Le droit comme facteur d’intégration régionale
- Quelques concepts, idées et réflexions sur le
modèle institutionnel requis à la limière du
modèle européen
Par Paulo Canelas de Castro
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*
I
INTRODUCTION
- MONDIALISATION ET RÉGIONALISATION
A. Considérations générales et concepts fondamentaux
L'économie internationale et la société internationale out suivi deux modes fondamentaux
d'organisation depuis, essentiellement, la deuxième moitie du siècle XX : la voie multilatérale et
la voie régionale. Des fois concurrents, ces modes d’organisation out plutôt été complémentaires.
Aujourd'hui, depuis la fin des années 90, avec l'intégration des pays de l'ancien bloc communiste
dans l' économie occidentale et leur entrée dans les organes du système économique international
aussi bien que celle de la grande Chine, l' économie mondia1e apparaît plus unifiée que jamais.
La transformation de l’ancien GATT en OMC avec la juridicisation institutionnelle poussée y
contribue puissamment. Presque paradoxalement, pourtant, on assiste également à une montée
en puissance des blocs régionaux, groupements d’Etats plus cohérents et plus homogènes. Ceci
rend plus actuelle la question sur l’équilibre qui en sortira : mondialisation ou diversité
régionale? Vraisemblablement, la réponse ne sera pas univoque. En effet, si par rapport a
certains problèmes de la société internationale, l’on peut s’attendre a une réponse au niveau
mondial, voire global, il en est d'autres dont la solution sera procurée au niveau régional. En tout
cas, le plus intense rapprochement entre Etats que le nouvel ordre international issu des années
90 semble annoncer, se fait, fondamentalement, selon deux options : soit celle de la coopération
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*Professeur Associé à la Faculté de droit de l’Université de Macau, Chine.
inter-Etatique, soit sous celle de l’intégration. La coopération se caractérise par la mise en place
d'organisations ou procédures qui garantissent la collaboration des Etats dans la poursuite
d’objectifs communs, sur le socle du respect de principe des souverainetés nationales. Le mode
typique de prise de décisions est celui de 1'unanimité. Parmi les nombreux exemples de
coopération, on peut relever celui de l’ONU.
De son côté, le modèle d'intégration se caractérise par le fait que les Etats délèguent l'exercice de
quelques compétences au profit d'institutions seigneures d’une volon autonome, parfois
qualifiées de supranationales. Les décisions adoptées, propres a l’Organisation elle–même,
suivent dans certains cas, la règle de la majorité.
Les exemples d'intégration deviennent de plus en plus nombreux : en Europe, 1'Union
Européenne; en Afrique, 1'UEMOA (Union Monétaire Economique Afrique de 1'Ouest, qui est
composée du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Mali, de la Mauritanie, du Niger,
du Sénégal et de la Guinée) la SADC, l’OHADA; en Amérique latine, le Mercosur et le Pacte
andin (accord de Carthagène constitué par la Colombie, le Pérou, 1'Equateur, la Bolivie et le
Venezuela).
B. Caractères des intégrations
Il semble possible de relever quelques cinq traits communs parmi ces phénomènes divers
d’intégration régionale :
Premier caractère. Toute intégration constitue un processus évolutif, un phénomène d’habitude
associé au développement. En effet, la raison typique pour laquelle des Etats s’engagent sur
l’aventure de l’intégration réside dans l’ambition de promouvoir leur développement
économique. Ceci dit, cette poursuite du développement économique n’est guère exclusive
d’autres formes de dévelopment, comme le dévelopment social. Au contraire, le processus
d’intégration est pluridimensionnel ; la maturation de l’intégration européenne semble indiquer
qu’au développement économique suivent d’autres ambitions dont celle d’une intégration
politique.
Deuxième caractère. Toute forme de coopération simple est fondée sur le principe de l'égalité et
de l’autonomie des entités coopérantes. Ceci est vrai pour les trois éléments typiques des Etats,
soit la structure gouvernante, le peuple et le territoire. Leur identité propre est strictement
préservée. Par contre, dans les instances d'intégration, il n’est pas rare que des frontières
s’effacent du moins pour certains objectifs et que les ressortissants d’un Etat membre ou
autre soient traités indifféremment, toute discrimination étant dhabitude interdite. .
Troisième caractère. Dans tout phénomène d'intégration, il existe une certaine solidarité entre les
diverses composantes de l’espace intégré. Cette solidarité implique, d'une part, que toutes 1es
régions de 1'espace intégré bénéficient du tout de la croissance économique de l’espace dans son
ensemble. Elle implique également, d'autre part, qu'un effort particulier soit fait en faveur des
régions les plus défavorisées. D’habitude ce principe de solidarité poursuit cette répartition
équilibrée et harmonieuse des fruits et des résultats de l'intégration, d’abord par une politique
régionale. Celle-ci vise à mettre en valeur 1es régions 1es plus défavorisées. Ensuite, par la mise
en place d’organismes financiers publics chargés éventuellement de réa1iser des investissements
dans les régions moins développées.
