Yann Le Flour
D E
L’ O N T O L O G I E
A
L’ E T H I Q U E
Master 1 Philosophie
Septembre 2006
2
T A B L E D E S M A T I E R E S
INTRODUCTION p.3
I. L’EXISTENCE ET L’ETRE p.8
II. LA PRESENCE DE L’ETRE EN L’HOMME p.9
III. LES CAUSES DE LA TENDANCE DE L’ETRE A DISPARAÎTRE p.11
L’être n’est pas un étant
L’être = néant
L’être n’est pas concevable
Petite digression sur la place de l’être dans le langage
IV. LE DEVOILEMENT DE L’ETRE EN L’HOMME p.15
L’expérience de l’être
L’angoisse
L’interrogation
L’étonnement
V. LES CARACTERISTIQUES DE LA RELATION ABSOLUE p.21
Le Désir
L’altérité de l’être
La relation absolue
VI. DE L’ONTOLOGIE A L’EXISTENCE p.28
L’existence, mouvement infini vers « l’ailleurs »
La finitude
L’ambiguïté de l’existence
CONCLUSION p.36
Le retour à l’éthique
Ouverture…
Pour finir, un mot sur l’éthique dans la philosophie
Bibliographie p.42
3
I N T R O D U C T I O N
« Tout art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix,
tendent vers quelque bien, à ce qu’il semble. Aussi a-t-on déclaré avec raison que le
Bien est ce à quoi toutes choses tendent »
1
. Aristote affirme, dans son Ethique à
Nicomaque, qu’il y a un souverain bien vers lequel toutes choses tendent. Wittgenstein,
reprenant la définition que Moore donne dans ses Principia Ethica, fait de l’éthique
« l’investigation générale de ce qui est bien »
2
. L’éthique s’occuperait donc de ce à quoi
toutes choses tendent, l’éthique traiterait de la fin dernière de toutes les occupations
humaines. C’est ce que nous affirmons en posant que le problème éthique est le
problème le plus important.
Que signifie cette affirmation ? Par problème éthique, ou question éthique, nous
entendons principalement la question du « bien vivre » (et c’est en ce sens que nous
pouvons aussi parler, à la suite de Wittgenstein, d’ « esthétique »
3
). En effet, il nous
semble que le problème éthique peut se résumer à ces questions : Quelle vie vaut d’être
vécue ? Que dois-je faire pour remplir mon existence ? Comment être heureux ? etc.
Même les questions se rapportant à la nature ou à l’origine du bien, comme les
questions sur les normes et les devoirs moraux se rapportent au problème du « bien
vivre », car elles prétendent nous donner des repères pour guider nos actions, c'est-à-
dire pour vivre d’une certaine manière. Quand nous parlons du « bien vivre », nous
utilisons une formulation intentionnellement floue, qui finalement peut être interprétée
de différentes manières, bien qu’au fond chacun sache pertinemment de quoi nous
voulons parler. Elle fait partie de ces interrogations que tout le monde se pose à un
certain moment ou tout au long de sa vie, sans comprendre véritablement ce qu’elle
signifie vraiment, mais tout en ayant conscience de son poids. Les questions qui en
découlent le plus souvent sont celles que nous avons exposées à l’instant, mais le
problème du bien vivre se traduit dans bien d’autres questions et soucis quotidiens, et
occupe une place que nous soupçonnons à peine dans toutes nos actions, pensées, et
1
Aristote, Ethique à Nicomaque, trad. J. Tricot, Vrin, Paris 1990, p.31
2
Wittgenstein, Conférence sur l’éthique, in Leçons et Conversations, Gallimard, Paris 1992, p.143
3
L. Wittgenstein, Carnets 1914 1916, Gallimard, Paris, 1993, p.146
(Cf aussi Tractatus Logico-philosophicus, 6.421)
4
décisions journalières. En réalité, nous affirmons que le problème du bien vivre est à la
base de tout ce que l’homme entreprend, la fin ultime même si elle est comme telle le
plus souvent inconsciente de chaque réalisation humaine. En effet, pourquoi faisons-
nous tout ce que nous faisons ? Il y a toujours des raisons, des bonnes comme des
mauvaises, des bonnes la plupart du temps, des sincères aussi, mais ces raisons ne sont
jamais tout à fait exactes. Toutes les raisons que nous pouvons donner pour chacun de
nos agissements sont en alité des illusions ou des prétextes nous affirmons qu’au
fond, c’est le problème du « bien vivre », le problème éthique qui en est, directement ou
indirectement, le moteur. Tout ce que nous faisons, nous le faisons parce que nous
pensons que c’est bien, que c’est ce qu’il faut faire. Ce qui est bien, ce qu’il faut faire,
c’est ce dont s’occupe l’éthique. Et comme tout repose sur l’éthique, la question éthique
est la question la plus importante.
