Diagnostic biologique d`une anémie hémolytique acquise non

Hématologie biologique (Pr Marc Zandecki) Faculté de Médecine CHU 49000 Angers France
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MAJ : janvier 2005 Page 1 sur 5
Diagnostic biologique d’une anémie hémolytique
acquise non immunologique
Sommaire :
- définition
- présentation clinique peu spécifique, avec 2 aspects différents
- diagnostic biologique
- diagnostic étiologique
- diagnostic différentiel
- hémoglobinurie nocturne paroxystique (HNP) : voir « aplasies médullaires »
1. Définition
AH extracorpusculaire : destruction prématurée de GR par ailleurs normaux par une agression
extérieure à l'hématie
[Une exception (= AH corpusculaire acquise) : l’hémoglobinurie nocturne paroxystique
correspondant à une anomalie acquise de la cellule souche]
2. Présentation clinique peu spécifique, avec 2 aspects
différents
- Pâleur, asthénie, ictère +/- marqué et urines foncées (= excès d’urobiline) = correspond à
une hémolyse chronique
- Température élevée avec frissons, malaise intense, nausées, douleurs abdominales,
douleurs lombaires, pâleur intense et signes d’anémie aiguë, état de choc pouvant précéder le
coma = correspond à une hémolyse aiguë, intravasculaire, avec grand caractère d’urgence,
car risque majeur d’insuffisance rénale qui définit le pronostic immédiat.
Parfois le diagnostic sera évoqué devant un ictère ou la découverte d’urines foncées ou
rouges (hémoglobinurie), l’exploration d’une insuffisance rénale aiguë, de manifestations
hémorragiques au cours d'une CIVD
3. Diagnostic biologique
3.1. Dans le cadre d’un accident hémolytique aigu
Hémogramme: Anémie normochrome normocytaire ; régénérative seulement 48h après le
début de la crise. (peut devenir macrocytaire ensuite si grand excès de réticulocytes);
En cas d’hémolyse intense, présence d'érythroblastes dans le sang circulant. Toujours bien
observer la morphologie des hématies
Hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et petite myélémie si hémolyse massive
Plaquettes : nombre variable souvent un peu augmenté, parfois diminué si CIVD associée.
Myélogramme : pas utile (montrerait une moelle riche avec hyperplasie érythroblastique plus
ou moins forte)
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Biochimie : teinte rose rouge du plasma dans les premières heures (hémoglobine libre
plasmatique) puis brun 12 à 24 heures après (methémalbumine)
Hyperbilirubinémie libre : comme pour les réticulocytes, apparaît dans les 48H qui suivent la
crise hémolytique aiguë
Hémoglobinémie libre plasmatique, supérieure à 100mg/l
Haptoglobine effondrée (transporte l'Hb libre vers les macrophages) ; chute également de
l’hémopexine
Augmentation des LDH (hémolyse), du fer sérique, de la ferritinémie
Dans les urines : hémoglobinurie (à différencier de l’hématurie, où les GR sont intacts après
examen microscopique et compte d’Addis) ; hémosidérinurie secondairement (1-3 semaines)
Signes de l’insuffisance rénale (ionogramme sanguin, créatinine..)
Bilan d’hémostase : recherche de CIVD
3.2. Quand l’hémolyse est chronique
L’anémie est parfois absente, compensée par le nombre plus élevé de réticulocytes ;
bilirubine libre, LDH, fer sérique et ferritinémie sont augmentés ; haptoglobine normale ou
diminuée
4. Diagnostic étiologique
4.1. Causes infectieuses :
- Paludisme
primo-invasion ; fièvre bilieuse hémoglobinurique
hémoglobinémie et hémoglobinurie conduisent à l’anurie
Voir le document spécifique concernant le paludisme
- Babésiose (rare)
Maladie aiguë fébrile qui ressemble au paludisme, en général d’intensité moyenne sauf chez le
splénectomisé où l’hémolyse est aiguë et sévère.
