I N T R O D U C T I O N
« Tout art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix,
tendent vers quelque bien, à ce qu’il semble. Aussi a-t-on déclaré avec raison que le
Bien est ce à quoi toutes choses tendent »
. Aristote affirme, dans son Ethique à
Nicomaque, qu’il y a un souverain bien vers lequel toutes choses tendent. Wittgenstein,
reprenant la définition que Moore donne dans ses Principia Ethica, fait de l’éthique
« l’investigation générale de ce qui est bien »
. L’éthique s’occuperait donc de ce à quoi
toutes choses tendent, l’éthique traiterait de la fin dernière de toutes les occupations
humaines. C’est ce que nous affirmons en posant que le problème éthique est le
problème le plus important.
Que signifie cette affirmation ? Par problème éthique, ou question éthique, nous
entendons principalement la question du « bien vivre » (et c’est en ce sens que nous
pouvons aussi parler, à la suite de Wittgenstein, d’ « esthétique »
). En effet, il nous
semble que le problème éthique peut se résumer à ces questions : Quelle vie vaut d’être
vécue ? Que dois-je faire pour remplir mon existence ? Comment être heureux ? etc.
Même les questions se rapportant à la nature ou à l’origine du bien, comme les
questions sur les normes et les devoirs moraux se rapportent au problème du « bien
vivre », car elles prétendent nous donner des repères pour guider nos actions, c'est-à-
dire pour vivre d’une certaine manière. Quand nous parlons du « bien vivre », nous
utilisons une formulation intentionnellement floue, qui finalement peut être interprétée
de différentes manières, bien qu’au fond chacun sache pertinemment de quoi nous
voulons parler. Elle fait partie de ces interrogations que tout le monde se pose à un
certain moment ou tout au long de sa vie, sans comprendre véritablement ce qu’elle
signifie vraiment, mais tout en ayant conscience de son poids. Les questions qui en
découlent le plus souvent sont celles que nous avons exposées à l’instant, mais le
problème du bien vivre se traduit dans bien d’autres questions et soucis quotidiens, et
occupe une place que nous soupçonnons à peine dans toutes nos actions, pensées, et
Aristote, Ethique à Nicomaque, trad. J. Tricot, Vrin, Paris 1990, p.31
Wittgenstein, Conférence sur l’éthique, in Leçons et Conversations, Gallimard, Paris 1992, p.143
L. Wittgenstein, Carnets 1914 – 1916, Gallimard, Paris, 1993, p.146
(Cf aussi Tractatus Logico-philosophicus, 6.421)