L’Economie et la gestion de la connaissance, Nouvelles bases de la compétitivité :
Définitions et enjeux
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion Université de Biskra
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L’Economie et la gestion de la connaissance,
Nouvelles bases de la compétitivité :
Définitions et enjeux ?
Abdelkader DJEFLAT
Université de Lille 1, Labo. CLERSE/CNRS
Président du CSI Réseau MAGHTECH
INTRODUCTION
Des mutations profondes de l’économie sont en cours dans le monde qui marquent
d’une manière incontournable te irréversible le passage à une nouvelle ère de l’immatériel.
L’investissement dans le savoir dépasse ainsi celui de l’équipement
1
. Les ressources investies
dans la production et à la diffusion des connaissances (recherche et développement, éducation,
formation) ainsi que dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont
en augmentation constante. Une économie fondée sur la connaissance (EFC)
2
prend
progressivement place d’une manière inexorable même si elle est parfois objet de plusieurs
interrogations et questions non résolues. Toutes les connaissances produites et utilisées dans les
différentes activités de l’économie, connaissances technologiques, organisationnelles et des
marché sont concernées.
Cette économie repose en grande partie sur l’information qui est différente de la
connaissance en ce sens qu’elle constitue une donnée interprétée, une mise en relation
différentes données pour obtenir un fait, une succession de messages et existe indépendamment
des individus. La connaissance et l’information constituent désormais les principales sources de
la productivité, de croissance et de compétitivité, même elles ont toujours joué ce rôle à des
degrés divers par le passé. Toutefois, les modes de production et de diffusion des connaissances
évoluent au cours du temps et de nombreux arguments plaident en faveur d’un changement
dans la nature tant quantitative que qualitative de la relation entre connaissance et
développement économique. Ce qui est nouveau, c’est la diffusion massive des technologies de
l’information à l’ensemble du monde économique et social, et, plus encore, l’importance
déterminante de l’éducation, de la formation, de l’innovation dans la croissance des économies
et leur compétitivité dans une économie mondialisée la concurrence s’intensifie.
L’économie de la connaissance se caractérise par une accélération du rythme des innovations,
par une production de savoir de plus en plus collective et par une croissance massive des
externalités notamment une croissance des NTIC.
Au plan de l’entreprise, Les compétences, les savoirs sont aujourd’hui des révélateurs
d’une identité de la firme l’organisation taylorienne est remplacée progressivement par des
nouveaux leviers tels la relation client, le système d’information, l’intelligence économique, la
qualité, l’apparition de nouveaux métiers dans l’entreprise (achats, marketing, etc.).
L’entreprise se réorganise sans cesse par rapport à son environnement pur répondre aux
nouveaux défis économiques. La « gestion des connaissances » est une tentative de relier les
visions classiques des métiers de base avec de nouvelles exigences. Elle tente de faire
fonctionner, dans des processus cohérents, les connaissances qui sont les ressources essentielles
1
Dans les économies les plus avancées, l’investissement dans le savoir et la connaissance se traduit par
l’investissement dans l’équipement (8% du PIB est investi dans le savoir et 8% dans l’équipement) :
2
que l’on ne doit pas confondre avec l’économie de l’innovation, de l’information.
Colloque international sur: l'économie de la connaissance Djeflat Abdelkader
Novembre 2005
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de la production de biens et de services et celles qui sont issues de l’environnement
économique et concurrentiel. La cohérence s’organise autour du patrimoine de connaissances
de l’entreprise auquel tous les processus clés doivent contribuer, et à travers duquel ils
coopèrent
Confrontées à l’intensification et à la diversification de toutes les formes de
concurrence, l’ entreprises voit dans « gestion des connaissances » ou « Knowledge
Management » un moyen de gérer au mieux son capital intellectuel et de lui conférer donner un
avantage compétitif important. En effet, Le Knowledge Management permet à l’entreprise de
mieux appréhender ses forces et ses faiblesses. Permettant d’obtenir une vision d’ensemble des
compétences et des savoir-faire de l’entreprise, la gestion des connaissances est susceptible
d’être utilisée à tous les niveaux de l’entreprise. La connaissance est devenue à la fois un
support et un facteur important du changement organisationnel dans l’entreprise.
