Pyruvate kinase

publicité
Pyruvate kinase
Le déficit en pyruvate kinase (PK) érythrocytaire est le
plus fréquent des déficits enzymatiques affectant la
glycolyse dans le globule rouge. C’est une affection
héréditaire transmise sur le mode autosomique récessif
qui est responsable d’une anémie hémolytique chronique chez les sujets homozygotes ou hétérozygotes
composites.
Structure
La PK érythrocytaire est un homotétramère constitué
de 4 chaînes de 574 acides aminés et dont la masse
moléculaire est d’environ 235 kDa.
Chez l’homme, la PK existe sous 4 isoformes codées par
deux gènes :
• le gène PK-M (situé sur le chromosome 15 en q22),
qui code pour la PK-M1 musculaire et la PK-M2 ubiquitaire grâce à un mécanisme d’épissage alternatif ;
• le gène PK-LR (situé sur le chromosome 1 en q21),
qui code pour la PK-L hépatocytaire et la PK-R érythrocytaire. Ces deux enzymes sont produites grâce à
deux promoteurs tissu-spécifiques.
Dans les hématies, l’isoforme R remplace progressivement l’isoforme M2 présente dans les précurseurs érythroblastiques.
Fonction
Dépourvu de noyau et de mitochondries, le globule
rouge parvient à conserver son intégrité cellulaire pendant environ 120 jours grâce à la glycolyse anaérobie.
Le passage du glucose à l’acide lactique s’effectue principalement (90 %) par une chaîne enzymatique qui
porte le nom de voie d’Embden-Meyerhof. Cette voie
métabolique, qui comporte une dizaine d’enzymes,
fournit, sous forme d’ATP, toute l’énergie nécessaire au
maintien de l’intégrité structurale et fonctionnelle de la
cellule.
La PK catalyse la dernière étape de cette voie, la conversion du phosphoénol pyruvate (PEP) en pyruvate couplée à la production d’ATP.
La PK est un exemple d’enzyme allostérique : elle existe
sous deux configurations et sa cinétique de fixation du
PEP est une courbe sigmoïde.
Déficit
La plupart des déficits en PK sont dus à la synthèse
d’une enzyme qui présente des propriétés physiques ou
cinétiques anormales. Plus rarement, il peut s’agir d’un
déficit ou d’une absence de synthèse de la protéine.
Une des conséquences de ce déficit est de bloquer la
voie métabolique et donc de diminuer la synthèse
d’ATP ; cela a des répercussions sur le maintien des
fonctions membranaires. Le résultat en est une impossibilité pour les hématies de traverser les sinusoïdes spléniques, d’où une hémolyse locale particulièrement
importante. Les tableaux d’hémolyse chronique sont
souvent améliorés par la splénectomie. L’autre conséquence est l’accumulation des métabolites produits en
amont. C’est notamment le cas du 2,3-DPG, dont la
présence en excès diminue l’affinité de l’hémoglobine
pour l’oxygène, ce qui est à la fois responsable d’une
anémie mieux tolérée et d’un défaut de stimulation de
l’érythropoïèse.
— Manifestations cliniques
Le déficit en PK érythrocytaire est dû à des mutations
du gène PK-LR. L’expression du gène PK-LR étant
tissu-spécifique, l’anomalie ne s’exprime que dans les
érythrocytes.
À l’état hétérozygote, l’activité enzymatique est la moitié de la normale et le déficit est parfaitement bien
toléré. Seuls les sujets homozygotes ou hétérozygotes
composites sont malades.
Le tableau clinique consiste en une anémie hémolytique
chronique plus ou moins importante (en général modérée) pouvant aller d’une forme à début néonatal sévère,
nécessitant l’exsanguino-transfusion puis de multiples
transfusions, à une hémolyse parfaitement compensée
chez un adulte sain. Chez l’enfant, l’anémie a tendance
à s’améliorer avec l’âge, pour disparaître dans certains
cas. Chez l’adulte, le degré de l’anémie est stable.
L’hémolyse peut être exacerbée par différentes agressions (infections, grossesse). On retrouve généralement
une splénomégalie.
Parmi les complications habituelles, on retrouve un
risque élevé de lithiase biliaire et de surcharge en fer.
Seuls d’exceptionnels cas de mort fœtale in utero avec
hydrops foetalis ont été rattachés à un déficit en PK.
— Variants de PK érythrocytaire
Environ 150 anomalies impliquées dans des syndromes
hémolytiques ont été caractérisées au niveau moléculaire sur le gène PK-LR. Le plus souvent, il s’agit de
mutations privées. Il existe cependant un petit nombre
de mutations récurrentes. En l’absence de consanguinité, les patients sont le plus souvent des hétérozygotes
composites.
La plupart des déficits en PK ont été décrits chez les
Européens du Nord, aux États-Unis et au Japon, mais
l’anomalie est ubiquitaire. La fréquence de l’anomalie
à l’état hétérozygote dans la population générale a été
évaluée à environ 1 à 2 % par la plupart des études.