B microti et B divergens s’observent dans les hématies du frottis sanguin. La maladie
(habituellement du bétail) est liée à des piqûres de tiques (réservoir = rongeurs) (infection du
bétail atteignant l’homme après)
- Infection à Bartonella (surtout en Amérique du sud). Piqûre par phlébotomes. Les B sont
des coccobacilles adhérents aux GR.
- Trypanosomiase (maladie du sommeil en Afrique). AH normochrome normocytaire
régénérative. Le test de Coombs direct est parfois positif. Le diagnostic est réalisé en
recherchant le parasite sur le frottis sanguin ou sur une goutte épaisse. Des tests
immunologiques d’orientation existent également.
- Septicémie à Clostridium perfringens (suite d'avortements, d’infections biliaires ou
digestives: tableau d’hémolyse aiguë avec insuffisance rénale)
- Autres infections bactériennes. De nombreuses infections sévères (septicémies)
peuvent induire une AH, soit indirectement (AH par fragmentation de type SHU ou en
association avec une CIVD) soit par effet direct ou libération d’un composant hémolytique
(streptococcus)
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- Infections virales : CMV par une action toxique pure et réaction immunitaire avec
formation d’auto anticorps
4.2. Causes toxiques chimiques et médicamenteuses
- action lipolytique : saponine, benzène, toluène
- agents oxydants. Les sulfones, la phénacétine, le cisplatine, mais aussi divers produits
toxiques (phénol, naphtaline des boules à mites, chlorates, nitrates, colorants à base d’aniline)
peuvent oxyder directement l’hémoglobine, ou agir indirectement (réaction avec l’oxygène du
GR et formation de peroxydes en excès, dépassant les possibilités de détoxification par le
système du glutathion). L’Hb précipite en methémoglobine. Par ailleurs dans le déficit en G6PD
ou en enzymes du métabolisme du glutathion, la sensibilité aux toxiques oxydants est
fortement accrue.
Dans ces situations les hématies peuvent être anormales : une région apparaît désagrégée
(hématie mordue ou bite cell) ou vacuolée (zone d’hémoglobine coagulée qui a laissé libre une
région sous la forme d’une vacuole = semi-fantôme ou hémi ghost). En présence de bleu de
crésyl brillant les précipités de metHb sont visibles sous forme de grosses ponctuations
violettes dans les GR.
Les sels de cuivre ont une action comparable (sulfate de cuivre, sels de Cu des bains
d’hémodialyse) ; la maladie de Wilson présente une AH
- intoxication par le plomb : anémie hémolytique chronique au cours de laquelle le plomb
inhibe 2 enzymes mitochondriales (voir enseignement sur les « anémies sidéroblastiques »).
La maladie peut avoir une présentation aiguë ou chronique
- inhalation d’hydrogène arsénié (industrie) : AH intra vasculaire sévère avec
vomissements, douleurs abdominales, insuffisance rénale aiguë. Mortelle dans 20% des cas
- Morsure d’araignées. La lésion oedémateuse douloureuse et nécrotique localisée peut
être suivie de manifestations systémiques avec AH sévère (venin induisant une CIVD).
- Morsure de serpents. Plusieurs serpents ont un venin à effet neurotoxique, hémolytique,
et/ou activant la coagulation
Les piqûres d’abeilles s’en rapprochent (mortelles si > 10 dans le même temps) ; risque
également de choc anaphylactique
- champignons (amanite phalloïde)
4.3. Causes physiques
- brûlures étendues. L’hémolyse survient rapidement après exposition à une température de
plus de 47°C: éclatement des hématies produisant des microcytes, des schizocytes et des
microsphérocytes. L’anémie est parfois sévère, difficile à préciser dans le cadre de la
réanimation l’état de choc, la perte liquidienne et l’hémoconcentration.