Nous voulons alors nous occuper d’éthique. Résoudre le problème le plus
important, répondre à la question sur laquelle reposent fébrilement toutes les actions
humaines, telle est notre prétention maintenant. Nous voulons tenter d’offrir à notre
tour des réponses à la question du « comment vivre ? », ou tout au moins des pistes
pour aider l’être humain à s’orienter dans son existence. L’enjeu de ce travail est donc
tout d’abord éthique.
Pourtant il ne sera que très peu question d’éthique dans ces pages. Nous ne
voulons pas nous concentrer sur telle ou telle théorie morale déjà existante, ni en
proposer de nouvelle. Nous ne voulons pas nous attacher à défendre telle ou telle
valeur, ni en chercher de nouvelle. Nous ne voulons pas imposer de normes. La
philosophie a été féconde en théories morales tout au long de son histoire. D’aucun
proposent même de faire de la philosophie tout d’abord une éthique. Même si nous ne
rejetons pas cette idée, et même projetons de lui redonner un sens nouveau, il convient
de rester prudent sur les prétentions de la philosophie comme science et de ne pas être
dupe de la légitimité et de l’autorité des théories morales. D’ailleurs, la stérilité de la
philosophie en matière de connaissance n’a d’égal que l’infécondité des théories
morales. Car malgré leur prolifération et leur diversité, quelle théorie a déjà prouvé sa
véracité absolue ? Quelle théorie a déjà fait l’unanimité, quelle théorie résout
5
véritablement le problème éthique ? Si on peut dire que les réponses au problème
éthique sont aussi nombreuses que les vies vécues, elles sont néanmoins inexistantes
sous la plume des philosophes, et les hommes continuent de vivre selon leur inspiration,
du mieux qu’ils le peuvent, tandis que les philosophes continuent inlassablement de
travailler aux théories morales. Sans doute en vain, car on peut se permettre de porter
des doutes quant à l’efficacité des théories morales si plus de deux mille ans de
recherche en philosophie n’ont toujours pas donné de résultats satisfaisants. Si la
philosophie n’a offert jusqu’à maintenant aucune théorie morale satisfaisante, c’est
peut-être qu’il ne peut y en avoir. En réalité, nous pensons que l’éthique ne peut se
résumer à des théories sur ce qui est bon ou mal, ou sur l’origine du bien et du mal, ou
sur ce qu’il faut faire pour être heureux, car comme le dit Wittgenstein, « l’éthique ne
peut être une science »
4
. Et si la philosophie première est bien une éthique, comme nous
l’affirmerons à la fin de ce travail, c’est qu’elle n’est pas une science, qu’elle ne traite
pas de connaissance, qu’elle ne conduit donc pas à un savoir. Comment comptons-nous
résoudre le problème éthique, si ce n’est pas par une nouvelle théorie ? En reprenant
l’idée de Wittgenstein
5
: c’est en faisant « disparaître » le problème que nous le
résoudrons. Les théoriciens moraux se sont toujours attelés à tenter de trouver des
solutions au problème éthique, sans même se demander la cause de ce problème. Ce
problème leur semblait légitime et sa résolution pressante, vu qu’il s’agit du problème
le plus important. Mais au lieu de se demander ce qui faisait de ce problème le
problème le plus important, au lieu de chercher à comprendre l’origine de ce problème,
ils l’ont tourné et retourné dans tous les sens pour essayer d’en tirer quelques clefs.
Nous pensons que les clefs ne se trouvent pas dans le problème lui-même, mais à son
origine. Trouver l’origine du problème, sa cause, sa source, nous permettra bien plus de
le comprendre, et par suite de le résoudre. D’où provient le problème éthique ?
Pourquoi nous posons-nous des questions morales ? Qu’est-ce qui rend possible ces
questions ? Voilà par quoi nous devons commencer notre enquête.
4
L. Wittgenstein, Conférence sur l’éthique, op. cit. p. 155
5
L. Wittgenstein, Carnets 1914 1916, op. cit. p.141
(Cf. aussi Tractatus Logico-philosophicus, 6.521)
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