Face à ces mutations, les économies maghrébines et les entreprises ne sauraient rester
insensibles. Elle y sont contraintes non seulement par l’ouverture aménagée par les divers
accords (OMC, Zône de libre échange etc.) mais également par les performances macro et
micro-économiques bien en d&ça de ce leur potentiel leurs permet d’avoir. Dans ce papier,
nous essayerons d’élucider les nouveaux concepts d’économie de la connaissances et de
knowledge management face à la notion de compétitivité C’est ainsi qu’après un bref rappel
des concepts d’information, de connaissance, de compétence, il sera question de présenter la
nouvelle économie fondée sur la connaissance. On montrera que le Knowledge Management
s’est imposé comme une nouvelle approche pour la gestion de l’entreprise. Pour le justifier, on
pourra décrire les démarches de Knowledge Management ainsi que les indicateurs, les outils
mis à la disposition de ce nouveau concept. Dans une seconde partie nous tenterons de cerner
les enjeux qui se posent au économies et aux entreprises maghrébines face à cet environnement
de plus en plus concurrentiel.
CHAPITRE I. LA CONNAISSANCE : NOUVEL ACTIF
Il est maintenant largement admis que la connaissance est une ressource particulière,
un actif productif d’un nouveau genre en dépit de son existence séculaire, un gisement de
création de richesse qui se traduit par de la croissance et du développement au plan macro-
économique et de la profitabilité au niveau de l’entreprise.
1.1. Quelques définitions :
L’extraction des connaissances se fait à partir des informations recueillies, qui
émanent de données. données. On peut la concevoir une échelle croissante de valeur ajoutée,
figurent d’abord les données, puis les informations et ensuite la connaissance. (cf schéma
1) . Les données sont de toutes sortes structurées et non structurées ou semi structurées,.
Dosi souligne que toutes les économies que nous connaissons sont profondément
axées sur la connaissance. Elles l’étaient il y a un siècle et elles le sont encore aujourd’hui
(Dosi, 1996, 89).
La connaissance est basée sur une information assimilée et utilisée pour aboutir à une
action. Elle s’intègre dans le système personnel de représentation et activable selon une
finalité, une intention, un projet. Une ‘pulsion cognitive’ de l’homme. Elle « correspond à
l’ensemble structuré des informations assimilées et intégrées dans des cadres de référence qui
permet à l’entreprise de conduire ses activités et d’opérer dans un contexte spécifique en
mobilisant des interprétations différentes, partielles et contradictoires
3
.. La connaissance peut
donc changer de forme, d’une part, et créer de nouveaux savoirs, d’autre part. Elle joue un rôle
important dans la mesure où elle donne à son détenteur la capacité de sélectionner l’information
3
DURAND T., L’Alchimie de la Compétence, Revue Française de Gestion, N° 127, Janvier-Février 2000.
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Définitions et enjeux
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pertinente. La « connaissances » a trait au savoir objectivé, matérialisable et transportable sur
un support. Elle est donc quantifiable et négociables en tant qu'actif à part entière. Elles sont
donc parfaitement adéquates pour l'Economie-compétition et la rareté qui la constitue (la
raréfaction d'une connaissance est sanctionnée par sa brevetabilité ou son appropriation en tant
que propriété intellectuelle).
Le Savoir (knowledge) couvre des réalités quelque peu différentes
4
. Le « savoir », ou
plutôt « les savoirs », restent dans les sphères immatérielles et non-inscriptibles. On ne sait pas
tout ce que l'on sait. Savoirs et savoir-faire s'acquièrent par transmission, contagion,
fertilisation. Le « Savoir » est social et culturel. Si l'on s'en tient aux sens évoqués plus haut, on
pourrait dire que : Le « Savoir », du fait de son statut éthéré et immatériel, n'est pas un actif à
lui tout seul.
L’information : Information et connaissances ont des frontières bien distinctes.
L’analyse économique a longtemps assimilé la connaissance et l’information. L’information est
le processus de sélection, de traitement et d’interprétation des messages reçus alors que la
connaissance est basée sur une information assimilée et utilisée pour aboutir à une action.
Ainsi, l’information fait donc parti de la connaissance mais ne peut être assimilée à elle. K.
