biomasse. Elles constituent des solutions à développer pour
conserver une planète où il fait bon vivre.
CPIE Vercors, association d’éducation à l’environnement mandatée par le Parc.
plus d’infos : Pour économiser l’énergie : www.energie-environnement.ch/maison et
www.parc-du-vercors.fr/themes/cpie/pages/pedagogie/pdf/energie/energie.pdf
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
• Exposition Alerte aux climats
réalisée par l’AGEDEN en partenariat
avec le Lycée Jean Prévost,
27 novembre - 18 décembre.
PHOTO : Olivier de Sépibus
Quatre classes de 2de du Vercors seront
réunies pour travailler et débattre sur les
enjeux liés aux changements climatiques,
via des échanges pédagogiques et des rencontres avec des scientifiques, pour produire des outils de communication et rédiger une résolution par laquelle les élèves
s’engagent et sollicitent des engagements
de la part des responsables politiques.
> Organisé par et au CLAP, Centre culturel
Le Cairn à Lans-en-Vercors.
* Communauté de Communes du Vercors, Région Rhône-Alpes, Ciné Village (Méaudre),Mairies de Villard-de-Lans et d’Autrans, le Clap, CCFD-Terre solidaire (Comité catholique
contre la Faim et pour le Développement), Monde Pluriel, librairie Au Temps Retrouvé, Office de Tourisme de Villard-de-Lans, Ageden (Association pour une Gestion Durable de
l’Energie), Numéricopie, COP 21 UGA (Université Grenoble-Alpes), Maison du patrimoine, Bibliothèque scolaire pour tous, Centre d’Information Inter-Peuples…
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Du mardi 10 au vendredi 13 novembre
Séminaire pédagogique à destination de
classes de seconde.
> Organisation lycée Jean Prévost, Villard-de-Lans.
• Exposition photos de l’expédition
de Pascaline au Groenland dans le village
d’Isérasak, 27 novembre - 18 décembre.
• Série de conférences en partenariat avec
l’UIAD autour du froid et ses « différents
états » dont 2 conférences de Pascaline
Bourgain sur l’observation de la fonte des
glaciers et l’impact sur les populations
locales, 19 septembre 2015 à 20h30
et 3 décembre 2015.
Le Parc naturel régional
du Vercors organise PHOTO : Pascaline Bourgain
Des élèves du Lycée Jean Prévost (Villard-de-Lans) travaillent sur les conséquences des changements climatiques.
• 20h : Table ronde Que savons-nous des
changements climatiques ? avec Sandrine
Mathy, économiste et Thierry Lebel, climatologue. Co-animé par Gérard Figari, Xavier
Saliaris et des élèves du lycée Jean Prévost.
> Amphithéâtre du lycée Jean Prévost.
La Maison du Patrimoine organise Synopsis : Ce concert est une plongée musicale sur les questions du changement climatique. Un spectacle qui nous entraîne
dans un dédale multi-diffusé de voix scientifiques, expertes ou poétiques, de musique
instrumentale et de sons transformés, d’archives sonores et de publicités d’un monde
voué à la consommation.
PHOTO : Lycée Jean Prévost Villard-de-Lans
Organisé par la Cité Scolaire Jean Prévost
(Villard-de-Lans) à la veille de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (Paris, 30 novembre - 11
décembre 2015), ce festival affiche de belles
ambitions : en plus de sensibiliser les élèves
de la cité scolaire et habitants aux changements climatiques, il devrait aboutir à l’élaboration de plans d’actions, de solutions,
voire d’engagements des politiques.
L’équipe organisatrice (Xavier Saliaris, à
l’origine du projet, Anic Chevalier et Valérie Moine, enseignants au lycée Jean Prévost), aidée entre autres de Gérard Figari,
responsable de l’antenne Vercors de l’UIAD
(Université Inter-Âges du Dauphiné), du
Parc naturel régional du Vercors et du CPIE
(Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement), a construit, avec une quinzaine d’autres partenaires*, un programme
alternant conférences scientifiques, débats
participatifs, projections de films, expositions, spectacles…
Autour
du festival
Vendredi 13 novembre
• 20h30 : Clima(x), concert documentaire
par la compagnie Miczzaj qui s’inspire de
la bande dessinée de Philippe Squarzoni,
Saison brune.
> La Coupole, Villard-de-Lans.
• Ateliers sur les impacts du changement
climatique sur les territoires TEPOS du
Syndicat mixte Pays Sud Grésivaudan et
de la Communauté de communes du
Trièves, 3e volet du cycle de conférences,
décembre 2015.