Quatrième caractère Tout phénomène d'intégration implique nécessairement l'existence d'une
structure institutionnelle, puisque toute intégration implique un transfert de certaines
compétences à une entité nouvelle. Or, pour que ces compétences puissent être exercées, il faut
aussi que ces institutions disposent de moyens, d'instruments et de structures adéquats pour les
mettre en œuvre. Ces institutions sont d'autant plus nécessaires que, dans tout phénomène
d'intégration, il y a un conflit permanent entre des facteurs d'intégration et des facteurs de
désintégration, ces derniers constituant essentiellement des réflexes nationaux. Les institutions
seront dès lors nécessaires pour canaliser les facteurs de désintégration et pour mobiliser les
facteurs d'intégration.
Reconnaître le rôle de l’institutionnel signifie que l’on doit rechercher les conditions structurelles
et décisionnelles qui permettent à la dynamique de l'intégration de s'affirmer et de transcender les
points de vue nationaux.
Cinquième caractère. Toute intégration répond aussi à un souci d'identité et de projection. Si des
Etats s'engagent dans un processus d'intégration, c'est pour affirmer une identité commune.
Celle-ci, intérieure, est également la base vas la projection pour l’extérieur. Si des pays
européens, en 1952, avec la CECA, et en 1958, avec le traité CEE et le traité CEEA, se sont
engagés dans la voie de l'intégration, c'est d’abord parce qu'ils étaient conscients que, isolée leur
voix était inaudible ent que ce n'était qu’en se regroupant qu'ils pouvaient encore s'affirmer dans
le concert des nations et avoir leur place dans les grands dialogues mondiaux. Ceci est d’autant
plus vrai dans les circonstances présentes de plus et plus exigeantes, de la mondialisation.
Si tels sont les cinq caractères fondamentaux dans presque tous les processus d'intégration, il ne
faudrait pas réduire toutes les tentatives d'intégration à un schéma unique et uniforme. Les cinq
constantes celées doivent s’adapter au contexte politique, économique et social des pays qui
s'intègrent. Tout processus d'intégration doit dès lors être approprié au cadre géopolitique,
culturel, historique dans lequel il est et refléter les réalités et les tendances régionales qui sont
les siennes et ce, sous peine d'échec ou paralysie.
II
LA FONCTION DU DROIT DANS UN PHENOMENE
D’INTEGRATION
A. Garantir a base l'intégration économique
La fonction essentielle du droit dans un phénomène d'intégration est de faire entrer celui-ci dans
une formule juridique adéquate suffisamment précise pour en assurer le fonctionnement.
L'intégration économique se caractérise par la création d'un espace économique d'une part les
biens, les personnes, les services et les capitaux peuvent librement circuler, et où, d'autre part,
des politiques communes ou coordonnées sont mises en place.
Il apparaît difficile que la réalisation de cette intégration économique se réalise dans le cadre d'un
espace juridique diversifié. Sans doute le degré d'intégration juridique va-t-il varier suivant
l'intensité de l'intégration économique. Il est évident que le contenu du droit de l'intégration est
fonction du modèle d'intégration et des développements virtuels mais surtout réels que ce modèle
connaît au t-il des années. A un modèle d'intégration approfondi correspondra un système de
normes juridiques aussi poussé que nécessaire. Il n'est pas douteux que, dans le cadre d'une
union douanière, on pût se contenter d'une harmonisation des droits qui n'ait pas la même
ampleur que dans une union économique.
Cette nécessité d'une intégration juridique est affirmée dans plusieurs traités d'intégration.
En Europe, dans le traité CEE, signé en 1958, on trouve, à l'article 3, que pour réaliser les
objectifs de 1'intégration économique, il faut notamment «assurer le rapprochement des
législations nationales dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché commun».
Par la suite, cette exigence du rapprochement des droits a été renforcée par des procédures et des
mécanismes nouveaux dans l' Acte Unique Européen et dans le Traité de Maastricht. En Afrique,
le Traité de 1'UEMOA figure dans le préambule que les Etats membres affirment «la nécessité
de favoriser le développement économique et social grâce à 1'harmonisation de leur législation».
En Amérique latine, ou retirade l' accord de Carthagène modifié par l' accord de Trujillo, du 10
mars 1996, dans lequel on peut lire, parmi les objectifs de 1'intégration: «1'harmonisation des
législations nationales dans les matières pertinentes».
B. L'intégration juridique, élément moteur de l'intégration économique
L'harmonisation du droit est non seulement une condition pour la réussite d'un phénomène
d'intégration mais elle peut aussi être un élément moteur d'une intégration et ce, à un double titre.
D' abord, parce que le droit harmoniser peut constituer un élément de rapprochement des
peuples. En harmonisant les législations, on crée les conditions polir 1'établissement d'une
appartenance commune, d'une citoyenneté commune. Or, tout phénomène d'intégration suppose
la connaissance réciproque et la compréhension mutuelle des hommes. Le droit, qui est par
excellence une discipline sociale, peut être à cet égard un instrument précieux. Mais le droit peut
être, à un deuxième titre, un facteur d'intégration. Il peut dans certains cas faciliter 1'intégration,
la devancer, voire la féconder. Il est certain que si, dans le domaine des entreprises, on a réalisé
une harmonisation des législations en matière de droit des sociétés, on a créé ainsi les conditions
indispensables pour développer des relations commerciales et économiques et ouvrir la vraie à
un rapprochement des économies.
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