On reconnaît deux catégories de variants possibles :
• ceux donnant une enzyme instable et qui présentent
une activité très abaissée (10 à 30 % de la normalité) ;
• ceux donnant une enzyme stable à cinétique perturbée in vivo et dont l’activité in vitro peut être mesurée
jusqu’à 60 % de la normale.
— Traitement
Aucun traitement spécifique n’est capable d’augmenter
l’activité PK in vivo.
Les transfusions sont parfois nécessaires, surtout chez
l’enfant quand l’anémie est mal tolérée. La splénectomie
peut être proposée après l’âge de 5 ans : elle n’empêche
pas l’hémolyse, mais permet de réduire les besoins
transfusionnels en augmentant le taux d’hémoglobine.
Diagnostic biologique
Le diagnostic biologique est évoqué devant une anémie
hémolytique avec bilirubine libre augmentée et haptoglobine abaissée. Le taux de réticulocytes est généralement peu élevé avant splénectomie, et il n’est pas
proportionnel à l’intensité de l’anémie, contrairement à
ce qui est observé dans les autres anémies hémolytiques.
Sur le frottis, outre l’anisocytose et la polychromatophilie, on peut parfois noter la présence d’échinocytes en
proportion variable (3 à 30 %).
Le diagnostic différentiel repose sur l’élimination d’une
hémolyse autoimmune (test de Coombs direct normal),
d’une hémoglobinopathie ou d’une maladie de la membrane érythrocytaire.
Le diagnostic de déficit est généralement possible avec
le dosage de l’activité enzymatique.
— Dosage enzymatique
Il doit, toujours être pratiqué à distance d’une transfusion.
La mesure est réalisée sur un hémolysat préparé après
lavage soigneux des érythrocytes. L’élimination préalable des leucocytes est une étape essentielle, car le taux
de PK-M2 dans les leucocytes n’est pas affecté dans
les variants hémolytiques ; en outre, les leucocytes
contiennent des taux de PK environ 300 fois plus élevés
que les hématies.
Le dosage utilise la transformation du PEP en pyruvate
par la PK de l’hémolysat. Le pyruvate est ensuite trans-
formé en lactate par la LDH en présence de NADH,
H+. La diminution de densité optique observée à
340 nm est proportionnelle à l’activité PK présente dans
l’échantillon et s’exprime en UI par gramme d’hémoglobine dans l’hémolysat. Les valeurs usuelles sont de
l’ordre de 6 à 8 U/gHb.
L’activité mesurée est souvent assez élevée, de 5 à 25 %
de l’activité normale pour la plupart des variants. La
profondeur de l’anémie n’est pas liée à la sévérité du
déficit mesuré in vitro.
Certains patients déficitaires peuvent présenter des taux
normaux, voire augmentés. Différentes raisons peuvent
être évoquées :
• un taux de réticulocytes élevé peut masquer la présence d’un variant instable ;
• l’isoenzyme M2, ubiquitaire, peut être exprimée dans
les hématies de certains patients, contribuant à l’activité mesurée ;
• les variants présentant une cinétique anormale et inefficiente in vivo peuvent présenter une activité catalytique normale ou augmentée dans les conditions
optimales et artificielles du dosage in vitro.
Il est toujours important de pouvoir comparer la valeur
trouvée à celle d’une autre enzyme de la glycolyse, afin
d’éviter de considérer comme normale une valeur
accrue par une forte réticulocytose ou, au contraire,
comme un déficit une valeur basse résultant d’un
échantillon mal conservé.
En cas de déficit supposé, il est fortement recommandé
de répéter l’examen sur un second prélèvement pour
confirmer le résultat et de réaliser une enquête familiale
pour rechercher l’anomalie à l’état hétérozygote chez
les autres membres de la famille. Les sujets hétérozygotes présentent des taux généralement diminués de
moitié, mais il existe un recouvrement important avec
les taux normaux.
Il a également été décrit de rares cas (2 familles)
d’hyperactivité PK dont la transmission est autosomique
dominante et qui peut être associée à une polyglobulie.
Biologie moléculaire
Les tests de biologie moléculaire ont supplanté
l’approche protéique des variants. Ils sont utilisés pour
caractériser les mutations par séquençage et sont également très utiles dans les études familiales pour permettre le diagnostic prénatal.
☞
(
Glucose-6-phosphate-déshydrogénase
Glader B.
Hereditary hemolytic anemias due to enzyme disorders.
In : Mentzer WC, Wagner GH.
Wintrobe’s clinical hematology.
Philadelphia : Lippincott Williams & Wilkins, 2004 ; pp. 1115-1140.
Zanella A, Fermo E, Bianchi P, Valentini G.
Red cell pyruvate kinase deficiency : molecular and clinical aspects.
Br J Haematol 2005 ; 130 : 11-25.
Téléchargement