Le Festival International
du Film de Montagne d’Autrans
> 2 au 6 décembre
• La 32e édition du Festival portera sur le
thème « Cimes sonores ». En partenariat
avec le Parc du Vercors, il propose une
soirée spéciale consacrée au réchauffement
climatique, en lien avec la tenue
de la COP21, mercredi 2 décembre 2015
(programmation en cours).
Le CPIE propose • Expositions Hyper-montagne et
Montagne défaite d’Olivier de Sépibus.
Office de tourisme de Lans-en-Vercors,
16 - 30 novembre 2015 puis Montagne
défaite sera installée au Festival du film de
montagne d’Autrans, 2 - 6 décembre 2015
• Une vidéo-projection conférence
avec Olivier de Sépibus sur l’histoire
de l’image de la haute montagne
et la place des glaciers dans l’imaginaire
collectif (lieu non encore défini).
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VERCORS À VIVRE par Célia Vaudaine
photo : Librairie Mosaïque
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plus d’infos : www.librairiemosaique.fr et
www.librairie-autempsretrouve.fr
Octobre 2015 � Le vercors n° 68
pé
plus d’infos :
www.saint-marcellin.fr/ma-ville/culture/evenements-culturels/le-salon-du-livre
http://passeursdhistoires.aufilduvercors.org
http://est-ouest.com
http://livresenscene.fr
Guil
lo
Les mots en balade est un programme qui anime le vaste et
dynamique réseau des bibliothèques de la Communauté de
communes du Trièves depuis
1998, grâce au soutien du
Département de l’Isère. Élaboré
par les bibliothécaires, professionnels et bénévoles, mis en
œuvre par les 3 médiathèques
du Trièves et accessible aux
8 bibliothèques-relais, ce programme propose aux habitants un ensemble d’animations autour du livre (accueil
d’auteurs, lectures, contes, concerts, manifestations), conçu en
partenariat avec les associations locales et, parfois, les territoires
voisins (ex. Festival Est-Ouest). Si les médiathèques sont gérées
par des professionnels, les bibliothèques-relais ne vivent que par
l’action de bénévoles.
Ainsi, la Caverne du livre à Chichilianne fonctionne grâce à une
douzaine de personnes qui montent et conduisent les animations
de l’année. De même à Saint-Michel-les-Portes, un relai dans le
café-bibliothèque associatif Le Pilier Sud est ouvert depuis septembre 2014 à l’initiative d’un groupe d’habitants.
oine
Sur le territoire du Parc du Vercors, Mosaïque à Die et Au Temps Retrouvé à Villard-de-Lans tenues chacune par un couple de libraires,
ont su imposer avec succès leur rôle culturel, leurs projets et leur
identité auprès des lecteurs et des acteurs locaux.
Leur identité quasi militante, c’est celle de la librairie indépendante, parce que le métier ne peut s’envisager autrement : il s’agit
de « rester maître dans le choix des livres que nous présentons, qui
sont les livres que nous aimons » expliquent David Piovesan et
Françoise Teissier, qui ont repris Au Temps Retrouvé en 2012. Ainsi,
aucun livre imposé par les éditeurs, mais une sélection maîtrisée
et assumée. Pour Florence Bermond et Bernard Lelièvre, libraires
de Mosaïque depuis 1990 : « c’est notre rôle de proposer un choix
de lecture exigeant et diversifié, loin des modes, mais aussi de
conseiller, donner notre avis, forcément subjectif d’ailleurs. » On
est donc loin de la standardisation des grands groupes et plus
proche du commerce de proximité où convivialité et écoute du lecteur sont mises en avant. Autre trait de leur identité, l’« engagement local » complète la fonction culturelle et commerciale. Ainsi, Mosaïque s’est
longtemps associée aux événements du
Diois et organisait des événements pour
rapprocher auteurs, livres et lecteurs. De
même, Au Temps Retrouvé multiplie les
animations (rencontres d’auteurs, clubs
de lecture, et bientôt, ateliers d’écriture) et
s’implique de plus en plus dans les manifestations locales (Livres en scène, Festival du film de montagne à Autrans…)
Les mots se baladent
en Trièves
Malgré les baisses de subventions, les manifestations autour du livre
se maintiennent encore, grâce à l’énergie d’acteurs qui ne comptent
pas leur temps. À Saint-Marcellin, Marie-Aimée Roybon, directrice de
la médiathèque, pilote le bisannuel Salon du Livre avec l’équipe
culturelle municipale. Un événement ancré dans le territoire et préparé avec des partenaires locaux : bibliothèques, acteurs culturels,
librairies, écoles, collèges, lycées et bien sûr, des « lecteurs motivés ».