ARROW
5
, qui est à l’origine d’une première conception économique de la connaissance,
assimile la notion économique de la connaissance avec celle de linformation. Il définit trois
propriétés de la connaissance comme bien économique tant dans son usage que dans sa
production : elle difficilement contrôlable pouvant être diffusée utilisée par des agents qui n’ont
pas forcément assuré la production, et donc génératrice d’externalités positives. Elle est un
bien non rival c'est-à-dire elle ne se détruit pas au fur et à mesure qu’on l’utilise et son prix ne
peut pas être fixé par rapport à d’autres biens. Enfin, elle est cumulative. En effet, la production
de savoirs nouveaux est la conséquence immédiate des savoirs déjà existants. En conséquence,
la reproduction de la connaissance et la reproduction de l’information sont des phénomènes
biens différents : quand la reproduction d’information ne coûte que le prix de la copie (une
simple photocopieuse permet de reproduire une information), la reproduction de la
connaissance coûte beaucoup plus, puisque ce qui doit être reproduit est une capacité cognitive,
difficile à expliciter et à transférer d’un individu à un autre « on sait plus qu’on ne peut dire »,(
polayni, 1996). D. Foray
6
souligne l’apport essentiel de F. Machlup
7
, qui a intégré dans
l’économie de la connaissance l’analyse des secteurs et des industries d’information, l’examen
des activités de production de nouvelles connaissances et l’étude des mécanismes d’acquisition
et de transfert des savoirs. La connaissance renvoie à la capacité qu’elle donne à engendrer,
extrapoler et inférer de nouvelles connaissances et informations. En ce sens, elle est
fondamentalement une disposition d’apprentissage et une aptitude cognitive et est intimement
liée au processus d’apprentissage, d’éducation, de recherche et d’utilisation des compétences
alors que l’information demeure un ensemble de données formatées et structurées, d’une
certaine façon inactives, ne pouvant pas par elle-même engendre de nouvelles informations.
Machlup (1980) a décrit l’économie comme une économie d’information à distinguer d’une
économie fondée sur la connaissance. La diffusion de la connaissance ou même un changement
d’état de cette connaissance implique quelque chose de coûteux et de plus complexe. Nonaka
8
considère que l’information est un flux de messages alors que la connaissance est crée et
organisée par un flux d’informations codées. On comprend, donc, que la reproduction de la
4
Si Les anglo-saxons ont résolu la question. Ils ont un seul et unique mot, « Knowledge », en langue
française, les choses diffèrent.
5
ARROW KJ., Théorie de l’information et des organisations, Dunod, Théories économiques, Paris,
2000, 292 p.
6
FORAY D., L'économie de la connaissance, La Découverte, Repère, Paris, 2000, 124 p.
7
MACHLUP F., Knowledge, its creation, distribution and economic significance, vol. III, Princeton
University Press, Princeton, 1984.
8
IKUJIRO, NONAKA, A Dynamic Theory of Organizational Knowledge Creation, Organization
Science, Vol 5, No. 1, Février 1994, p 14-37.
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connaissance et celle de l’information sont deux phénomènes bien différents. L’information
accentue la culture de réseaux en ouvrant des possibilités de maillage avec des sources
lointaines d’information et d’expertise en temps réel. On peut ainsi accéder de la même façon
aux avancées les plus récentes de la science et aux connaissances de base. Mais l’accès à
l’information a un double coût, culturel (tout le monde n’a pas les connaissances pour accéder
aux nouvelles technologies) et financier (lié aux investissements futurs et à l’accès aux
réseaux). De plus, c’est la distinction entre la connaissance et l’information qui conduit à
différencier les différentes formes de connaissances : connaissance explicite / connaissance
tacite.
1.2. Connaissances tacites et connaissances codifiées.
La connaissance et les qualifications acquise par les individus sont pour l’essentiel plutôt
tacites que codifiés et donc plus la connaissance est tacite, plus elle est difficile de la
transmettre et de la partager. Comme le note Foray
9
, « Traditionnellement, les connaissances et
les savoir ont une dimension tacite importante qui rend les opérations de recherche et accès,
transport, stockage, échange et transaction difficiles parfois même impossible à réaliser ».
