OE 3 La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation
Séquence 2 (utopies, dystopies et uchronies)
Texte 2 – George Orwell, « Appendice sur le novlangue », 1984
Orwell est un homme de gauche qui s’est inquiété face à l’évolution des sociétés sous la domination de l’URSS
pendant la guerre froide (voir la vidéo « Alchimie d’un roman » sur 1984 pour la présentation de l’œuvre).
Problématique : comment l’auteur s’y prend pour dénoncer la société contemporaine ?
I. Un texte explicatif en argumentation indirecte
a. Un exposé qui suit un plan ordonné (détailler les sous-parties successives, leur thème et leur(s)
argument(s))
b. L’auteur démontre le lien entre l’appauvrissement du vocabulaire et de la pensée critique (donner
des citations). Nommer les choses, c’est pouvoir les concevoir. Avec peu de vocabulaire, le
champ de la réflexion se retreint. En modifiant les connotations attachées à un mot, on peut
manipuler la pensée (Miniver, komintern, etc.)
c. L’auteur démontre le lien entre l’appauvrissement de la grammaire et de la pensée complexe
(donner des citations). Avec une grammaire simplifiée, les distinctions fines deviennent
impossibles et les nuances disparaissent.
d. Le dernier paragraphe est la conséquence que l’auteur tire des paragraphes précédents. En
traduisant les grands textes de la littérature en novlangue, on les dénature complètement. La
littérature est, par essence, la langue qui exprime une pensée nuancée et complexe. Si la
novlangue domine, il n’y aura plus de littérature et le patrimoine du passé ne sera plus transmis
aux générations futures.
II. Un texte inséré dans une argumentation indirecte
a. L’Angsoc : parti unique qui règne sur la société dystopique décrite dans le roman. Il s’inspire
largement du pouvoir centralisé de l’URSS. Il s’inspire aussi du parti unique nazi durant le IIIe
Reich. L’analyse du novlangue décrit en grande partie la façon dont le langage était utilisé par
la propagande officielle par ces deux Etats totalitaires (voir les références dans notre texte).
b. Ce roman n’est pas qu’une dystopie qui s’appuie sur le passé. Elle est destinée à nous mettre en
garde contre l’avenir. Il s’agit de réfléchir aux utilisations idéologiques du langage. Connaissez-
vous des utilisations similaires du vocabulaire aujourd’hui ? Donnez vos propres exemples.
III. Un texte littéraire qui parle de littérature
a. Un texte qui critique une langue nouvelle dans une langue qui va disparaître. Le texte original
dont nous lisons la traduction a été écrit en anglais. Dans le roman, l’anglais est appelé
« ancilangue » (ancienne langue). C’est un paradoxe intéressant que le novlangue soit décrit en
ancilangue. Le texte que nous lisons serait donc formellement interdit dans la société de 1984 et
serait une cause d’emprisonnement et de torture pour son auteur comme pour le lecteur. Le texte
se présente donc comme un texte fondamentalement subversif.
b. C’est un texte qui annonce la fin de la littérature. Il comporte donc une dimension fortement
pessimiste. Etant donné la façon dont il est écrit, sa façon de remettre en question les utilisations
bonnes et mauvaises de la langue, ce texte apparaît comme le dernier texte littéraire au sein du
roman.
c. Mais, par un renversement de perspective, ce texte défend la littérature puisqu’il dénonce les
manipulations de la pensée par la manipulation du langage. En outre, c’est un texte qui figure à
l’intérieur d’un roman, c’est-à-dire à l’intérieur d’un texte littéraire. En apparence, ce texte
annonce la fin de la littérature, à un deuxième niveau de lecture, il prouve par son existence le
triomphe de la littérature sur toutes les tentatives pour étouffer la pensée critique. Il nous fait
réfléchir.
Conclusion : faire le bilan et ouverture possible : le « novlangue » est une expression qui a fait florès. On entend
des journalistes ou des hommes politiques l’utiliser encore de nos jours pour dénoncer les tentatives sournoises de
manipulations de la pensée critique.