Malgré un public fidèle, la 9e édition (11-13 mars 2016) intitulée
Embarquement immédiat accueillera moins d’auteurs (une vingtaine
au lieu de 30) pour cause de réduction de budget.
D’autres festivals sont plutôt initiés par des groupes de passionnés
de lecture, comme Livres en scène, organisé depuis 2011 sur une
des communes des Quatre Montagnes. Le beau programme préparé par l’équipe propose aux lecteurs de rencontrer sur deux jours
des acteurs du livre – auteurs, éditeurs… (cette année Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014) dans une ambiance résolument conviviale.
L’association Passeurs d’histoires anime quant à elle depuis 2008
une multitude de projets autour du patrimoine et des légendes du
Vercors (expo, livres, animations, balades contées). Le Festival
Est-Ouest, organisé par le théâtre de Die,
célèbre depuis 1989 la littérature des pays de
l’Est (L’Estonie en septembre 2015). Il existe
également un prix littéraire créé en 1999 à
l’initiative du Parc et d’un groupe de documentalistes et de bibliothécaires : le Prix Frisson du
Vercors, décerné par des élèves de 4e sur une
sélection de titres récents.
r/An
t
À l’origine de ces manifestations, on trouve des acteurs locaux,
institutionnels (bibliothèques, médiathèques, collectivités) ou privés (bénévoles, associations, libraires) qui, par leurs actions,
tiennent un rôle important dans le maillage social et culturel
local. En effet, en plus de promouvoir le livre, la littérature et la
lecture, ils s’impliquent dans la vie locale en participant à des événements culturels fédérateurs et contribuent à tisser du lien social.
Il n’est pas facile de mener des projets quand on est une petite
structure avec peu de moyens, ni de maintenir une offre de qualité
face aux baisses de subventions, pas facile
non plus d’être libraire, métier chronophage, face à la concurrence internet…
Mais en Vercors, comme ailleurs, le livre
est un métier de passion, et la passion
décuple les forces et les énergies. Voici un
petit état des lieux non exhaustif.
Libraires en Vercors,
un acteur fort du territoire
photo : DR
Les nombreux événements
et lieux de lecture sur le territoire
du Parc du Vercors témoignent tant
de la vitalité d’un secteur qui,
au niveau national, s’effrite
doucement mais inexorablement,
que de la présence des lecteurs.
plus d’infos : http://mediatheque-cdi-vercors.opac3d.fr
Quelques événements
d’en haut et d’en bas
d. P
icqu
ie
photo : Le Temps retrouvé
À la Chapelle-en-Vercors, la médiathèque n’est pas tout à fait
comme les autres. D’abord parce qu’elle est associée au Centre de
Documentation et d’Information (CDI) du collège Sport-Nature,
avec qui elle partage ses locaux, ses fonds de documents, son temps
d’accueil et son public.
Ensuite, parce que la structure propose des animations qui
dépassent souvent le cadre du livre, quitte à jouer un peu le rôle
de centre culturel : « C’est la seule médiathèque du Vercors Sud et
c’est ici qu’est organisée une partie des événements culturels du
territoire » explique Brigitte Breton, bibliothécaire. En effet,
l’agenda préparé avec une équipe de bénévoles très active et des
acteurs locaux propose des lectures contées, des « soirées
pyjama » (lecture en veillée avec des enfants), des thés d’été (lectures sur les marchés), des animations à destination des collégiens (préparées avec le professeur documentaliste et des enseignants), mais aussi des expositions, de la danse ou des spectacles
via la Comédie itinérante de Valence avec qui la Communauté des
Communes du Vercors (dont dépend la médiathèque) a établi un
partenariat. Question organisation, « ce n’est pas toujours simple
à gérer » confie Brigitte Breton, mais nous tenons à cette offre
large et variée, possible grâce à l’énergie des bénévoles ».
pho
to :
É
Aux livres, citoyens !
photo : Médiathèque du Vercors
De la lecture publique
à l’animation culturelle
plus d’infos : https://trievesculture.wordpress.com
www.cc-trieves.fr - www.chichilianne.fr/spip.php?article148
www.trieves-vercors.fr/mediatheque-du-percy.html
Le vercors n° 68 � Octobre 2015
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