Elle n’est pas formalisée et difficilement transmissible. L’échange, la diffusion et
l’apprentissage de connaissances tacites supposent la mobilité et la démonstration volontaire
des personnes qui les détiennent. Le stockage et la mémorisation des connaissances tacites sont
conditionnés par le renouvellement de génération en génération des personnes qui détiennent
ces connaissances. Les connaissances tacites ne peuvent être ni classées ni répertoriées
systématiquement. On retrouve cette distinction au niveau de l’entreprise (Ikujiro Nonaka et
Irokata Takeuchi)
10
. La connaissance tacite est la plus importante non seulement parce qu’elle
initie un processus de création de nouvelles connaissances mais aussi parce qu’elle est, par son
lien étroit avec l’action, au cœur du processus d’innovation. Ce type de connaissance possède
deux dimensions : 1/ Une dimension technique : elle concerne le savoir-faire, la pratique. Il
s’agit de l’expérience et de l’expertise acquises sans forcément connaître les théories sous-
tendues. 2/ Une dimension cognitive : elle concerne les connaissances permettant de mettre en
action des objets. Il s’agit des modèles mentaux, des croyances et des perceptions. Au niveau
de l’entreprise, la connaissance d’une entreprise est essentiellement détenue par les membres
qui la composent, elle apparaît comme étant la plus importante. En effet, 85 % à 90% de la
connaissance est présente sous forme tacite dans une entreprise car elle est « enfermée dans la
tête » de chaque personne présente dans l’organisation. Selon Nonaka et Takeuchi, les
connaissances explicites sont moins susceptibles d’aboutir à des innovations majeures que les
connaissances tacites car ces dernières sont le fruit d’expériences et de savoir-faire
difficilement formalisables.
Contrairement à la première forme, la connaissance explicite se définit comme étant
la connaissance formalisée et transmissible sous forme de documents réutilisables. Autrement
dit, il s’agit de tous les documents qui peuvent être collectés et /ou scannés d’une part et
partagés par un système d’information d’autre part. Ceux-ci se retrouvent dans l’entreprise sous
la forme d’études, d’email, de rapports, de journaux ou encore de questionnaire de satisfaction
clients. Ces deux formes de connaissances possèdent des caractéristiques qui leur sont propres
et il convient pour mieux les appréhender de les répertoriées (schéma n°1). Les travaux de
Nonaka et Takeuchi
11
décrivent les processus de création de la connaissance et émettent
l’hypothèse qu’elle est créée à partir des différentes interactions possibles entre connaissances
tacites et connaissances explicites.
9
Foray D. (2000) op. cit.
10
NONAKA I., TAKEUCHI H., The knowledge-Creating Company : How Japanese companies create
the dynamics of innovation, Oxford University Press, Oxford, 1995.
11
NONAKA I., TAKEUCHI H., The knowledge-Creating Company : How Japanese companies create
the dynamics of innovation, Oxford University Press, Oxford, 1995.
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Définitions et enjeux
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Schéma n° 2 : Les deux catégories de connaissances de l’entreprise
Savoir de l’entreprise
Connaissances explicites
Savoir-faire de l’entreprise
Connaissances tacites
Formalisées et spécialisées
Explicitables ou non adaptatives
Données, procédures, modèles, algorithmes,
Documents d’analyse et de synthèse, plans…
Connaissances des contextes décisionnels
Talents, habiletés, tours de main, « secrets de
métiers », « routines »,…
Hétérogènes, incomplètes ou redondantes,
Fortement marquées par les circonstances de leur
création.
N’expriment pas le non-dit de ceux qui les ont
formalisées.
Acquises par la pratique
Souvent transmises par apprentissage collectif
implicite ou selon une logique « maître-apprenti »
Réparties
Localisées
Grundstein
12
M., La Capitalisation des Connaissances de l'Entreprise, 1995.
La connaissance tacite peut être codifiée, c’est-à-dire explicitée et articulée de façon que l’on
puisse la partager, la diffuser. Le rôle des ordinateurs est primordial dans la codification des
connaissances. Ceux-ci transforment une masse croissante de connaissances en information et
la rendent donc immédiatement accessible à de plus en plus de gens. En conséquence, les TIC
jouent un rôle primordial dans le processus de codification des connaissances. La codification
peut ainsi multiplier la création d’externalités positives succeptible d’accroître la capacité de
production de richesse d’une économie. Par ailleurs, la connaissance codifiée accroît sa
capacité à être échangée et de ce fait approfondit le phénomène de marché.
1.3. Le processus de création de la connaissance : Le processus de création de la
connaissance se joue dans les différentes circulations entre l'individu et le collectif, entre savoir
tacite et savoir explicite ainsi que l'illustre le schéma n° 2.
Schéma n° 3 : Le processus de création de la connaissance
12
GRUNDSTEIN M., La Capitalisation des Connaissances de l'Entreprise, Système de Production de
Connaissances, Congrés de l'Entreprise Apprenante et les Sciences de la Complexité, Aix en
Provence, 22-24 Mai 1995.
Connaissances
de
L’entreprise
1 / 19 100%
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