- gelures majeures
4.4. Situations liées à une fragmentation des hématies
Rupture directe des hématies par choc sur un obstacle.
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Sur les frottis sanguins on observera des schizocytes (seuil de positivité = 1%), divers débris
érythrocytaires, des microsphérocytes
4.4.1. Maladies cardio vasculaires.
Prothèses ou valves aortiques, chirurgie extracardiaque, patch artériel
Altérations vasculaires : courants tourbillonnaires, rétrécissements, coarctation de l’aorte.
4.4.2. Microangiopathies thrombotiques
Des lésions endothéliales des petits vaisseaux créent une obstruction à la circulation
sanguine et des turbulences, génératrices de fragmentation des GR. On distingue
classiquement 2 formes :
Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) du jeune enfant, présente la triade
typique : anémie hémolytique microangiopathique, thrombopénie, insuffisance rénale aiguë.
Fait souvent suite à un épisode infectieux, avec gastro-entérite. Une relation a été établie
avec les E coli producteurs de vérotoxines, ou VTEC, le sérovar dominant dans les isolements
étant O157 :H7. C’est la première cause d’IRA chez l’enfant de 1 mois à 3 ans. L’infection à
VTEC est confirmée par l’isolement des souches dans les selles ou la détection par PCR des
gènes codant pour les vérotoxines, ou une réponse Ac positive (IgA, IgM) anti-LPS d’un des
sérogroupes testés. Le diagnostic nécessite un bilan d’AH avec recherche de schizocytes et
un bilan d’hémostase. Souvent spontanément régressif, la surveillance de la fonction rénale et
de l’hypertension artérielle sont majeurs pour le pronostic
Le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) ou syndrome de
Moschowitz plus souvent observé chez l’adulte : femmes jeunes, fièvre, symptômes
neurologiques autant que troubles digestifs (survient chez des sujets sains, ou
secondairement un cancer métastasé, la prise de médicaments (cyclosporineA), l’infection
VIH, …)
4.4.3. Une fragmentation des hématies est également observée dans des
tableaux apparentés au SHU/PTT :
- microangiopathies induites par les médicaments (mitomycine C, tamoxifène, tacrolimus,
cyclosporine A
- microangiopathies associées à une transplantation d’organe : rein, foie, moelle osseuse. La
cyclosporine A peut avoir un effet amplificateur
4.4.4. Causes diverses
- CIVD
- Au cours de la grossesse et du post partum (HELLP syndrome, toxémie gravidique, pré
éclampsie et éclampsie)
- hémangiomes géants
- hémoglobinurie de marche
- au cours de diverses maladies il a parfois été rapporté une hémolyse: périartérite noueuse,
LEAD, Syndrome de Kawasaki, HTA maligne
- Autres situations. Au cours des maladies hépatiques (voir ce chapitre dans « manifestations
hématologiques en pathologie hépatique), au cours de l’hypersplénisme, des maladies rénales
((voir ce chapitre dans « manifestations hématologiques en pathologie rénale), après chirurgie
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cardiaque (circulation extracorporelle) il a été rapporte une composante hémolytique, souvent
modérée, parfois franche.
5. Diagnostic différentiel
Sur la présentation clinique: urgence chirurgicale abdominale, infections avec
hépatonéphrite et insuffisance rénale, anémie hémolytique congénitale ou acquise
immunologique
L’interrogatoire sera très utile pour préciser :
Antécédents familiaux ou personnels
Médicaments
Transfusion sanguine récente
Maladie infectieuse intercurrente
Maladie auto immune
Prise ou exposition à des toxiques
Séjour à l'étranger
Sur des caractéristiques biologiques : électrophorèse de l'hémoglobine, résistance
osmotique des hématies, test de Coombs direct, dosage d’enzymes érythrocytaires
Sur l’examen du frottis sanguin : découverte d’anomalies érythrocytaires (schizocytes,
sphérocytes, inclusions parasitaires)
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